723 de la 28ème et Troisième Avenue. M. et Mme Mayer. Je ne sais même pas ce que je vais leur dire, ni comment ils vont réagir. Je me vois bien arriver et leur lancer « Oh votre fils est à l'hosto on lui a tiré dessus mais parents indignent comme vous êtes vous devez vous en foutre royalement ». Non Bosco, garde ton calme. Sérieusement je ne sais pas comment ils vont le prendre, surtout qu'ils laissent leur fils vagabonder seul dans cette jungle. Vous en pensez quoi vous ? Si je sonne et que le père ouvre la porte je dois le massacrer immédiatement ou lui laisser le temps de la réaction ? Vous pourriez laisser votre enfant seul vous ? Parmi tous ces junkies, ces bandes… ? Faut vraiment pas être net, je vous le dis !

723… Oui c'est bien là ! Super baraque ! Et dire que moi j'ai du mal à boucler mes fins de mois ! Je traverse le jardin ! Imaginez une superbe maison faite de pierres blanches, avec une immense véranda et juste devant la porte d'entrée gigantesque, un pallier pouvant accueillir au moins 130 personnes ! Et tout ça dans le centre de New York, c'est inconcevable, je ne me suis pourtant pas tromper d'adresse, si ? Bon vous venez avec moi je vais aller sonner, on verra bien. Mais si ceux sont vraiment eux les parents d'Eric alors là je n'y comprend plus rien.

Aller un bon souffle et hop c'est parti. Super discrète la sonnette dites-moi ! Ca réveillerait un mort. Personne ? Et vous avez vu ce jardin avec ces cerisiers du Japon ? Incroyable ! Et dire que mon appartement ne fait pas plus de 50 mètres carrés, bon ok comparés à certains j'ai de la chance mais quand même !

Gouvernante : Bonjour monsieur je peux faire quelque chose pour vous ?

Oh la salo elle m'a fait peur je ne l'ai pas entendu arriver ! Et après on s'étonne que les flics meurent jeunes mais si on nous fait ça à chaque fois, c'est normal que l'on fasse des crises cardiaques !

Bosco : Officier Boscorelli, est-ce que M et Mme Mayer sont là ?
Gouvernante : La police ? Entrez je vous en prie

Très charmante cette p'tite dame brune d'un mètre cinquante ! Yes ! Je ne suis pas le plus petit.

Gouvernante : Patientez ici, je vais Monsieur.

Ben ouais, j'ai pas trop le choix, elle se dirige vers la droite ! Waou vous verriez ça, monumental. Tout le sol est lustré d'une faïence blanche rosée et… Waou ! L'escalier magistral du milieu ! Je rêve, c'est ça je rêve ! Sur la gauche il y a une espèce de pièce qui donne sur la véranda, on dirait un salon, ah oui pas de doute, avec canapé, télé, bibliothèque et… plafond en verre ! Des miroirs, le plafond est orné de miroirs ! Ils sont fous.

Homme : Officier Boscorelli !

Oh le c ! Je sursaute et je me retourne ! Lui aussi il m'a fait peur avec sa voix baroque ! Ouais, ben moi je vous dis heureusement que la gouvernante est là pour me faire sentir grand, parce que lorsque vous vous retrouvez devant un mec en costard déjà vous paraissez ridicule, amis quand, en plus, cet homme fait au bas mot 1m95 (de muscles) … Il me tend la main, une grosse main !

Homme : Bonjour, Conrad Mayer

Je lui souris, me présente puis lui serre la main… Aïe, aïe, aïe ! C'est qu'il en a de la poigne.

Conrad : Que puis-je faire pour vous ?

M'amener un tabouret pour que je puisse voir le haut de son crâne ça serait bien !

Bosco : Y'a-t-il un endroit où l'on puisse discuter
Conrad : je manque à mes devoirs de civilités excusez-moi ! Par ici

Il me fait signe de le suivre et on va dans le salon.

Conrad : Miss Bramischtecker !

Bram… quoi ? C'est quoi ce nom, ils auraient dû en inventer encore plus long et surtout plus imprononçable. Et la petite dame arrive en trottinant, enfin celle qui doit servir de gouvernante, celle qui m'a ouvert la porte.

Gouvernante : Monsieur ?
Conrad : Vous boirez bien quelque chose
Bosco : Oh je…
Conrad : Deux scotchs !
Gouvernante : Tout de suite monsieur

Et me voilà partit à boire en service ! Bof, de toute manière vu les galères dans lesquelles je me trouve…

Conrad : Miss Bramischtecker est notre gouvernante !

Je n'aurai jamais deviné. Il est cool ce type !

Conrad : Très serviable

Miss, vous l'avez entendu ? Comment qu'il parle lui, non mais les Lord et les Miss c'est dépassé tout ça. Là je dois vous avouez que je suis mais alors très très mal à l'aise.

Bosco : Votre fils… Eric… On lui a tiré dessus il y'a deux heures de cela, il est à l'hôpital de la Pitié. Je me suis dis que vous aimeriez être au courant, il est encore en salle d'op…d'opération je veux dire ; on ne sait pas grand-chose sur son état mais…
Conrad : Je n'ai pas de fils !

Ouch ! Alors là ça fait mal, en plus d'être idiot me voilà crétin.

Bosco : Vous n'avez pas de fils ?
Conrad : Non
Bosco : Eric Mayer, 14 ans environ, 1m 60, blond aux yeux bleus…
Conrad : N'insistez pas officier, je viens de vous dire que je n'avais pas de fils
Bosco Et est-ce que Mme Mayer…
Conrad : Mme Mayer est morte il y a 20 ans de cela !

Et vas-y Maurice, tu t'enfonces !

Bosco : Désolé
Conrad : Pourquoi ? Vous l'avez tué ?

De plus en plus chaleureux cet homme ! C'est sûr cette fois je me marie avec !

Bosco : Bien, désolé de vous avoir dérangé, on a certainement dû confondre avec quelqu'un d'autre
Conrad : Sûrement !

Je me lève du canapé, très confortable d'ailleurs, mais au moment de sortir de la pièce je vois une photo de M. Mayer avec sa femme et… un enfant, blond aux yeux bleus ; bien qu'il doive avoir trois ans dessus, je suis sûr qu'il s'agit d'Eric. J'ai eu le temps de le regarder dans l'ambulance, les mêmes fossettes, la même cicatrice à l'arcade sourcilière droite.

Bosco : Ca c'est qui ?
Conrad : Des gens qui ne vous intéressent pas.

Et très coopératif en plus. Peut-être est-ce sa maîtresse où je ne sais qui, bien que j'en doute car M. Mayer était bien plus jeune sur la photo, et cet enfant… Ah non ce n'est pas sa maîtresse, je n'avais pas vu avant mais le fond de la pièce est empli de photographies de la femme tenant Eric dans ses bras ; des photos d'elle partout, jeune puis plus veille, mais aucune d'Eric.

Bosco : C'était votre femme
Conrad : J'ai à faire, veuillez vous en aller je vous prie
Bosco : Et là c'est Eric n'est-ce pas ?
Conrad : Je ne connais pas d'Eric

Ah ! Mon cul oui ! Mais qu'est-ce qu'il peut être borné. Et puis tiens là revoilà elle, la gouvernante qui trottine avec son plateau et les deux verres de scotch dessus.

Bosco : C'est bien votre fils là !

Indubitablement, incontestablement oui ! C'est son fils, les mêmes yeux et la même bouche que le père ; les cheveux et le visage de la mère.

Conrad : Je vais finir par appeler la police si vous refusez de …
Bosco : Mais c'est moi la police, vous êtes qui d'abord pour oser prétendre ne pas avoir de fils alors que ce dernier traîne dans les rues pendant que vous vivez la vie de château ? Je viens vous voir ici en vous disant qu'il s'est fait tirer dessus et qu'il a besoin de son père et vous le reniez ? Mais quel genre d'homme êtes vous donc ?
Conrad : Vous commencez à m'énerver !
Bosco : Vous avez vu l'endroit dans lequel vous vivez ? Vous savez à quoi ça ressemble la vie dans la rue? Hein ? A traîner avec des dealers, des macs, pour pouvoir survivre, vivre dans la peur et ne pas savoir si on sera encore envie pour apprécier le jour suivant.
Conrad : Mais qui êtes-vous pour vous permettre de me faire la morale ?
Bosco : Et vous, vous êtes qui ?

La porte se ferme, et moi je me retrouve sur le palier, les fesses écrasées contre le sol. J'ai ma réponse, ce type est champion de karaté ou un truc dans le genre, mieux vaut ne pas l'énerver. Aïe ! Mes fesses ! Je suis sûr que je ne vais plus pouvoir m'asseoir avant un bon petit moment. Je me relève de toute manière je ne peux pas faire autre chose. Comment je fais maintenant ? Y'a un môme à l'hosto qui est tout seul pendant que son père le renie ! Merde je suis pas assistante sociale moi. Je dois aller voir Faith ; elle est toujours de bon conseil. J'espère simplement qu'elle acceptera de me parler. Vous feriez quoi vous ? Je dois aller la voir… Là j'y vais ! Je croise les doigts en souhaitant juste qu'elle ne se soit pas mise au karaté !