II - Laissez-moi danser

Lena s'effondra sur le canapé du salon. Elle soupira: sa fille venait de claquer la porte de sa chambre pour la deuxième fois de la journée.

«Moi à son âge, je n'étais pas du tout comme ça! songea-t-elle. Comment une personne assez timide et réservée peut-elle avoir un enfant au caractère complètement opposé!»

Le sujet de la dispute? Comme d'habitude: Maéva comptait sortir avec ses copains. Au programme: shopping, puis cinéma et enfin boîte de nuit (réservée au jeunes), le tout jusqu'à une heure du matin. Bien sûr, Lena trouvait ça trop prématuré de sortir en boîte à seize ans, mais elle était quand même d'accord pour le shopping et le cinéma.

Maéva alluma son lecteur CD et mit le son au maximum. Elle se jeta sur son lit et enleva rageusement son portable de son sac. Elle composa le numéro de sa meilleure amie, qui répondit presque aussitôt:

«Allô?

- Retiens-moi, je sens que je vais commettre un meurtre.

- Quoi? Attend, tu peux pas baisser un peu ta musique, je n'entends strictement rien!

- OK mais juste un peu, sinon elle va entendre.

- Qui elle?

- Celle que je vais assassiner dans quelques minutes si je ne me calme pas.

- Oh non! Dis moi pas que ta mère ne veut pas que tu vienne ce soir!

- Eh bien si, mais je viendrai.

- Quoi! Arête laisse tomber tu vas être punie jusqu'à la fin de tes jours!

- Elle n'est pas obligée de savoir. En fait, elle m'interdit seulement le plus génial: la boîte de nuit. Il me suffit donc de rentrer après le shopping et le ciné, et de repartir après, ni vu ni connu, grâce à ma chère sauveuse la gouttière!

- Non mais t'es vraiment dingue. On est à peine en vacances que toi tu te risques à les passer enfermée!

- Peut-être…mais je suis prête à jurer tout ce que tu veux que je serai quand même là ce soir.A plus.»

Elle raccrocha, puis descendit les escaliers en ayant éteint la radio au préalable. Ne voyant sa mère nulle part dans le salon, elle devina que celle-ci se trouvait dans son atelier, comme à l'accoutumée, à peindre sur une toile. Jugeant inutile de la déranger, Maéva lança simplement un:«Maman j'y vais, je rentrerai vers sept heures. A tout à l'heure! » d'un ton empreint de joie et de satisfaction.

Maéva retrouva Kyrene, sa meilleure amie, Cleo, Elissa, Andries et Christos, son petit ami depuis maintenant un an et trois mois devant chez Jardos, le magasin vénéré des filles où l'on trouvait tout: des vêtements au maquillage en passant par les produits diététiques. Après un long baiser à son amoureux, Maéva déclara: «Normalement ce soir je ne suis pas sensée venir avec vous. Mais je ne vois pas pourquoi j'obéirais. Je vais donc rentrer chez moi dans trois heures et demi, j'irai dans ma chambre en prétextant que je suis hypra crevée et puis, vers dix heures je descendrai par la gouttière et je prendrai le bus jusqu'au Spot7!

- Et si ta mère entre dans ta chambre pour te dire bonne nuittu fais quoi? avança Elissa

- Elle ne le fera pas. Au pire, si elle s'approche de ma chambre, Hallie l'en empêchera avec un bon mensonge!

- T'es sûr que ta sœur te couvrira? demanda Andries, sceptique.

- Elle sera bien obligée. Sinon je balance à maman que quand elle est partie à un congrès l'autre jour, Hallie a ramené son copain à la maison et qu'ils ont couché.

- C'est vrai ! s'exclamèrent Kyrene et Cleo d'une seule voix

- Yep mes louloutes !Bon c'est pas tout mais je meurs d'envie de claquer mon portefeuille! Let's go.

Et le club cinq partit, bras dessus bras dessous, dans la galerie marchande d'Athènes. Après s'être parés pour l'été avec paréos, tongs, maillots de bain, serviettes, etc, la bande alla au cinéma, voir Star Wars III. En sortant de la salle, Christos dit à Cleo, qui, comme les autre, n'avait pu retenir ses larmes: «Cleo, la prochaine fois mets du waterproof!

- Et merde, jura celle-ci

- Andries, t'es une tapette, se moqua Elissa. Je veux bien que nous on chiale, mais toi… (1)

- Pff, répondit le concerné, en essuyant toute trace d'humidité qu'il pouvait y avoir sur ses joues. De toute façon Andries et tapette c'est une antiphrase: je te rappelle que mon prénom veut dire viril. (2)

- Tes parents ont du avoir une illusion quand ils t'on nommé alors…»

Sur ce magnifique cassage, Maéva dit au revoir à ses copains et rentra chez elle. Son arrivée à la maison fut accompagnée d'un gigantesque bâillement, quelque peu exagéré, que même Lena, profondément concentrée par son nouveau tableau, entendit. Comme prévu, la jeune fille fila dans sa chambre, à cause d'une prétendue fatigue, après avoir avalé vite fait une part de pizza.

Dès que la clé fut tournée, elle se dirigea vers l'armoire qui contenait ses vêtements. Bientôt, son lit se retrouva ensevelit sous les minjupes, pantalons et hauts en tous genres. Après maints essayages devant le miroir et non sans hésitation, elle retint deux hauts et deux bas: un dos nu rouge, un débardeur décolleté noir qui laissait voir son ventre plat, et une minijupe et un pantacourt noirs. Indécise, elle appela sa sœur à l'aide.

En réalité, Hallie et Maéva n'étaient pas sœurs, mais demi-sœurs. Hallie était la fille de Paul, lui-même demi-frère d'une ancienne amie de Lena, Carmen. Lena et lui avaient divorcé car Paul trouvait que sa femme était tout le temps en voyage pour les affaires (carrière d'artiste oblige). Deux ans plus tard, Lena avait rencontré Filipos. Ils ne s'étaient pas mariés mais avaient eu Maéva. Peu de temps après, ils s'étaient séparés, pour la même raison qu'avec Paul…

Au bout de dix minutes, les vêtements étaient choisis : sur le conseil d'Hallie, Maéva avait opté pour le dos nu et la jupe. Pour la coiffure, elle avait décidé, d'elle-même cette fois-ci, de s'attacher les cheveux avec une pince, et puis des mettre les créoles qu'elle réservait pour les grandes occasions.

La descente de la gouttière se montra assez périlleuse. Premièrement, la jupe de Maéva s'accrocha dans les rosiers et faillit être déchirée. Heureusement, elle réussit à la sauver mais se griffa la main. Ensuite, ses chaussures à talons, pas tout à fait appropriées à ce genre d'activité, la firent glisser et elle se râpa toute la jambe gauche sur la gouttière. Lorsque enfin, ses pieds touchèrent le sol, elle manqua de se tordre la cheville. Comme pour aggraver encore la situation, le bus qu'elle devait prendre était en train d'arriver, mais Maéva réussit à courir et à sauter dedans.

En entrant dans le Spot7, Maéva fut surprise de la chaleur qui y régnait. On arrivait à peine à respirer et l'air était chargé d'une odeur de tabac et d'autres substances illicites mêlée à celle de la transpiration. Les murs étaient noirs, mais recouverts de grands tags de jeunes filles et mecs en tenues assez dénudées et avec des poses évocatrices. Il y avait un coin bar avec des fauteuils à l'air plutôt confortables, et, sur la droite la piste de danse. Elle était assez petite, de manière à ce que les gens dansent les uns contre les autres, surplombée de spots en tous genres: boules à facettes, néons ultraviolets, stroboscopes, et entourée de cages ou des bimbos en tenues provocantes se trémoussaient sur les accords de la guitare électrique.

La jeune fille se fraya un chemin parmi tous les étrangers. Quelques pas plus loin, un garçon, qui lui était inconnu, l'aborda: «Salut poupée, tu veux un verre?» Il avait l'air ivre. Maéva l'ignora superbement et continua son chemin à la recherche de ses amis. Elle les trouva, enfin, assis, sirotant de la Vodka et discutant de choses et d'autres. Maéva, les imitant, commença elle aussi à boire. Elle se leva au bout d'un moment et entraîna Christos, Kyrene et Andries sur la piste de danse. Après une heure de déhanchements sur de la techno et du hardrock, elle re-commanda un verre d'alcool.

«Mév', vas-y mollo, hein? lui fit Christos, j'ai pas envie que tu te retrouves à vomir tes tripes aux chiottes et il ne faut surtout pas que tu aies la gueule de bois demain sinon ta mère va piquer une crise.

- T'inquiètes, c'est mon dernier verre, après je te jure que j'arrête, chéri !lui répondit- elle en l'embrassant.» Et elle retourna se déchaîner sur la piste.

Lorsque Maéva rentra enfin à la maison, vers deux heures du matin, elle pensait rentrer sans bruit dans la maison endormieet se faufiler dans sa chambre discrètement. Mais, lorsqu'elle trouva sa mère debout dans le hall, les bras croisés sur sa poitrine et l'air passablement en colère, elle perdit son sang froid.

«Maman ! s'exclama-t-elle.

- Désolée mais je n'ai pas cru à ta petite comédie de tout à l'heure. Je sais bien que quand on court dans sa chambre en claquant la porte, suite à une interdiction de sa mère, on ne descend pas quelques minutes plus tard, avec «soi disant» l'intention d'obéir et un sourire aux lèvres, à moins qu'on ait une petite idée derrière la tête. Figure-toi que j'ai été jeune, moi aussi, bien que ça te paraisse impossible !» Lena marqua une courte pause.

«Mais pourquoi es-tu comme ça avec moi ? reprit-elle, d'une voix brisée.

- Peut-être parce que tu n'as jamais été là pour moi, quand j'en avais besoin. Papa est parti quand j'avais un an, et toi, tu étais toujours en voyage pour peindre les quatre coins du monde, ou encore superviser des expos de tes oeuvres à Tombouctou. Petite, presque toutes les mères allaient chercher leurs mômes à l'école. Pour Hallie et moi, c'était une vieille nourrice acariâtre qui nous ramenait à la maison. Tu nous a abandonnées pour te consacrer à ta carrière d'art plutôt qu'à tes filles. Si tu voulais vraiment une vie d'artiste, il ne fallait pas nous avoir !»

Elle se tut, consciente d'être allée un peu trop loin. Après un long et embarrassant silence, Lena répondit, les larmes aux yeux : «Je suis désolée, mais ce qui est fait est fait, je ne plus revenir en arrière. J'ai pensé qu'en travaillant autant, la vie serait plus facile pour vous : je gagnerais plus d'argent pour vous nourrir et vous offrir plein de choses. Mais je me suis trompée…

Au fait, reprit-elle alors qu'elle se dirigeait vers sa chambre, j'ai téléphoné à un camp de vacances anglophone. Tu pars après-demain en Italie, et pendant deux semaines.

- Quoi! C'est ça ma punition! Tu peux toujours rêver, jamais je ne monterai dans le bus, la voiture, le train ou tout ce que tu veux,et tu ne pourras pas m'y forcer !

- Comme tu veux…rusa Lena. Hallie sera chez son père. Et si toi tu préfères rester avec moi plutôt que de partir avec des jeunes de ton âge, je…

- Non, la coupa Maéva. C'est bon, j'irai.»

Elles regagnèrent toutes deux leur chambre. Quelques minutes plus tard, Maéva regretta cette décision prise sous le coup de la colère et de l'orgueil. Mais elle était comme ça et ne pouvait s'empêcher de placer sa fierté au dessus de tout.

Une fois dans son lit, elle repensa à la façon dont elle avait agi ce soir, pour la boîte de nuit. En réalité, elle aurait très bien pu ne pas aller danser. Si elle s'y était rendue, ce n'était pas par très grande envie de bouger son corps, mais uniquement pour ne pas obéir à sa mère, la contredire. Elle trouvait cela pitoyable, mais ne pouvait pas non plus se retenir de se comporter comme ça avec sa mère. En fait, elle se vengeait en quelque sorte des souffrances qu'elle avait dû supporter à cause des absences continuelles de Lena, en grandissant, telle une orpheline. Et puis, elle avait tellement manqué d'amour qui lui était difficile d'en donner.

«Mon dieu, gémit la jeune fille intérieurement, je vais devoir passer deux mois avec des inconnus, dont cinq semaines dans des tentes en pleine nature, et tout ça à cause de mon fichu amour-propre!»

(1) Hum hum, je suppose que personne ne reconnaîtra Brice

(2) En plus c'est vrai!


Réponse aux reviews :

Morganelafe : vilaine méchante pas belle Mo ! moi ki tenais à garder l'anonymat c'est raté ! lol !
Mais tinkièt je t'en veux pas je t'adore !

Pami : 1) hé oui Lena et Maéva sont complètement à l'opposé l'une de l'autre 2) Tu vas écrire une fic ou pas ? si oui tu pourrais me dire sur quoi et quand tu la publie stp ?

Merci pour vos reviews ! Je suis désolée mais vous allez devoir attendre la rentrée pour lire la suite parce que je ne suis pas là des vacs et la où je vais y a pas d'ordi... :-(

Bonnes vacances à tout le monde !