Chapitre 10

Je regarde les ambulanciers transporter les corps inertes de Manny, Faith et Bosco, prononçant des termes incompréhensibles, puis voit Ty ; l'air choqué. Chacun des brancards est différé dans une pièce différente, tandis que Swersky arrive en boitant et met une main devant sa bouche. J'entends le Dr Fields crier après Miller, qui se précipite vers la trauma où Faith vient d'être dirigée.

Dr Fields : Vous ne pouvez pas y aller
Miller : Qu'est-ce qu'elle a ? Laissez moi
Swersky : Lieutenant, calmez vous
Miller : Mais…
Swersky : Y'a pas de « mais »

Il le pousse, le Dr Fields et quelques agents tentent de le maîtriser, puis le ramènent à sa chambre. Il tourne une dernière fois sa tête vers Faith, cette femme pour qui il donnerait sa vie, avec qui il se voit vieillir, sans qui il ne pourrait plus vivre. Depuis 4 ans qu'ils sont ensemble, avant qu'elle ne soit transférée dans son unité, il n'avait pu imaginer un bonheur aussi immense. Son divorce d'avec sa femme l'avait complètement brisé, et il était devenu un homme cynique, froid, distant… avant qu'elle n'apparaisse. Il l'avait croisé au 55ème, avait travaillé peu de temps avec elle et jamais il n'aurait pensé que cette femme aurait pu agir ainsi sur lui de la sorte. Ils avaient emménagé voilà à peine six mois ensemble, et tout allait pour le mieux, même s'il la trouvait parfois distante, et souvent il s'était posé la question de savoir si quelqu'un d'autre prenait une place importante dans sa vie. Mais chaque fois qu'il avait essayé d'aborder le sujet, elle s'était renfermée sur elle. Et il avait fini par se convaincre d'une paranoïa passagère de sa part. Mais la voir étendue, comme ça, du sang la recouvrant de part et d'autres, le rend fou.

Sully : Ca va Lieutenant ?
Swersky : Mieux qu'eux

Je regarde les trois salles rapprochées, où gisent les corps de trois des notre, les équipes médicales s'afférant autour d'eux. Je vois Hooker, le chef de la police, entrer dans ce lieu de mort.

Hooker : Des nouvelles ?
Swersky : Je crois n'avoir jamais encore assisté à quelque chose pareille.
Hooker : le Lieutenant Sanchez est décédé
Swersky : Seigneur.
Hooker : Vous n'avez pas l'air en très grande forme

Je regarde Swersky pour la première fois depuis cette explosion, et voit ses bars bandés, sans doute à cause de brûlures.

Ty : Je vais voir Finney et Sacha, je reviens

Il s'éloigne et à sa démarche, je peux dire qu'il est horrifié de la situation, tandis que la télé nous fait part de nouvelles victimes, ces vautours de journalistes se délectant de ce genre de tragédie.

Hooker : Leroy Mann, c'est ça ?
Sully : Je l'ai vu, il était là, c'est lui qui a causé tout ça
Swersky : Il était là ?
Sully : Je l'ai vu appuyer sur le détonateur.
Hooker : Ca n'a aucun sens, il a tué son meilleur ami dans cette explosion
Swersky : Si comme je pense ce gars est aussi taré que son oncle, ça ne m'étonne guère. Il faut retrouver ce salopard. En moins de trois heures, il a mis à sac la moitié de la ville, fait exploser deux commissariats et tué plus de 130 flics. Et mes anciens hommes… Davis, Finney, où vont-ils être affecté, hein ? A peine je reprends du service que tout se déroule de travers
Hooker : Lieutenant, ce n'est en rien votre faute
Swersky : À une époque, j'aurais prévu ce genre de chose, je ne les aurais pas laissé entrer. Sans parler que ce mec va tenter de nouveau quelque chose s'il sait qu'on en a réchappé.
Hooker : Je vais vous réaffecter.
Sully : Si chacun se trouve à un bout de la ville, ça va être dur de coincer ce gars. Et si c'est pour transformer la ville en champ de bataille…

Mais je vois Hooker s'éloigner, et je sens cette rage me tenailler de part en part. Swersky se dirige vers la trauma 3 où Manny a reprit conscience, tandis que l'état de Faith et Bosco est toujours critique.
Bizarrement je ne me sens en rien tranquille, instinct de flic sans doute. Et je ne sais pas pourquoi, mais je me doute que cette nouvelle heure se passe sans incident.

Ty entre voir Finney et Sacha, mis dans une pièce à part. Il se dirige vers Sacha et la prend dans ses bras puis l'embrasse.

Ty : Ca va Brendan ?
Finney : Quelques coupures et quelques brûlures, rien de bien méchant
Sacha : J'ai eu peur lorsque je ne t'ai pas trouvé tout de suite

Ty la regarde d'un air rageur et emplit d'émotions.

Sacha : je t'aime Ty
Ty : Hé ! Tu me fais quoi là ? On va trouver ce salopard et on va le boucler, point barre !

Il la sent se blottir entre ses bras et pose sa tête sur la sienne.

Ty : Personne ne te fera de mal, tu m'entends ?
Sacha : des nouvelles de tes hommes ?

Ty baisse la tête négativement.

Ty : J'ai été voir le Dr Dickinson, il travaillait à l'Hôpital du Salut avant, il vient d'être affecté ici y'a deux jours. Il a prit en charge une partie des gars évacués, mais aucun n'a survécu. Il me reste en tout et pour tout quatre hommes qui n'étaient pas encore rentrés au commissariat, j'avais réunis tout le monde mais…
Sacha : Calme toi. Il veut nous faire la peau ? Très bien, tout ça n'est qu'un jeu pour lui, alors jouons !

Finney sort discrètement de la pièce, puis se dirige vers le téléphone et compose un numéro.

Grace : Brendan ?
Finney : Chérie ?
Grace : Oh mon Dieu, j'ai cru que… J'ai vu aux infos…
Finney : Je vais bien, ma puce. Ecoutes moi, je veux que tu partes chez ma mère quelques temps avec Steeven.
Grace : Quoi ? Non, je veux rester avec toi.

Il l'entend sangloter

Finney : Il ne m'arrivera rien, je te le promets, je veux juste te savoir à l'abri, c'est tout
Grace : Brendan, en t'épousant je savais ce qui m'attendait, je vais envoyer Steeven chez ta mère quelques jours, mais je veux rester près de toi, tu m'entends ?
Finney : Hors de question, tu pars avec
Grace : Sergent…
Finney : Ne commence pas. Je me sentirais plus tranquille. Ne m'oblige pas à venir te passer les menottes
Grace (dans un petit rire) : Comme si ça serait la première fois.

Brendan rigole intérieurement en repensant à leur intimité, et à cette femme qui le comble jour après jour.

Grace (sérieusement) : Ty va bien ? Tes amis ? Les infos disent que deux commissariats ont explosé…
Finney : Ty n'est pas blessé, mais trois de mes anciens collègues…

Grace sent la voix de son mari se serrer.

Grace : Attrape ce type, mais fais attention s'il te plaît.
Brendan : Je t'aime ma puce
Grace : Moi aussi.
Brendan : Quitte la ville le plutôt possible
Grace : A condition que tu me fasses la promesse que cette conversation n'est pas un adieu
Brendan : Je ne te laisserais jamais, tu m'entends ?
Grace : Alors je pars dès ce soir
Brendan : Appelle moi dès que tu seras arrivée. Embrasses Steeven.
Grace : Ouais… Et Brendan ?
Finney : Oui ?
Grace : Je t'aime

Il sourit, elle lui disait environ une vingtaine de fois par jour mais jamais il ne s'en lassait.

Finney : Idem. Je dois te laisser

Il raccroche puis sent un nœud se former dans sa gorge. Il ne sait pas ce qui l'attend, se diriger vers l'inconnu…

Je regarde, affolé, Manny s'agiter dans tous les sens, puis le brancard de Faith être évacué en urgence vers la chirurgie.

Sully : Dr Hickman qu'est-ce qui se passe

Mais elle ne prend pas le temps de répondre, et je lis la peur sur son visage, tandis que des manœuvres de réanimation s'imputent au corps de Bosco, le Dr Wilson, nouveau dans le service, criant à tout va, et je vois Mary se charger du défibrillateur, puis Swersky fermer les yeux devant ce spectacle morbide.

Cimetière

Leroy Mann et un de ses acolytes sont penchés sur une tombe, puis Leroy sourit.

Leroy : Repose en paix salle garce ! Tes amis vont venir te rejoindre, tous autant qu'ils sont !

Sur ce, l'autre homme commence à casser la stèle, le nom de Maritza Cruz s'effaçant sous les coups.

Hôpital de la Pitié

Je regarde les médecins, les palettes dans les mains, attendant je ne sais quoi, le corps de Bosco ne répondant plus à leurs interventions. Je vois le Dr Hickman revenir, la blouse en sang, et Swersky l'accaparer.

Swersky : Alors ?

Miller arrive en furie vers eux, il ne tient pas en place non plus celui-là.

Dr Hickman : Elle a de multiples traumatismes dus à l'explosion, dont une hémorragie interne. Heureusement le cœur et les poumons fonctionnent bien, ils lui font passer un scanner en ce moment, elle souffre d'un traumatisme crânien assez sévère, elle a aussi de multiples brûlures au niveau des jambes, mais n'en gardera pas de séquelles. D'ici quelques minutes, le chirurgien s'occupera d'elle.
Miller : Mais ça va aller, hein ?
Dr Hickman : L'hémorragie a pu être stoppée, quand au reste, je suis vraiment désolée mais je ne peux pas me prononcer.

Et elle nous laisse, nous pauvres fous, qui essayons de mener une guerre contre un psychopathe intouchable et surtout introuvable. Je me sens mal à l'annonce du Dr Hickman, mais plus encore en réalisant l'étendue des dégâts, à entendre certains officiers parler derrière mon dos des pertes qui s'alourdissent, alors qu'il me jettent un regard accusateur. J'aperçois Ty au loin, avec Sacha, lui ayant perdu presque tous ses hommes. Je sais qu'il ne veut pas que sa femme soit près de lui, mais être flic ne s'invente pas, ce job nous l'avons tous dans la peau. Ce travail qui nous conduit à commettre des erreurs mais aussi à sauver des vies, à sourire comme à pleurer, à attendre et s'inquiéter.

Je vois Manny, inerte sur le brancard, le Médecin s'en occupant sortant de la salle.

Sully : Pour lui ?
Dr Dickinson : On va l'installer dans une des dernières chambres qu'il nous reste. Nous l'avons mis sous sédatifs, il n'a pas arrêté de proliférer le nom d'un certain Ruèz, son partenaire apparemment, et d'un certain Cruz. Il n'est pas trop mal en point compte tenu de la situation, mais je préfère le garder.
Ruèz, je ne sais même pas qui est ce gars, sans doute celui qui est venu nous rejoindre et est entré dans le commissariat avant que tout n'explose. Perdre son partenaire… Il n'y a rien de pire pour un flic. D'abord Bosco avec Digliani, puis Santiago.

Sully : Cruz ?

C'est alors que je réalise, peut-être Mann est-il allé au cimetière ou le Sergent est enterrée, elle avait toujours voulu être auprès de sa sœur, nous avons respecté ses vœux lors de son enterrement. Manny la connaissait bien, je les ai vu travailler souvent ensemble, et je pense qu'il avait plus de sentiments pour elle qu'un ami se doit d'avoir. Personne ne s'attendait à sa mort, quand Bosco est venu nous l'annoncer se fut un véritable choc. Personne n'a vraiment jamais su pourquoi elle avait fait ça, se sacrifier de la sorte, personne sauf peut-être Santiago. Je me tourne vers Swersky qui est déjà au téléphone

Swersky : J'ai appelé un ami au 43ème, il envoie des hommes là-bas. Et il va rechercher Mann.

Pourquoi mon instinct ne prédit-il rien de bon ? Je me retourne vers la pièce où se trouve toujours Bosco, Wilson entrain de le choquer pour la énième fois, cette scène si familière qui était restée gravée dans ma mémoire lorsque j'avais vu 6 ans auparavant un corps ensanglanté à peine reconnaissable passer devant moi.

Swersky se tient à côté de moi, et pour la première fois je ne peux dire ce qu'il pense, son regard est vide. J'entends Wilson crier, puis les palettes se reposer. Mon cœur bondit, l'espoir renaît. Mary lui sourit, ce doit être bon signe. Je revois cette flamme dans ses yeux, la même qu'elle a lorsqu'elle sauve une vie, la même qui me brûle intérieurement, qui m'anime lorsque j'étais sur le terrain, celle qui nous permet de nous sentir utile, qui nous guide.

Swersky lâche un soupire, de soulagement sans doute. Hooker revient vers nous.

Hooker : J'ai appelé le maire, il voudrait…

Mais sa phrase s'interrompt lorsque le courant de l'hôpital saute et que nous nous retrouvons dans le noir, avec pour seul éclairage la lumière rougeâtre du générateur de secours. Cette boule au ventre revient, et alors j'entends un bruit devant moi, regarde la salle où se trouve Bosco, Wilson, Mary et deux autres infirmières. C'est alors que Wilson tambourine à la porte, qui vient de se bloquer, puis regarde avec horreur le feu prendre derrière le brancard, et une infirmière hurler de désespoir de les sortir de là, la fumée commençant à embrumer la pièce.

TBC…