Aux reviewers : Un grand MERCI pour vos reviews. (plus précisément, merci à Leila, Jaja, Black-sun, Alieonor, history, Genevieve Black, Sarah, Dawn456, Lady Lyanna, Adle Amodio, beeni et Mirabelle P, j'espère n'avoir écorché aucun pseudo)
Voici la troisième et dernière partie, avec peut-être un peu de retard, désolée.
Bluehawk.
o
o
o
LES PORTES DU SOIR (3/3)
o
o
o
4. Le passage
o
o
Il faut que tu reviennes
Et que tu glisses et que tu rêvesQue tu partes
Je serais là
Même si tu saignes
o
Indochine – Les portes du soir.
o
o
o
La citadelle.
o
Tic-tac Jack…C'est sa dixième tasse de café.
Au moins.
Mais il ne pourra pas dormir, de toutes façons.
Le nom tourne dans sa tête Voldemort Voldemort Voldemort… C'est la voix du garçon G17, sa voix de fantôme, qui hurle et qui hurle encore et encore.
Il se demande si le garçon G17 a aimé les manèges, un jour. Il se demande s'il a aimé les manèges et les glaces à la fraise – même si c'est un truc de filles – et si sa mère lui chantait des comptines idiote.
Il se demande s'il a été un enfant, un vrai. Ou si on pouvait naître avec des yeux noirs, avec des doigts rouges.
Il se demande ce qu'a fait, vraiment, Voldemort.
Clac ! Une nouvelle pluie de verre, un autre dossier, un autre monde s'abat sur son bureau. Jack relève les yeux et tombe sur le regard bleu de Ben. Où sont passées ses taches de rousseurs ?
« Regarde-le. », dit simplement Ben.
« J'ai déjà un patient. », répond Jack, mais il regarde quand même.
Sur la première page, le visage lui saute aux yeux. Des yeux noirs de serpent et une gueule de vampire.
C'est la créature qui est arrivée un peu plus tôt dans la journée, celle qui a agressé une petite fille.
Qui a agressé une petite fille et ce n'était pas la première.
« C'était le directeur de l'école. », dit Ben.
Il n'a pas besoin de préciser de quelle école.
« Il avait été poignardé, mais il s'en était sorti. », ajoute Ben.
Il hésite un moment, avant de continuer.
« Il a dit que les enfants le surnommaient Voldemort. »
Voldemort Voldemort Voldemort…
De nouveau, le cri du garçon G17 emplit son esprit et il ferme les yeux pour ne plus voir l'horrible visage ; même si ça ne sert à rien ; même si c'est déjà trop tard parce que le visage est à présent gravé dans sa tête, juste derrière ses yeux parmi une quantité d'autres qu'il ne veut plus jamais voir.
Et c'est presque malgré lui qu'il murmure les mots en même temps que Ben.
« Il a dit que les enfants le surnommaient Voldemort, et qu'il trouvait ça très drôle. »
o
o
o
« Il est ici, tu le sais ? »
Est ce que tu sais, dis ? Est-ce que tu sais vraiment, qu'ils sont morts pour rien, que TU es mort pour rien et que, je crois bien, à part moi tout le monde s'en fout.
La porte claque derrière lui mais ça n'a plus vraiment d'importance, de toute façon : la limite entre le monde réel et… celui-là est définitivement brouillée. La porte claque derrière lui alors que les mots sortent de sa bouche, désordonnés. Il contemple, avide, la silhouette inerte du garçon G17, le ventre plein d'une crainte atroce et de ce visage à la gueule de vampire.
Le visage clair se tourne vaguement vers lui, mais rien dans ses yeux noirs ne réagit à ses paroles.
Il savait déjà.
Il est là, il n'est pas mort…« Est-ce qu'il le fallait ? », demande alors Jack. « Est-ce qu'il fallait vraiment qu'il meure ? »
Le garçon G17 acquiesce, lentement, sans même le regarder.
« Et est-ce qu'il fallait que ce soit toi ? »
Un nouveau signe de tête et Jack sent la crainte resserrer son estomac, le visage sinistre prendre de l'ampleur.
« Pourquoi ? »
Avant même d'avoir poser la question il regrette. Il la connaît, la réponse. Il les connaît toutes, faites de ces mots qui le hantent et qui ne s'effacent jamais parce qu'il le méritait parce qu'on me l'a demandé parce que je suis fou que j'avais atteint la limite dépassé les portes du soir…
Pourtant, la réponse est nouvelle, quoique banale, banale à hurler.
« Parce qu'il n'y avait personne d'autre. »
« Personne d'autre ? »
Un frisson le transperce. Le visage s'élève et la silhouette se déplie, sombre et brutale, envahissant son champ de vision.
Parce qu'il n'y a personne d'autre et que tant qu'il est là, rien ne pourra jamais s'arrêter.
o
o
o
La fin.o
Au début il était debout.
Le début, c'était il y a longtemps maintenant. A présent il s'est effondré, il a croulé sous le tic-tac sans fin de l'horloge et sous leurs cris qui résonnent.
Il commence à comprendre.
A comprendre qu'il n'est plus seul, tout d'un coup. A comprendre qu'il reste encore quelqu'un.
Et alors c'est encore pire.
Parce que s'il est là les portes ne s'ouvriront plus.
o
o
o
Les derniers jours.
o
Il y a longtemps, très longtemps, sa vie était dans un placard.
C'était dans un autre monde, une autre vie, mais il se rappelle, brusquement.
Sa vie était dans un placard, son âme dans une petite boîte, planquée sous l'escalier, pour qu'on ne la voit pas. Parce que quelqu'un avait décidé de le ranger là, comme un pantin tranquille.
C'était toujours le dernier jour.
Il ne pouvais pas le savoir, lui, que c'était le dernier, qu'il n'y aurait plus rien, après.
Il ne pouvait pas savoir que ce serait le dernier, mais il savait que ça finirait mal.
Le ciel n'était plus gris, tout d'un coup. La lumière était réapparue d'on ne savait où, et ça lui paraissait presque grotesque. Il pleuvait bien les jours d'enterrements…
Il les avait entendus, les autres, il les avait entendus, les voix et les murmures.
Les sensations diffuses dans son ventre s'étaient fait solide, comme un bloc de glace.
Il les avait entendus. Il avait entendu qu'elle était venue, qu'elle était venue et qu'il l'avait emmenée.
Un bloc de glace qui rétrécissait. Il ne fondait pas, non, il se compactait, se ramassait sur lui même et il continuerait jusqu'à ce que la pression soit trop forte.
Alors il éclaterait.
Alors il cesserait d'être un pantin tranquille.
Il avait entendu les voix et les murmures. Il avait entendu que le monde l'avait prise.
Alors il ferait ce qu'on attendait de lui.
Alors le monde allait payer.
o
o
o
La citadelle.
o
Tic-tac-Jack…
La voix de sa mère se faisait de moins en moins supportable au fil des heures. Les mots niais, vides et sans aucun sens de la comptine lui donnaient le tournis, comme un interminable tour de manège.
Le poing dans son ventre se refermait lentement, lui rappelant ce sinistre jour de juin. Leur monde blanc, leur navire isolé de tout le reste était sur le point de sombrer. De sombrer avec toutes ses âmes vides.
Tout ça à cause d'un foutu gamin.
Il se demanda un instant ce que ça pouvait faire, d'être le garçon G17. Quel goût avaient les portes du soir.
Il se demanda un instant s'il avait encore mal, où s'il ne ressentait déjà plus rien.
Il est pas net, ce type… soufflaient parfois les silhouettes blanches en s'écartant, en déviant de leur passage pour l'éviter.
Les médecins ici sont aussi barjos que les malades. Vous n'avez pas entendu cette histoire ? Ce qu'il a fait à son frère quand il était gosse ? C'était sur un manège…
Il l'a poussé, poussé, poussé…
Effacé ses taches de rousseurs.
« Vous pensez à moi. Souvent… »
Jack releva la tête, étonné. Il était assis par terre, dos à la porte, face au lit. Le garçon G17 est toujours aussi immobile. Pour un peu, on aurait pu croire que quelqu'un d'autre avait parlé pour lui.
« Oui, je pense à toi. »
Nuit et jour et jour et nuit, si bien qu'à la fin je ne sais même plus qui je suis, de toi ou de moi…Ce n'était même pas une vraie question.
Le garçon G17 remua doucement les doigts de sa main droite, comme un oiseau qui testerait une aile blessée.
« Et toi, tu pense à quoi ? », s'enquit Jack.
Il ne prit même pas la peine de se redresser, affalé contre la porte. Le garçon G17 ignora la question.
« Est-ce que tu pense à moi ? »
Peu probable, le docteur Jack ne devait pas être un type bien intéressant.
« Ou est-ce que tu pense à lui ? »
Un sursaut dans le regard, il était vert, tout à coup, un vert brillant. Inerte sur le lit, le visage à demi enfoui dans les plis que faisait son vêtement blanc autours de son coude, il évoquait soudain un enfant ; un tout petit enfant qui se planquait sous les draps après un cauchemar, attendant que les ténèbres passent.
« Vous ne savez rien de lui. »
Jack se ramassa contre la porte, comme un môme effrayé. Il avait l'impression que les rôles s'étaient inversés, tout d'un coup.
« Je sais que les enfants le surnommaient Voldemort, et qu'il trouvait ça très drôle. »
Les doigts bougèrent, de nouveau. L'oisillon G17 replia lentement son aile droite contre son corps.
« Est-ce que tu as froid ? », souffla Jack.
Le garçon ignora la question. De nouveau, ses yeux se portèrent sur l'horloge. Savait-il seulement que les aiguilles ne bougeait pas ? Que l'horloge était figée, immobile à jamais, comme lui, parce que son tic-tac rendait les fous encore plus fous ?
« Vous ne dites jamais mon nom. », accusa doucement le garçon G17 de sa voix sans couleur. « Dans votre tête, vous ne dites jamais mon nom, quand vous pensez à moi. »
« non. »
Et j'en ai le droit. J'en ai tout à fait le droit parce que tu n'as pas de nom. Tu as cessé d'en avoir un avant la fin du dernier jour.
« Pourquoi ? »
Il n'était pas sûr de vraiment comprendre la question.
« Pourquoi je ne dis jamais ton nom ? »
Avec une lenteur infinie, le regard vert se détacha de l'horloge et se posa sur Jack. Jack roulé en boule, prostré contre sa porte.
« Pourquoi et-ce que vous êtes là ? »
Parce que c'est mon boulot. Mon putain de boulot de m'occuper des fous furieux dans ton genre. Parce que je veux voir les portes du soir.
« Pour t'aider. »
Est-ce que c'était seulement possible ?
« Pourquoi ? »
Est-ce que tu veux me prendre mon âme, petit garçon G17 ?
« Parce que j'avais un frère, Ben, et qu'il est mort. »
Prends-la, moi je n'en veux plus.
« Il est mort sur ce manège, je crois. Ou peut-être que c'était avant ça. Il et mort et je veux savoir. »
« Vous voulez savoir pourquoi il est mort ? »
Tic-tac-Jack…
La chanson se mêla soudain au tic-tac imaginaire de l'horloge. L'horloge dont les aiguilles étaient pourtant immobiles.
« Je veux savoir qui sont les petits garçons qui ont les doigts rouges. »
Alors le garçon G17 remua de nouveau la main droite. Puis il tendit son bras, les doigts écartés, la paume tournée vers l'extérieur.
Et Jack vit que la peau était blanche.
Je suis là pour t'aider, se répéta-t-il.
o
o
o
Les derniers jours.
o
« C'est toi qui a fait ça ? »
Tout est brûlant, dehors. Le ciel brille d'un éclat rouge, sinistre, dans lequel le soleil n'a rien à voir. Les flammes dévorent et ce ciel hurle.
Vous ne vous attendiez pas à ça, pas vrai les mecs ?
Ils sont face à face derrière les pierres qui éclatent. Le feu a tracé un cercle autours d'eux, une limite. Dans un coin de sa tête il se demande si le château tiendra le coup, ou s'il s'effondrera, comme tout le reste avant lui. Il se demande si les autres garçons vont mourir ou s'ils sont déjà morts.
Puis il se dit que ça n'a plus beaucoup d'importance.
« C'est toi qui a fait ça ? »
Les gamins le surnomment Voldemort, et il trouve ça très drôle.
Mais peut-être qu'il trouvera ça moins drôle quand les gamins seront morts.
Dans les chambres, les fenêtre explosent. Tout d'un coup les rêves se transforment en cauchemar.
« C'est toi qui a fait ça ? »
Son poing serre très fort le couteau. Un couteau de cuisine, le manche est en plastique.
« Ils l'ont entendu crier. », siffle-t-il. « Crier qu'elle voulait mourir. »
L'autre recule. Il recule contre le mur brûlant. Ses yeux de serpent se plissent, réduit à deux fentes.
Harry se demande s'il a peur. Harry espère qu'il a peur. Le feu lui a brûlé le dos et une partie du bras gauche, mais il s'en fiche.
C'est le bras droit qui tient le couteau.
« C'est toi qui a fait ça ? »
Le gris terne de la lame prend une teinte étincelante dans l'éclat du brasier. Le monde est rouge ce soir. Le gris terne de la lame prend une teinte étincelante alors que le couteau plonge en avant, comme animé d'une vie propre.
Tout ce qu'il veut c'est que les fentes se referment à tous jamais. La lame incandescente plonge en avant, évoquant soudain un éclair, un coup de foudre vengeresse, l'âme du feu qui s'éveille et qui claque.
Les fenêtres de l'étage explosent et le ciel hurle et le couteau plonge, aveugle, droit devant et sans jamais s'arrêter et…
« C'est toi qui a fait ça ? »
Le brasier rouge et sanglant ressemble à l'aube.
Le couteau plonge, aveugle, alors que le dernier jour s'éteint et le sang rouge recouvre ses doigts.
Et il ne disparaîtra plus jamais.
o
o
o
La fin.
o
Tic…Tac…
Il est seul sur la plaine.
Il n'y a plus ni colline ni ciel ni château. Juste lui et la plaine. L'étendue noire sous ses pieds et le rouges au dessus de sa tête.
Les voix se sont tues. Depuis longtemps les voix se sont tues.
Depuis longtemps il n'y a plus rien. Juste lui.
Juste lui et les portes closes.
o
o
o
La citadelle.
o
Tic-tac-Jack…
Il s'est endormi, enfin. Il ne croyait plus que c'était possible.
Jack fait souvent ce rêve. Le rêve du manège.
Il n'y a plus rien, plus rien nulle part, le monde s'est effacé.
Juste le manège.
Le garçon devant lui porte un pull bleu. Haut, très haut sur son cheval rouge, il remue doucement les épaules et Jack brûle d'impatience, tendant les doigts vers la silhouette familière, si familière, et que pourtant il a peur d'oublier.
Le pull bleu remue et se tourne et Jack tend son bras vers la paume chaleureuse de son frère, certain que cette fois, il y arrivera. Certain que cette fois Ben ne va pas disparaître.
Il bascule son buste en avant, en équilibre précaire par-dessus l'encolure du cheval de bois. Il va tomber mais ça n'a pas d'importance, Ben le retiendra.
Jack se penche encore et sa paume claque dans celle, blanche, de son frère. Leurs deux mains se referment au même moment et Jack sent un frisson victorieux le parcourir. Il relève les yeux vers le visage familier.
Et le frisson s'évanouit lorsqu'il réalise que ce n'est pas Ben.
Parce que le garçon a les yeux verts.
Il veut retirer sa main, mais l'autre ne le laisse pas faire, une lueur suppliante dans son regard vert.
Je suis là pour t'aider, murmure une petite voix. Et Jack réalise que c'est la sienne.
Alors le garçon lui sourit.
Ici, dans la citadelle, les âmes sont enfermées dans des boîtes.
Comme des pantins tranquilles. On met leurs vies dans des placards.
Dans une des boîtes, l'un des pantins ne bouge plus.
C'est toi qui a fait ça ?
Chez lui tout est noir, ses mains, son visage et ses yeux. Il a une gueule de vampire, le genre qui aspire l'âme des petits enfants.
Et c'est d'ailleurs ce qu'il faisait. Mais il ne le fera plus.
Dans l'une des boîtes, un pantin ne bouge plus.
C'est toi qui a fait ça ?
Un couteau au manche de plastique dans une main aux doigts blancs, immaculés.
Les gamins l'appelaient Voldemort, et il trouvait ça très drôle. Même s'il était bien le seul.
Ce n'est plus un pantin tranquille, c'est un pantin désarticulé. Le rouge s'étale sur ses ténèbres, le cercle brûlant s'agrandit en silence, comme un soleil qui se lève.
C'est toi qui a fait ça ?
Dans l'une des boîtes, un pantin ne bouge plus.
o
o
o
La fin
o
Tic…Tac…
Le vent souffle sur la plaine grise. Le soleil qui se lève l'éclabousse de son éclat rouge.
Les portes sont closes, mais la plaine est vide, il n'y a plus personne.
En bas, très loin, beaucoup beaucoup plus bas, un petit garçon s'est endormi, seul dans un grand bateau blanc.
Peut-être qu'il ne se réveillera pas, mais ça n'a pas d'importance. Une voix l'appelle, puis deux, puis des dizaines. Des voix qu'il pensait ne plus jamais entendre.
« D'accord », leur dit-t-il. « J'ai compris. Tout ira bien à présent. »
En bas, beaucoup plus bas, un petit garçon aux doigts rouges murmure des mots dans son sommeil. Des mots qui ne veulent pas dire grand chose.
« Vous n'avez plus besoin d'avoir peur… »
En bas, beaucoup plus bas. Peut-être qu'il ne se réveillera pas, mais ça n'a pas vraiment d'importance.
Parce que c'est en bas. Ici, sur la plaine, il n'y a plus personne.
o
o
ooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo
