Vingt ans après
Ecrit par Akari (alias Florian) - Traduit par Cybèle Adam
Disclaimer:
Les personnages n'appartiennent ni à l'auteur de cette fic ni à la traductrice
mais, comme chacun sait, à Mrs J.K. Rowling.
Bien entendu, cette histoire ne rapporte pas le moindre centime à Akari ni à Cybèle.
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Notes de la traductrice:
Bonne année à tous !
Pour bien terminer 2005 (ou bien commencer 2006, si vous ne lisez pas ceci tout de suite),
voici enfin les explications tant attendues !
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° ° °
Chapitre 3
"Sirius..."
Harry lança un regard inquiet à son parrain, qui s'était appuyé contre le mur à côté de la vitrine du magasin, une main devant le visage.
"Qu'est-ce que tu crois que..."
La voix de Sirius n'était qu'un murmure tremblant quand il répondit:
"Ce n'est pas évident ? Je savais que Remus ne pouvait pas m'avoir attendu... Après tout, il ne pouvait même pas imaginer que je sortirais un jour d'Azkaban ! Et puis il me croyait coupable, il croyait que c'était moi qui avait tué James et Lily... Comment ai-je pu penser qu'il avait passé douze ans à attendre un traître ?"
Harry continuait à le regarder fixement, incapable de le réconforter. Ron et Hermione restaient également muets, tête basse, l'air triste.
"Écoute, Sirius... C'est pas possible que Remus n'ait jamais essayé de te le dire, quand même ? On ne peut pas cacher l'existence d'un enfant comme ça - et ça ne lui ressemble pas, en plus !"
Sirius laissa retomber sa main mais il ne releva pas la tête, comme s'il était trop las même pour faire ce simple mouvement.
"Il ne m'a rien dit. Peut-être qu'il a essayé mais que je ne l'ai pas laissé parler... Ou peut-être que je lui ai fait pitié et qu'il n'est revenu vers moi que pour ça..."
"Mais qu'est-ce que tu racontes ?"
Harry se précipita vers son parrain et, bien que celui-ci soit beaucoup plus grand et plus fort que lui, l'attrapa par le col de sa robe.
"Le professeur Lupin n'aurait jamais fait une chose pareille ! Surtout s'il t'aimait... Il n'aurait jamais joué avec tes sentiments ni abandonné son fils. Comment est-ce qu'une bêtise pareille peut te traverser l'esprit ? J'ai vu comment il te regarde, tu sais ? Comme si tu étais ce qu'il a de plus précieux, comme si tu risquais de disparaître à tout moment... Et tu sais ce qu'il était, avant que tu t'évades d'Azkaban ? Un homme éteint. Un homme qui survivait parce qu'il n'avait pas le choix. Alors que maintenant il rayonne juste parce que tu es de nouveau avec lui. Comment tu peux croire que ce n'est que de la pitié ? Je vous ai vus vous embrasser des dizaines de fois, et aucun de vous deux n'avait l'air d'avoir pitié de l'autre, je peux te l'assurer ! Même que, parfois, vous êtes vraiment trop démonstratifs - et non, je ne veux pas de détails !" conclut l'adolescent en s'éloignant légèrement pour "menacer" son parrain du doigt.
A la grande surprise de tous, Sirius se mit à rire. Les joues de Harry s'empourprèrent.
"Allez, Harry, je me suis déjà excusé de t'avoir parlé de notre première fois à la Cabane Hurlante ! Mais c'est toi qui m'avais demandé comment on avait commencé à sortir ensemble et comment se passait notre relation à Poudlard alors, une chose en entraînant une autre..."
"Ça, c'est des trucs qu'on ne tenait pas à savoir non plus..." marmonna Ron en secouant la tête, et Sirius rit de nouveau.
Harry se sentit aussitôt le coeur plus léger et décida de revenir à la charge, d'une manière moins agressive mais avec toujours autant de détermination.
"Remus t'aime et tu le sais. Tu le connais depuis trop longtemps pour ne pas comprendre qu'il ne ment pas... Ne doute pas de ses sentiments pour quelque chose qui s'est passé avant que tu reviennes."
Sirius appuya la tête contre le mur et respira profondément, semblant chercher à remettre de l'ordre dans ses pensées.
Finalement, Hermione décida d'intervenir aussi:
"Cet enfant doit être né pendant que vous étiez encore à Azkaban. Le professeur Lupin ne se doutait pas que vous vous évaderiez... Alors pourquoi n'a-t-il pas épousé cette femme ? S'il pensait que vous étiez un traître et voulait vous oublier, pourquoi n'a-t-il pas voulu de cette nouvelle famille ? Peut-être qu'il se sentait seul et qu'il s'est rapproché de quelqu'un sans pour autant cesser de vous aimer... Ça veut seulement dire que douze années de solitude, c'est trop pour n'importe qui. Un enfant est né de cette aventure mais, malgré son sens des responsabilités, le professeur Lupin n'a pas voulu se lier à cette femme, parce qu'il savait que son coeur appartenait à quelqu'un d'autre, et il ne voulait pas faire semblant. Ce n'est pas encore une preuve d'amour, ça, Sirius ?"
Harry jeta un regard de profonde reconnaissance à son amie, qui répondit d'un petit signe de tête en souriant.
"Le professeur Lupin a préféré retourner à sa solitude plutôt que d'oublier la seule personne qu'il ait jamais aimé..."
Sirius ferma les yeux, serrant très fort les paupières comme s'il craignait de céder sous la pression des émotions qui s'étaient accumulées et, quand il les rouvrit, Harry remarqua qu'ils étaient brillants de larmes que seule sa fierté d'homme empêchait de couler.
"Vous croyez que c'était si égoïste de ma part de souhaiter que Remus n'appartienne qu'à moi ?" demanda Sirius d'une voix lasse dont le calme sonnait faux. "Vous croyez que je suis un monstre parce que j'aurais voulu qu'il m'attende sans aimer personne d'autre ?"
"Et toi, tu crois que je suis égoïste parce que j'ai peur de ne pas pouvoir vivre avec la famille que j'avais choisie ?" répliqua soudain Harry.
Le ton sincèrement malheureux tira Sirius de la confusion qui s'était emparé de lui. L'adolescent posa la tête contre la poitrine de son parrain, qui lui entoura les épaules d'un bras. Leurs craintes se rejoignaient...
"Je suppose que c'est normal... Qu'est-ce que tu en penses, Harry ?"
L'adolescent ne répondit pas et Sirius le serra plus fort contre lui sans bien savoir lequel des deux il cherchait vraiment à réconforter.
"Tu lui demanderas quand même de t'épouser ?"
Harry posa la question à voix basse, comme s'il craignait que le simple fait de la prononcer puisse augmenter le risque de recevoir une réponse négative.
"Le discours d'Hermione m'a aidé à y voir plus clair", répondit l'homme en écartant un peu son filleul pour le regarder dans les yeux. "Ce soir je lui dirai que je sais tout. Et s'il est vraiment resté avec moi parce qu'il m'aime... alors je le lui demanderai."
"Il t'aime, tu n'as pas à douter de ça !" répliqua Harry, les sourcils froncés, mais Sirius l'interrompit d'un geste de la main.
"Les sentiments des gens peuvent changer, Harry. Et puis j'ai toujours eu besoin de certitudes, surtout depuis Azkaban. Je sais que Remus tient à moi, mais je veux aussi qu'il réfléchisse à ses priorités. Je ne peux pas me contenter de quelqu'un dont le coeur ne m'appartiendrait qu'à moitié."
"Puisqu'il n'a pas choisi cette femme depuis le début, ça veut bien dire que..."
"Sirius !"
Hermione leur adressait des signes frénétiques et, en se tournant de nouveau vers son parrain, Harry comprit avec horreur ce qui avait attiré l'attention de la jeune fille.
"Sirius, tes cheveux sont en train de redevenir noirs !"
"Quoi !"
Sirius attrapa une mèche et s'aperçut qu'en effet, les cheveux "or et argent" de son compagnon devenaient peu à peu plus foncés et plus longs.
"Avec tout ce qui est arrivé, je ne me suis pas rendu compte du temps qui passait ! L'effet du Polynectar se termine... Il faut que j'en reprenne tout de suite, sinon je me retransformerai ici devant tout le monde et Remus me tuera avant même qu'on ait pu me renvoyer à Azkaban !" s'exclama-t-il tout en fouillant dans le sac qu'il avait emporté, à la recherche du flacon de potion.
Les trois adolescents regardèrent autour d'eux pour s'assurer que personne n'avait remarqué le changement et, quand Sirius eut avalé le contenu de la petite bouteille, retrouvant l'apparence du professeur Lupin, poussèrent un soupir de soulagement en se laissant tomber le dos contre le mur, trop conscients de la catastrophe qu'ils venaient d'éviter de justesse.
"Tout va bien, Remus ?"
La voix de Conis les fit tous sursauter. Voyant que la jeune femme les regardaient d'un air interrogateur depuis l'entrée de la boutique, ils se hâtèrent de la rejoindre avec un grand sourire rassurant.
"Oui, pas de problème, ne t'inquiète pas", répondit Sirius avec un petit rire nerveux. "Et toi, tu as fini tes achats ? On peut y aller ?"
"Bien sûr. Et, pour me faire pardonner l'attente, je vous préparerai le meilleur thé de Koder ! Mais je ne vous retiendrai pas longtemps, rassurez-vous..."
"Pa, tu me portes ?"
Le petit Remus s'était agrippé au manteau de Sirius, qu'il regardait d'un air suppliant. Sirius le regarda un instant avec une expression impassible, puis il lui sourit et le prit dans ses bras, le serrant très fort contre lui.
"OK, petit monstre. Tu sais exactement comment obtenir ce que tu veux, hein ?"
Harry eut l'impression que son parrain ne pourrait rien refuser à cet enfant qui était le fils de l'homme qu'il aimait et, tandis qu'il suivait les autres en direction de la maison de Conis, il lui sembla comprendre un peu mieux comment l'amour et l'égoïsme finissaient souvent par se combattre. Il détestait l'idée que Remus puisse les abandonner, lui et Sirius, tout comme il détestait celle que l'ex-professeur puisse aimer son fils plus que lui. C'était tout à fait irrationnel mais, comme Sirius l'avait dit un peu plus tôt, l'irrationalité est parfaitement naturelle chez les êtres humains.
Toutefois, naturelle ou non, la situation n'en était pas plus facile à accepter.
"Voilà, c'est ici."
Conis indiqua une jolie petite maison à étage, située dans la première rue du quartier résidentiel de Koder, et invita ses hôtes à entrer et à s'installer dans le salon très éclairé du rez-de-chaussée.
"Je vais chercher le thé et les gâteaux. Faites comme chez vous !"
Le petit Remus entraîna Sirius vers un fauteuil, lui fit signe de s'asseoir puis grimpa sur ses genoux pour être plus près de lui. Sirius caressa doucement les cheveux de l'enfant, qu'il laissa jouer avec la poignée de son sac, et regarda autour de lui avec l'air de chercher un indice de la présence de son Remus dans cette maison.
"Pa !"
L'Animagus se retourna immédiatement vers le petit garçon qui l'appelait et se pencha légèrement vers lui pour l'écouter.
"Je voulais te montrer un dessin, mais il n'est pas encore prêt. Si tu m'attends, je vais dans ma chambre et je le fais tout de suite. Tu ne pars pas, hein ?" insista l'enfant.
Puis il descendit des genoux de Sirius et sortit de la pièce en courant.
"Ça fait des jours qu'il parle de ce dessin", dit en riant Conis, qui revenait chargée d'un grand plateau. "Il a été très impressionné par l'histoire que tu lui as racontée l'autre fois, tu sais, Remus ?"
Sirius allait demander de quelle histoire elle parlait, mais il se rappela juste à temps que le vrai Remus le saurait certainement.
"Comment avez-vous rencontré le professeur Lupin ?"
Harry, Ron et Sirius se tournèrent d'un seul mouvement vers Hermione qui, assise sur le canapé avec les bras entourant ses jambes repliées, avait posé cette question inattendue en souriant d'un air faussement poli. Il était évident que la jeune fille ne pardonnerait pas si facilement à la personne qui était venue se mettre en travers de l'heureux épilogue de son BALL et, si elle avait pu, elle aurait très certainement pris un plaisir sadique à révéler à Conis que le père de son fils était follement amoureux d'un dangereux criminel évadé d'Azkaban - un homme, de surcroît !
Conis jeta à Sirius un coup d'oeil interrogateur, semblant demander la permission de répondre. Bien entendu, il ne laissa pas passer cette occasion d'en savoir plus.
"Parle donc. Je n'ai pas de secrets pour eux."
"C'est bien ce qu'il m'avait semblé", répondit la jeune femme en s'assurant que l'eau de la théière magique était en train de bouillir. "Toi, tu es Harry Potter, n'est-ce pas ?"
Harry sursauta en s'entendant nommer, et se demanda ce qu'il pouvait avoir à faire dans l'histoire de Conis et du professeur Lupin.
"Remus m'a souvent parlé de toi et, maintenant que j'ai sa permission, je serai ravie de te raconter comment je l'ai connu."
L'adolescent resta muet pendant quelques secondes puis, ayant croisé le regard rassurant de Sirius, il acquiesça d'un signe de tête en essayant de cacher combien il était ému d'apprendre que le professeur Lupin avait de l'affection pour lui.
Conis versa l'eau, magiquement transformée en thé, dans les tasses qu'elle donna ensuite à ses invités avec quelques biscuits pour chacun.
"Remus et moi nous sommes rencontrés dans un village près de Londres, il y a cinq ans. Je travaillais à la rédaction d'un petit magazine mensuel de littérature et culture sorcière, The Silver Quill, et Remus avait été engagé comme collaborateur pour quelques articles. Il écrivait le plus souvent chez lui, mais de temps en temps il passait à nos bureaux pour voir le directeur. Chaque fois, sa gentillesse me touchait. Mais il y avait également cette lassitude et cette tristesse qui se lisaient sur son visage... Comme je traversais aussi une période difficile, on s'est mis à discuter et à passer beaucoup de temps ensemble."
Ces paroles suffirent à convaincre Harry que, encore une fois, Hermione avait vu juste: comme elle l'avait supposé, Remus et Conis s'étaient rapprochés parce qu'ils se sentaient seuls, mais un lien si ténu ne suffisait pas à unir deux coeurs, même si un enfant venait s'ajouter à l'équation.
"Au début, ce n'était qu'une simple conversation polie", poursuivait la jeune femme, "et puis notre amitié a grandi parce que je lisais dans les yeux de Remus une peine égale à la mienne: l'homme que j'aimais m'avait abandonnée du jour au lendemain, sans un mot d'explication, et je n'arrivais pas à surmonter le choc que ça m'avait causé. Jusque là, tout allait bien entre nous, on était amoureux et on avait l'intention de se marier... Je ne comprenais pas pourquoi il refusait subitement de me voir ou de répondre à mes lettres. Je n'avais même pas eu le temps de lui dire que j'attendais un enfant..."
Même si Voldemort en personne était apparu dans la pièce à cet instant, personne n'y aurait prêté la moindre attention. Harry eut l'impression que son sang s'était enfin remis à circuler après avoir été figé dans ses veines et, en se tournant vers Sirius, il le vit bondir littéralement sur son siège avec l'expression d'un naufragé qui, perdu sur les flots, aperçoit soudain le navire salvateur.
"Remus m'a beaucoup soutenue pendant cette période", reprit Conis sans se rendre compte qu'elle venait en quelque sorte de rendre la vie à deux personnes qui lui en seraient éternellement reconnaissantes. "C'est difficile, pour une femme, de vivre sa grossesse toute seule - surtout quand on ignore même pourquoi on s'est retrouvée seule. Même si on ne se connaissait pas depuis très longtemps, Remus comprenait ma détresse, et il m'a convaincue que Julius devait quand même être mis au courant. Alors il a proposé d'aller lui parler... et, bien entendu, Julius l'a mis à la porte sans ménagement, exactement comme moi. Mais, quand Remus l'a vu, il a tout de suite deviné quel secret le tourmentait."
La jeune femme s'interrompit et regarda le faux Remus d'un air hésitant, comme pour lui demander la permission de continuer.
"Vas-y", l'encouragea Sirius, dont l'impatience n'avait d'égale que son soulagement de posséder encore entièrement le coeur de l'homme qu'il aimait. "Je n'ai rien à cacher à ces enfants."
Conis hésita encore un instant, but une longue gorgée de thé et poussa un profond soupir qui laissait deviner combien il était dur pour elle de revivre ces moments pénibles.
"Julius était très pâle, irritable, et couverts de cicatrices... Remus a immédiatement reconnu les 'symptômes'..."
"C'est un loup-garou", conclut Hermione à sa place, et Harry fut de nouveau surpris par l'esprit de déduction de son amie.
"C'est ça", confirma Conis d'une voix à peine audible. "Remus m'a révélé qu'il était lui aussi lycanthrope et pourrait donc aider Julius mieux que quiconque. Il est retourné le voir plusieurs fois et, finalement, il l'a persuadé de venir me parler. J'étais terrorisée, mais pas à cause de ce qu'il était devenu - je l'aimais et je l'aimerais toujours - mais j'avais peur de ne pas être capable de le soutenir. J'avais peur de moi-même et de ma faiblesse, qui aurait pu le faire souffrir. J'avais peur de découvrir que je n'étais pas la personne qu'il lui fallait."
"C'est la peur de perdre la personne que tu aimes qui te fait trouver le courage nécessaire."
Sirius avait parlé sans lever les yeux de la tasse qu'il tenait. Il fixait d'un regard vague le liquide sombre désormais froid. Harry savait que son parrain parlait par expérience, puisque vivre avec un loup-garou n'avait pas dû être facile pour lui non plus. Et pourtant, étant donné le lien extraordinaire qui existait entre eux, il était certain qu'aucun des deux ne regrettait ses décisions et que, si tout était à refaire, ils auraient volontiers consenti de nouveau aux mêmes sacrifices.
"Tu m'as dit quelque chose comme ça à ce moment-là aussi", déclara la jeune femme avec un sourire mélancolique. "Et tu sais comme tes paroles se sont avérées justes. Quand j'ai revu Julius, j'ai compris que je voulais passer ma vie avec lui et qu'aucun prix ne serait trop élevé pour ça. Il y avait à peine un mois qu'il avait été mordu, mais il ne m'avait rien dit de peur que je sois choquée - ou pire: que j'aie pitié de lui. Il avait décidé de couper les ponts avec moi pour ne pas m'obliger à supporter tout ça. Il n'avait pas compris que personne ne peut affronter cette épreuve tout seul. Remus le lui a expliqué, il lui a raconté sa propre histoire, sa souffrance d'enfant obligé de grandir avec cette terrible malédiction et le salut représenté par trois personnes - trois amis qui l'avaient aidé à s'accepter tel qu'il était et lui avaient rendu l'espoir de pouvoir vivre normalement. Moi, je lui ai répété que je l'aimais et je lui ai parlé du futur bébé. Il a été surpris, mais il n'arrêtait pas de répéter qu'un monstre ne méritait pas d'être aimé et qu'aucun enfant ne devrait avoir un père pareil. C'est là que Remus l'a giflé."
"Carrément ? Je n'aurais pas cru que le professeur Lupin emploierait des méthodes aussi expéditives !" commenta Ron.
Harry se promit de lui rappeler le jour où Sirius s'était retrouvé attaché à la niche avec un collier qui l'empêchait de reprendre forme humaine. Puis il remarqua que son parrain s'était installé plus confortablement contre le dossier du fauteuil et avait croisé les mains sur son ventre.
"J'ai fait ça parce que moi aussi, j'avais été assez stupide pour vouloir rester seul... et j'avais aussi reçu une gifle pour ce raisonnement égoïste."
"En fait, il faudrait juste qu'on se souvienne que ceux qui nous aiment souffre autant que nous quand on va mal", reprit Conis. "Et personne ne peut contrôler les sentiments des autres. Julius était persuadé que personne ne pourrait supporter de rester à ses côtés après ce qui lui était arrivé, mais Remus lui a raconté combien il avait aimé et avait été aimé en retour, et lui a dit qu'il serait disposé à accepter de se transformer plus d'une fois par mois si ça pouvait lui permettre de revoir la personne à qui il avait donné son coeur. Julius avait de la chance d'avoir la possibilité de fonder une famille - possibilité qui avait été refusée à Remus, mais pas parce qu'il était un loup-garou."
Harry vit du coin de l'oeil que Sirius s'était figé en entendant cela. Il détestait l'admettre, mais il lui était malheureusement impossible de faire quoi que ce soit pour changer le passé. Rien ni personne ne pourrait jamais rendre à ces deux hommes les années qui leur avait été volées si injustement. Aucune vengeance n'aurait pu faire renaître ces âmes mortes pendant douze années.
"On a beaucoup parlé ce jour-là et Remus s'est aperçu que la blessure de Julius n'était pas que psychologique: son corps n'était pas habitué à la transformation et la douleur physique influait sur son caractère - il devenait très irritable et agressif. Julius insistait pour que le bébé et moi restions loin de lui parce qu'il ne voulait pas risquer de nous faire du mal, et aussi parce qu'il savait qu'il ne pourrait pas garder longtemps son emploi dans ces conditions. Et c'est à ce moment-là que Remus a eu l'idée qui nous a sauvés. Il y avait un moyen pour que Julius évite les transformations."
"QUOI ?"
Les trois adolescents avaient laissé échapper ensemble cette exclamation de surprise, et une expression stupéfaite apparut également sur le visage de Sirius - mais, par chance, Conis ne remarqua rien: elle gardait les yeux fixés sur la tasse à moitié vide qu'elle avait posée sur la table.
"Maintenant, il paraît qu'il existe une potion très efficace qui permet au loup-garou de garder sa conscience humaine quand il est transformé, mais notre cher Ministre de la Magie ne l'a jamais légalisée. Il y a quelques années, on ne connaissait même pas encore cette potion, et il semblait que la transformation des lycanthropes ne pouvait pas être évitée. Mais Remus nous a appris qu'il existait un endroit, assez éloigné d'ici, où les influences atmosphériques étaient magiquement réduites..."
"L'Islande", dit Sirius, et Harry eut l'impression, en voyant le regard soudain triste de son parrain, que Remus et lui avaient dû en parler très longuement quand ils étaient jeunes.
Conis acquiesça d'un signe de tête.
"En Islande, il y a une espèce de bouclier qui bloque, entre autres, les effets de la pleine lune. Il suffirait à Julius d'y aller pendant chaque période de pleine lune pour éviter de se transformer."
"Alors pourquoi est-ce que le professeur Lupin ne l'a jamais fait ?" demanda Harry. "Pourquoi est-ce qu'il a préféré rester ici et supporter les douleurs atroces, les restrictions des droits des loups-garous et l'humiliation de perdre systématiquement les emplois qu'il trouvait ?"
"Parce que c'est trop cher", intervint de nouveau Sirius, au grand étonnement de Harry. "J'avais envisagé cette possibilité avec... la personne avec qui je vivais, mais on n'avait pas les moyens. Il aurait fallu prendre un Portoloin international tous les mois, mais c'était une dépense qu'on ne pouvait pas se permettre, alors on avait décidé de reporter notre projet."
"Et vous, vous avez pu le faire ?" demanda Ron à Conis avec un enthousiasme qui n'échappa pas à Harry.
"C'était cher pour nous aussi", dit-elle. "Mais, après avoir calculé rapidement, on a conclus qu'en utilisant nos deux salaires et en renonçant à certaines choses, on pourrait s'en sortir. Seulement, Julius s'y est opposé en disant que, comme j'étais enceinte, une alimentation saine et adaptée devait être ma priorité, et qu'il n'accepterait donc jamais que je renonce à la plus grande partie de ce que je gagnais pour lui permettre de faire ce voyage tous les mois. Alors Remus nous a proposé une partie de son propre salaire. Évidemment, Julius a refusé catégoriquement: il ne pouvait pas accepter un tel sacrifice, d'autant que Remus aussi était un loup-garou et pourrait avoir besoin de cet argent pour utiliser également les Portoloins internationaux un jour. Mais Remus nous a dit qu'il n'avait désormais plus personne pour qui il ait envie de rester humain. Ces nuits de pleine lune étaient paradoxalement devenues son unique échappatoire, un moyen d'oublier le passé, de fuir la réalité et d'être délivré pour quelques heures du poids de ses souvenirs. Julius, de son côté, avait une famille dont il devait prendre soin, et il ne pouvait pas laisser passer l'occasion de résoudre son problème. Le bébé méritait de grandir avec ses deux parents, et ces voyages étaient indispensables pour que Julius retrouve son équilibre physique et psychologique. C'est pour son enfant qu'il a accepté l'offre de Remus, en se promettant de le rembourser plus tard jusqu'au dernier centime. Les voyages en Islande ont donc commencé, et notre vie est redevenue normale: les transformations évitées avaient beaucoup amélioré la santé et l'humeur de Julius, qui s'était remis à travailler avec ardeur et efficacité, et j'étais également beaucoup plus tranquille. Le seul regret que nous avons est de ne pas avoir remarqué que notre ange gardien n'allait pas bien."
"Qu'est-ce que vous voulez dire ?" demanda Harry, exprimant ainsi la question silencieuse qu'il avait lue dans les yeux de son parrain.
"Comme je vous l'ai dit, Remus travaillait chez lui et venait rarement au bureau. J'ai essayé plusieurs fois de savoir où il habitait pour pouvoir passer lui dire bonjour, mais il ne me l'a jamais dit. Si seulement on avait insisté, on aurait découvert la vérité plus tôt... Mais il faisait tout ce qu'il pouvait pour nous la cacher, justement parce qu'il savait que, si on avait su, on n'aurait jamais accepté son aide. Vous voyez, Remus ne donnait pas simplement à Julius une partie de son salaire: il le lui donnait presque entièrement ! Je n'avais aucune idée de ce qu'il gagnait et ne pouvais pas imaginer que la somme qu'il nous donnait était pratiquement tout ce qu'il avait pour vivre. On l'a découvert le jour où il est parti: il a été licencié du journal un mois avant notre mariage et quatre mois avant la naissance du bébé. Quand il est venu nous annoncer qu'il ne pourrait plus nous aider, j'ai été horrifiée de voir l'état dans lequel il était: il avait beaucoup maigri parce qu'il ne mangeait pas assez, et ses blessures de loup-garou guérissaient mal. Il avait été renvoyé parce qu'il n'arrivait plus à suivre le rythme. Je me suis maudite d'avoir été aussi stupide. On a essayé de le convaincre de rester avec nous. On se serait occupés de lui... Tout allait parfaitement bien pour Julius au travail, et ses voyages en Islande lui avaient même donné une idée de projet à réaliser là-bas. L'argent n'était plus un problème et on avait l'intention de rendre à Remus tout ce qu'il nous avait donné. Mais il est parti ce jour-là sans laisser d'adresse, ni la moindre promesse de retour. On lui a envoyé de nombreux hiboux, qui sont tous revenus avec nos lettres intactes. Notre bienfaiteur avait disparu sans que nous puissions même le remercier... Vous imaginez comme nous nous sentions impuissants... On s'est marié, Julius a continué à aller en Islande, y compris pour s'occuper de son projet, et finalement le bébé est né. Si Remus n'avait pas été là, j'aurais très bien pu faire une fausse couche tellement j'étais désespérée. Je devais la vie de mon enfant à la gentillesse de cet homme, et j'ai donc tenu à donner son prénom à mon fils. Julius et moi avons même décidé de le nommer parrain du bébé, même si on n'aurait peut-être jamais l'occasion de le lui dire..."
"Alors c'est pour ça qu'il l'a appelé 'Pa' tout à l'heure !" s'exclama Hermione avec une expression triomphante que Conis ne pouvait évidemment pas comprendre.
"En effet", confirma la jeune femme en la regardant d'un air légèrement déconcerté. "Remus est un peu comme un deuxième père pour Remi, alors il s'est mis à l'appeler ainsi dès qu'il l'a rencontré."
"Et vous vous êtes retrouvés ici à Koder ?" demanda Ron, le seul des quatre invités à avoir continué tranquillement à boire son thé et à grignoter ses biscuits.
"Oui, il y a deux mois, à peu près. Vous savez, quand Remi avait un an, on est partis vivre en Islande: mon mari, en tant que responsable du projet, avait décidé de le suivre de plus près, et donc on s'est installés là, en pensant aussi que ce serait le mieux pour Julius. On est arrivés à Koder il y a quelques mois parce que Julius s'est vu confier un autre projet et un jour, au marché, j'ai retrouvé Remus par hasard. J'étais si heureuse de le revoir, après presque cinq ans sans nouvelles ! J'avais enfin l'occasion de le remercier d'avoir sauvé mon mari et mon enfant, et je n'avais aucune intention de le laisser partir une seconde fois. Je lui ai présenté son filleul, je lui ai raconté comment notre vie avait évolué pendant ces années et je lui ai demandé ce qui s'était passé pour lui, parce que j'avais vu qu'il avait beaucoup changé. Il semblait plus épanoui, son visage était plus détendu et il y avait cette expression sereine dans ses yeux, en plus de la douceur et de la gentillesse habituelle... Il m'a dit qu'il avait enseigné à Poudlard pendant un an puis qu'il avait dû quitter cet emploi, encore une fois à cause de sa lycanthropie, et qu'il vivait désormais en travaillant un peu ici et là. Il n'a pas donné beaucoup de détails, mais j'ai évité de poser trop de questions parce que j'avais compris qu'il ne pourrait pas me répondre: même en Islande, il y avait eu des rumeurs à propos du retour de Vous-Savez-Qui et des divergences d'opinion entre Dumbledore et Fudge alors, comme Remus m'avait dit qu'il était en contact avec Dumbledore, j'ai supposé que sa réticence à parler de sa vie actuelle devait être justifiée. Ne me regardez pas comme ça ! Mon mari est un loup-garou et on déteste tous ces gens étroits d'esprit qui travaillent au Ministère de la Magie, à commencer par Fudge. Par moment, je souhaite que Julius termine vite sont travail ici pour qu'on puisse retourner en Islande... On a demandé à Remus s'il voulait nous accompagner. Julius avait toujours espéré le revoir pour lui exprimer toute sa gratitude et lui rendre tout ce qu'il nous avait donné, alors il lui a offert un emploi et proposé de venir avec nous. Mais Remus a de nouveau refusé. Il nous a dit qu'il allait beaucoup mieux, maintenant, que quelqu'un lui préparait de la Potion Tue-Loup tous les mois et qu'il y avait des gens importants qu'il ne voulait pas quitter: il a retrouvé la personne qu'il aimait et un jeune garçon pour qui il a l'affection d'un père..."
En prononçant ces mots, Conis posa les yeux sur Harry, et eut un sourire attendri quand elle le vit rougir d'embarras.
"Il y a cinq ans, je n'aurais jamais cru voir Remus aussi heureux. Il n'arrête pas de répéter combien il est fier de Harry - et maintenant on connaît tous tes succès scolaires, mon garçon", ajouta-t-elle ensuite avec un petit rire.
Sirius rit aussi et Harry souhaita pouvoir rentrer sous terre, bien qu'il soit en même temps très heureux de savoir que le professeur Lupin l'aimait tant.
"Je vais chercher d'autres biscuits", annonça Conis en se levant, "sinon il n'y en aura plus pour Remi quand il reviendra. Mon fils adore le chocolat, exactement comme son parrain !"
Dès que la jeune femme eut quitté la pièce, Harry alla s'asseoir sur l'accoudoir du fauteuil de Sirius, à qui il adressa un sourire malicieux.
"T'as vu ? Je t'avais bien dit qu'il ne fallait pas s'inquiéter à propos de cet enfant !"
"Tu es sûr, Harry ? Il m'avait semblé que c'était toi le plus inquiet, dans cette histoire !"
"Je ne suis sûrement pas aussi possessif qu'une certaine personne..."
"Et je ne suis sûrement pas celui qui veut une maman..."
"Mhm... Il faudra que je dise à Remus que tu considères qu'il ferait une bonne maman !"
"Et Padfoot sautera sur ton lit après s'être roulé dans la boue la prochaine fois que tu viendras dormir chez nous..."
"Est-ce que ça a un sens, tout ça ?" demanda Ron, perplexe, à une Hermione non moins perplexe.
"Pas pour des gens normaux", déclara la jeune fille en terminant son thé. "Mais, apparemment, eux ne connaissent pas d'autre moyen d'exprimer leur soulagement..."
Bien que poursuivant sa fausse dispute avec Sirius, Harry entendit très bien ce que disait Hermione, et un sourire de pur bonheur apparut sur son visage. Il avait été horrifié à l'idée que Sirius et Remus se quittent et que sa nouvelle famille se brise avant même d'avoir vraiment existé. Il avait également été horrifié à l'idée que Sirius perde de nouveau l'amour de sa vie et que lui-même ne puisse pas vivre avec les deux seuls adultes qui lui aient jamais montré une affection sincère.
Mais il n'avouerait jamais à personne que ce qu'il avait craint par-dessus tout était cet enfant.
Il abandonna la bataille verbale et, avec une expression de profond soulagement, se laissa tomber en arrière pour appuyer la tête contre le dossier du fauteuil.
Il savait désormais que Remus Lupin n'avait aucun fils qu'il puisse lui préférer.
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Notes de la traductrice:
Qu'est-ce que c'était dur de ne pas vous rassurer tout de suite en répondant aux reviews !
Et aussi de ne pas dire à Enola que je n'avais même pas pensé à la possibilité que "Pa" puisse signifier "parrain" (même si c'est le cas, dans un sens) parce que le mot italien est juste une variante de "papa".
Que pensez-vous de cette histoire, maintenant ?
Akari et moi avons hâte de le savoir !
