Chapitre huit : Orphée
I will follow her on her path
Scarlet's Walk through the violets
just tell your gods from me
all debts are off this year
they're free to leave...
- 'Scarlet's Walk', Tori Amos
Il s'attendait à la pénombre, mais en fait ce fut tout le contraire.
Bien sur, il ne pouvait pas réellement voir ce qui l'entourait – il avait pris soin de se bander les yeux et ainsi de ne pas se laisser attirer par quoi que ce soit. – mais il percevait à travers ce bandeau un halo de lumière.
Remus, curieux, se demanda un instant ce qu'il verrait s'il enlevait le morceau de tissu. Un monde d'un blanc immaculé ? Des milliers de miroirs ? Une montagne de diamants sous un ciel constellé d'étoiles ? Mais il chassa rapidement ces interrogations de son esprit.
Il prit une profonde respiration, l'air était glacé dans ses poumons. Mais c'était une sensation très agréable sur sa peau, encore douloureuse suite au contact brûlant d'avec les miroirs d'argent. C'était comme s'il avait eu un très gros coup de soleil.
« Sirius ? »
Il n'eut pas de réponse.
Remus combattit sa peur. Il leva ses deux mains devant lui, comme un aveugle cherchant son chemin à tâtons. « Sirius, es-tu là ? Touches moi – prends ma main. »
Il régnait dans cet étrange endroit un silence complet. Il ne ressentait rien, a part ce petit courant d'air frais qui lui caressait les doigts.
Remus résista une fois de plus à l'envie de retirer le bandeau et voir ce qui l'entourait. Est-ce que quelque chose dans le rituel avait échoué? Etait-il perdu ? Ou alors c'était Sirius qui était égaré dans ce monde ? Lui était-il impossible de le suivre ? Ou peut être qu'il s'était fait attaquer par ces esprits maléfiques. ?
Les miroirs.
Il prit une grande bouffée d'air frais, pour se calmer. Il n'avait était capable jusqu'à présent que de voir le reflet de Sirius dans le miroir ; mais il ne l'avait ni entendu, ni touché. Peut être que c'était la même chose ici ; peut être que s'il enlevait le tissu de ses yeux, il verrait Sirius se tenant devant lui.
Et peut être que cela sera la dernière chose que je verrai, pensa t il sinistrement, balayant cette part de lui qui se demandait si cette sorcière n'avait pas pris trop de précautions dans ces instructions. Le bandeau doit rester a sa place initiale. J'ai confiance en Sirius pour rester près de moi. J'ai donné ma confiance à Harry pour qu'il nous protège. J'ai confiance en cette femme qui m'a montré le chemin à suivre.
« Je ..vais supposer que tu peux m'entendre. » Dit-il après un moment de silence. « Sirius…reste près de moi. Suis-moi, ne t'écartes pas, même si quelque chose se passait – surtout s'il se passait quelque chose. Les sorts de protections ne marcheront que si nous sommes côte à côte. Tu comprends ?
Il n'y eut toujours pas de réponse.
Marcher à l'aveugle dans un endroit inconnu fut la chose la plus difficile qu'il lui ait été donné de faire. Il ressentait sous ses pieds la surface du sol – plate, le sol n'était ni accidenté, ni glissant- mais il avait cette peur irraisonnée que chaque pas soit le dernier ; que ses pieds ne trouvent que le vide l'entraînant dans une chute sans fin. Il fit de nouveau un petit pas en avant, les bras toujours devant lui. Il espérait sans vraiment y croire qu'il allait pouvoir toucher le voile, mais il savait au fond de lui que la route était encore longue avant de pourvoir l'atteindre.
Remus fini par marcher avec un peu plus d'assurance, mais sa peur ne le quittait pas. Le sol paraissait très solide sous ses pieds, et il n'avait sentit pour l'instant aucun mur ou obstacle sur son chemin, mais plus il avançait, plus il sentait la présence de quelqu'un en face de lui – et d'un moment à l'autre il allait sûrement le percuter si son intuition était bonne. – il ressentait aussi la présence d'une foule de personnes tout autour de lui – qui se déplaçaient en même temps que lui, mais évitaient toujours de le toucher en s'écartant juste avant lui.
Remus respirait rapidement. Il luttait pour réguler sa respiration, essayant de ne pas se demander s'il se rendrait compte si un des habitants de ce monde l'attaquerait. Sentirait-il cette brise glacée contre sa nuque ? Entendrait-il ces murmures à leur approche ? ou au contraire, il n'y aurait rien jusqu'au moment ou des doigts fantomatiques se refermeraient sur son âme…
Il frissonna, puis chancela. Il fit une pause pour reprendre ses esprits. L'aveuglement le paralysait. Il n'entendait rien – pas même ses propres pas – mis à part sa respiration saccadée et les battements de son cœur. Il leva ses mains a hauteur de son bandeau.
Si je le retire, pensa t il, je ne trouverai jamais le voile, je resterai ici pour toujours, et je ne reverrai jamais sirius.
Ses mains retombèrent le long de son corps. Il serra les poings et repris sa marche, encore plus déterminé. Il n'avait jamais appris l'occlumencie, mais il avait toujours eu un don pour contrôler ses émotions et son esprit. Lorsqu'ils étaient encore à Poudlard, Sirius trouvait cela totalement incompréhensible. Moony, disait il, je sais que le chocolat est une drogue pour toi ; tu en a toujours sur toi. Alors expliques-moi, comment tu peux être assis tranquillement ici, et te contenter d'en manger un seul petit morceau ? Remus avait bien saisi le sens caché de sa phrase et offrit le reste à ses trois amis, qui le mangèrent avec délectation. Et a ce moment précis Remus se rendit compte qu'un morceau de chocolat était bien meilleur que tout ce qu'il aurait pu avoir.
Et si Sirius ne me voyait pas ?
Remus essaya de se rappeler exactement ce que le livre disait, mais il y avait tellement de pages sur des recherches appliquées, tellement de spéculations ou impasses sur diverses informations qu'il préféra les chasser de son esprit et se concentrer seulement sur le but à atteindre.
Il était certain d'avoir lu que Sirius serait capable de le suivre jusqu'à la sortie. Mais avait-il mentionné quelque chose d'autre ? Devait-il trouver quelque chose de précis pour lui indiquer qu'il était sur la bonne voie ? Peut être avait-il fait tout cela pour rien ?
'…tous tes doutes….'
Une partie de lui désirait faire demi-tour, mais il savait parfaitement qu'il n'y avait aucun autre moyen de sortir d'ici à part le voile de l'arcade. Il respirait de plus en plus précipitamment. Peut être avait-il oublié une étape ou fait quelque chose de travers. Il aurait dû être plus attentif aux recommandations de Rogue. Il aurait dû laisser Harry rentrer chez lui et planifier tout ceci avec beaucoup plus d'attention, puis faire quelques essais sur lui, afin d'être sûr de savoir tout sur ce qui l'attendait, de mieux se préparer…
Et avec toutes ces hésitations Sirius serait sûrement perdu à jamais. Comme cette nuit si j'avais attendu pour appeler Dumbledore. Dieu seul sait tout ce qu'Harry et Sirius se seraient fait mutuellement il avait déjà brisé la jambe de Ron et Harry était si haineux.
Le souvenir était toujours très vivant dans sa tête ; ce moment où il s'était précipité dans la chambre de la cabane hurlante, ; l'angoissante heure qui avait suivi fut très éprouvante, lorsqu'il essayait de garder le contrôle de la situation qui tournait au cauchemar.
Bien sur, la situation n'était pas identique. S'il avait attendu un peu plus longtemps – ou s'il avait hésité et prit la carte avec lui – les choses aurait été bien différentes. Sirius aurait été innocenté cette nuit là.
Il marchait maintenant depuis un bon moment. Il n'avait pas le sentiment d'approcher quoi que soit, ni d'être guidé. Est-ce que le sort sur le cercle était en train de faiblir ? Ou allait peut être t il dans le mauvais sens ?
Une soudaine brise lui caressa la peau. Il se tendit , apeuré. Que se passait-il ? Est-ce que quelque chose approchait ?
Mais rien ne se passa.
'…toutes tes peurs…'
Excepté que maintenant il avait l'impression qu'il entendait quelque chose. Des murmures. Des voix. Très près de lui, mais trop basses pour être compréhensibles. Remus désirait ardemment retirer le bout de tissu qui lui cachait la vue, pour voir qui lui chuchotait ces paroles indistinctes. – il frissonna, car il était certain qu'ils étaient là, à quelques centimètres de lui- mais il décida de faire comme si de rien n'était et repris sa marche.
Et si tout ceci n'était qu'un piège ?
Remus marchait toujours, mais un grand frisson lui parcouru le corps, ; cette sensation le paralysait jusque dans ses veines. Pour la première fois, il se demanda comment et où Rogue avait obtenu ce livre qui l'avait conduit dans ce lieu maudit .
Comme par hasard, réalisa t il en commençant vraiment à paniquer, le livre qui contenait toutes les instructions pour entrer dans le monde des miroirs, tombe justement dans les mains de quelqu'un d'assez désespéré pour l'essayer.
Est-ce que Rogue lui avait donné délibérément pour le supprimer ? Non – il repensa à la réaction de Rogue ( au choc) lorsque qu'il avait réalisé que Remus avait l'intention de retrouver Sirius. Et il avait paru très sincère. Mais était-ce donc q'une simple coïncidence ? Par quel hasard le livre se trouvait exactement au bon endroit au bon moment ?
Néanmoins, pensa Remus, c'était lui et Harry qui étaient au bon endroit au bon moment pour quelqu'un – ou quelque chose- d'autre .
Cela pourrait donc signifier qu'il n'y avait pas de sortie. Ou alors qu'il n'aurait pas dû faire entièrement confiance à ce qu'il avait sous les yeux. Et qu'avoir les yeux bandés était peut être la chose la plus stupide qu'il pouvait faire.
Remus toucha le tissu du bout des doigts , puis retira ses mains brutalement et se mit à courir mais il ne fit que quelques mètres avant de perdre l'équilibre , et fut donc obligé de ralentir sa cadence.
« Je ne regarderai pas » dit-il à haute voix, ses propres paroles restant sans réponse parmi les murmures. « Peu importe »
« Et je sortirai de là » ajouta t il . « Sirius ? Nous allons trouver le chemin du retour. Harry nous attends. »
'…toutes tes parties obscures…"
Et si Harry n'était pas le seul à les attendre ? Si Voldemort était au courant et attendait patiemment que Remus ne tombe dans ses filets, entraînant Sirius avec lui…
En espérant que Sirius le suivait..
Remus résista à l'envie de l'appeler une nouvelle fois. Il savait qu'il n'aurait pas de réponse – et les murmures semblaient de plus en plus nombreux et insistants au fur et à mesure de sa progression. De plus, il avait l'impression de marcher depuis des jours, des mois, voire des années.
Après tout, peut être n'y avait-il aucune sortie ?
Sirius était-il toujours ici ? Il repensa à Son Sirius, aux mains puissantes mais au cœur tendre. A ses longs cheveux noirs si agréables à caresser, au réconfort et à sa chaleur dans la nuit, à ses rires, à cette image du garçon qu'il avait été. Il repensa à toutes ces choses qu'ils n'avaient jamais affronté pendant cette année de temps perdu – tant de mensonges non oubliés, non pardonnés, tant de non-dits entre eux.
Il faisait tout ceci pour Sirius. Et pour Harry, perdu mais déterminé et obstiné dans le département des mystères. Mais aussi pour lui-même ; pour combattre la douleur qu'il ressentait ; pour cette part désespérée en lui qui ne voulait pas laisser Sirius s'en aller encore une fois..encore une fois…
«… Toutes tes douleurs.. »
«Je sais que je ne suis pas le bienvenu ici. »
« Moony, attend, je n'ai pas dit ça.. »
« Non, c'est juste que j'en ai assez. »
« Tu viens et tu t 'en vas aussitôt ? C'est ta solution ? Moony restes ici ! Reviens ! »
Il tressaillit au souvenir de cette scène. Elle était toujours si nette dans son esprit qu'il pouvait encore entendre la voix de Sirius, son ton à la fois furieux et fautif . – mais jamais assez fautif, c'était le problème , jamais assez désolé…
« Tu lui as parlé depuis ? »
« Non, James. On ne peut plus se parler calmement. Engueulades à répétitions, insultes… . »
« Et bien Remus, calmes toi, je ne t'es jamais vu comme ça.. »
« Désolé. ..je suis perdu…je ne contrôle plus rien , je ne sais pas ce qui nous arrive.. »
«Je comprends. Ecoutes Remus….même si je ne peux pas prétendre savoir tout ce qui se passe dans la tête de Sirius – mais si c'est ton job qui a causé ça.. »
« Non – je sais ce qu'il en pense, mais…. En fait, il ne veut plus me parler. Mais en même temps je ne peux pas quitter le département des mystères – nous avons besoin des informations que je peux recueillir là bas- Dumbledore a justement dit l'autre jour que… »
« Ecoute-moi Moony, je sais ce que tu penses de cet endroit. Tu as appris beaucoup de choses très utiles, mais regardes, Dumbledore est un grand homme. Je l'admire, et je l'ai toujours admiré. Mais quelque fois, il…oublie que tout le monde n'a pas 120… »
«Il est plus près de 140 en fait. »
« Peu importe. Donc tout le monde n'a pas 140 ans sans vie privée… »
« Il a Aberforth , son frère. »
« Ca ne compte pas vraiment. Moony, le fait est que nous avons 20 ans. Nous avons nos familles, nos amis, les gens que nous aimons – toi et Sirius êtes .. »
«Non. »
« Remus… »
Il s'arrêta brusquement . Il entendait James prononcer son nom si clairement que pendant une seconde, il pensa…
« James ? »
Pas de réponse. Il tremblait. Il enroula ses bras autour de lui comme pour se réchauffer. Il essaya en vain de chasser ces vieux souvenirs qu'il souhaitait effacer. – pour se rappeler ses longues journées d'été à escalader des falaises à la recherche de grottes ; - mais dans sa tête revenait sans cesse le souvenir du département des mystères, Harry lui demandant , Comment t'en es-tu échappé, alors ? et il lui avait répondu, grâce à ton père…
« Tu vas bien Moony ? Dis quelque chose…ils ne t'ont pas maltraité au moins ? »
«Non, je vais bien. Je suis juste secoué par tout ça, je suppose. »
«Tu ferai mieux de venir à la maison ce soir.. »
« Je ne peux pas. C'est la pleine lune. Je ne veux pas risquer de blesser Lily ou Harry… »
« Alors je viens chez toi.. »
« Non, tu dois être auprès de ta famille.. »
«Tu fais partie de ma famille. Toi, Sirius, et Peter faites partie de ma famille. Nous nous sommes promis de ne plus jamais te laisser seul. Si je suis le seul à respecter cette promesse, tant pis..
« Peter ne peut pas sortir facilement. »
«Je sais. Je ne pensais pas à lui. »
« Ne soit pas en colère contre Sirius, James. Il avait raison, non ? Il y a un espion quelque part. Le ministère ne pouvait pas deviner ma véritable nature. Quelqu'un a dû les prévenir. Je ferai mieux de lui parler…il voudrait savoir…James ? Qu'y a t il ? »
«Je…Remus… »
« Quoi ? Dis-moi ! »
« C'est Sirius qui leur a dit »
Remus essaya de se focaliser sur le moment présent. Il avait déjà entendu des bribes de cette conversation avant – dans un train, en dehors de l'école, dans une forêt, dans un jardin une nuit d'été – mais il ne se rappelait pas pourquoi.
Pendant une seconde, un souvenir lui revint très clairement, c'était un jour d'automne… une salle de classe baignée d'une faible lumière, et un jeune garçon d'environ 13 ans implorant qu'il n'était pas un lâche… et sa propre voix, expliquant « il n'y a rien à faire avec les faibles… ils engendrent la guerre, le malheur, le désespoir… tu ne partiras avec rien. Mais la pire expérience de toute ta vie…
Les yeux verts du garçon devinrent marrons, remplis d'une haine dirigée non pas vers Remus, mais vers un autre garçon qu'ils aimaient tous les deux- et sa propre rage mélangée d'un sentiment de trahison- dur et amer la seconde fois, bien plus que la première ; toutes tes promesses , Sirius, n'ont servies à rien, et maintenant tu te sers de moi une deuxième fois.
Il s'arracha de cette image. Il se rappelait encore très bien ce que Sirius lui avait répondu- Il se souvenait de ses cris, de ses mots qui avaient dépassé sa pensée. Il ne pouvait pas obtenir de Sirius pourquoi il avait fait ça. Il se souvint de James, distrait par la peur qu'il éprouvait pour sa femme et son fils, ne réalisant pas que Sirius avait cessé de parler à Remus depuis leur dernier entretien ; James ne savait pas que Sirius mentait lorsqu'il disait que Remus avait d'autres choses à faire.
« Je crois qu'il pensait agir pour la bonne cause, Remus…quelques-unes des informations que tu as découvertes au ministère furent divulguées – il pensait peut être arrêter l'espion si tu ne travaillais plus au département des mystères… »
« Ce n'était pas à lui de faire ça, Lily, et tu le sais bien.. »
« Oui. . Mais. .tu sais comment il est.. »
« Oui.. »
« Je ne voulais pas dire dans ce sens là, Remus. »
« Mais c'est la vérité, néanmoins. Et Dumbledore est d'accord avec moi – il ne voulait pas que tu prenne Sirius comme gardien du secret. »
« James et moi avons entièrement confiance en lui, je lui confierai ma vie sans hésitations »
« Je ne le ferais pas, si j'étais toi, Lily. Il est plutôt négligent lorsqu'il s'agit des secrets des autres. »
Il essaya d'inspirer , mais l'air était glacé et lui blessait les poumons. Les voix tout autour de lui se faisaient de plus en plus intenses et nombreuses. – il avait la sensation que quelque chose s'approchait. Il était maintenant pris de vertiges et avait du mal à garder l'équilibre- et ne pas voir n'arrangeait pas les choses. Alors frénétiquement il leva sa main à hauteur du bandeau pour le retirer de son visage.
Au même moment, il perçut un bruit, comme s'il venait de très loin ; on aurait dit des sabots de chevaux au galop. Et soudainement le froid s'estompa. Les murmures devinrent silence. Remus sortit une main de sa poche avec hésitation et sentit pendant un instant l'aspect lisse des bois d'un cerf lui caressant la paume de la main.
Harry, pensa t il, et repris conscience de l'endroit ou il se trouvait .
Encore secoué, Remus repris sa marche aussi vite que possible en essayant de ne pas trébucher. Il avait été si perdu dans ces sombres souvenirs qu'il en avait même oublié ce qu'il était supposé faire. Même les détraqueurs ne l'avaient jamais affecté a ce point. – il avait toujours trouvé quelque chose pour combattre le mal.
Il souhaitait pouvoir savoir ce qui lui restait à faire, s'il avait parcouru une bonne partie du chemin. Il souhaitait pouvoir voir Sirius. Même juste apercevoir le visage de Sirius – encourageant, inquiet, effrayé, tendre, aimant.
Il résista à la tentation. Si ce monde l'affectait tant les yeux clos, il n'osait pas imaginer les souffrances qu'il devrait endurer les yeux ouverts.
Maintenant il devait être hors de la vue d'Harry dans les miroirs- son patronus l'avait protégé juste à temps, et il frissonna à cette seule pensée. – cela signifiait maintenant qu'il tournait dans les courbes sans fin composant les reflets des miroirs. Si le livre disait vrai alors il était presque arrivé.
Si le livre disait vrai.
Non, pensa t il fermement, et cette fois il se remémora clairement le jour où il avait promis a Harry de lui enseigner le sort du patronus. Il se souvint des leçons et de toutes ces choses qu'il lui avait apprises. Il lui avait enseigné tout ce qu'il avait acquis auprès de son propre professeur de défense contre les forces du mal. Il était un peu plus âgé qu'Harry , bien sûr, car il n'avait pas besoin de protection à l'époque, mais il eut beaucoup de mal à maîtriser ce sort. Ses compétences n'étaient pas à mettre en cause – mais il trouvait très difficile , à ce moment précis de sa vie, de regrouper des souvenirs tout en ayant la force nécessaire pour repousser un détraqueur.
Il ne pouvait pas faire plus, c'est tout.
Est-ce que Sirius le suivait toujours ?
Du bout des doigts il toucha un morceau de tissu rugueux, en lambeaux.
Remus retint sa respiration. Lentement il pris le tissu et le serra dans sa main. Il semblait très lourd depuis son support invisible- mais il apprécia de sentir la chaleur qui émanait de l'extérieur.
Il ouvrit le voile avec appréhension.
« Peux-tu…passer devant moi pour sortir ? » demanda t il dans le vide. Pas de réponse. Il ne sentit pas la présence de Sirius passer devant lui. Il n'entendait rien provenant de l'autre coté de l'arche- ni un bienvenu d'Harry, ni un cri de bonheur de Sirius. Il n'entendait rien excepté cette brise glacée qui se ruait vers la chaleur et toujours ces murmures .
« Sirius ? » chuchota t-il.
Ses doigts se resserrèrent autour du tissu. Un pas de plus le ramènerait dans le monde réel. Mais il pouvait aussi entraîner la perte de Sirius à jamais. Il était au point de non-retour. Une fois quitté le monde des miroirs, il savait pertinemment qu'il ne pouvait pas refaire le chemin inverse sans refaire le rituel. Et il savait au fond de son cœur qu'il n'aurait pas une autre chance . S'il quittait ce monde maintenant, et que Sirius n'était pas avec lui….. Le cœur de Remus saignait à cette seule pensée.
Mais que pouvait-il bien faire ? Sirius devait déjà être passé à travers le voile. Ou alors attendait-il que Remus fasse le premier pas ? Ou peut-être n'était-il pas là finalement…
Remus laissa retomber le voile. Il n'avait pas d'autres solutions. Il fallait qu'il enlève le tissu qui lui obscurcissait la vue, pour voir si Sirius était toujours auprès de lui- il pourrait bien résister à l'attraction de ce monde pendant quelques secondes… Il devait le faire, ou sortir de là sachant qu'il ne pourra jamais y revenir. Et s'il le quitte sans Sirius…
Remus, les doigts tremblants, essaya tant bien que mal de défaire le nœud à l'arrière de son crane. Il ne devait pas prendre le risque que Sirius ne le suive pas.
« Tout ce travail fut mis à néant et le contrat rompu par cet impitoyable monarque ; et trois coups de tonnerre éclatèrent au-dessus du bassin d'Avernus.
Ses doigts se figèrent. Les mots résonnaient dans sa tête mais cette fois c'était la voix de Sirius qui les prononçaient. Remus qui connaissait le latin, avait traduit l'histoire d'Orphée et d'Euridice . Sirius lui avait dérobé un bout de parchemin par curiosité et avait commencé à le lire à haute voix d'abord d'une façon très théâtrale en changeant sa voix en une sorte d'amusante parodie puis avec surprise, son ton devint plus sérieux pour mieux apprécier chaque mot. Quel contrat ? Demanda t il, et Remus lui raconta comment Orphée avait négocié avec Hades pour sauver la vie de son amant, mais au milieu de son récit Sirius le stoppa et continua sa lecture à haute voix ; Remus buvait ses paroles en fermant les yeux ; cette voix lui donnait des frissons dans tout le corps. Sirius arrêta sa lecture intrigué par l'attitude de Remus qui le fixait intensément , et lui demanda pourquoi il le regardait ainsi..
Lentement Remus déploya ses bras jusqu'à ce qu'il atteigne le voile. Il le prit dans sa main et le tira sur le coté.
« Bien sûr qu'il devait être pardonné » dit-il abasourdi a nouveau par la froide ironie de ses mots. « Si seulement la mort connaissait le pardon. »
La mort n'avait pas pardonné à Orphée ses faiblesses.
Remus ferma les yeux et sentit des larmes chaudes couler le long de ses joues.
Il fit un pas en avant.
A cette seconde il tenait toujours le voile ; puis le laissa tomber derrière lui..
…..Et à partir de ce moment Remus n'était plus vraiment lui-même. Il sentit des mains lui retirer son bandeau, entendit des voix , sentit la chaleur envelopper son corps gelé et les bougies qui éclairaient la salle lugubre… et… il était maintenant pris dans un tourbillon…
Sirius lança le morceau de tissu qui avait couvert ses yeux , et Remus lança un étourdissant regard à la sombre salle de la mort à travers un flot de larmes. Sirius l'avait pris dans ses bras, l'avait serré si fort qu'il pensait avoir les os brisés. Remus était toujours trop ahuri pour réagir. Puis tout revint petit a petit – le monde irréel des miroirs faisait maintenant place au monde bien réel et il réalisa alors qu'il avait réussi.
« Idiot » haletait Sirius à travers ses larmes, tout en secouant le pauvre Remus. « Idiot, inconscient, stupide, mais à quoi pensais-tu ? »
Remus n'essaya même pas de répondre. Il se contenta simplement de saisir le visage de Sirius entre ses mains et l'embrassa. Sirius fit un petit son, mélange entre le sanglot et le gémissement, les mains s'agrippant de toutes ses forces à la robe de Remus. Pendant un instant, Remus fut aveugle de nouveau – aveuglé par son odeur, sa chaleur et par cet intolérable sentiment de bonheur- tout ce qu'il pouvait voir ou sentir était Sirius.
Il y avait d'autres personnes dans la salle, qui avaient besoin d'explications, d'excuses. Mais en cet instant, plus rien n'avait d'importance.
La suite, très bientôt ! et encore désolée pour la très longue attente entre chaque chapitre ; pour vous rassurer , j'ai fini la traduction ; les chapitres 9 et 10 sont donc terminés, mais il faut tout de même les corriger……
