4. Première nuit à Godric's Hollow
Harry réussit un transplanage parfait et regarda aussitôt autour de lui. Il était dans un living-room aux volets clos et au papier-peint défréchi, meublé de vieux fauteuils presque défoncés, d'une table basse branlante et d'une vieille malle qui sentait le moisi.
- Te voilà bien arrivé, mon garçon !
Harry sursauta et vit Maugrey se tenant dans l'encadrement de la porte.
- Densmore et Hagherty vérifient que les environs sont calmes...
Harry hocha la tête et aurait bien voulu participer à la conversation mais il éprouvait l'envie irrépressible de visiter le reste de la maison.
- C'est Molly qui a trouvé ces meubles dans sa remise. Ce n'est pas très reluisant mais tu...
Maugrey laissa sa phrase en suspens : Harry avait quitté la pièce. Il était au rez-de-chaussée. Le pièce voisine était la cuisine d'une propreté douteuse. L'autre pièce de cet étage était pourvu de rayonnages vides, autrefois bureau ou bibliothèque. Harry avisa une petite porte qui donnait sur la cave avec le fameux carreau cassé sur ordre du professeur McGonagall : il régnait dans la pièce un tel désordre poussiéreux que Harry referma vite la porte en éternuant. Au premier étage, Harry ouvrit une porte qui donnait sur la salle de bains, elle aussi pâtissant du manque d'hygiène. La porte voisine donnait sur une grande chambre, celle de ses parents sans doute. Avaient-ils eu le temps d'y être heureux ? Déjà au moment de sa naissance, ses parents vivaient dans la crainte et le secret. Harry ouvrit la porte en face et entra dans une chambre plus petite au papier peint jaune lumineux avec une frise de canetons. Harry vacilla et appuya sa tête sur la porte. C'était sa chambre, LA chambre dans laquelle sa mère était morte...
- Tu vas bien, mon garçon ?
- C'est là, n'est-ce pas ? demanda Harry en serrant les dents.
- Oui...
- Je n'y dormirai pas !
- Je comprends. Ella et Henry sont en bas. Ella veut te montrer le dispositif de Portoloins qu'elle a installé.
Harry referma la porte en détournant le regard. Il descendit, prévoyant les regards compatissants des deux Aurors. Les visages inquiets de ses compagnons l'alarmèrent : était-il si bouleversé ? Il se détendit en suivant Ella lui montrant les Portoloins. L'Auror était presque aussi paranoïaque que Maugrey, ayant même installé un Portoloin dans les toilettes. Henry Densmore avait transplané chez madame Weasley qui donnait à Harry le lit d'un des jumeaux.
- Nous allons te laisser Harry, dit Ella. Il est deux heures du matin et je voudrais profiter de quelques heures de repos. Henry va faire de même. Maugrey va rester et surveiller les environs.
Harry murmura "d'accord" d'un ton peu convaincant.
- Ne t'inquiète pas, il ne te dérangera pas, c'est juste pour cette nuit. Tu as prévu quelque chose pour demain ?
- Je voudrais aller sur la tombe de mes parents.
- Nous nous y attendions, rétorqua Ella avec un sourire triste. Nous t'y accompagnerons, Henry et moi.
Les deux Aurors saluèrent Harry et Maugrey, grimpèrent sur une chaise et touchèrent l'ampoule du luminaire qui servait de Portoloin pour le Ministère de la Magie. Harry resta immobile, les bras ballants.
- Tu vas occuper la grande chambre ?
- Oui.
- Bien, je vais m'installer dans ce fauteuil. On peut discuter si tu veux... ou bien je te fiche la paix ?
Harry rougit d'avoir été démasqué si aisément. Il aimait bien Maugrey mais n'était pas d'humeur à converser comme si de rien n'était ou juste pour tuer le temps. Il avait besoin de s'occuper et pensa à la cuisine malpropre. Il trouva le nécessaire de ménage et prononça l'incantation "Récurvite". Les ustensiles s'élevèrent dans les airs et entamèrent leur ballet de propreté. Harry les regarda s'activer et grommela :
- Du ménage pour mon anniversaire, charmant !
Il se coucha une heure et demie plus tard et tâcha de s'endormir sans trop penser à ses amis qui devaient s'être endormis paisiblement depuis longtemps.
Harry se réveilla et mit plusieurs secondes à se rappeler où il était. Il soupira et comprit que le jour était levé grâce aux quelques rais de lumière filtrant des volets branlants. Il se saisit de la montre volée à Dudley et lut 8h44. Il résista à l'envie de se recoucher et fit une toilette sommaire. Il descendit à la cuisine et sourit en voyant Maugrey affalé dans le fauteuil, ronflant bruyamment. Henry avait amené quelques provisions et Harry prépara du café pour la première fois de sa vie. Il grignota quelques tartines sans appétit et sursauta quand il entendit la voix de Maugrey :
- Hmmm, du café !
Harry lui proposa une tasse et rit de bon coeur en voyant Maugrey s'efforcer de ne pas recracher le café franchement mauvais. L'Auror avait une mine effrayante au réveil et Harry n'osa pas suggérer à son compagnon d'aller prendre une douche et se demanda s'il savait ce qu'était une machine à laver le linge. Guère plus disposé à parler que la veille, Harry fut soulagé de voir apparaître Ella et Henry. Ella avait les bras chargés de paquets et Harry sourit en songeant que ses amis avaient pensé à lui. Il ouvrit celui de Ron, un recueil des "500 blagues les plus drôles du monde de la sorcellerie". Il le feuilleta en songeant avec amertume que son meilleur ami cherchait à le distraire. Harry avait l'habitude d'ouvrir ses cadeaux d'anniversaire loin de ceux qu'ils aimaient. "Privet Drive ou ici, quelle différence ?" se dit-il en déchirant sauvagement l'emballage du cadeau commun de Hermione et Ginny. Il ne vit pas les regards alarmés de ses compagnons qui se détendirent en voyant Harry sourire face au plus gros paquet de confiseries de Honeyduckes qu'il eut jamais vu. Il sut immédiatement en tâtant le paquet mou de madame Weasley qu'elle lui avait tricoté un pull au goût discutable. Même Fred et George lui avaient envoyé un cadeau en provenance de leur boutique, un lot d'une cuiller, d'une fourchette et d'un couteau. Harry manipula avec méfiance la cuiller qui se transforma en paire de menottes. Les trois Aurors eurent du mal à faire disparaître le sortilège mais cet intermède eut le mérite de détendre l'atmosphère. La fourchette essaya de coiffer les cheveux en désordre de Harry et le couteau réduisit en pièce les papiers d'emballage. Harry eut juste le temps de mettre à l'abri les mots qui accompagnaient les cadeaux mais ne voulut pas les lire sur-le-champ : il n'était pas pressé de connaître les détails des occupations de vacances de ses amis. Il se reprocha son attitude "Tu ne vas pas être jaloux, quand même!" et se promit de lire les lettres dès son retour. Il avait présentement en tête autre chose à accomplir.
- Nous y allons ? dit-il d'une voix déterminée.
