Un Voile entre les mondes
Quatrième partie : D'amour et d'Amitié

2 – The Unsleepy Faery Sammy

Cette première matinée à la maison d'hôte du GKSS fut plutôt une galère sans fin. Le temps de trouver une version compréhensible et complète du guide du nouveau venu, de récupérer draps, serviettes et un certain nombre d'affaires fournies par la gérante qui parlait un allemand au fort accent « flat deutsche », je pus prendre le chemin de la ville.

Je m'étais déjà frottée aux transports en commun pour me rendre à Hambourg, ou pour rejoindre le GKSS de mon ancien logement. Mais je ne m'étais pas attendue à ce que le réseau entre les banlieues et le centre-ville soit aussi pauvre. Un bus par heure et par ligne pour rallier le centre commercial, mais d'une logique exceptionnelle, ces deux bus passaient à cinq minutes d'intervalle.

Ma première pensée fut d'acheter un vélo d'occasion, lorsque enfin je me trouvai dans la rue supposée marchande. Mais à voir les prix des cycles, plus de cent euros, pour une ruine en bien plus mauvais état que celui que j'avais restauré l'année précédente pour une trentaine d'euros, pneus neufs compris, je me refusai à cette dépense, et maugréai que finalement, c'était peut-être une idée, une fois que j'aurais fait le tour de la ville, de m'entraîner à transplaner.

Prenant mon temps pour faire mes courses, quelle ne fut pas ma fureur de voir qu'une fois de plus, ma montre subissait les effets de ma magie et avait pris dix minutes de retard, me faisant rater les bus, et me condamnant à une heure d'errance sous la pluie. Je fus soulagée qu'il ne s'agisse que de pluie, Antonio m'ayant envoyé des photos de neige la semaine précédente.

Je ne sais pas où je trouvai la force de me traîner au bureau, mais j'étais installée devant mon écran, une tasse de café fumante à la main, à quatorze heures pétantes. Consciencieusement, je relevai mes e-mails professionnels, remplis ma feuille d'avancement pour la société qui m'avait envoyée ici, et regardai d'un œil distrait les offres de postes qui pourraient me correspondre pour l'après GKSS.

Malheureusement pour mon envie de rentrer en France, la plupart des postes intéressants de mon domaine se trouvaient en Allemagne, aux Etats-Unis, et pour certains au Canada et en Chine. Cela aurait été il y a quelques mois, j'aurais sans doute tenté la Chine, cependant je ne rêvais plus que de mon chez moi. Mais la France était-elle chez moi ? J'en doutais à présent, après l'impression de vide que j'avais ressenti pendant le mariage de ma sœur. Alors où ?

Je ruminais ces pensées sombres quand je me rappelai que j'avais la veille posté un écrit. Je restais interdite quelques secondes en voyant le nombre de courriels dans la boite de réception. Déjà quinze ? ! Mais en regardant la liste des expéditeurs, le choc du nombre fit place au désespoir du spamming. Plusieurs messages automatiques pour me souhaiter la bienvenue sur le serveur, en tant qu'auteur, que lecteur, me demander d'aller lire les écrits d'untel.

Désespérée, il me fallut quelques secondes pour me rendre compte qu'au milieu de tous ces messages, il n'y en avait qu'un qui m'était adressé personnellement, avec une formule de reconnaissance que j'avais reconnue dans les reviews de personnes que je soupçonnais d'être de véritables sorciers.

Hésitante, je lus et relus le titre du message. Revelare Faerienae. Du latin, un peu grossier, déformé, de cuisine diraient certains, mais tout à fait compréhensible pour tout sorcier « Révèle-toi Faërien. » Peu de gens employaient le mot de Faërien, mot ancien remis au goût du jour par l'historien Chad Du Lac, grâce à ses travaux sur les fondateurs de notre société magique depuis un peu moins d'un ans. Un jour où la curiosité avait gagné sur mon aversion pour la magie, j'avais emprunté un de ses livres à Mère et grandement apprécié ce choix de terme, que seule notre famille utilisait encore en France.

Bref, je me concentrai alors sur le nom de l'expéditeur. One Ring, The Unsleepy Faery. Deux noms apposés l'un à l'autre. Je ne m'étonnai pas trop pour l'Anneau Unique. Après tout, la trilogie du Seigneur des Anneaux au cinéma était encore toute récente. Et si cette sorcière, car j'étais sûre qu'il s'agissait d'une sorcière, surfait sur la toile, le cinéma ne devait avoir aucun secret pour elle. Quant à la Fée Sans Sommeil, et bien je ne sais pas, je devrais peut-être lui demander.

Je ne savais pas trop comment vous présenter les conversations que nous allions avoir avec ma petite fée du Net. Je pense que le premier message que je lui ai envoyé devrait vous donner une idée assez précise de mon inconfort. En italique mes réponses placées dans le texte de son message original.

From : *****

To : One Ring the Unsleepy Faery

Euh… Bonjour ! *One Ring nerveuse là… *

Pas mieux ici *transpire*

Désolée de t'embêter !

Tu m'embêtes pas du tout, au contraire !

J'ai lu ton chapitre « Magie et Galerie Parallaxe » ! Super !

Déjà ! J'm'attendais pas à avoir de lecteurs avant quelques jours tellement cette histoire est spéciale pour moi, mais somme toute assez banale.

Je dois dire que j'avais de la peine pour Mathilde au début de l'histoire ! Mais . . . J'ai adoré la scène la scène de sortie d'hôpital ! C'était tellement drôle !

Véridique. Tout s'est passé comme ça *sourit* c'est fou les réactions qu'on peut avoir quand on est gosse.

Allergique aux animaux magiques ? *la mâchoire qui se décroche* la pauvre. . . Et en plus on lui colle une médaille d'Orichalque ? !

Oui, mais Mathilde ne la porte plus depuis quelques années déjà. Quoi que, il serait peut-être judicieux qu'elle la ressorte pour éviter de faire éclater trop de tasses *gronde Mathilde*

Et bah quelle famille !

Euh… C'est en mal ou en bien que tu dis ça ? *pas sûre d'avoir compris*

Tu as le don de prendre les gens au dépourvu ! ! !

Ben c'était un peu fait pour *sourit* à quoi ça sert une énième version des amours étranges de notre 'sauveur'

Je t'ai laissé une review publique ! (J'ai fait un très gros effort !) Et . . . bizarrement, elle s'est laissé en deux fois ! ! Là, je sais pas ce qui s'est passé, mais bon . . .

Euh… Je suppose que tu fais partie de ces lecteurs muets qui ne se manifestent généralement que lorsque l'auteur menace d'arrêter son histoire ? Pas bien *Dit celle qui ne commente que si l'histoire est vraiment très bonne ou bien mauvaise*

Y'a un truc que je me demande : Que faisait le grand-père de Mathilde dans la Cueva, et il a quel âge d'ailleurs ? Il était pas en train de boire quand même, *éclate de rire* . . . ou alors il travaillait ?

Bonne question… Avec le recul, je ne le sais toujours pas *sourit* . . . . mais connaissant le personnage, ce n'est sûrement pas boire ! *ou alors du jus de pomme*

T'es pas obligée de me le dire si ça gâche tout de la suite de ton histoire bien sûr ! Je comprendrais ! ! ! ça risque de bousiller le punch !

Non non, c'est pas que je veux pas te le dire, si je le savais, je te le dirais *sourire énigmatique*

Bon . . . J'attends de voir la suite ! ! Et ce dernier paragraphe… Enrageant si tu t'arrêtes maintenant, tout un programme ! Il nous faut absolument la suite ! La suite de TON histoire.

Euh, tu crois vraiment que c'est MON histoire ? Tu veux la suite ? Euh… J'avais pas l'intention d'en écrire beaucoup plus… Et puis je suis censée travailler… Remarque, c'est pas ce que je fais qui m'empêchera beaucoup d'écrire. Vive l'administration Allemande *fait la tête* …

Je pense que quand tu disais que t'allais casser les clichés tu mentais pas !

Moi ? Je mens jamais… enfin… De temps en temps, mais juste quand c'est vital *clin d'œil*

C'est assez rare de voir quelqu'un avoir un regard aussi critique sur la société magique et sembler la connaître aussi bien. Mais vu que c'est ton histoire c'est normal * sourire béats*

Euh… C'est la seconde fois là. T'es sérieuse quand tu dis ça ? *transpire*

Si t'as besoin de détails sur d'autres villes magiques de France, ou d'autres anecdotes pas si positives que ça sur le monde magique, n'hésite pas !

~Sam – The One Ring and Only Unsleepy Faery~

A bientôt !

Mes réponses mesurées firent éclater de rire Sam. En effet, ce que je ne savais pas, c'est que le titre de son message était protégé par un sortilège. Si j'avais été simple humaine, j'y aurais lu un « RE : your files. pik » et l'aurais sans regret envoyé directement à la corbeille. Je me sentis idiote, mais après tout, l'informatique sorcière était une discipline toute nouvelle. Je n'étais même pas sûre de l'existence d'un département consacré à surveiller les sorciers du net et ce qu'ils révélaient de notre société, au sein du Ministère de la Magie.

En fait, je suis quasiment sûre qu'il n'existait pas à l'époque. Sinon, ils ne nous auraient pas laissé publier les récits que je rassemblerai plus tard dans une communauté, perdus au milieu des récits de fans moldus…

Pour en revenir à Sam et son pseudo étrange, j'avais en partie raison. Elle était elle aussi bien tombée dans la marmite « Seigneur des Anneaux » avec la sortie des films depuis trois hivers. Et pour ce qui était de la seconde partie de son pseudo, il ne fallait pas chercher plus loin que ses problèmes d'insomnie.

Sam était une jeune sorcière de vingt ans. Ses parents s'étaient séparés alors qu'elle était encore toute jeune enfant. Pourquoi ? Je crois que je ne le sais pas encore à ce jour, et ça ne me regarde pas. Tout ce que je sais, c'est qu'elle vécut longtemps avec sa mère, mais ses relations difficiles avec son beau-père, un moldu manifestement étroit d'esprit, détériorèrent ses relations avec sa mère, elle-même Cracmol. Sa sœur aînée parvint à s'en accommoder, mais elle non.

D'autant plus qu'ils refusèrent de l'envoyer à Beauxbâtons quand le temps fut venu. Sam voulut faire appel à son père, mais moldu lui-même, il ne comprit pas le désarroi de sa fille. À force de plaintes et larmes, elle parvint tout de même à se faire inscrire à des cours par correspondance et à quitter le foyer de sa mère pour celui de son père, à peine plus tolérant.

Lorsque je la rencontrai, elle était encore à suivre ces fameux cours par correspondance. On aurait pu croire que les sorciers, ingénieux comme ils se croyaient, auraient inventé des livres parlants ou ce que les humains appelleraient des livres interactifs. Mais non. Et Sam se débattait entre ses problèmes d'insomnie, familiaux et magiques.

En rencontrant Sam, je trouvai un compagnon d'errance et de râlerie, avec qui je pus discuter sans détour de mes problèmes d'ordre magique ou du boulot. Et ce fut pour moi un réel plus vu les événements qui allaient continuer à s'acharner sur moi.


Merci à Alana Chantelune, Miya Morana, Naseis, One ring, Kirfee, Lolo, Shiri, Aliri, Bianca n'ha Gabriela pour la trace de leur lecture et leurs messages d'encouragement.

Angharrad, dernière modification le 30 octobre 2010
Première publication le 19 août 2004