CHAPITRE III: Le professeur Snape

Morgane se glissa à côté de Gwendoline, comme chaque matin maintenant depuis son arrivée, afin de partager son petit-déjeuner. Elle s'apprêtait à entamer la conversation lorsqu'une dizaine de hiboux pénétrèrent par les fenêtres du château et vinrent se poser à côté des quelques élèves qui recevaient du courrier. Gwendoline était l'un d'eux, et Morgane put apercevoir la même enveloppe jaunie au sceau de couleur pourpre que le premier jour, avant que son amie ne s'empresse de dissimuler la lettre sous sa robe de sorcière.

- Toujours pas décidée à me dévoiler l'identité de ton correspondant ? demanda Morgane sans espoir.
- Toujours pas. Et ne t'avise plus de me poser la même question, répondit-elle d'un air réprobateur. Maintenant que j'y pense, toi aussi tu as du courrier.

Et tout en parlant, la jeune Serpentard sortit une petite feuille verte pliée en deux de son sac.

- Dumbledore m'a demandé de te remettre ça.

Morgane s'empressa de déplier sa lettre et lut :

Mademoiselle Greene,

Je vous prie d'excuser mon erreur de vieux sorcier. Je me suis trompé quand à l'emplacement de votre salle d'entraînement. Notez-bien que la bonne salle se situe au quatrième étage. Sa description est toujours la même : une vieille salle de classe qui n'a pas eu le temps d'être rénovée et que vous n'aurez sans doute aucun mal à trouver.

Sincèrement votre,

Albus Dumbledore.

« Cela expliquerait bien des choses », songea Morgane.

Le premier cours de potions des Serdaigle devait avoir lieu l'après-midi, en même temps que les Serpentard. Morgane n'était pas vraiment pressée d'y assister, surtout si elle en croyait le portrait pour le moins antipathique qu'Helena Parker lui avait fait du sombre professeur, dans le train. Elle ne tarda pas à se rendre compte que la jeune Poufsouffle n'avait pas tord. Le professeur Snape semblait en effet d'une humeur massacrante et aucun n'élève n'osa élever la voix en sa présence.

- Dépêchez-vous, vous pensez peut-être que vous pouvez vous permettre de me faire perdre un temps qui m'est précieux ? Rappelez-moi l'examen que vous espérez passer à la fin de l'année… les ASPIC, il me semble ? Je doute que la bande de vers de terre que vous êtes parvienne à se hisser à un niveau suffisant. Vous avez de la chance, reprit-il d'un air mauvais en se tournant vers un élève de Serdaigle à la mine joufflue, Monsieur Estakoff, vous pouvez vous vanter de ne pas pouvoir tomber plus bas, votre niveau ayant atteint le néant absolu. A moins que vous n'ayez profité de vos vacances pour jeter un coup d'œil à votre manuel de potions ? Nous allons nous en rendre compte tout de suite. Citez-moi les ingrédients qui composent la Potion Noxpacem.

Le malheureux élève semblait vouloir rentrer six pieds sous terre. Il bredouilla quelque chose d'incompréhensible.

- Eh bien ! Vous ne savez-pas ? Je retire dix points à Serdaigle. Félicitations, vos camarades sont fiers de vous.

Les Serpentard s'esclaffèrent bruyamment et les joues du dénommé Estakoff prirent une teinte violette du plus bel effet.

- La potion Noxpacem, reprit le professeur d'un ton méprisant, est une potion puissante qui permet non seulement de se souvenir de ses rêves mais également de les intensifier. Pas n'importe lesquels, bien entendu. Des rêves marquants qui révèleront un aspect certain de la personnalité du rêveur. Maintenant ouvrez vos livres à la page 267, vous trouverez toutes les instructions dont vous avez besoin pour préparer cette potion. Vous viendrez chercher les ingrédients nécessaires sur mon bureau.

Morgane jeta un regard effaré à Gwendoline, qui lui répondit par une expression désespérée, signifiant clairement qu'elles n'étaient pas au bout de leurs peines. Comme s'il lisait dans ses pensées, le professeur lança d'un ton acerbe : « Bien entendu, le travail est personnel », tout en jetant un regard appuyé en direction de Morgane.

Pendant toute la durée de préparation de sa potion, Morgane eut la désagréable impression d'être observée et surveillée, même si à chaque fois qu'elle levait les yeux, ce n'était que pour trouver Snape le nez plongé dans une pile de copies. Mal à l'aise, elle eut du mal à se concentrer et son manque de discernement s'en fit cruellement ressentir sur le contenu de son chaudron, qui virait maintenant au rose bonbon. Elle fut cependant soulagée lorsqu'elle entendit un bruit assourdissant sur sa gauche, signifiant clairement qu'Estakoff venait de réussir la brillante entreprise que l'explosion de son chaudron. Snape ne parut même pas s'en rendre compte. « Apparemment, ce genre d'événement devait être monnaie courante dans son cours », soupira Morgane.

La jeune femme eut l'illusion que la fin de l'heure serait une délivrance, mais elle changea bien vite d'avis lorsque le maître des Potions donna la liste des devoirs à faire. « Cinq parchemins sur les propriétés de la potion Noxpacem, sur ses conditions d'utilisations et sur ses avantages pour la semaine prochaine ». Un murmure de protestation s'éleva des rangs, que l'homme réussit à faire taire d'un simple regard. Morgane dut bien se l'avouer : cet homme la terrifiait. Et toujours cette désagréable impression d'être sans cesse observée…

- Rassure-moi, Gwendoline, c'est juste la procédure d'intimidation numéro un, il n'a pas réellement l'intention de se comporter comme ça toute l'année… si ?
- Navrée de te décevoir… et ce n'est que le début ! Viens, je vais te faire découvrir quelque chose d'un peu plus joyeux. As-tu déjà entendu parler de Quidditch ? C'est un peu le football des sorciers, si tu veux.
- Ah oui, j'ai lu pas mal de choses à ce sujet. Tu sais jouer ?
- Et même mieux, je fais partie de l'équipe des Serpentard ! Je suis poursuiveuse, c'est moi qui suis chargée de marquer des points à l'aide du souaffle. Ca te plairait d'assister à l'un de nos entraînements ?
- Bien sûr !
- Ils ne commencent que la semaine prochaine. Je te ferai signe !

Comme convenu, les deux élèves se retrouvèrent le jeudi soir suivant, sur le terrain de Quidditch. L'équipe de Serpentard était au complet, et Morgane alla s'installer sur les gradins pour les regarder. C'était la première fois qu'elle voyait quelqu'un jouer, et elle s'étonnait de minute en minute de l'apparente complexité du jeu. Les différentes balles volaient d'un endroit à l'autre du grand terrain et les joueurs se déplaçaient rapidement, avec l'air de savoir parfaitement où ils se rendaient. Morgane ne tarda pas à comprendre la fonction de chaque balle, bien qu'elle n'eut pas encore aperçu le fameux vif d'or dont on parlait dans les livres. Le temps passa plus vite qu'elle ne l'aurait cru et les élèves durent bientôt mettre pied à terre, afin de rejoindre en silence leurs dortoirs respectifs.

- Alors, ça t'a plu ? s'enquit Gwendoline avant de prendre congé de son amie.
- Oui, c'est assez impressionnant… et bien plus intéressant que notre football Moldu !
- Le mois prochain aura lieu notre premier match, nous jouons contre Poufsouffle. Je compte sur toi pour venir nous encourager !
- Je serai là.

Les deux adolescentes se séparèrent sur un « à demain » et regagnèrent leurs salles communes.

Plus les jours passaient et plus les élèves étaient surchargés de devoirs. Morgane passait tout son temps libre le nez plongé dans ses livres et pouvait rarement profiter d'un moment de pause afin de souffler un peu. Ses professeurs de Métamorphose et de Potions semblaient s'être passé le mot et on eut cru qu'ils tentaient de remporter la palme d'or du plus grand tyran sur le plan des devoirs. Une chose était sûre, le combat était serré. Même les week-end semblaient devoir apporter leur dose de travail. Ce dimanche là, Morgane venait tout juste de terminer son quatrième parchemin pour le professeur Flitwick et constata avec soulagement qu'il ne lui restait plus rien à achever pour le lendemain. Elle repensa subitement à sa salle d'entraînement. Depuis le mot de Dumbledore, elle n'avait même pas encore eu l'occasion d'y retourner ! Elle posa sa plume et attrapa sa baguette un peu à contre cœur. « Allons, je pourrai au moins améliorer ma pratique du sortilège d'allégresse » se dit-elle pour se motiver. A nouveau, elle reprit sa petite escapade nocturne et se promena dans les couloirs du château pour cette fois atteindre le quatrième étage. Là encore elle dut s'éclairer de sa baguette, les jours se faisaient de plus en plus courts et il faisait nuit bien vite. Elle n'eut pas à chercher bien longtemps et se retrouva en face d'une porte très semblable à l'autre, en bois sec et déverni. La pièce était par contre très différente. Beaucoup plus petite, meublée et certainement plus agréable. Morgane allait entreprendre une rapide exploration des étagères, où se tenaient toutes sortes de bocaux, vieux livres poussiéreux et objets dont elle ne connaissait pas l'utilité quand une voix à glacer le sang qui la fit se secouer d'un frisson incontrôlable se fit entendre.

- Miss Greene, puis-je savoir ce que vous avez l'intention de faire ? Inutile de vous rappeler que le règlement interdit toute escapade nocturne et que vous êtes en train de le transgresser effrontément.

Le ton était glacial, méprisant. Morgane découvrit avec horreur son professeur de Potions qui se tenait devant elle les bras croisés, la colère déformant les traits de son visage. La jeune femme n'eut pas de mal à deviner qu'elle venait de le déranger au mauvais moment. Elle aurait juré qu'il venait tout juste de se relever. Elle se sentit soudain ridiculement petite et aurait donné cher pour se retrouver à cet instant précis sous ses couvertures.

- Je… Le professeur Dumbledore m'a assuré que je pouvais utiliser cette salle afin de m'entraîner, parce que…
- Voyez-vous ça, la coupa-t-il sèchement. Je suis certain qu'il vous a également recommandé de transgresser le règlement, n'est-ce pas ? Ou peut-être vous croyez-vous trop supérieure pour devoir vous importuner à suivre les lois ?
- Mais…
- Silence ! Vous venez de faire perdre cinquante points à votre maison. Je vous laisse le soin d'en expliquer la raison à vos chers camarades.

Morgane bouillonnait de rage. Mais pour qui se prenait-il celui-là ? Elle mourrait d'envie de se jeter sur lui et de lui cracher au visage, tant l'injustice dont il venait de faire preuve l'enrageait. Mais elle se contenta de serrer les poings jusqu'à ce que ses jointures deviennent blanches, trop consciente des répercussions que pourrait avoir un écart de comportement envers le maître des Potions.

- Ne croyez pas que vous aller pouvoir vous vanter de m'avoir fait perdre mon temps, Miss Greene. Vous allez bien sagement rester ici et poursuivre ce pour quoi vous étiez venue ici, ajouta-t-il sur un sourire mauvais.
- Mais non, je…
- Vous m'avez parfaitement compris. Maintenant au travail, sauf si vous tenez absolument à faire perdre des points supplémentaires à votre maison, et je vous assure que je serai ravi de m'en charger.

Il semblait prendre un malin plaisir à abuser de son autorité hiérarchique sur Morgane. Celle-ci ne sut trop comment elle devait réagir. Au départ, elle n'était venue que pour pratiquer quelques sorts faciles et ne s'était absolument pas préparée à avoir un spectateur. Hésitante, elle murmura un faible « Accio livre », ce qui eut pour effet de faire s'écrouler toute une étagère. D'un simple mouvement de la main, le sombre professeur la remit d'aplomb. Son visage demeurait impassible, mais Morgane était certaine qu'il jubilait dans son for intérieur. Bien décidée à ne pas se laisser démonter, elle prononça cette fois un « Accio livre » plus convaincu et un vieil ouvrage vint rejoindre directement sa main gauche tendue. Morgane se refusait à le regarder, elle ne devait pas se laisser déconcentrer. D'un « Wingardium Leviosa », elle fit rejoindre au livre sa place initiale. Là elle marqua une pause, peut-être dans l'illusion d'obtenir une approbation de son professeur.

- C'est tout ? A quoi vous attendiez-vous, à un diplôme peut-être ? Ces sorts s'apprennent en première année ! N'essayez pas de me faire croire que ce sont les seuls que vous connaissez…

Furieuse, Morgane enchaîna alors toute une série de sorts de complexité variable, les faisant s'enchaîner rapidement, les uns à la suite des autres. Ses joues étaient en feu et elle serrait tellement fort sa baguette magique qu'elle en avait mal aux doigts. Elle aurait continué son manège pendant longtemps s'il n'avait pas crié : « STOP ! Pathétique. J'espère que vous ne nourrissiez pas le secret espoir de m'impressionner, je m'en voudrai de devoir vous ramener à la réalité. Je me vois contraint de mettre un terme à votre petit entraînement. J'ai bien peur que votre imitation parfaite d'une bouilloire prête à exploser n'ait de sévères répercussions sur vos résultats futurs. »

- Et vous, vous êtes tellement imbu de votre propre personne que vous vous sentez obligé de devoir vous contempler dans un miroir de taille proportionnelle à votre orgueil !

Morgane n'avait pas pu s'empêcher de lui faire la remarque. Elle avait remarqué un grand miroir posé négligemment contre un mur de la pièce alors qu'elle s'entraînait et aurait parié que le sarcastique professeur était en train de s'y admirer avant qu'elle n'entre dans la pièce !

- DEHORS, siffla-t-il.

La jeune femme ne se fit pas prier et sortit en claquant furieusement la porte derrière elle.