Domicile de Gil et Sofia Grissom

11 mai 2010

11 heures 02

La nuit avait passé très vite pour les membres de l'équipe de nuit présente au labo. Les spéculations circulaient énormément. Tout le monde pensait à Augie et aussi à Greg. Warrick était en train de boire son café dans la salle de repos avec Nick. Le Texan répétait tout ce qu'il avait entendu jusqu'alors et aussi le fait les vidéos du magasin avaient disparu. Catherine et Archie les avaient cherché partout une bonne partie de la nuit sans résultat. Nick promit de passer voir Greg dans la journée pour s'assurer qu'il n'avait besoin de rien. Alors qu'ils arrivaient au vestiaire la sonnerie de téléphone de Warrick coupa leur discussion. Sara était au bord des larmes. Elle s'était réveillée tôt et était allée chercher le journal intime d'Augie. Elle ne savait pas quoi en faire. Elle était désemparée. Warrick ne prit pas le temps de se changer et se dépêcha de rentrer chez lui.

Il trouva Sara prostrée devant l'écran de la télé. Les chaines locales passaient les images de la prise d'otages de la veille. Les journalistes diffusèrent la conférence de presse du procureur qui déclarait que le capitaine Augie Connelly avait réussi à éviter un carnage mais avait abattu froidement le suspect déjà au sol, sans défense. Elle se jeta dans les bras de Warrick et recommença à pleurer. Elle frôlait l'hystérie. Warrick lui donna un comprimé prescrit par le médecin pour les fois où Sara aurait les nerfs qui lâchent. Le médicament était sans incidence sur les bébés. Il accompagna sa compagne dans leur chambre et s'allongea près d'elle, le temps qu'elle se calme et s'endorme. Warrick demanda à Mme Robinson de surveiller Sara et les enfants pendant qu'il s'absentait.

« Warrick ? » Grissom était étonné de voir son protégé à cette heure de la journée, à son domicile.

« Je peux entrer ? » demanda-t-il poliment tout en caressant le menton de Jared.

« Moui… J'allais faire manger Jared. Entrez… Que se passe-t-il Warrick ? » Il s'était assit sur son canapé et donnait le biberon à son fils.

« J'ai reçu un appel de Sara ce matin… Elle était presque hystérique. Augie lui a laissé une lettre hier. »

« Pourquoi n'êtes-vous pas avec elle ? » lui reprocha Gil.

« Augie voulait que son père ait ceci… » Warrick tendit le carnet noir à son supérieur. « Je suis au courant pour Augie ou Emmanuelle. Je sais que c'est votre fille. Je sais aussi que vous avez volé les vidéos de surveillance hier. » avoua-t-il en observant les réactions de Grissom.

« Je veux la protéger. Je veux l'aider. » laissa-t-il échapper, sa voix laissait transparaitre la douleur d'un père

« Sauvez-la d'abord. Vous ne l'aidez pas en agissant ainsi ! Elle peut vivre grâce à vous. Si vous voulez rattraper le temps perdu, sauvez votre fille. » Warrick s'était mis en colère après son chef.

« Vous avez tout, vous. Vous avez un adorable petit garçon, une femme exceptionnelle qui va vous donner deux enfants. Rien ne vous manque. » Grissom avait mis Jared contre son épaule pour lui faire faire son rôt.

« Vous avez raison, j'ai tout. Jusqu'à il y a quelques semaines, j'avais presque tout. Je regrettais que ma mère, que ma grand-mère ne soit pas là pour voir mon bonheur. Et puis, j'ai découvert que la mort m'avait laissé un père. Un père dont je ne soupçonnais plus l'existence. C'est lui qui m'a dit pour votre fille, c'est lui qui me fait ressentir, pour la première fois depuis la naissance de Michael, que je suis moi aussi un père. Je dois apprendre à connaître mon père pour l'aimer et réciproquement. Mon père et moi sommes sur le même pied d'égalité que vous et Augie. Allez vers elle, ne la laissa pas mourir, faites la revivre. » Warrick quitta Grissom sur ses derniers mots.

Grissom regarda la porte close. Jared était en train de s'endormir dans ses bras. Il regarda son fils dormir et retourna des années en arrière. Il avait ressorti une vieille boite à biscuits dans laquelle étaient rangées les photos de son bonheur disparu. Les photos étaient poussiéreuses mais intactes. Gil les aimait toutes mais il avait une préférence pour une photo.

Audrey et Emmanuelle devaient avoir 3 mois ½, Victoria les avait placé sur Gil endormit dans son hamac. Jared avait le même regard stupéfait qu'Audrey. Quand Grissom plongeait son regard dans celui de son fils, il avait l'impression d'être face à sa fille. C'était une des raisons qui expliquait son détachement vis-à-vis de son fils. C'était comme si Audrey avait pris possession du corps de son frère et reprochait à son père de ne pas avoir été cette tragédie. Les yeux bleus de Jared hypnotisaient Grissom. Sa vie passée se reflétait dans les yeux de son fils… Gil porta son fils dans la petite chambre verte que Sofia avait peinte. Le bébé ne se réveilla pas quand Gil le déposa délicatement dans le berceau. Il tira les persiennes au trois-quarts et retourna dans le salon. Il devait lire le journal intime de sa fille, il avait besoin de connaître les pensées de sa fille tout en oubliant pas qu'il violait par la même occasion son intimité. Il ouvrit une première page et commença à lire…

« 8 mars 1997. Aujourd'hui, je commence mon premier jour de chimiothérapie. On m'a offert ce journal pour que je ne sois pas seule durant mon hospitalisation. C'est Christopher qui m'a fait ce cadeau. Alors voilà, cher journal, je vais faire les présentations. Je me présente. Je m'appelle Emmanuelle G. Bertier mais tout le monde m'appelle Emma. J'aurai 17 ans à Noël prochain. Je suis dégoutée car je vais rater les prochains championnats de tir. Cette année, les médailles d'or vont aller à quelqu'un d'autre. Ah oui ! J'ai oublié de te dire ! Je vis avec mes grands-parents ! Ils m'ont recueillis quand mes parents et ma sœur jumelle sont morts dans le crash d'un avion en Corse. Grand-père est député. Il a de grosses responsabilités. Heureusement, Gabrielle et Samir sont là pour le seconder au domaine. Ma famille possède des vignes de grandes qualités et nous produisons du champagne. Gaby et Sam ont trois enfants : Christopher, Sami et Judith. J'ai aussi une amie formidable, c'est ma meilleure amie ! Elle s'appelle Pauline. Sam et elle sortent ensemble depuis quelques mois mais chut… faut rien dire, c'est un secret ! Tous les trois, on s'amuse beaucoup dans les vignes. C'est aussi une bonne cachette pour nous ! Je dois te laisser, les infirmières viennent me préparer pour vaincre la leucémie. A ! »

Grissom sourit en lisant les premières lignes écrites par sa fille même si certains passages ne sont pas risibles. Il tourna deux pages avant de s'arrêter sur une page noircie de ratures, de dessins morbides.

« 31 mars 1997. Cher journal, pardon de ne pas t'avoir écris plus tôt mais la chimio est difficile à supporter… J'en arrive à vouloir baisser les bras. J'ai envie de mourir, moi, Emma, j'ai envie de mourir. Remarque de l'autre côté de la ligne, je retrouverai mes parents et ma sœur. L'autre nuit, j'ai rêvé que maman était là et elle me berçait en fredonnant une chanson pour apaiser ma douleur. Tout à l'heure, je faisais semblant de dormir. Le médecin a dit à grand-mère qu'il y avait un risque de rechute plus tard. La chimio est trop horrible ! Je ne préfère pas revivre cet enfer…

21 juin 1997. Cher journal, je rentre chez moi cet après-midi ! Je suis trop heureuse de quitter cet endroit. Samir m'a fait une super surprise hier. Je pars avec mes cousins en croisière sur la Méditerranée jusqu'au canal de Suez. Le soleil est bon pour moi mais je dois être prudente… De toute façon, Chris ne va pas me lâcher d'une semelle. J'adore mon cousin, c'est mon confident mais il est plus âgé que moi… Je te raconte donc les trucs les plus secrets et intimes. Ce que j'aime aussi avec Chris c'est qu'il peut me parler de papa pendant des heures. Il ne l'a pas beaucoup connu mais il se souvient de plein de détails.

29 novembre 1997. Cher journal, je ne sais pas quoi penser… J'ai gagné un voyage à New York avec un jeu à la radio. Je pars le 2 décembre alors pour bien préparer mes affaires, je suis descendue dans le bureau de grand-père pour prendre mon passeport. Je sais qu'il le garde dans son bureau. J'ai mis longtemps à le trouver… Je n'aime pas fouiller dans les affaires des autres. N'empêche que je suis tombée sur de drôles de choses. Je n'ai pas tout compris. J'attends le 1er décembre pour en avoir le cœur net. Dans un tiroir, j'ai trouvé un dossier avec le nom de maman écrit dessus. Je suis curieuse mais c'est un bon défaut. Je veux être flic plus tard. Jas m'encourage à faire quelque chose qui me plaise et mon don pour le tir est une bonne chose. Enfin, j'ai trouvé un papier dans lequel il est écrit que mes grands-parents réclament ma garde et celle d'Audrey. Il est écrit que nos parents sont incapables de nous élever correctement. Maman était actrice et papa était médecin. Chacun passant trop de temps loin de nous, il nous faut un bon équilibre. J'espère que ce papier est mensonger. Je te dirai plus de choses le 1er décembre à notre retour du cimetière. Il n'y a que Maman et Audrey dans le cimetière. Papa est enterré en Amérique. Mes parents se sont connus là-bas et nous sommes nées là-bas.

1er décembre 1997. Mon journal, mon ami, mon confident… Je pars demain et je ne suis pas mécontente de partir. Je les déteste tous ici ! Ils m'ont TOUS mentis ! J'ai attendu qu'on ait fini de manger pour demander à mon grand-père ce qu'était ce papier de garde. Il est devenu tout rouge. Il m'a crié dessus, que je n'avais pas le droit de fouiller dans ses affaires et que si je voulais mon passeport je n'avais qu'à le demander. Je lui ai répondu que je l'avais récupéré et que ce qui concernait Maman me concernait doublement. Grand-mère est devenue toute blanche ! Elle a dit qu'il ne fallait pas réveiller les morts (elle a des origines étrangères et croit énormément au retour des âmes en détresse). J'ai répondu que mes parents et ma sœur étaient toujours en train de flotter autour de nous. Je l'ai dis en rigolant. Et là, les fenêtres se sont ouvertes toutes seules. Grand-mère a fait un signe de croix. Sam s'est levé et est allé fermer les fenêtres. En s'asseyant, il m'a dit de ne pas parler de choses dont je ne connaissais pas la signification. Gaby m'a regardé, les yeux pleins de larmes. Samir, lui, était gêné. Sam m'a dit de demander, sur un ton ironique, à mon confident où était mon père. Là, j'ai commencé à paniquer, cher journal. Chris n'a pas levé les yeux. Je lui ai demandé, en pleurant, de me regarder mais rien n'y a fait. Sam a dit qu'il en avait marre de vivre dans ce mutisme. Il m'a dit qu'on m'avait toujours menti. Mon père n'est pas mort. Il est bien vivant quelque part en Amérique… Je vais passer une très longue nuit… Ma vie est brisée par tous ses mensonges. Cher journal, aide-moi…

2 décembre 1997. A l'heure où j'écris, je suis dans un avion en direction de New York. C'est Jas qui m'a emmené à Orly sans avertir la famille de menteurs. J'ai redemandé, ce matin, à ces gens-là si ce que Sam avait dis la veille était vrai. Cette fois-ci, Chris a levé la tête et a dit en la hochant. C'était ma famille et ils m'ont tous menti ! Je ne sais pas si je vais retrouver papa, je ne sais rien de lui… Je ne sais pas où est mon certificat de naissance. Grand-père a du le cacher hier soir. J'ai pris mon sac et je leur ai dis que je les détestais et que je les maudissais, que la vengeance des morts serait implacable. Je n'aurai jamais cru que je pourrai dire autant de méchancetés en si peu de temps… New York est égale au commencement d'une nouvelle vie sans mensonges pour moi… »

Grissom reposa le journal sur la table basse. Il était consterné… Il comprenait la colère, la rage de sa fille. Il avait éprouvé à peu près les mêmes sentiments de révolte en découvrant qu'on lui avait pris sa fille, qu'on lui avait ôté le droit de l'élever. Il n'avait pas entendu Sofia rentrer pendant sa pause de midi. Il lui commenta les premières pages du journal. Sofia comprenait le comportement distant des débuts avec la jeune femme. Elle avait du mal à faire confiance aux gens qu'elle ne connaissait pas et cela était tout à fait normal. Grissom déjeuna rapidement avec sa femme et reprit sa lecture.

« 15 décembre 1997. Je ne rentre pas en France pour le moment, d'un commun accord avec les autres, je reste à New York. J'ai fais croire à l'avocat que je voulais faire mes études ici alors qu'en fait je vais m'inscrire à l'académie de police de New York ! Je suis trop contente ! J'ai le droit de m'inscrire car j'ai la double nationalité. Bon après je verrai si je veux rester simple agent de police ou grimper les échelons… Je me verrai bien agent secret ! J'ai les rêves un peu grands, non ?

1er janvier 1998. L'année commence bien ! J'ai rencontré l'homme de ma vie la nuit dernière ! Il est beau, musclé… une vraie couverture de magazine féminin. On était à Times Square a regardé le décompte. Quand les douze coups de minuits ont sonné, j'ai embrassé la première personne qui était à mes côtés et c'était Tyler. Si tu savais comme il est beau ! J'ai eu le coup de foudre ! Pas seulement après l'avoir embrassé mais après l'avoir regardé dans les yeux. Il a de superbes yeux marron. C'est un vrai gentleman, il m'a raccompagné à mon petit appartement dans le Bronx et il a dit qu'il m'emmènerait dîner demain soir dans un petit resto italien.

3 janvier 1998. Désolée de ne pas t'avoir écris hier soir mais je suis rentrée tard. Tyler est venu me chercher à 20 heures après son travail. Je n'ai pas eu le temps de faire les boutiques et l'argent n'afflue pas comme ça dans mon porte-monnaie. J'avais mis une petite robe noire avec une broche en forme de papillon qui appartenait à Maman. Je me dis que c'est papa qui lui a offert et comme ça je ne me sens pas seule. Au restaurant, j'avais l'impression de flotter… Il m'a parlé de lui, de sa famille. Il est pompier dans une caserne de Manhattan. Il adore son métier. Ses parents sont flics. Au fait, je me suis sentie toute idiote quand il m'a dit son nom de famille. Je lui ai dis que je ne savais pas que les afro-américains portaient des noms à consonance irlandaise… C'est là qu'il m'a expliqué que son père était irlandais. Il a immigré aux Etats-Unis après que ses frères aient été tués par la guerre en Irlande. Il a rencontré la mère de Ty à l'académie de police et depuis ils ne se sont plus quittés. Ty a trois frère et sœurs. Il y a sa sœur aînée, Maureen, puis son frère, Jackson, ensuite Ty et la petite dernière, Nolween. Jackson est flic à Chicago et Nolween est en poste à New York. Maureen vit au Canada avec son mari. Quand il m'a demandé pour moi, j'ai été gênée. Lorsque je l'ai regardé dans les yeux, je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire la vérité. J'ai pleuré et il m'a consolé. Je l'aime. Je n'ai jamais été amoureuse auparavant mais je pense que c'est ça… Je vois son visage dès que je ferme les yeux, quand je regarde dehors, quand je passe dans Times Square. Après le resto, on est allés se promener à Central Park. On s'est assit sur un banc, il m'a pris dans ses bras. Dans ses bras, je me sens en sécurité, je me sens forte. Il m'a raccompagné à ma porte. Je lui ai demandé si on pouvait aller à l'Empire State Building après-demain et qu'ensuite on pourrait aller faire du patinage à Central Park. Il a dit oui et il est partit après m'avoir embrassé. Je suis amoureuse. Cet homme-là, je ne le laisserai pas partir, jamais !

15 février 1998. Hier c'était ma première St Valentin et j'ai reçu le plus beau des cadeaux ! Tyler m'a demandé de venir vivre avec lui. Ce n'est pas la demande en mariage que j'attendais de toute façon. On sort ensemble que depuis 1 mois et 13 jours… Je lui ai demandé s'il voulait rester boire un café hier soir. J'étais tellement heureuse ! Je ne veux plus le quitter. La nuit dernière, j'ai fais l'amour pour la première fois. L'amour c'est si doux, si fragile, si fort à la fois… Ce matin, Ty m'a laissé un petit mot avec une rose rouge sur l'oreiller, il devait aller travailler mais il m'a dit qu'il m'aimait et qu'il était heureux que j'ais accepté sa proposition hier soir. Il ne veut plus se réveiller seul le matin et moi non plus.

4 juillet 1998. Aujourd'hui, Tyler va me présenter à sa famille à l'occasion de la fête nationale. Je suis stressée à point que tu ne peux imaginer ! J'ai peur de ne pas leur plaire… Ty dit que je suis tellement fabuleuse qu'ils tomberont sous mon charme immédiatement.

4 juillet 1998 (bis). Je profite que Ty prend sa douche pour te dire que je suis au 7ème ciel, je suis aux anges, je suis… je ne suis plus moi-même… Tyler m'a demandé en mariage devant sa famille, ses amis. J'ai dis OUI ! Le mois prochain, nous allons fêter les six mois de notre relation. Je suis heureuse, tu ne peux pas imaginer. Je vais envoyer un mot à Pauline pour lui annoncer la nouvelle. Je sais qu'elle ne me trahira pas. Papa, où es-tu ? J'ai besoin que tu me conduises à l'autel. Par contre, on va devoir attendre pour se marier. Adrian, le père de Ty, préfère que je sois majeure avant d'épouser mon pompier favori. Il n'a pas tort, je suis sûre que papa ne voudrait pas que je me marie sans être majeure. »

Grissom ne put s'empêcher de sourire. Majeure ou pas majeure, il n'aurait pas voulu entraver le bonheur de sa fille. Il regarda sa montre : 15 heures 01. Il se leva pour aller voir Jared mais le bébé n'était plus dans son berceau. Il trouva une note de Sofia qui l'informait qu'elle avait laissé leur fils chez la baby-sitter. Elle savait que son mari était trop pris par sa lecture pour surveiller le bébé. Il ne l'avait pas entendu rentrer pour le déjeuner. Griss enfila sa veste, prit le journal intime avec lui.

Desert Palm

Service de réanimation – Box 2

15 heures 37

La circulation était fluide cet après-midi là. Grissom ne mit pas longtemps pour aller jusqu'à l'hôpital. Sur le parking, il y avait toujours le 4X4 de Greg. Gil était, soudainement, mal à l'aise à l'idée de se trouver seul avec son jeune collègue. Il fallait qu'il se fasse à l'idée que Greg était bien plus qu'un collègue de travail… C'était son gendre.

Un officier de police était toujours présent devant l'entrée de la chambre de sa fille. Cette présence était de trop pour Grissom. Une boule se nouait dans sa gorge. Il salua l'officier et pénétra dans le box. Il eut un haut le cœur en voyant sa fille, son bébé allongée là. Il s'avança prudemment et s'assit à ses côtés. Il n'osait pas la toucher ni même l'effleurer. Elle ressemblait à un ange. Ses cheveux châtains et bouclés tombant sur ses épaules. Elle dormait. Elle était magnifique, un ange. Grissom sursauta lorsqu'une infirmière entra pour vérifier la perfusion.

« Comment va-t-elle ? » demanda Grissom sans quitter sa fille des yeux.

« Elle a toujours une très forte fièvre. Les médecins ont pratiqué un myélogramme ce matin. On attend les résultats. Pauvre petite… Son mari ne l'a pas quitté de la nuit. On lui a conseillé d'aller manger un peu mais il ne voulait pas la quitter. Heureusement que les enfants de Mme Connelly sont arrivés. Ils sont restés un petit moment ici et ils ont accompagné leur père à la cafétéria… »

« Ils sont partis il y a longtemps ? »

« Non… 10 minutes tout au plus. Le beau-père de Mme Connelly va revenir dans un moment. Ils vont se relayer à son chevet. » le renseigna l'infirmière sur le point de partir.

Grissom se mit à l'aise. Il tira le fauteuil près du lit et pria. Il ne fit pas attention à la personne qui entra dans le box. Il pensait que c'était Greg. Il se leva et fut surpris de voir qu'il ne s'agissait pas de Sanders.

« Bonjour… Gil Grissom, police scientifique de Las Vegas. » Grissom ne savait pas vraiment comment se présenter.

« Adrian Connelly, le beau-père d'Augie. » Adrian Connelly était un homme très grand, les cheveux blancs, des yeux bleus perçants, d'allure athlétique, le visage ravagé par les années, les souffrances. Il détailla Grissom tout en lui serrant la main. « Elle vous ressemble beaucoup. » dit-il en souriant et jetant un coup d'œil à la jeune femme allongée, sans connaissance.

« Pourquoi me dites-vous ça ? » Grissom s'assit à nouveau et observa Connelly.

« En vous regardant dans les yeux, j'ai tout de suite compris que vous étiez celui qu'elle a cherché et attendu pendant toutes années. Vous avez les mêmes yeux, la même façon d'analyser les gens que vous rencontrez. Et puis, vous avez son journal intime dans les mains. Elle a toujours dis que seul son père aurait le droit de lire son journal ou Vicky plus tard. »

« Je ne sais pas quoi lui dire… J'ai raté beaucoup de choses dans sa vie. Je me sens impuissant face à sa détresse. J'ai lu quelques pages de son journal. J'ai ris, j'ai pleuré. L'Augie que je connais depuis l'an passé est distante, froide vis-à-vis des personnes qu'elle rencontre. L'Emmanuelle de ce journal est tout autre : joyeuse, gaie, amoureuse, détendue, épanouie. J'ai dû mal à croire que ce soit la même personne. J'y suis pour beaucoup, je n'étais pas présent… »

« Sa froideur n'est qu'une façade. Si vous brisez le mur qu'elle a construit autour d'elle pendant des années, vous serez surpris. C'est une fille formidable, une mère exceptionnelle, une belle-fille douce et protectrice, un flic intègre. Comme toute mère, elle peut se transformer en vraie lionne si on s'attaque à ceux qu'elle aime. »

« Je ne suis pas certain qu'on puisse rattraper le temps passé. Personne ne sait si elle sortira du coma ou si la leucémie… »

« Dans ce cas, sauvez-la. Faites-le pour vous, pour Greg, pour les enfants. Victoria et Ty grandissent sans leur père, ne les privez pas de leur mère… »

« Victoria ? Elle a appelé sa fille Victoria ? »

« Oui. Vicky est le plus bel hommage qu'elle pouvait rendre à sa mère. Vous vous en êtes arrêté à quelle date dans le journal ? Augie… Emmanuelle fait partie de ma vie depuis 12 ans, je pense qu'elle a dû écrire les moments les plus importants de sa vie. »

« Je m'en suis arrêté au 4 juillet 1998. Le jour où votre fils l'a demandé en mariage. » Grissom avait rouvert le journal.

« Il faisait un temps magnifique ce jour-là. Ty nous avait avertis qu'il allait demander sa copine en mariage lors du traditionnel barbecue. Je dois vous avouer qu'ils nous a beaucoup surprit, sa mère et moi. Quand on l'a vu arriver avec Emmanuelle, on a tout de suite compris. Elle portait une robe fleurie à fines bretelles. Ses cheveux blonds, à l'époque, étaient relevés et maintenus par une pince. Toute la famille a eu le coup de foudre pour elle. » Adrian Connelly se leva et déposa un baiser sur le front d'Augie/Emmanuelle. « Comme vous êtes avec elle, je vais vous laisser. Anita et moi allons tenter de faire rentrer Greg à la maison. Nous allons nous relier à son chevet. Vous restez jusqu'à quelle heure ? »

« 19 heures environ. Je dois aller travailler. »

« Bien. Je pense qu'Anita viendra prendre votre suite. » déclara-t-il avant de quitter Grissom qui avait rouvert le journal à la page qu'il avait marqué.

« 13 octobre 1998. Tyler a 26 ans aujourd'hui ! Toute la semaine, il a essayé de me faire dire quel cadeau j'allais lui faire. J'ai passé mon temps à le mettre sur une fausse piste. Il croit que je vais lui offrir un bonnet pour l'hiver. Tout faux ! Il est vrai qu'il serait moins souvent enrhumé s'il ne se rasait pas tout le temps le crâne. Bref, mon cadeau est spectaculaire ! La semaine dernière, je suis allée consulter le médecin car je me sentais bizarre. Je craignais faire une rechute et en fait non ! Cher journal, Papa, je vais offrir une petite ou un petit Connelly à Ty pour son anniversaire. La naissance de mon petit bonheur est prévue pour avril. Une nouvelle vie commence ! On avait déjà trouvé la date de notre mariage. On va se marier là où tout à commencer. Times Square le soir du 31 décembre 1998. J'aurai ma majorité le 25 décembre donc pas de problèmes.

31 décembre 1998. Tout à l'heure, je vais devenir officiellement Madame Tyler Connelly. Demain, j'aurai une nouvelle identité. Je ne perds pas l'ancienne, je ne veux simplement pas qu'on me retrouve. J'ai décidé d'emprunter un morceau du prénom d'Audrey que je vais accoler à l'initiale de papa. Ça va donner cela : Augie Connelly. Je trouve que ça sonne bien. Au fait, Tyler m'a trouvé un nouveau petit nom : bouton de sucre. Il est aux petits soins pour moi. L'autre jour, je suis passée à la caserne. Tommy et Ted se sont transformés en garde du corps pour moi. Il ne fallait surtout pas que je me blesse !

14 février 1999. Je me sens laide, je me sens grosse… Victoria bouge énormément ! Elle a de l'endurance ma petite crevette. Papa, tu me manques…

1er avril 1999. Cher journal, je te présente Victoria Anita Connelly-Bertier. Ce n'est pas un poisson d'avril ! Elle est née pour le déjeuner. Pour un premier bébé, il parait qu'elle est costaud. Elle pèse 3 kg 340 et mesure 49 cm ! Adrian a dit en plaisantant qu'on allait pouvoir mettre une équipe de basket en route ! Je veux une maison remplie d'enfants ! Tyler est complètement gaga devant sa fille. Elle est magnifique notre princesse. Papa, où es-tu ? Si tu savais comme ta petite fille est belle !

1er janvier 2000. Cher journal, désolée de t'avoir si lâchement abandonné. J'ai trouvé un poste au FBI en octobre dernier. Entre le boulot, Vicky et la maison, je n'ai pas bien le temps de t'écrire. On commence aujourd'hui un nouveau siècle plein d'espérance, de joie, de bébés ! J'espère que ce changement de millénaire va me rendre mon père. Où est-il ? Que fait-il ? Sait-il que je ne suis pas morte ? Est-il encore en vie ?

3 avril 2000. Je suis à la bourre ! Toute la famille débarque dans une heure et je ne me suis toujours pas préparée ! Ty est encore à la caserne, j'espère qu'il n'y a rien de grave. On va fêter le 1er anniversaire de Vicky et ma nomination à un poste au service des affaires étrangères du FBI. Je vais être confinée dans un bureau alors que j'aime le travail sur le terrain… On m'a nommé là parce que je parle plusieurs langues. Je te mets une photo de Vicky. Elle a de superbes yeux bleus. Ty n'est pas gêné du regard des autres, je veux dire que les gens s'attardent sur nous dans la rue. Une petite fille noire aux yeux bleus, ça ne court pas les rues ! Aller, je te laisse ! »

Grissom arrêta sa lecture quand il entendit des voix connues dans le couloir. Il lâcha la main de sa fille qu'il tenait depuis un moment et se leva. Il ouvrit la porte à ses petits-enfants.

« Bonjour, Mr Grissom. » fit Vicky en entrant dans la chambre. « Ty et moi, on est venus dire au revoir à maman. Papa est pas loin… »

« Bonjour les enfants. » Grissom laissa passer les enfants. « Bonjour, Greg… »

« 'Jour » Greg avait les yeux marqués par la fatigue et les larmes. Il s'approcha de sa femme et l'embrassa. « Au revoir. S'il y avait un changement, appelez à la maison immédiatement. »

« Bien sûr, Greg. Reposez-vous. Vous ne lui êtes d'aucune aide si vous êtes fatigué. »

« Je ne suis d'aucune aide de toute façon. Les médecins disent que sa leucémie est à un stade avancé. Elle a besoin de cette transfusion seulement personne n'est compatible. Seul, son père peut l'être mais on ne sait pas qui il est ni où il est à Vegas… » lâcha Greg. « On y va les enfants. »