7. La bibliothèque nationale

La nuit fut courte, mille plans s'échafaudant, s'effondrant les uns après les autres. A quatre heures, Harry sombra dans le sommeil, une idée à appliquer. Le lendemain, il but une gorgée de Polynectar et devint un homme d'une petite trentaine d'années, le front légèrement dégarni. Jugeant ses vêtements trop juvéniles pour son physique, il passa un jean et un tee-shirt neutre. Il choisit de transplaner, couvert de sa cape, dans le hall du bureau de poste local. Il évita de peu une petite dame âgée qui s'approchait du comptoir derrière lequel se tenait un employé. Il entrouvrit discrètement la porte d'une cabine téléphonique et après s'être assuré que ni personne, ni une caméra de surveillance ne le regardaient, il se débarrassa prestement de sa cape. Il ouvrit l'annuaire, composa un numéro et quand il entendit une voix dire "Allô !", il tâcha de prendre une voix la plus grave possible :

- Je suis bien au Centre National de la Protection des Animaux ?

- Oui monsieur ! Puis-je vous aider ?

- Euh...oui. Je suis étudiant, je fais une recherche sur la disparition de certaines espèces de serpents en Grande-Bretagne et j'aurai aimé savoir si vous pouviez me renseigner.

- A quel sujet précisément ?

- Euh... Y'a-t-il une espèce qui ait disparu ou une autre qui soit apparu récemment dans certaines régions ?

- Alors là, vous me posez une colle ! Ici, on s'occupe plutôt des chats et chiens battus ou abandonnés...

- Mais vous n'avez pas des statistisques ou une revue qui parlerait de ça ?

- Pas à ma connaissance. Mais puisque vous êtes étudiant, il y a bien un professeur qui pourrait vous renseigner mieux que moi, non ?

Agacé, Harry raccrocha. Il rechercha un autre numéro.

- Bibliothèque Nationale bonjour !

- Bonjour madame, je voudrais connaître vos horaires d'ouverture.

- Du lundi au vendredi de 9h à 19h30 et le samedi de 8h30 à 16h, monsieur.

- Je vous remercie, madame.

- Je vous en prie.

Le soir, Harry informa Henry Densmore qu'il allait s'absenter une bonne partie de la journée du lendemain. L'Auror ne le questionna pas bien qu'il eut manifestement envie de le faire mais lui parla de la mort de Bellatrix Lestrange :

- Harry, nous avons tu la mort de Lestrange. Seule McGonagall, Lupin savent et d'un commun accord, nous avons décidé de pas encore informer le grand public, ni même le Ministre, ajouta-t-il avec un petit rictus de satisfaction. Nous comptons affoler un peu les Mangemorts et Tu-Sais-qui en laissant dans l'ignorance de la mort de Lestrange. Peut-être l'un d'entre-eux aura-t-il la curiosité d'aller au cimetière voir si elle y est toujours et alors nous ferons une bonne prise.

- Et Drago ?

- Aucune trace.

Le lendemain, Harry but à nouveau une gorgée de Ploynectar et redevint l'homme qu'il fut la veille. Revêtu de la cape d'invisibilité, il transplana dans la grande salle aux milliers de volumes de la Bibliothèque Nationale cinq minutes avant l'ouverture. Quelques employés s'installaient à leur poste en baillant. Harry attendit trois ou quatre minutes que les premiers usagers s'installent et choisit une allée discrète pour se débarrasser de sa cape qu'il fourra dans son sac à dos. Il s'approcha d'un ordinateur et admit qu'être à Poudlard ne favorisait pas la maitrise de l'outil informatique : Dudley ne lui avait jamais laissé approcher le sien. Une employée l'aida gentiment et Harry eut bientôt à l'écran une liste impressionnante de documents se rapportant aux serpents. Il élimina tous ceux qui traitaient de leur étude physiologique ou les ouvrages trop anciens. La liste se réduisit quelque peu et il se concentra sur les revues spécialisées. Il ramena à sa table "Reptiles Magazine", "Serpico, le magazine des mordus de serpents", "Nature Passion". Ces magazines réservés à des amateurs ne lui apprirent rien d'intéressant et il décida de se plonger dans des thèses récentes, pavés dont seule Hermione aurait pu se délecter sans périr d'ennui. Il revint avec l'un d'entre eux : "Etudes des diverses espèces de serpents dans leur habitat naturel en Grande-Bretagne et les conséquences de l'urbanisation sur leur comportement". La femme en face de lui le regarda bizarrement.

- Excusez-moi, jeune homme, mais il y déjà un monsieur à cette place.

Interloqué, Harry la dévisagea sans comprendre puis bondit hors de sa chaise. Il fonça aux toilettes sous l'oeil réprobateur du surveillant de salle et jura en voyant son reflet - cheveux en bataille, cicatrice, yeux verts affolés - dans le miroir. Heureusement, la fiole de Polynectar était dans son blouson et non dans le sac qu'il avait laissé à sa place : l'emmener aurait été une folie, la femme aurait crié "Au voleur !". Il revint à sa place et sa voisine lui souffla :

- Un jeune homme s'est assis à votre place mais je lui ai dit que la place était prise !

Harry la remercia en bafouillant.

Il se reprocha sa stupidité et surveilla l'horloge. En fin de journée, le ventre vide ( ne disposant pas d'argent moldu, il s'était contenté de boire un peu d'eau aux lavabos et le Polynectar régulièrement ), il referma la sérieuse mais soporifique thèse sur les serpents sans avoir rien appris.

Le lendemain à neuf heures il était de retour à la bibliothèque, ayant pris soin d'emmener de quoi manger. Il renonça aux autres études universitaires pour le moment et retourna aux ordinateurs. Il choisit de se concentrer sur les documents publiés il y a moins d'un an. Quelques articles de journaux étaient référencés, souvent pour signaler une morsure de vipère sur un être humain. A chaque référence, un petit résumé révélait la teneur du contenu. Ce fut le résumé d'une revue scientifique qui attira l'oeil de Harry.

"Etrange comportement de certains reptiles dans un village du Sussex. Gilbert Braddock, un éminent spécialiste..."

Harry cliqua sur le lien et son coeur battit plus vite : l'article provenait d'une revue scientifique et écologiste "Alerte Nature".

"Notre revue déplore la perte d'un de nos plus éminents universitaires et collaborateurs, Gilbert Braddock. Parti dans le Sussex étudier le comportement étrange de certains serpents, la police locale a découvert le corps inanimé de notre confrère au milieu d'un champ. En dépit de son âge peu avancé et de sa bonne santé, les médecins ont conclu à un arrêt cardiaque. Gilbert était parti suite au courrier d'un photographe naturaliste. L'homme avait constaté que le nombre de serpents locaux - espèce inoffensive pour l'homme - très présents dans la région, avait diminué de façon inquiétante. Le décès brutal de notre collaborateur a empêché jusqu'à ce jour de connaître la raison de cette régression de la population reptilienne mais nous pouvons supposer qu'une pollution sans doute d'origine industrielle n'est pas être étrangère à ce phénomène. Un de nos collaborateurs se rendra prochainement dans le Sussex pour poursuivre l'enquête du regretté Gilbert Braddock."

Harry releva les yeux et imagina la scène : un cadavre sans trace physique d'agression... Des serpents qui disparaissent... Effrayés par un plus gros, vraiment plus gros ?

Fébrilement, Harry pianota "Sussex" et "Serpent" sur le clavier. L'article de la revue revint en premier, puis deux articles de journaux dont un mentionnait le décès de Gilbert Braddock. Le résumé du second était moqueur mais Harry cliqua sur le lien du journal, le "Sussex Daily News".

"La police a arrêté en état d'ébriété dans un pub de St-John un homme d'une cinquantaine d'années racontant à un public amusé que s'étant arrêté aux abords de Little Valley, village distant d'une trentaine de kilomètres, afin de satisfaire un besoin naturel, il avait vu un serpent énorme, selon ses dires au moins dix mètres de long. L'homme a été conduit..."

Harry s'arrêta de lire, le coeur battant à tout rompre. Nul doute n'était permis. Little Valley. Il retourna à sa place prendre ses affaires et transplana pour Godric's Hollow.