Aux reviewers : Merci pour vos encouragements. Voici la seconde partie. Vous aurez la troisième sous peu.

Bluehawk.

o

o

o

LES PORTES DU SOIR (2/3)

o

o

o

3. Les portes du soir.

o

o

Est-ce que tu connais nos tristes pouvoirs

Et toutes les fleurs qu'on trouve

Dans le noir, dans le fond

Est-ce que tu connais les portes du soir

Qui font pleurer l'intérieur des filles

Les jambes écartées, les yeux qui brillent…

o

Indochine – Les portes du soir.

o

o

o

Les derniers jours.

o

Le quatrième jour.

Le monde n'en avait déjà plus pour longtemps, mais jusque au bout elle se souviendrait du quatrième jour.

Elle était encore sortie.

Quelque chose qu'il ne fallait pas faire, elle le savait. Trop tard, trop loin, trop dangereux.

Elle le savait, mais elle le faisait quand même.

Sa mère disait qu'il devait être fou. Elle ne la croyait pas. Tous ceux dont il lui parlait, tous les être fabuleux qu'il rencontrait chaque nuit, eux ne disaient jamais qu'il était fou.

Ils disaient qu'il les sauverait.

Les rues étaient sombres et désertes. Sales. Les façades des immeubles montaient vers le ciel noir, de chaque côté du ruban de bitume, et la ruelle ressemblait à un tunnel, un passage.

De l'autre côté des portes, il y a les murs glacés du pensionnat. Debout devant la grille, elle ferme les yeux et tente d'imaginer le château et la colline, baignés dans le clair de lune.

Et quand les ouvre, la forme sinistre du collège lui paraît encore plus inquiétante.

« Tu es venue ! »

Il a l'air étonné. Il a toujours l'air étonné. Pourtant elle revient toujours.

Peut-être qu'il ne croit pas qu'elle est réelle.

« Oui, je suis venue. Je viens toujours. »

« Pourquoi ? »

Ses deux mains tombent sur la grille, de chaque côté de ses épaules. Elle est prisonnière, pourtant ça ne ressemble pas à une cage.

Plutôt à une porte ouverte.

« Je reviens pour être sûre »

La lueur de la lune était invisible dans le passage, masquée pas les immeubles, par le brouillard, par son monde ; ici elle illumine son front, ses joues, ses lèvres, alors qu'il la regarde, alors qu'elle le voit la regarder.

« Pour être sûre que tu existe. »

Alors son regard change. Le vert se teinte d'argent dans ses yeux. Une de ses inquiétudes étranges, qu'elle ne comprend pas ; une de toutes ces choses qui font de lui un être insaisissable, un fantôme.

Un sourire joue sur ses lèvres.

« Moi, je sais que j'existe ; mais est-ce que toi, tu es réelle ? »

Alors elle attrape une de ses mains et l'entraîne à l'intérieur ; de l'autre côté des grilles. Au rez-de-chaussée il y a des dizaines de salles vides, des portes ouvertes sur rien, sur des mondes inutiles.

C'est si facile d'en choisir un, et d'en faire le sien. Il le font, certains soirs.

Elle l'attire à elle et ressent de nouveau ce désir, vain mais si puissant, profond, d'exister pour de vrai, de l'atteindre de l'intérieur pour le ramenée jusqu'à elle.

Vous n'êtes que des gosses, dit toujours sa mère ; mais elle sait qu'elle n'est plus une enfant ; et elle a bien l'impression qu'il n'en est pas un non plus.

Qu'il ne l'a jamais été.

Alors elle ouvre son chemisier, juste pour exister. Il regarde, sans rien dire ; Et quand elle lui dit d'approcher, il obéit.

Ses paumes sont tièdes et elle réalise qu'elle avait toujours eu froid, jusque là.

En sentant le velours du vieux fauteuil sous ses épaules nues, elle pense à sa famille, brièvement. Sa mère et son petit frère. Elle se demande s'ils vont bien, s'ils pensent à elle.

Elle se demande si ça leur arrive d'avoir peur, parfois.

Puis elle oublie. Elle oublie et ferme les yeux, dans effort désespéré pour apercevoir la colline et le château ; dans un effort désespéré pour exister vraiment dans son regard, pour mélanger leurs deux mondes, rien qu'une fois.

C'était le quatrième jour, et leur monde n'en avait plus pour longtemps ; mais, même si elle avait du survivre, elle n'aurait jamais oublié.

o

o

o

La citadelle.

o

« Qui l'avait dit, Harry ? »

Pourquoi veux-tu qu'on te prenne ton âme ?

Jack est appuyé contre le mur blanc, debout sous l'horloge.

Il y a une vague réponse, dans les yeux du cas G-17. Une brève lueur dans les yeux noirs, une ombre furtive sur le masque blanc.

Est ce que tu connais les portes du soir ?

Puis, tout s'efface, de nouveau le vide.

« Il faut parler, tu sais. Je comprendrais, si tu parles. »

Parce que je peux tout comprendre.

« Est-ce que c'était tes amis ? Ta famille ? »

Le front pâle s'incline, se relève, lentement – oui.

« Ils ne sont jamais revenus ? »

De nouveau, le front bouge, de droite à gauche.

« Est ce que tu sais pourquoi ? »

Pas un geste, cette fois. Non, il ne sait pas. Ou alors il sait, mais un simple hochement de tête ne peut pas l'expliquer – ou alors il sait, mais rien ne pourrait l'expliquer.

« Peut-être qu'ils voulaient revenir ? »

Peut-être qu'ils voulaient, mais qu'ils n'ont pas pu. Peut-être qu'ils ne pourront plus jamais. Peut-être qu'un petit garçon aux yeux noirs et aux doigts rouges les a tous tués.

« Ils voulaient… »

De nouveau la voix, vide et creuse, et pourtant poignante et criante, comme les petites lettres noires Ils avaient dit qu'ils reviendraient.

« Qu'est ce qu'ils voulaient, Harry ? »

Le petit garçon G-17 serre ses poings rouges et relève ses yeux noirs, assis sur le lit, face à Jack, face à l'horloge.

« Ils voulaient que je les sauve. »

« De qui ? », souffle Jack.

D'un ton plus bas encore, avec des yeux noirs qui se troublent, faisant naître une étrange lueur verte.

« Ils ne disent pas son nom. Ils ne disent jamais son nom. »

« Pourquoi ? »

Cette fois, il ne dit rien. Mais Jack entend quand même.

Parce qu'ils ont bien trop peur.

o

o

o

« Il n'a pas perdu son âme, tu sais. »

Jack lève les yeux vers son frère, appuyé contre la porte blanche ; du bon côté de la porte blanche – le côté réel.

Ben ne sourit pas. Il plisse ses yeux bleus. Pendant une seconde, Jack se demande où ont bien pu partir les tâches de rousseur – quand ont-elles disparu ? Etait-ce avant, ou après le manège ?

« Alors pourquoi… », souffle Ben.

« Pourquoi ? »

Pourquoi est-ce qu'il est là ? Pourquoi a-t-il fait ce qu'il a fait ? Pourquoi a-t-il les doigts rouges ? Pourquoi veut-il disparaître ?

« Alors pourquoi ai-je l'impression… Qu'il veut te prendre la tienne ? »

o

o

o

Les derniers jours.

o

« Quelqu'un d'autre a été emmené. », avait murmuré les garçons derrière lui.

C'était le cinquième jour ; et lui, il s'efforçait de les ignorer, dans la salle de classe presque vide.

« Une fille. Il l'a entraînée avec lui ; celui dont on ne parle pas. Il l'a entraînée avec lui et il a fait… des choses. »

Il regarde la fenêtre, le château. Tant que le château était encore là, alors tout irait bien.

« Il y en a qui l'ont entendue crier. »

C'était ce que disait Dumbledore.

« Elle criait qu'elle voulait mourir. »

Il connaissait la suite. Ensuite ils parleraient de la guerre, et il se tourneraient vers lui. Ils diraient Harry…

Harry il faut faire quelque chose.

« Il va s'arrêter ? Un jour… Non ? », souffle-t-il à Ron. « Il y aura bien quelque chose… »

Mais Ron ne lui lança qu'un regard déçu. Déçu, de lui. Parce qu'il n'avait rien fait. Rien pour que ça s'arrête.

« …Qui le fera s'arrêter. »

« Juste toi, Harry. Tu nous l'as dit, tu te rappelle ? Tu l'as dit que tu pouvais tout arrêter. Que tu pouvais l'empêcher de nous faire du mal. »

Alors Harry se pencha, plus près de son ami. Les garçon se rapprochèrent, formant un cercle autours d'eux. Ils étaient forts, tous ensemble. Mais si fragiles ; parce qu'ils étaient seuls. Seuls face à celui dont ils ne parlaient pas.

« Si je le fais, vous serez là ? »

Un sourire éclaira le visage de Ron. Et les autres garçons murmuraient « Il va le faire… Harry va nous sauver… », encore et encore, à l'infini.

Pourtant il n'avait rien promis ; jamais jamais rien promis.

« Bien sûr qu'on sera là. », souffla Ron. « On sera toujours là. »

o

o

o

La fin.

o

Il fait froid si froid sur la plaine, à présent. Les portes ne sont plus des portes, juste le reflet d'un miroir. Devant, derrière, partout.

Et son visage, tordu et difforme, lui revient à l'infini.

Et il ne sait même plus où sont les portes, où est le soleil rouge, où est le vent.

Il est seul face à son visage.

Et ce n'est même plus son visage.

Parce que les yeux de l'autre sont noirs.

o

o

o

La citadelle.

o

Jack faisait souvent ce rêve. Il rêvait d'un manège.

C'était la dernière fois qu'il était monté sur ce manège. Mais peut-être Ben y allait-il encore… Qui sait ?

Un autre fantôme était entré dans le monde blanc, juste avant la nuit. Lui aussi avait des yeux noirs, des yeux de serpents. Et une gueule de vampire, le genre qui aspire l'âme des petits enfants.

Jack ne l'avait pas vu en vrai, mais sa photo était tombée entre ses mains, au détour d'un couloir. Il ne savait pas comment il s'appelait, il ne connaissait pas son numéro. Il savait juste qu'il avait agressé une fillette, dans les mauvais quartiers.

Et que ce n'était pas la première.

Il fait souvent ce rêve, il rêve d'un manège.

Est-ce qu'il deviendrait fou, lui aussi ? Fou parce qu'il était seul ? Est-ce qu'un jour il tuerait des enfants ? Est qu'un jour il aurait les doigts rouges ?

Est-ce qu'un jour il verrait les porte du soir ?

Et il court soudain le long du couloir, parcourt le monde blanc aussi vite qu'il peut, comme si sa vie en dépendait.

Et il pousse la porte.

Il est immobile, le garçon G-17, comme toujours. Allongé sur le côté, le front tourné vers le mur.

« Regarde-moi ! », exige-t-il.

Mais le garçon G-17 ne bouge pas, comme s'il n'avait rien entendu. Comme si Jack n'existait pas.

Et ça le met en colère.

« Regarde-moi ! », répète-t-il. « Et dis-moi ! Dis-moi pourquoi t'as fait ça, dis-moi ce qu'ils avaient tous fait, pour mériter la mort, dis-moi ce qu'ils avaient fait pour ne pas en revenir ! T'entends ? »

Il crie à présent. Et tous ses professeurs lui diraient que c'est idiot, que ça ne sert à rien, que ce n'est pas « comme ça qu'il faut faire. »

Il s'en fout. Il crie, c'est une question de survie. S'il ne fait rien, il deviendra fou aussi, s'il ne fait rien, l'enfant G-17 lui volera son âme.

« T'es un salaud d'assassin ! », rugit-il. « C'est ce qu'ils disent tous, dans ces couloirs. Un foutu fils de pute ! Alors, tu vas me le dire, maintenant ? »

Mais le garçon ne bouge pas. D'où il se tient, Jack n'a même pas l'impression qu'il respire.

« Pourquoi ? », demande-t-il d'une voix plus calme. « Où sont-elles, ces putains de portes ? »

Toujours rien. Défait Jack baisse les yeux.

Et il voit, là au pied de la porte, qu'il a balayée dans sa colère.

La feuille de papier.

Les mots sont toujours, là. Les petites lettres noires Ils avaient dit qu'ils seraient là. Sauf qu'en dessous, il y en a d'autres. Moi je n'ai pas peur de dire son nom. Et puis : Voldemort, Voldemort, Voldemort, Voldemort… répété à l'infini, sur toute la page.

o

o

o

Les derniers jours.

o

Le dernier jour.

C'était le dernier jour, mais elle l'ignorait encore.

Elle remontait une fois de plus la ruelle – le passage. Mais cette fois, il faisait jour.

Il n'aimait pas qu'elle vienne ici en plein jour, quand les autres pouvaient la voir. Il disait que certains étaient mauvais, qu'ils lui feraient du mal.

Mais ça faisait deux jours. Deux jours et elle commençait à douter. Deux jour et son monde à elle, avec son lycée, sa mère et son petit frère, commençait à l'étouffer un peu.

Elle posa une main sur la grille froide.

Il n'y avait nulle trace du château.

Il y avait des enfants, mais ils ne jouaient pas. Ils se tenaient assis ou accroupis dans les recoins les plus sombres. Il se regardaient, mais ils ne se parlaient pas.

Harry n'était nulle part en vue, et ce silence se coinça dans sa gorge. Son angoisse se mua brusquement en terreur, et elle décida que c'était stupide d'être venue.

Elle fit demi-tour, prête à regagner le passage ; quand soudain, des dizaines de paires d'yeux se posèrent sur elle.

Les enfants la regardaient. Tous, en silence.

« Mademoiselle ? »

Elle se retourna d'un bond, le dos plaqué à la grille.

Face à elle, l'homme avait un regard étrange, des yeux comme ceux d'un serpent.

Elle se demanda si c'était un drogué. Elle se demanda s'il allait lui faire du mal.

« Je suis le directeur de cette école. Qu'est ce que vous faîtes là ? »

Un absurde soulagement l'envahit. Le directeur de l'école. Juste le directeur de l'école. Et pas un monstre sortis des ténèbres d'un autre monde.

« Je cherche quelqu'un. », souffla-t-elle. « Harry… Vous… Vous savez où je peux le trouver ? »

Il sourit, posa un main sur son avant-bras. Ses doigts étaient glacés.

« Bien sûr. Venez avec moi. »

Les enfants les suivirent du regard, en silence. Elle ne put s'empêcher de remarquer qu'ils avaient l'air triste, tous.

L'homme l'attira à l'intérieur des grilles.

Plus tard, il lui dirait avec un rire un peu inquiétant, que tous ces gamins le surnommaient Voldemort.

Encore plus tard, les garçons diraient qu'il avaient encore emmené quelqu'un.

Et qu'ils l'avaient entendue crier.

Crier qu'elle voulait mourir.

o

o

o

ooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo