6. Le refus de Hermione
Harry se retrouva seul à Godric's Hollow pour la première fois. La scène du cimetière avait contraint les Aurors à s'affairer loin de chez Harry et il apprécia quelques minutes sa solitude. Il entreprit de lire son courrier d'anniversaire et commença par celle de Ron. Son meilleur ami n'était pas un habile épistolier et cette lettre ressemblait aux rares qu'il lui avait envoyé au cours de ces dernières années. Le style était brouillon et Harry devinait les efforts du benjamin des Weasley pour ne pas aborder les sujets trop tristes ou de le déprimer en lui contant par le menu les moments agréables qu'il passait. Harry lut avec amertume une phrase concernant "l'humeur de troll de Ginny". Ron l'informait aussi que Hewige était bien au Terrier et que la cohabitation avec Coquecigrue était catastrophique. La lèvre de Harry trembla et il lut la lettre de Hermione. La jeune fille repartait chez ses parents pour la fin des vacances mais Harry pouvait lui écrire en faisant transiter le courrier par le Terrier. Son amie lui renouvelait sa proposition d'aide pour les Horcruxes. Ginny avait signé la lettre et Hermione avait simplement écrit qu'elle et celle qui fut sa petite amie pensaient très fort à lui. Harry se laissa aller quelques minutes à penser aux moments délicieux passés avec Ginny et fut tenté de lui écrire une lettre l'assurant qu'il l'aimait toujours. Il se ravisa et renonça aussi pour le moment à informer ses amis de l'attaque du cimetière. Ron s'affolerait et Hermione l'assommerait d'hypothèses. Il devait faire le vide dans sa tête et se consacrer aux horcruxes. C'était la tâche des Aurors d'éluder le mystère de Drago tuant Bellatrix Lestrange.
Bien que détruire Nagini, l'autre horcruxe, fut aussi important que le mystère de R.A.B, Harry choisi de s'atteler d'abord à ce dernier. Il écrivit à Hermione, lui taisant les évènements de la veille.
"Chère Hermione, me voici bien arrivé. Je te remercie pour ton cadeau et ta lettre. Mes compagnons sont attentifs mais je n'aurai jamais cru dire ça, j'aurai peut-être préféré rester chez les Dursley. Savoir que je serai quasi emprisonné et que pour sortir il me faut recourir à mille ruses provoquent beaucoup de colère en moi. Je pars à la recherche du messager du médaillon mais j'ai besoin de ton aide. Est-il possible que je transplane chez toi et que tu me donnes un coup de main pour éplucher l'annuaire de l'école et les archives de la Gazette du Sorcier? Si cela te pose un problème ou à tes parents, n'hésite pas ou bien si ça prend trop sur ton temps de loisirs..."
Harry sourit : Hermione ne considérait sûrement pas du travail comme une perte de temps ou une privation de loisirs. A la relecture de sa lettre, il constata avec étonnement qu'il s'était plus ouvert qu'il ne le pensait. Cependant, il renonça à changer le contenu du message.
Trois jours s'écoulèrent dans l'ennui. Sur les conseils d'Ella et Densmore, il devait se reposer et ne pas agir sous le coup de l'émotion causée par le meurtre de Lestrange par son neveu. Il se gava de chocogrenouilles en lisant le livre de blagues offert par Ron. Mais bien vite, les devinettes sur les trolls et les blagues sur les elfes de maison ( il espérait que Hermione n'ait pas vu ça sinon Ron avait du passer un mauvais quart d'heure ) le lassèrent. Bien que n'ayant jamais été un fanatique de sport, hormi le Quidditch, il s'astreint à quelques exercices de souplesse : Henry Densmore le lui avait suggéré, soulignant avec justesse que ses muscles allaient s'engourdir faute d'activiter physique. Enfin, Maugrey passa le soir en coup de vent déposer la réponse de Hermione.
"Cher Harry, j'ai bien reçu ta lettre et ta demande, et je suis sensible à ton désarroi et ton humeur. C'est pourquoi il m'est encore plus difficile de te refuser momentanément mon aide. En effet, nul doute que Malefoy ou Rogue aient instruit Voldemort de notre amitié et si mes parents avaient une horloge semblable à celle des Weasley, je suis certaine que mon aiguille serait sur "en danger de mort". Aussi l'Ordre a-t-il décidé de mettre la maison de mes parents sous haute surveillance. J'aurai pu taire à mes parents ce fait mais ils m'ont toujours accordé leur confiance et je n'ai pu leur cacher la vérité et la mort de Dumbledore. Tu peux imaginer quelle fut leur réaction et seule une longue lettre bienvenue de McGonaggall les a empêchés de me retirer de Poudlard. Nous n'osons guère sortir et nous voulons passer le plus de temps possible ensemble. Je me vois mal leur dire que je dois rester enfermée dans ma chambre à lire des annuaires de l'école ou de la Gazette du Sorcier. Pardonne-moi Harry, dans trois semaines, je suis de retour à Poudlard et j'entends bien trouver ce R.A.B : Ron n'y échappera pas non plus, de gré ou de force. Je vais quand même écrire au professeur McGonagall pour savoir si tu peux transplaner chez moi ou au Terrier pour quelques minutes. A très bientôt. Hermione"
Harry reposa la lettre et l'espace d'une seconde, les mots "abandon" et "lâcheté" traversèrent son esprit. "Mais tu es fou ! Penser ça de Hermione !" La culpabilité lui serrant le coeur, il se redressa. Au diable la sécurité et les consignes de l'Ordre ! Il allait transplaner chez Hermione. Il était dix heures du soir et dans un demi-sourire, il pria pour ne pas trouver Hermione se déshabillant pour se coucher... Il se concentra et transplana. Il sut immédiatement qu'il était bien arrivé : il était dans une chambre au papier peint vert amande, meublée confortablement mais sans chichis, un pan de mur occupé par une bibliothèque. Une masse de cheveux emmêlée et sa propriétaire étaient penchées sur un bureau et Hermione fit un bond en entendant le bruit caractéristique d'un transplanage. Elle se retourna prestement, sa baguette était tendue vers l'intrus.
- HARRY !
En se retournant, son peignoir s'était entrouvert et Harry aperçut le tissu à petites fleurs. Hermione s'en rendit compte et tous deux détournèrent la tête en rougissant et toussotant pendant que Hermione faisait un double-noeud à la ceinture.
- Hermione ! Hermione ! Qu'est-ce qu'il y a ?
Harry devina la voix inquiète de madame Granger. Hermione se précipita et entrouvrit la porte :
- Ce n'est rien maman ! Il y a une araignée dans ma chambre et j'ai eu peur...
Hermione referma la porte.
- Je préfère qu'ils ignorent ta présence. Ils ne le prendraient pas mal mais ils ne sauraient pas trop quoi faire en ta présence...
Quelques minutes plus tôt, dans la colère de sa solitude, Harry aurait mal pris ces paroles, mais le plaisir de revoir son amie effaça ses pensées noires.
- Tu vas bien ? Tu es allé chez Ron ? Tu as reçu ma lettre ? chuchota-t-elle avec un peu d'appréhension.
Harry sourit :
- Une chose à la fois. Je ne vais pas trop mal. Je ne suis pas allé chez Ron : il sait difficilement garder un secret et bientôt tout le Terrier serait au courant et madame Weasley avertirait sans doute l'Ordre du Phénix qui m'assommerait de mises en garde. J'ai bien reçu ta lettre...
Hermione le regardait en biais, anxieuse.
- Je comprends. J'avoue que j'ai été un peu fâché mais être enfermé me détruit l'humeur. J'en ai conçu de l'aigreur et bien que j'aurai pu te le taire, j'en éprouvais de la culpabilité et je ressentais comme un devoir de m'excuser.
Hermione le regardait maintenant bien en face, les yeux bienveillants.
- Merci, dit-elle d'une voix émue.
Une minute de silence embarrassé s'ensuivit et Harry égara son regard sur le bureau. Il avait manifestement interrompu l'écriture d'une longue lettre à juger par le tas de feuilles.
- Qui va devoir lire ton roman ? plaisanta-t-il.
Hermione ne comprit pas puis avisa son courrier. Elle rougit jusqu'aux oreilles et bafouilla :
- Euh, une amie...
Le ton embarrassé de son amie ne l'inquiéta pas : cela ne semblait pas un secret d'état ou concernant la sécurité de leur entourage.
Hermione fit apparaître deux tasses de thé bien chaud avec une facilité déconcertante. Assis en tailleur sur la moquette moelleuse, Harry sirotait le breuvage, Hermione attendant qu'il prenne la parole.
- Je mets R.A.B. de côté pour le moment, le temps de ton retour à Poudlard. Je m'attaque à Nagini mais je ne sais pas comment. Il est forcément avec Voldemort. Même si je trouvais leur cachette, comment l'approcher sans me retrouver face à lui ? J'aurais deux ennemis à affronter...
Hermione, soucieuse, fronçait les sourcils, chez elle synonyme d'intense activité cérébrale.
- Tu parles Fourchelang...
- C'est vrai, se remémora soudain Harry. Mais en quoi ça va m'avancer ?
- Je ne sais pas mais je trouverai !
L'air déterminé de Hermione, reflet exact de celle qu'il avait fréquenté six ans à Poudlard, le rassura.
- Harry, il est bientôt vingt-trois heures. Si un Auror débarque chez toi et ne te trouve pas, ça va être un beau remue-ménage...
Harry hocha la tête en refoulant l'idée qu'elle le mettait dehors mais une petite voix dans sa tête lui souffla qu'elle avait raison : Hermione était obsédée par le réglement et sa sécurité lui était chère.
- J'y vais.
Toute amertume s'enfuit face au visage fermé et inquiet de Hermione. Il la serra chaleureusement dans ses bras et transplana, la laissant les bras ballants, les yeux humides.
