Un Voile entre les Mondes
Première partie : La nuit et la peur
3 – Chamboule tout
Adeline criait. Erwan se démenait. Je regardais comme perdue. Mais la réalité était bien là. Les armures nous attaquaient. Erwan avait saisi une des lances décorant le mur, juste à temps pour parer le coup de hache. L'estoc qu'il porta ensuite fit voler l'armure en morceaux. Il se tourna vers moi.
« Mathilde qu'est-ce que tu fiches ? ! »
Je secouai violemment la tête pour sortir de la transe dans laquelle j'étais perdue. Quelque chose n'allait pas, comme si un voile venait de tomber, nous emprisonnant. Voile invisible dans lequel nous nous débattions sans pour autant en avoir conscience.
Une armure avançait dans ma direction. Sa lance plantée dans l'herbe entre nous étincelait d'un éclat lugubre. J'aperçus du coin de l'œil Antonin arrivant au premier. Un étage encore pour atteindre ma baguette. Un étage de trop. Il n'y a pas de choix dans ce combat.
Tenant de la main gauche la fontaine, je me projetai vers l'arme, la saisis à deux mains et l'arrachai à la terre en effectuant une roulade avant. La lance tournoya et frappa l'armure, la poussant contre une colonne du cloître et arrêtant ainsi ma rotation.
Je n'attendis pas et sautai sur mes pieds. D'un mouvement rapide, et avec toute la force que je possédai, je transperçai la plaque ventrale de l'armure et pénétrai la pierre. Les puissances seules savent comment j'en fus capable. Mais les faits étaient là. L'armure était scellée par la lance dans la roche.
Erwan me lança de l'autre côté du jardin une hache. J'hésitai un instant, mais voyant les autres armures approcher, et celle devant moi lutter pour saisir la lance qui la retenait, je levai la hache et frappai ses bras. Ceux-ci se détachèrent et je les poussai loin de celle-ci.
La hache était lourde, si lourde. Je la sentis échapper à mes mains et heurter le sol sur lequel je m'effondrai à genoux. J'avais mal, et l'adrénaline semblait tout à coup inefficace face à la vague de froid qui m'emportait. J'ouvris grand les yeux, essayant de ne pas perdre pieds, me concentrant sur le monde autour de moi. Mais le spectacle me fit perdre espoir.
Trop nombreuses. Trop faibles. Et seuls. Je me pinçai, espérant me réveiller de ce cauchemar. Mais la douleur était bien réelle. Adeline poussa un nouveau cri, Erwan fracassa sa troisième armure. Et moi je restais là, à regarder, comme perdue hors du monde. Pourtant je devais agir. C'était mon devoir en tant qu'aînée, de protéger ma famille. Alors pourquoi mes jambes refusaient-elles de me porter. Comme s'il n'y avait plus d'espoir, comme si nous étions déjà… de l'autre côté du voile…
Je secouais à nouveau la tête. Pourquoi cette peur irrationnelle. Cela pouvait aussi bien être un test comme nous en subissions tant pendant nos cours d'été. Alors pourquoi est-ce que je paniquais ?
Inspirant profondément, je sautai sur le côté, évitant de justesse le coup de massue. La lourde masse de métal profondément ancré dans le sol empêcha l'armure de se relever. J'en profitai pour lui donner un grand coup et la pousser contre la fontaine. Elle tomba à son tour en morceau.
Je saisis l'arme abandonnée et tirai un grand coup. Si fort que je tombai sur les fesses. Heureusement pour moi, car projetée en arrière, la masse couverte de pointes écrasa le casque d'une troisième armure. Si la situation n'avait pas été aussi tendue, j'aurais sûrement pris le temps de sourire, l'armure remuant frénétiquement les bras devant elle comme un aveugle ayant perdu sa canne.
La grande porte s'ouvrit violemment, laissant passer un Pierre affolé qui trébucha sur les marches et s'étala du haut de ses deux mètres sur le granit. Heureusement pour lui, car Erwan avait levé sa lance et frappa dans un mouvement de rotation la silhouette qui le suivait. Celle-ci fut projetée hors de la maison et entraîna avec elle deux autres personnes.
Ils n'eurent pas le temps de se relever que déjà Adeline et moi fermions la porte, la bloquant avec lances et haches. Les armures n'étaient pas seules à perdre l'esprit. Le Refuge était attaqué, et le système de défense ne semblait pas pouvoir les arrêter.
Merci à Titou Moony, Ambre, Mary-Evy, Miya Morana, Loufinette, Shiri, Shannen et Joie pour leurs messages.
Angharrad
Première publication le 6 décembre 2003
Dernière mise à jour le 19 juillet 2010
