Merciiiiiiiiii !

--OOoOO--

6 – Pour en avoir le cœur net, John s'était mis à épier Rodney lors de ses déplacements à la cafétéria.

Le scientifique mangeait seul et faisait, John en était sûr, exprès de s'étaler sur la table. Il prenait deux plateaux et prétextait que l'un de ses collègues allait le rejoindre, puis se rendait, cahin caha, vers une table. Il mangeait, faisait semblant de bosser un peu, puis, lorsqu'il était certain que personne ne l'observait, il récupérait ce qu'il y avait sur le second plateau, le fourrait dans un sac et le tour était joué. Il restait encore une dizaine de minutes, sûrement pour ne pas éveiller les soupçons, puis remballait tout son fatras, rangeait les plateaux et disparaissaient.

Rodney chapardait de la nourriture, il n'y avait plus aucun doute.

Et John en soupçonnait la raison.

Il n'avait plus qu'à le prouver.

--OOoOO--

Une ombre se glissait dans le couloir Ouest, celui abritant les quartiers du personnel scientifique. Elle frôlait les murs, s'arrêtait parfois pour écouter un bruit. Elle était rapide, et savait manifestement ce qu'elle faisait.

C'était une professionnelle de ce genre de mission.

L'ombre s'arrêta enfin devant une vaste baie. Elle ouvrit la porte vitrée et se glissa sur la large terrasse qui surplombait la baie de l'océan d'Atlantica. Il fallait qu'elle fasse vite, sa cible était encore occupée mais elle ne tarderait certainement pas à retourner dans ses quartiers. L'ombre regarda sa montre. Elle disposait de dix minutes pour mener à bien sa mission.

Parfait. Ce serait largement suffisant.

L'ombre sortit du matériel de cordée de son sac à dos, enfila ses gants et se prépara. Elle se pencha par-dessus la rambarde. A peine deux mètres. Les doigts dans le nez.

L'ombre jeta la corde, enjamba la rambarde et disparu. Un bruit mat résonna sur le balcon qui se trouvait juste à la perpendiculaire de la terrasse.

L'ombre n'eut aucun mal à ouvrir la fenêtre du petit balcon, aucune serrure d'Atlantis ne lui avait jamais résisté et celle-ci n'avait pas fait exception.

L'ombre entra dans la petite pièce et commença ses recherches.

--OOoOO--

« Oh, et vous êtes sûr ? Je veux dire, oui, bien entendu que vous êtes sûr mais quand même … »

Rodney leva les yeux au ciel. Mais qu'est-ce qui lui prenait ? Il n'avait jamais vu le Lieutenant aussi nerveux et surtout aussi désireux d'en savoir plus sur le fonctionnement des Jumper. Le jeune homme tenait son PALM – première fois que Rodney le voyait avec ça aussi d'ailleurs – et se mordillait la lèvre inférieure. Il avait manifestement un peu de mal à comprendre ce que lui expliquait Rodney mais tentait néanmoins de tirer quelque bribes de connaissances dans tous le magma scientifique que lui débitait le canadien.

Excédé, Rodney finit par lâcher : « Ecoutez Lieutenant, laissez tomber, tout ce que vous devez savoir c'est que ça marche, c'est tout ! »

Ford releva la tête. Oups ! Rodney l'avait vexé. Il avait le même air que l'étudiante à qui il avait un jour remis une copie en lui signifiant que les études d'esthéticienne, c'était dans le bâtiment à côté (12).

« Heu, Lieutenant, je vous assure que … que vous n'avez pas besoin de savoir comment ça fonctionne. D'ailleurs, même le Major Sheppard ignore comment les jumper fonctionnent et pourtant lui, il les pilote et ça pourrait sans doute … »

Et c'est à ce moment que Rodney nota deux choses. Tout d'abord, un petit sticker sur le PALM, celui d'une équipe de foot, l'équipe préférée de Sheppard, ensuite, un léger tremblement dans la main du Lieutenant à l'énoncé du nom de … Non de Dieu !

Sheppard !

--OOoOO--

L'ombre fouillait toujours, sa petite lampe de poche balayait le moindre recoin de la petite pièce.

Ah, tiens qu'est-ce que c'était que ça ?

De sous le lit, l'ombre tira une boite. Une boite au couvercle fermé. Une boite dans laquelle on avait fait plusieurs trous. Un large sourire apparu sur le visage de l'ombre.

Quelque chose lui disait qu'elle avait enfin trouvé ce qu'elle cherchait.

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Il n'aurait pas osé !

Rodney courait dans les couloirs, jurant et invectivant le Major en pensée.

Il bouscula deux ou trois personnes, ne prit pas la peine de s'excuser – quel besoin avaient ces gens de circuler en plein milieu du couloir de toute manière ? – et s'engouffra dans le transporteur le plus proche.

Il était en sueur lorsqu'il arriva enfin devant ses quartiers.

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L'ombre savourait sa victoire sur la bête. Elle avait ouvert la boite et à l'intérieur se trouvait en effet le monstre. Elle le saisit par la peau du dos lorsque son émetteur radio craquela.

/Major ! Major ! Heu, je crois que vous feriez mieux de filer et vite fait parce que …. /

Surpris, John relâcha le sournois animal qui en profita pour lui glisser entre les mains.

« Quoi ? Bon sang Lieutenant je vous avais dit de … »

Une lumière blanche illumina soudain la pièce.

« Vous cherchez quelque chose Major ? »

John allait répondre lorsqu'il poussa un cri de douleur.

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Ô Mon Dieu !

Rodney se précipita vers le Major. Ce dernier s'était levé et se tenait la main en poussant de petits gémissements et en sautillant sur place. Sans lui accorder un regard, Rodney s'agenouilla par terre et appela Fluffy. Il regarda sous le lit : deux petites billes rondes et phosphorescentes le fixèrent, il releva la tête furieux.

« C'est malin, vous lui avez fait peur ! Vous êtes content de vous Ô grand chasseurs de fauves ! »

« Non de … C'est pas vrai McKay ! Aidez moi, plutôt que de vous occupez de cette … cette chose, qui je vous le rappelle n'est pas un CHATON ! »

Le sang coulait entre ses doigts. Les petites dents acérées du chaton – ou quoique soit cet affreux animal – avaient transpercé la peau. John supposait qu'il pouvait s'estimer heureux qu'il n'ait pas visé son nez cette fois !

Rodney se leva, disparu dans la salle de bain pour en revenir avec une serviette.

« Tenez, maintenez la pression sur la blessure … »

« Merci. »

« … Et essayez de ne pas vous vider de votre sang dans ma chambre. »

« Ohhh, tant de sollicitude me va droit au cœur Docteur McKay ! »

Rodney poussa un grognement et retourna à sa rechercher de Fluffy. Le petit animal finit par sortir de sa cachette et Rodney s'installa le dos contre le lit. Il caressait le petit animal, et celui-ci crachait dès que John faisait mine de bouger.

« Je crois qu'il ne vous aime pas beaucoup. »

John ricana.

« Non, c'est vrai, et qu'est-ce qui vous fait croire ça ? Laissez moi deviner, les pansements sur mon visage et celui que je vais bientôt devoir mettre sur mon pouce ? »

Rodney leva les yeux vers le Major.

« Pourquoi ? »

John fronça les sourcils.

« Pourquoi quoi ? »

« Ca ! Pourquoi être entré, par effraction, dans ma chambre juste pour … juste pour … »

Rodney serra le petit animal contre lui et celui-ci, fatigué sans doute de toute cette agitation, se faufila sous sa veste et se lova contre son sauveteur, non sans avoir auparavant crachoter une dernière fois sur Sheppard.

John s'installa près de Rodney et resta un moment silencieux.

« Je ne lui aurais pas fait de mal vous savez ? »

Rodney leva les yeux vers lui. Soupçonneux les yeux.

« Non, je vous jure ! Nous l'aurions juste renvoyé chez lui, c'est tout ! »

« Ce qui bien sûr ne lui aurait certainement pas été fatal, vu qu'il y aurait été seul et abandonné. Un bébé ! Tout seul … »

John se passa sa bonne main dans les cheveux et soupira.

« Okay, Okay, nous aurions cherché d'abord une colonie de ses congénères et nous leur aurions confié sa garde, ça vous va comme ça ! »

Rodney ne répondit pas, et continuait de caresser le chaton.

« Rodney, cet animal ne peut pas rester ici. »

« Pourquoi ! »

John avait l'impression de discuter avec un gamin de sept ans à qui on vient de refuser … et bien, juste ça : de garder un chaton, minuscule, perdu et … screugneugneu ! Voilà qu'il devenait lui aussi tout sucre tout miel. CETTE CHOSE N'ETAIT PAS UN CHATON, ELLE AVAIT ESSAYE DE LUI ARRACHER LE NEZ ET LE POUCE, NON DE NON ! Il prit une large inspiration.

« C'est un animal sauvage, il serait malheureux ici. Et puis de toute manière que comptiez vous faire, le garder dans une boite à chaussure sous votre lit ? »

Rodney ne lui répondit pas.

John soupira. Et son regard se promena autour de lui. Il n'était jamais venu dans les quartiers de McKay avant et sa petite fouille de tout à l'heure c'était faite dans une quasi obscurité. Ses yeux tombèrent sur une photo posée bien en évidence sur la table de chevet.

La photo d'un chat (13).

Les gens normaux amenaient-ils les photos de leur animal familier à des milliards de kilomètres de chez eux ? Oui, lui répondit une petite voix interne, s'ils n'ont plus de famille, si leur animal de compagnie est tout ce qu'ils ont laissé derrière eux.

Merde. Merdemerdemerde.

John ne savait pas grand-chose de Rodney après tout.

John tendit maladroitement sa main vers la petite boule de poils. Rodney recula, pensant qu'il voulait s'en prendre au chaton, mais il resta juste sans voix en voyant que le Major caressait le petit animal, ce dernier ouvrit un œil mais daigna se laisser caresser.

John comprenait pourquoi Rodney avait voulu garder le petit animal, il comprenait ce besoin de normalité. Après tout, c'était aussi une des raisons pour lesquelles il avait réagi si violement au comportement de McKay lors de cette mission. Depuis qu'ils étaient ici, rien n'avait été normal, rien n'avait été comme avant.

Avant le Major John Sheppard était un officier de second ordre, méprisé de ses supérieurs pour son peu de respect pour les ordres. Avant, il n'avait pas eu la responsabilité de plus de 200 personnes.

Ce devait être pareil pour Rodney. Sous ses dehors, « je suis un génie, je sais tout, je suis tout », la pression devait être terrible, être celui qui détient la connaissance, celui qui peut faire la différence.

Un chaton, et un peu de normalité. Comme sur Terre. Rodney et son amour des chats. John et sa haine des chats. Il sourit à cette dernière pensée, tout en caressant Fluffy. Peut-être pas si haineux après tout.

John se tourna vers Rodney, tout en chatouillant Fluffy sous le cou.

« Je me demande … je me demande si ce type, le docteur tchèque … »

« Zeropnda ? »

« Huhu, je me demande s'il ne pourrait pas construire … c'est un ingénieur je crois ? »

« Oui. »

« Et bien, il pourrait peut-être construire une sorte de … chatorium. »

« Un chatorium, Major ? »

« Oui, vous voyez ce que je veux dire, quelque chose de suffisamment grand pour qu'il ne s'ennuie pas, et puis lorsqu'il sera suffisamment grand, nous le relâcherons sur P2X-577. »

« Oui, je pourrais lui en toucher deux mots … »

« Il va falloir le dire à Elisabeth. »

« Heu, ça ne pourrait pas rester entre nous ? »

« Rodney. »

« Okay, Okay. Je lui dirais. Vous … vous devriez faire soigner ça. »

John regarda sa main.

« Yep. Ca lance un peu à vrai dire, il a des mâchoires d'acier, votre petit protégé. »

« Vous voulez dire notre petit protégé. »

« Huhu, j'ai toujours pensé que cette mission avait besoin d'une mascotte. »

« Pas question Major ! Vous ne tournerez pas Fluffy en un ridicule animal de foire. J'ai vu ce que vous autres américains réserviez à ces pauvres bêtes, soit disant mascotte de vos équipes de football préférées. Dégradant. »

John se leva, aidé par Rodney. Ce dernier déposa Fluffy dans sa boite, puis sortit pour accompagner le Major à l'infirmerie.

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Enfin seul. Ouf !

Il sortit de la boite, non sans mal, et décontracta ses pattes, avant et arrières, puis entreprit de se dégourdir un peu. Il fit le tour de la petite chambre où il était et vint s'asseoir juste devant la baie vitrée.

Atlantis était vraiment une Cité magnifique. Sa mère avait eu raison. Elle lui avait parlé des splendeurs passées des Atlantes et des Anciens. Elle serait fière qu'il soit parvenu à gagner la confiance de leurs descendants. Fière de ce que son sacrifice allait lui permettre d'accomplir.

Il allait rester là le temps qu'il faut pour les étudier, eux et leur technologie, puis il reviendrait sur la planète Mère faire part de ses découvertes. Et après …

Après … ils aviseraient de ce qu'il faudrait faire.

Fin !

Moralité : il ne faut jamais faire confiance à une gentille petite boule de poils ! Mouaahahahahahahaha ….

(12) Pas taper les filles ! Je n'ai rien contre les esthéticiennes (d'autant qu'avec moi elles ont du boulot, croyez moi) : c'est Rodney qui parle !

(13) C'est pas vraiment un spoiler puisque nous savons depuis le premier épisode que Rodney laisse son chat à une voisine, mais bon dans l'épisode Duet, saison 2, on voit la photo dudit matou sur sa table de chevet !