Un Voile entre les mondes
Troisième partie : Violence

5 – Une nouvelle Baguette

Sur l'enseigne de la boutique, on pouvait lire « Ollivander, depuis trois cents treize avant JC ». Je fus vraiment impressionnée, ayant toujours cru que la magie avec baguette datait de l'époque du Roi Arthur et que les celtes, auparavant, performaient leurs sortilèges par le chant, plutôt que par le geste.

La boutique ressemblait en tous points à la salle spéciale baguettes du magasin français. Sans doute un peu plus vaste, poussiéreuse et désertée. Grand-père se laissa tomber sur le canapé de cuir, et me fit signe de déposer mes achats.

« Tu es sûr que c'est ouvert ? Le magasin semble vide. On ne pourrait pas revenir plus tard ?

- Tiens tiens, qu'avons-nous donc ici ? demanda le vendeur qui sortit d'un recoin sombre de sa boutique.

- Nous sommes ici pour trouver une baguette à cette jeune fille. » répondit Grand-père de son latin si fluide qu'il paraissait incroyable qu'il s'agisse d'une langue morte.

L'homme se tourna vers moi et me transperça de son regard.

« Hum, j'ai beau chercher, je ne me souviens pas de votre baguette précédente, grommela-t-il alors qu'il tournait autour de moi.

- Chose tout à fait normale, puisqu'elle venait de la Baguette Magique, » répondis-je en roulant des yeux.

Était-ce donc un trait de tous les artisans baguettiers, que de se souvenir de chacune de leurs baguettes ?

« Oh… Vous êtes elle ! sursauta-t-il la main sur le cœur, ce qui amplifia le sentiment de malaise qui m'oppressait depuis que nous étions entrés dans le magasin. Oui, oui, Olivier m'a prévenu. Une baguette spéciale qu'il vous faut mademoiselle, non pas une de ces baguettes pour sorciers. Attendez, je reviens.

- Comment ça, pas une baguette pour sorciers ? » répétai-je en me tournant vers Grand-père.

À sa grimace, je compris que j'avais encore une fois oublié de changer de langue. J'allais lui répéter ma question en français, mais il préféra se replonger dans le déchiffrage du livre « l'Europe des moldus et celle des sorciers ». J'allais me laisser tomber à côté de lui, quand un grand boum me fit sursauter. Ollivander venait de lâcher sur le bureau un large coffre de bois noir, marqué d'un sceau étrange, un pentagramme avec un crâne en son centre. Un frisson remonta le long de mon épine dorsale. Pourquoi réagissais-je à ce sceau ?

« Ah, voici votre fameuse collection ? » s'enquit Grand-père toujours en latin.

Il posa son livre et se leva. Ollivander hocha la tête et me demanda d'avancer vers lui. Grand-père du bout de sa canne toucha le sceau, puis, prenant ma main, la posa sur le crâne. Celui-ci se mit à briller, et disparut, ouvrant le coffre dans le même mouvement. Le baguettier sourit et tira quelques-uns des écrins.

Je ne comprenais rien à ce qui se passait, et n'étais pas sûre de vouloir vraiment comprendre, sur le coup. Ollivander me tendit les baguettes une à une, me demandant si je ressentais quelque chose, si je pouvais lancer un sortilège. Mais il fallut encore quelques heures avant d'atteindre le fond du coffre et la dernière baguette.

« Si votre petite fille ne peut se servir de cette baguette, j'ai peur qu'elle n'ait réellement, comme nous le craignons, rejeté la magie, » murmura-t-il à mon Grand-père dans ce foutu latin que je ne comprenais pas.

J'étais fatiguée, exténuée, et en avais tellement marre que je saisis la baguette sans y penser. Je sentis une décharge d'énergie et instinctivement lâchai la baguette.

Les deux hommes me regardèrent, surpris. Je secouai la tête négativement, et me baissai pour ramasser le bout de bois, puis donnai un petit coup de poignet. Des paillettes noires en jaillirent. Je secouai un peu plus la baguette, d'un mouvement circulaire. Aux paillettes noires se mêlèrent des paillettes argentées, tournant comme de la mousse autour d'une cuillère dans un café.

D'un geste vif, je dirigeai les paillettes vers les écrins et baguettes étalés sur le bureau. Ceux-ci s'élevèrent et regagnèrent le coffre qui se referma, le sceau étrange se dessinant avec les dernières paillettes qui quittèrent la baguette. Ceci terminé, je me tournai vers les deux hommes.

« Bah quoi ? Fallait bien que je fasse quelque chose de toute cette magie libérée, non ? demandai-je et répétai-je dans les deux langues, tout en haussant les épaules.

- Puis-je voir votre baguette, mademoiselle ? demanda Ollivander qui semblait curieux et agité.

- Bien sûr. Après tout, je ne l'ai pas encore achetée. » répondis-je tout en lui tendant l'objet étrange.

Car cette baguette était bien étrange, d'un bois noir, incrustée de motifs argentés et dorés. Ollivander resta quelques minutes à observer l'objet attentivement, prendre des mesures, gribouiller sur son calepin. Puis il rangea la baguette dans son écrin.

« Extrêmement étrange et intéressant. Une baguette exceptionnelle, ma dame. Prenez-en grand soin et elle vous protégera. Oubliez-la, et elle se rappellera à vous. »

Je le dévisageai, surprise, des milliers de questions se bousculant dans ma tête, que ce soit sur le 'ma dame' employé ou la baguette elle-même. Mais Grand-père était en train de lui parler à mi-voix et en latin. Il régla rapidement la baguette, étonnamment peu chère comparée aux difficultés que nous avions eues pour la trouver.

« J'ai gravé votre nom sur la baguette, déclara Ollivander en me tendant le sachet. Pas que quelqu'un d'autre ait vraiment le potentiel pour s'en servir… murmura-t-il en essuyant nerveusement ses lunettes.

- Excusez-moi, mais vous ne m'avez pas dit de quels éléments était composée la baguette ? l'interrogeai-je alors que je glissais le paquet dans le même sac que mes livres.

- Oh, vous le découvrirez bien par vous-même, » répondit-il alors qu'il me forçait le portoloin dans la main, me renvoyant en France.


Merci à Alpo, Naseis, Alana Chantelune, Miya, Luffynette, Petite fleur la fée, Beltegueuse, Shiri, Ranae, Syllian, Aliri pour la trace de leur lecture et leurs messages d'encouragement.

Angharrad, dernière modification le 30 octobre 2010
Première publication le 1er juillet 2004