8. Little Valley
Plongé dans ses pensées, mettant au point une stratégie d'élimination de Nagini, Harry remarqua à peine l'arrivée de Ella lui apportant des provisions, dont un énorme gâteau confectionné par madame Weasley. Ella, devant son air préoccupé, s'apprêta à repartir mais Harry se leva :
- Ella, ai-je droit de pratiquer l'Avada Kedavra ?
Ella écarquilla la bouche de surprise.
- Eh bien, si tu es en danger, on peut estimer que ce serait de la légitime défense et nul...
- Non, il me faudra sûrement le pratiquer sur un ennemi ignorant ma présence...
Le visage de Ella se ferma :
- Alors, non. Tu peux sans doute utiliser un sortilège d'Entrave et demander du renfort ou...
Harry, légèrement agacé, l'interrompit :
- Non. Impossible. Je dois détruire cet... ennemi.
- Ah ! Si c'est Tu-Sais-Qui...
- Non, mentit à-demi Harry.
- C'est pour ta... mission ?
- Oui.
Le visage de Ella se détendit.
- Je ne peux rien te dire, ni dans un sens, ni dans l'autre.
Harry demanda impatiemment :
- Pouvez-vous vous renseigner ?
Ella haussa les épaules :
- Je peux demander à Maug...
- Non, au professeur McGonagall.
Ella, le visage las, hocha la tête :
- D'accord.
Elle toucha le Portoloin et un peu honteux de sa sécheresse à l'encontre de l'Auror qui s'était toujours montrée amicale, Harry dévora plusieurs parts du gâteau de madame Weasley. Heureusement, se dit-il, elle avait meilleur goût en cuisine qu'en matière de tricot...
Le lendemain matin, Ella trouva Harry préparant le café. Prudente, elle en refusa une tasse. Harry, en buvant la sienne, comprit pourquoi : son café était toujours aussi mauvais.
- Tu as l'autorisation. Pour l'Avada Kedavra. Minerva dit qu'apparemment, tu n'as pas d'autre solution. Quelqu'un le lui a dit, ajouta-t-elle malicieusement.
Harry ébaucha un demi-sourire. Dumbledore... S'adresser à McGonagall n'avait pas eu d'autre but.
- Excusez-moi pour mon attitude d'hier, Ella.
L'Auror sourit gentiment :
- Hmm... Je comprends. Tu as dix-sept ans et tu es enfermé. Comment juger quelqu'un dans ta situation ?
Après qu'Ella soit partie, Harry se prépara rapidement et tenant fermement sa baguette ( il tremblait ), il se concentra et transplana. Il se retrouva au coeur d'un petit village typiquement anglais. Les rues étaient peu animées et Harry regarda des deux côtés de la rue principale. L'une des extrémités du village donnait sur un bois, l'autre vers une colline cultivée. "Sans doute par là..." Il marcha fébrilement, s'assurant régulièrement que sa cape d'invisibilité le dissimule bien. La journée était chaude et ensoleillée et Harry plissait les yeux, guettant toute chose inhabituelle dans ce paisible décor.
Il vit s'approcher deux randonneurs, un homme et une femme aux visages détendus malgré l'effort. Le couple le dépassa et Harry les vit emprunter un petit chemin montant vers la colline. Il scrutait toujours les champs, à la recherche du moindre mouvement suspect. Le couple de randonneurs progressait à bonne allure. Harry leur jetait un coup d'oeil de temps à autre afin de voir si eux non plus n'avait rien remarqué d'étrange. Il s'immobilisa : le couple avait fait de même et rebroussait chemin, à mi-hauteur de la colline. Intrigué, il les vit redescendre à bonne allure et repasser devant lui, un peu soucieux.
- Tout bien réfléchi, ce dossier pour le boulot ne peut pas attendre, disait l'homme.
- Et moi je crois que j'ai oublié d'éteindre la gazinière, renchérit sa compagne.
Harry les regarda s'éloigner et reporta son regard sur la colline. Une phrase de Hermione, une explication sur Poudlard, lui revint en mémoire. Incartable... Poudlard était incartable. "Si jamais un Moldu s'approche, il se rappèlera soudain qu'il a oublié quelque chose d'important et fera demi-tour ou bien ne verra que de vieilles ruines avec un panneau d'interdiction d'entrer..." Harry avisa une petite cabane tombant en ruine presque au sommet de la colline, seul bâtiment aux alentours. Le repaire de Voldemort ? Malgré la chaleur de cette fin du mois d'août, Harry frissonna. Il entendit l'église du village sonner treize heures. Dans quelques heures, il ferait nuit et Nagini sortirait sûrement en quête de nourriture. Harry resta aux aguêts. A vingt heures trente, l'horizon déployant ses couleurs orangées et violacées, Harry s'impatientait quand un bruissement d'herbes raviva son attention. Malgré l'obscurité grandissante, il devina à une trentaine de mètres une longue forme ondulante. Harry plissa les yeux, l'épiderme douloureux de ses muscles tendus et de sa peur, et braqua sa baguette, prêt à lancer l'ultime sortilège... Maintenant !
Il tendit sa baguette vers le serpent et sa bouche trembla. Voldemort ! Le Maître des Ténèbres allait attendre le retour de son étrange compagnon. Comment réagirait-il en découvrant le cadavre de son serpent ? Il comprendrait qu'un de ses horcruxes avait disparu et il ne manquerait pas de déduire que quelqu'un savait ! Tout comme il devait se douter que Slughorn, le nouveau directeur de Serpentard, n'avait pas du oublier ses questions insistantes sur les horcruxes. Voldemort ferait vite le lien et l'acharnement meurtrier s'accentuerait.
"Pas maintenant", renonça Harry en baissant sa baguette.
Nagini se semblait pas l'avoir remarqué et à contrecoeur, Harry transplana.
Une tasse bien chaude de thé entre les mains, Harry douta jusqu'au milieu de la nuit. Combien de temps s'écoulerait avant la desctruction de l'autre horcruxe - s'il y arrivait ? Voldemort et Nagini auraient peut-être changé de tanière. Mais il était convaincu d'avoir bien agi et se coucha néanmoins frustré.
