Warrick s'était caché derrière les palmiers. Sa tête fourmillée de mots, de phrases. Augie s'appelait en fait Emmanuelle Grissom ? Mills aimait tant que ça Nina Brown ? Pourquoi tant de secrets inavoués ont-ils fini par détruire des vies ? Pourquoi ? Il vit Mills passer devant lui, sans le voir. Le vétéran semblait vraiment ébranler par les aveux qu'il venait de faire à Grissom.

Laboratoire de la police scientifique

12 heures 34

« Andrew ! J'ai besoin de vous ! » Grissom venait d'arriver au labo avec ses preuves. « J'ai besoin que vous analysiez cette ADN et que vous la confrontiez à celui du dossier d'Emmanuelle Bertier. » exigea-t-il en prenant un coton-tige pour prélever du sang d'Augie sur les papiers

« Je vous fais ça tout de suite. C'est en rapport avec la fusillade du magasin ? » demanda le technicien tout en manipulant les indices. « Alors… »

« Je reste là. Je veux savoir si cette disparue était dans le magasin, il y a de fortes chances pour que ce soit le cas. » Grissom prit un tabouret et s'assit près d'Andrew Kellogg, technicien ADN de jour.

« Ça concorde à 99. Cette personne était bien dans le magasin. Vous pensez qu'elle pourrait aider le capitaine Connelly ? » Kellogg se félicitait d'avoir eu une concordance.

« Pourquoi me dites-vous cela ? » demanda Grissom, surprit, stressé, en sortant de la pièce.

« Il parait que Brass va faire poster des flics devant la chambre d'Augie. La rumeur dit qu'elle aurait abattu Sweeney de sang-froid. Enfin… Faudrait déjà qu'elle s'en sorte… Marge a eu des nouvelles d'Augie par Nick et il parait qu'Augie serait en train de mourir d'un cancer.

« Où est Brass ? Et Catherine ? » Grissom ne voulait rien laisser transparaitre mais il était très inquiet. Il avait vu sa fille tuer froidement un malfrat. Il apprenait qu'elle était mourante. Il allait perdre une nouvelle fois et ne pouvait s'y résoudre. « Au fait, Kellogg n'écoutait pas toutes les rumeurs… Plus de la moitié des rumeurs lancées dans le monde sont fausses. »

« Catherine est partie chez elle et Brass allait chez le procureur quand je l'ai vu pour la dernière fois. »

« Merci ! » Grissom quitta le technicien avec la feuille de résultats.

Grissom entra dans son bureau, baissa les stores et alluma sa chaine Hi-fi. Dans son bureau, il prit un CD de Wagner et sélectionna « La chevauchée des Walkyries ». Il s'assit pour réfléchir. Que faire ? La perdre une nouvelle fois alors qu'il venait de la retrouver ? Qui était-elle vraiment ? Allait-elle redevenir Emmanuelle ou resterait-elle Augie ? Y'avait-il encore une place pour lui après toutes ses années ? Comment agir face à Greg et leurs enfants ? Il se releva pour aller chercher son portefeuille. Ses yeux commençaient à se mouiller. Il respira un grand coup et alla chercher une photo jaunie, écornée et pliée. Il la déplia et sentit les larmes couler.

« C'était ta famille ? » Sofia avait frappé avant d'entrer mais n'avait obtenu aucune réponse. Elle avait trouvé son époux, pleurant, perdu dans ses pensées, une photo à la main.

« Elle a été… Elle a été prise pour les six mois d'Audrey et Emmanuelle… C'est la première fois que je la sors de là… » dit-il en désignant son portefeuille.

« Ta femme était belle… Laquelle était Audrey et laquelle est Emmanuelle ? » s'intéressa la jeune femme en s'asseyant sur le bureau de son mari, Jared dans les bras.

« Audrey porte les petits nœuds. Elle avait les cheveux plus longs que sa sœur. Elle est arrivée en première cette nuit-là. Elle était plus petite que Jared. Emmanuelle, elle, ne voulait pas sortir. L'obstétricien allait employer les forceps quand elle a montré le bout de son nez. Elle était encore plus menue que sa sœur. Victoria n'avait pas prit beaucoup de poids durant sa grossesse. Elle n'avait pas de cheveux sur la tête ! Mis à part les cheveux, Audrey et Emmanuelle se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. » Grissom avait posé son fils sur le bureau et le regardait dans les yeux.

« Ça a dû être un jour doublement joyeux pour toi. » renchérit Sofia en passant une main dans les cheveux grisonnants de Grissom.

« C'était mon cadeau de Noël. Elles sont nées la nuit du 24 au 25 décembre. Audrey a 00 heures 02 et Emmanuelle à 00 heures 22. Elles étaient prévues pour mi-janvier. » Grissom séchait ses larmes. « Sofia, j'ai retrouvé ma fille… »

« Elle est où ? » demanda-t-elle.

« Au Desert Palm… Elle est… C'est Augie Connelly, Sofia. Ma fille est flic. Elle a tué un homme de sang-froid ce matin et maintenant elle lutte pour vivre… » avoua-t-il. « Je ne sais pas quoi faire… »

« Fais ce qui te semble juste, Gil. Va à l'hôpital. Je sais que ce n'est pas facile mais il va falloir que tu affrontes le regard de Greg, que tu affrontes tes fantômes. » Sofia s'était relevée et avait repris Jared. « Gilbert Grissom sort d'ici et affronte la réalité. »

« Je dois faire quelque chose avant. Tu m'accompagneras là-bas. J'ai reconstruis une famille et il faut que mon passé et mon présent se retrouvent. »

« Je t'attends devant le bâtiment. »

Grissom alla dans la salle de briefing. Catherine avait laissé les pièces à conviction dans des cartons sur la grande table. Il regarda dans le couloir, personne. Il s'empara des vidéos et les mit dans sa mallette. Sa conscience était tiraillée entre sa fonction d'officier de police à part entière et son rôle de père. Il choisit la deuxième solution et quitta la pièce. Sofia était garée devant le laboratoire. Grissom monta et l'embrassa. Il sentait des ailes lui pousser dans le dos.

Desert Palm

Cafétéria

12 heures 35

Warrick était resté sans voix et immobile à l'extérieur de l'hôpital. Sara et lui avaient toujours compris Augie. Chacun d'eux avaient grandi en dehors d'une famille structurée et affective. Ce point de vue là était resté présent dans l'esprit de Warrick jusqu'alors. En écoutant la conversation, il comprit que son père avait lui aussi vécu longtemps sans ce petit quelque chose qui fait le bonheur d'une famille, d'une vie. Il regrettait s'être mis en colère après Mills. Il était père, lui aussi, et il imaginait aussi très bien la douleur de Grissom. Vivre seul après un drame et apprendre 30 ans plus tard que sa vie n'est qu'une farce. Les pensées de Warrick le menèrent à la cafétéria et tomba nez à nez avec Jason Mills.

« Pardon… » fit Mills en manquant d'heurter Warrick.

« C'est moi qui m'excuse et pour tout… J'ai fais quelque chose que je n'aurai pas du faire cette semaine… » Warrick sortit les résultats ADN de sa poche arrière.

« C'est quoi ? »

« Résultats ADN. Ma mère était enceinte de vous et… Et je ne sais pas si je dois vous en vouloir ou que vous m'en vouliez… Je suis désolé… »

« Pourquoi ne m'as-tu pas demandé mon ADN ? Je te l'aurai donné sans aucune contrepartie. Mon cœur aurait été plus léger… J'ai récupéré ceci chez moi. Je pensais que ça t'intéresserait de savoir mes sentiments pour Nina. Dans le tas, il y a une lettre de ta grand-mère me demandant de ne plus écrire. Nina ne m'a jamais répondu… » avoua Mills en s'écartant de Warrick.

« Je suis désolé… Papa… Je vais les lire avec Sara dès qu'Augie sera sortie d'affaire. » Warrick offrit à son père en quittant la salle, le paquet de lettres dans la main.

« Elle ne s'appelle pas Augie. » le reprit Jason.

« Je sais… J'ai entendu ta conversation avec Grissom. Le connaissant, ça doit être très dur pour lui. Pour Augie… Emmanuelle ça va être un choc et ne parlons pas de Greg. » dit-il à l'aise, heureux d'avoir crevé l'abcès.

« Tout comme moi. Du jour au lendemain, il a découvert que Victoria et Audrey étaient dans l'avion alors qu'Emmanuelle devait être avec sa mère et sa sœur. Moi, j'apprends que la femme que j'ai toujours aimée et jamais remplacée a eu un bébé. Bébé qui est devenu un homme magnifique. » Mills était ému mais fière de tenir son fils dans ses bras.

Warrick et son père allèrent dans la salle d'attente où Greg faisait les cent pas. Le Dr Vijnic était venu leur annoncer qu'Augie/Emmanuelle était au bloc pour retirer la balle. Elle avait une forte fièvre et était toujours inconsciente. Nick remarqua les sourires éclatants qu'afficher les deux hommes. Ils étaient l'opposé de Grissom, présent depuis peu de temps. Il leva les yeux et regarda Mills.

Aux alentours de 15 heures, le chirurgien vint à la rencontre des proches de la jeune femme. Greg tomba comme une masse sur la chaise en entendant que sa femme était dans le coma suite à une commotion cérébrale. Le pot qu'elle avait reçu sur la tête en était la cause. Son coma pouvait durer quelques heures, quelques jours, quelques mois… Nulle ne savait. Warrick demanda à Nick d'aller chercher Sara. Il ne l'avait pas appelé et il se doutait qu'elle se faisait du souci. Il proposa à son ami de dormir chez lui après et demander à Mme Robinson, une voisine, de garder les enfants.