Yurei
Par Tsubaki Hime
Hello ! Voici donc le premier chapitre de Yurei. Je n'en suis pas très satisfaite, je l'avoue mais j'ai fait comme j'ai pu (on dirait « Urgences », hum, où est-ce que je sors mes comparaisons moi ?) Il n'a pas une once d'action, juste une journée banale à Meifu (le titre est explicite, ne ?). Mais promis, je me rattrape dès qu'on arrive à la partie sur Las Vegas. Donc pardon si cela est terriblement creux (j'espère juste que ceux qui aiment les papouilles entre Tsuzuki et Hisoka seront contents mais j'en doute…)
Blood Kiss,
Tsubaki Himé
Chapitre I
Une dernière journée à Meifu…
"Tsuzuki, arrêtes… On… On va se faire remarquer…"
"Mais non, ne t'inquiètes pas, j'ai vérifié. Détends-toi, Hisoka."
Le jeune homme ne put protester plus longtemps, les mains de son partenaire s'aventurant de plus en plus sous son sweater tandis que deux lèvres brûlantes se posèrent sur les siennes, avides d'en avoir plus, beaucoup plus. La douceur des murmures tranquillisants ne parvenait cependant pas à calmer sa peur d'être surpris en pleine salle de réunion.
"Tsuzuki, non, il ne faut pas…"
Le dénommé croisa son regard d'améthystes, plein de passion, dans les yeux d'émeraude de l'adolescent. Il avait des cheveux brun foncé en bataille, retombant sur ses joues rosies par le désir. Son visage, aux trais si finement sculpté, lui donnait moins que ses vingt-cinq ans. Quant au jeune homme, il était de plus en plus débraillé, sa chevelure châtain clair caressée par les mains amoureuses de son « agresseur ». Il était d'une beauté tout en finesse, comme un joyau taillé à la perfection, un ange dans les flammes de la passion. Hisoka se mordit la lèvre, ne savant si cette caresse, plus poussée que les autres méritait qu'il fasse du bruit. Impossible, impensable. Comment avait-il accepter de suivre son équiper dans la salle de réunion vide à la pause déjeuner pour y échanger un peu de tendresse? Il était très nerveux malgré lui. Tsuzuki lui fit son plus beau sourire.
J'ai vérifié sur le tableau. Aucune réunion prévue avant la fin de l'après-midi. Les autres croient qu'on est parti prendre un encas. Au fond, c'est ce qu'on fait, non? Ajouta-t-il d'une voix langoureuse, avant de mordiller avec délice la peau nacrée de l'adolescent, qui, en proie à son terrible pouvoir de lire les sentiments des autres, se sentait défaillir devant tant d'amour et de passion.
"Mais si jamais…", commença Hisoka.
Un baiser enflammé l'obligea à se taire. Puis, délicatement, Tsuzuki le prit par la taille pour l'assoire sur la large table froide où d'habitude ils se réunissaient pour discuter d'une mission importante. Mais pas n'importes quelles missions. Ils ne travaillaient pas pour le compte d'un bureau quelconque.
Ils travaillaient pour le Monde des Morts, Meifu où, à l'Enma-Cho, le cinquième tribunal du Juo-Cho, ils étaient responsables des problèmes liés au jugement des âmes. Le Service des Assignations, leur lieu de travail, s'occupait de cette tâche. Une tâche pénible et souvent ingrate, mais qui comportait, en tant que Shinigami, Dieux de la Mort, le privilège de parcourir les deux mondes, être immortels et acquérir des pouvoirs très puissants pour certains cas. Tsuzuki et Hisoka, tous deux partenaires, étaient sensés s'occuper du Secteur 2, Kyushu, en clair l'endroit le plus paumé du Japon où on envoyait tous ceux qui n'avaient pas « le talent nécessaire » pour aller à des postes plus favorables comme Honshu et Shikoku. Mais peu leur importait à cet instant, surtout maintenant.
Hisoka n'y tenait plus, le feu bouillant qu'il avait connu pour la première fois il y avait peu remontant à ses veines comme un doux poison. Lui et Tsuzuki avaient franchi la dernière barrière de leur relation: s'unir l'un à l'autre. Ce qui s'était passé cette nuit avait si parfait que leurs liens s'étaient resserrés avec la certitude qu'ils ne se briseraient jamais. Et cette évidence, alliée à cet amour sincère suffisait aux deux Shinigami pour être ivres de bonheur. L'empathe, alangui, ne put résister au baiser de son partenaire dans le creux de son cou, Tsuzuki qui s'appuyait de plus en plus sur lui, lui intimant silencieusement de s'allonger.
"Tsu… Tsuzuki…", gémit Hisoka. "N… Non…"
"Chut… Détends-toi… On n'est que tous les deux…"
Le Shinigami aux yeux d'améthystes eut de nouveau un doux sourire, dévorant le peu du buste découvert de suaves baisers. Hisoka, les yeux clos par la montée de sensations, avait rejeté la tête en arrière, s'avouant vaincu de cette bataille perdue d'avance. Il ne pouvait pas y résister, c'était plus fort que lui.
"Tout seuls… Tout… seuls…"
"Non, vous n'êtes pas tout seuls, Tsuzuki!"
"AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHH!"
La voix d'un esprit à tête d'oiseau, ayant traversé le mur grâce à un don particulier qu'il n'utilisait jamais, suffit à Tsuzuki pour faire un saut qui aurait pu rester dans les records des Jeux Olympiques. Hisoka, le visage ayant viré cramoisi, se dégagea brutalement des bras de son partenaire en lançant des insultes plus ou moins vulgaires, avant de se rhabiller en toute hâte, s'éloignant exagérément de Tsuzuki.
"GUSHOSHIN!" Cria Tsuzuki, n'en revenant pas d'être surpris en pleins ébats amoureux." CA VA PAS NON DE ME FAIRE DES FRAYEURS PAREILLES!"
L'esprit à tête d'oiseau, habillé d'un vêtement bleu, s'esclaffait comme un beau diable, voletant dans les airs en zigzag. Son rire était particulièrement honteux et désagréable à entendre. Hisoka, furieux, prit un livre posé sur la table et le balança sur le Gushoshin qui retomba sur le sol dans un bruit sourd et hilarant.
BING!
"Aïe!" Piailla le volatile en s'écroulant contre la porte.
"LA FERME!"
"Mais c'est un livre que tu as emprunté à la bibliothèque, Hisoka," s'indigna Gushoshin, claquetant du bec férocement.
"Je sais, mais si tu continues comme ça, je te jure que ce sera pas le dernier!" Rétorqua d'un ton acide l'adolescent qui se retenait de tout jeter sur le bibliothécaire et son fichu partenaire qui n'en ratait pas une pour montrer aux autres leurs sentiments et leurs caresses. "Pourquoi es-tu passé par le mur?"
"Tout simplement parce que la porte était fermée à clé", répondit Gushoshin qui reprit la voie des airs, se frottant la tête avec un air de mécontentement. "Je ne savais pas où vous étiez, le patron vous demande de toute urgence pour une mission très importante."
Tsuzuki et Hisoka reprirent leur sérieux un tant soit peu.
"Hum, on y va…"
"Cette mission est d'envergure internationale, aussi je vous prie d'être très attentifs. "
Droit, impassible, l'homme relisait le dossier qu'il avait eu lors de la dernière réunion entre chefs de section. Il n'avait apparemment que trente ans, ses yeux d'un bleu profond encadré par des lunettes rectangulaires métalliques. Assis à son bureau, son patron, Mr Konoé, un homme d'environ cinquante ans d'apparence, une ride de fatigue se traçant au coin de sa bouche, affichait un sérieux presque inquiétant. L'heure n'étant plus aux sermons.
"Continue, Tatsumi", fit-il à son secrétaire, fixant les deux hommes devant lui, écoutant avec une grande attention.
"Pour cette fois, nous avons été demandés d'urgence par le bureau américain."
Tsuzuki émit un sifflement.
"Le bureau de nos homologues occidentaux? Rien que ça? La situation doit être corsée pour avoir pris une telle mesure."
Tatsumi hocha la tête.
"Oui et non", répondit-il d'une voix profonde." Il se trouve que nous avons découvert une disparition au foyer des âmes. Une âme s'est échappée au fréquence d'ondes spirituelles que le bâtiment émettait, pour les empêcher de partir. On ignore comment, toutefois, nous ne pouvons pas la laisser en liberté."
Hisoka fronça les sourcils, songeur. Par la grande baie vitrée derrière le bureau, les pétales de fleurs de cerisiers dansaient dans le ciel bleu éclatant, printemps perpétuel.
"Qu'a donc cette âme de si spécial?"
Konoé soupira gravement et ses mains jointes sur le bureau se crispèrent.
"Il s'agit d'un yurei…"
Tsuzuki écarquilla les yeux, horrifié.
"Un yurei?" Répéta-t-il, abasourdi." Non, ce n'est pas possible."
"Qu'est-ce qu'un yurei?" Demanda Hisoka, interrogateur devant la mine sombre de ses collègues.
Tatsumi prit une autre partie du dossier avant de répondre.
"Un yurei est l'esprit d'un être humain mort de façon particulièrement violente. Le plus souvent, cette mort est instantanée, ce qui fait que la personne ne s'en est pas rendu compte. Mais, en comprenant enfin qu'elle n'est plus de ce monde, elle est dévorée par la vengeance et décide de sen prendre à n'importe qui, rien que vous punir cette injustice. On lui a pris la vie, elle en prend à son tour. Ce sont ce que les vivants appellent des âmes errantes. Ce yurei est connu du jugement et des autres départements pour avoir tenté de s'enfuir par trois reprises. Et à la quatrième, il a réussi."
"Est-ce que nous connaissons son nom lors de sa mort, ou un quelconque renseignement sur lui?" Demanda Tsuzuki, pensif.
"Hélas, non", rétorqua Konoé, soupirant une nouvelle fois. "Ce yurei n'est pas mort au Japon mais nous ne savons pas où exactement. En Europe peut-être. Cette âme s'est perdue et s'est fait jugée ici avant d'être transférée au foyer. Aucun service de d'autres pays nous a contactés concernant la perte d'une âme qui devait revenir à son lieu de mort. En fait, cela aurait pu rester une recherche d'âme si… nos homologues américains ne nous avaient pas appelés il y a quelques heures."
"En effet, il auraient détectés une âme qui n'appartenait pas à leur section vers un de leurs états, plus précisément près de Las Vegas. Là, il auraient pu nous dire simplement qu'il fallait que nous allions la chercher pour être sûr qu'il s'agissait de celle qui avait disparu mais ils ont découvert que ce yurei… était lié à un meurtre dans cette ville."
Hisoka tressaillit légèrement.
"Ce yurei aurait tué quelqu'un?"
Tatsumi prit une photo dans le dossier et la donna aux deux Shinigami qui la regardèrent attentivement. Une jeune fille se tenait au centre, pâle, immobile. Cependant, tout son corps avait été lié par divers rubans, des liens clairs tout autour de ses membres, rattachés à divers endroit du plafond, la transformant en statue tendue dans les airs, comme une vulgaire marionnette. Sa tunique était extrêmement belle, d'un rouge qui faisait penser au sang, soyeuse et brillante, parée de bijoux étincelants. Sa tête, rejetée en arrière, retenue par un ruban au niveau de la gorge, laissait dévoiler un splendide visage figé par la mort, ses yeux noisette voilés par cette transparence éternelle, ses lèvres plus blanches que sa peau. Ses blessures étaient à peine masquées, comme si le meurtrier, bien que lui revêtant un vêtement somptueux, voulait montrer ce qui avait coûté la vie à cette jeune femme de moins de vingt ans. Ses bras, fins et capables d'être facilement brisés, avaient été ramenés au-dessus d'elle, un peu comme les enfants qui s'amusaient à laisser l'eau d'une soudaine averse sur la chair de leurs mains jusqu'à leurs coudes. Et dans ses mains, attachées par un ruban plus serré que les autres…
"Une pomme d'or?" Fit Hisoka, songeur.
C'était bien cela, crispé entre ses doigts, ce fruit brillait à la lueur du jour, semblant fait du métal le plus précieux.
"Cette affaire aurait pu être donnée à une section criminelle des vivants", continua Konoé, reprenant la photo avant de l'inspecter du regard, fatigué. Toutefois, des Shinigami sont allés sur les lieux et ont ressenti une forte concentration d'ondes spirituelles, que seule une âme errante peut émettre. Un être vivant émet lui aussi des ondes toutefois celles d'un mort sont beaucoup plus fortes, du moins à ressentir en tant que Shinigami. La victime se prénomme Aline Hargeisa, dix-neuf ans. Elle était la fille d'un important homme d'affaires, P.D.G d'une société à Washington. Elle a été retrouvée ainsi le lendemain d'une réception au Paradise Hotel, situé dans le sud de Las Vegas. Cet hôtel compte parmi les plus célèbres des Etats-Unis, grâce à son casino très renommé à Las Vegas. Si cela se trouve, le yurei doit être encore là-bas et je mettrais ma main à couper qu'il va faire d'autres victimes."
"Patron, il y a quelque chose qui me dérange", dit Hisoka, encrant l'image du cadavre dans son esprit. "Un yurei, bien qu'obsédé par la vengeance, ne put tuer un corps ainsi, physiquement. Il lui faudrait une enveloppe charnelle pour lui permettre de se déplacer."
"Il a peut-être pris le contrôle d'un corps suffisamment faible psychiquement. Ou bien, mais le cas me semble improbable, l'hôte aurait consenti à lui donner son enveloppe charnelle. Mais je n'y crois pas tellement", fit Tsuzuki, très sérieux.
Konoé reprit le dossier de Tatsumi et le referma d'un coup sec.
"Nous sommes concernés par cette affaire à cause de ce yurei, qui bien qu'il n'appartient pas au Japon, a été mis sous notre responsabilité. Si nous ne réglons pas très vite cette mission, nos relations avec nos homologues risquent de se dégrader et pire encore. Je vous envoie donc à Las Vegas pour rechercher ce yurei et ainsi freiner cesser cette folie vengeresse qui occupe cet esprit."
"Mais pourquoi nos homologues américains ne s'occupent-ils pas cette affaire comme nous?" Demanda Tsuzuki, fatigué de devoir faire le boulot à la place des autres.
"Oh si, il s'en occupent mais ils sont débordés au niveau administratif. Il ne faut pas oublier que le taux de meurtres et autres morts mystérieuses est le plus élevé en Amérique. Ils ne nous ont pas contactés au sujet d'un soi-disant élément mais je doute qu'ils se salissent les mains sur cette affaire. Enfin…"
Konoé cala son menton contre la paume de sa main, ennuyé.
"Cette affaire nous a été recommandée par le bureau supérieur, donc impossible de la refuser et de la donner à une autre section."
Hisoka croisa les bras.
"Mais si nous allons là-bas, il va bien falloir parler aux autres. Et à ce que je sache, ni moi ni Tsuzuki ne savons parler anglais."
Tatsumi eut un léger sourire.
"Watari avait travaillé sur ce genre de problèmes il y a quelques temps. Aujourd'hui, il a une affaire à régler à Kyoto donc il ne peut pas vous les donner en main propre mais…"
Le secrétaire d'Etat prit de sa poche deux petits coffrets métalliques. Curieux, les deux Shinigami les ouvrirent pour voir de minuscules oreillettes qu'ils placèrent derrière leurs oreilles.
"D'après Watari, ces traducteurs vocaux traduisent automatiquement les résonances émises par la voix de l'interlocuteur pour nous les faire comprendre. Mais cela marche aussi dans l'autre sens, les traducteurs émettent des résonances qui font en sorte que les gens autour de vous comprennent ce que vous dites. Vous pouvez parler normalement, et les traducteurs vocaux traduiront en anglais toutes vos paroles, à toutes les personnes présentes."
Tsuzuki se tourna vers Hisoka qui avait accroché le sien. Tout simplement indétectable, on ne voyait strictement rien de l'appareil, ou alors il fallait s'approcher d'eux de manière impolie. Tsuzuki eut un large sourire, remerciant intérieurement le scientifique de l'Enma-Cho, un homme plein de vie et d'entrain, enjoué et amical, se rappelant bien de l'inviter à dîner une prochaine fois. Les deux Shinigami se tournèrent vers Konoé qui leur donna une enveloppe très lourde.
"Tiens, Tsuzuki."
Suspicieux, le dénommé ouvrit l'enveloppe et vit une longue, longue traînée de papier qui tomba jusqu'à ses pieds. Elle devait bien encore plus grande que lui. Médusé, espérant que ce n'était pas la chose à laquelle il pensait, il fixa son patron qui lui fit son plus beau sourire carnassier.
"Ne me dites pas que…"
"Eh si, Tsuzuki. Voici toute la liste de choses que tu dois me ramener de votre lieu de mission. Quitte à faire passer les frais de transport au bureau supérieur, je tiens quand même à avoir quelques souvenirs."
« Livreur Express, je vous écoute, » songea Hisoka, n'en finissant plus de lire toutes les babioles que son chef désirait.
"J'ai ajouté quelques petites choses pour moi aussi", ajouta Tatsumi, un sourire ravi aux lèvres. "Bonne mission!"
« Pourquoi moiiiii? » gémit intérieurement Tsuzuki, sentant le gouffre de son porte-monnaie grandir de plus en plus. « C'est pas juuuuuuste! »
"Appareil photo, lunettes de soleil, cartes postales… "
Le jeune homme, agacé, ne pouvait qu'assister impuissant à l'énumération des bagages de son partenaire, assis tranquillement dans le canapé de ce dernier. L'homme aux yeux d'améthystes, heureux comme un gosse, dévoilait toutes les petites merveilles qu'il comptait prendre pour sa mission. Il y avait déjà trois valises pleines à craquer et il restait une montagnes de babioles sans intérêt jonchant le sol. Un camion aurait mieux convenu pour ranger tout ce barda. Surtout que les trois-quarts avaient plus la consistance d'objets de tourisme que d'affaires d'enquêteurs du monde des Morts.
"Euh… Qu'est-ce je pourrais avoir oublié?" Fit Tsuzuki à voix haute, fouillant dans ses valises et autres sacs.
"Ta cervelle peut-être, débile", railla Hisoka, refermant l'épais livre qu'il tenait sur ses genoux, considérant d'un bref coup d'œil son propre sac, bien rangé dans l'entrée. "Non mais regarde-moi ce bazar! On part en mission, pas en voyage touristique!"
"Mais je pensais prendre quelques photos", gémit puérilement Tsuzuki en désignant l'appareil dans ses mains. "Une petite merveille que m'a prêtée Watari. Numérique et tout et tout… Je suis jamais allé aux U.S.A et en plus à Las Vegas… On pourrait faire une petite promenade en ville hein?"
"T'es irrécupérable!" Lança Hisoka, sur les nerfs, se retenant de balancer à la figure de son abruti de partenaire l'appareil qui en faisait sa fierté. "Si tu veux prendre des photos, tu le feras tout seul! On doit travailler là-bas, pas s'amuser!"
"Hisoka, t'es méchant avec moi…", marmotta Tsuzuki avec de grands yeux humides, reniflant comme un petit enfant.
"Fais pas ces yeux-là, ça marche pas avec moi! Range tout ça et vite! Je te signale qu'on part demain à l'aube!"
Ne désirant pas s'attirer les foudres plus que meurtrières de l'empathe, le Shinigami s'exécuta, devant par la même occasion réduire son nombre de bagages. Pleurnichant encore pour la forme, il supplia son partenaire de le laisser prendre au moins un drôle de grigri ressemblant à une patate souriante, un cadeau qu'il ne souvenait même plus avoir obtenu. Hisoka demeura intraitable, malgré les faux pleurs de son amant.
"Je te rappelle qu'on porte nos affaires jusqu'à l'aéroport", fit Hisoka, mettant les couverts pour le dîner, signifiant par ce geste qu'il resterait encore dormir chez Tsuzuki. "Ca te dirait de prendre sur tes épaules autant de sacs?"
"Maiheuuuuh…"
C'était une journée ensoleillée, les derniers rayons de l'astre rougeoyant pointant à travers la grande baie vitrée. Des colombes voletaient dans le ciel doré, les pétales de cerisiers devenant de véritables joyaux. Leur dernière journée à Meifu avant de prendre l'avion pour Las Vegas. Un long voyage pendant lequel l'empathe allait lire des ouvrages qu'il avait emprunté à la bibliothèque, en espérant que celui qui était son équipier ne demanderait pas toutes les trente secondes un petit encas, alertant toutes les hôtesses par son appétit grandissement.
Refusant que Tsuzuki fasse la cuisine, au risque de mettre le feu à l'appartement, Hisoka préparait donc le repas, méticuleux comme toujours. Il n'était pas un grand cuistot mais avait appris à se débrouiller tout seul, puisqu'il avait vécu un certain temps dans son petit studio. De plus, il n'était pas difficile de faire plaisir à Tsuzuki, il adorait manger, et plus encore s'il s'agissait d'un plat préparé par son petit ami. Attentif à la cuisson de la viande, l'adolescent prit les légumes qu'il coupa en tranches très fines, ne s'occupant pas de son partenaire. Dans le salon, séparé de la cuisine par un simple comptoir en bois verni, Tsuzuki sentit la délicieuse odeur du plat mitonné par Hisoka le faire saliver.
S'avançant à pas de loup, il tendit le doigt pour goûter la sauce. Mal lui en prit car son partenaire lui frappa le dos de la main avec une louche.
"Aie!"
"On touche pas tant que c'est pas prêt!" Lança l'adolescent en guise d'avertissement. "Tu peux quand même attendre un peu, non?"
Tsuzuki lui fit un irrésistible sourire, bien plus efficace que ses yeux brillant de fausses larmes.
"Quand ça sent aussi bon, je peux pas attendre…"
Esquivant la nouvelle attaque de la louche, il attrapa un petit bout de poulet et le mit à sa bouche avant même qu'Hisoka puisse l'en empêcher.
"Tsuzuki! Je t'avais dit d'attendre!" S'indigna-t-il, les mains sur les hanches. "File ou t'auras rien!"
« On dirait une jeune mariée », songea Tsuzuki et cette pensée le fit sourire. Hisoka, malgré cet air boudeur et sévère, était aux petits soins pour lui, faisant la cuisine (le Shinigami aux yeux d'améthystes ne comprenait pas bien sûr que le goût de sa cuisine était infect) et venant chez lui presque tous les jours. Une vraie vie de couple à peu de choses près.
"Je peux pas en avoir encore un peu?" Tenta-t-il, revenant à la charge, le goût épicé juste comme il faut du poulet lui laissant une petite sensation de paradis. "Juste un petit bout…"
"Mais arrêtes!" Pesta Hisoka, cette fois n'hésitant plus à le frapper à la tête. "Tu comprends ce que ça veut dire « attendre »?"
Optant pour une nouvelle stratégie, le Shinigami de presque un siècle enroula ses bras autour de la taille de l'empathe, posant ses lèvres dans le creux de son cou. Hisoka, surpris, n'eut pas le temps de répliquer une seconde fois. Il aurait très pu se servir de la louche encore une fois mais la douce chaleur du corps de son amant contre lui suffit à le calmer. Le souffle de Tsuzuki lui chatouilla la nuque, langoureuse et tendre.
"Et toi, je peux te manger?" Chuchota Tsuzuki à son oreille. "Un petit bout d'Hisoka, ce serait bon, non?"
"Tsuzuki, arrêtes", fit Hisoka, gêné. "Je… Je vais…"
"Un petit bout… Pour goûter…"
Tsuzuki eut un nouveau sourire lorsque, ne pouvant résister à cet élan de tendresse, son partenaire se retourna pour lui faire face, liant ses bras autour de son cou, ses lèvres entrouvertes quémandant un baiser. Il ressentait de plus en plus le besoin d'avoir son amant à ses côtés, juste comme ça, tout simplement, échangeant des preuves d'affection. Le Shinigami aux yeux d'améthystes répondit à cette demande en posant tout doucement ses lèvres sur celles de l'adolescent qui, nota-t-il au passage, avait reposé son arme de combat sur le comptoir. Il savoura ce baiser quelques instants, ivre de bonheur lorsqu'un étrange clapotis se fit entendre, suivi d'une odeur de brûlé.
"Ca sent quoi, là?" Fit Tsuzuki, interrogateur.
"Ah, le repas!" S'écria Hisoka, se dégageant des bras de son partenaire. "J'avais oublié!"
Satisfait de voir à quel point Hisoka pouvait oublier les choses les plus importantes près de lui, Tsuzuki évita au passage la casserole que son partenaire lui balançait à la figure, lui criant de ne plus mettre les pieds dans cette pièce s'il voulait rester sur ses deux jambes. C'est ce qu'il fit, s'amusant des jurons plus que grossiers que déballait Hisoka, essayant tant bien que mal de rattraper sa sauce brûlée.
"Tu t'en sors?"
"DEHOOOOORS!"
"Hahahaha!"
Une nouvelle casserole fit le même chemin que la précédente vers la tête de l'homme aux yeux d'améthystes tandis que la porte d'entrée claquait, assourdissant le grand éclat de rire qui poursuivit l'adolescent, se retenant de ne pas mettre de mort-aux-rats dans son plat.
Un bras chaud entoura sa taille avant de remonter jusqu'à ses cheveux, les lui caressant tendrement. Allongé tout contre son partenaire, Hisoka regarda quelques instants la lune blême dans le ciel, les rideaux de la chambre à peines tirés, les pétales de fleurs semblant être des cristaux les plus purs. Si purs… Si tristes… Il resserra son étreinte sur le corps de son amant, respirant son odeur. Leur peau, l'une contre l'autre, avait un étrange scintillement par l'éclat de la nuit. Le calme, rien que le calme, berçait l'adolescent, en paix avec lui-même. Tsuzuki, attentif, fit glisser sa main sur la joue de l'empathe. Le silence, interrompu de temps à temps par le rythme lent de sa respiration, avait un effet plus que bénéfique. Et dire que dès demain, ils partiraient pour une mission sordide, où se mêlaient meurtre et esprit obsédé par la vengeance… Il n'en avait pas la moindre envie, comme pour toutes ses missions mais il était bien forcé, bureau supérieur oblige. Il eut un faible soupir qui se fit entendre par Hisoka qui releva légèrement la tête. Dans la pénombre, ses yeux avaient une lueur intérieure si pure que Tsuzuki se sentit frémir. Dieu que cet adolescent était beau…
"Tsuzuki?"
"Hum?"
Hisoka le dévisagea quelques instants puis il eut un bref signe de tête négatif. De la mélancolie troublait l'âme de son amant, comme de l'encre dans de l'eau. Ce n'était pas très désagréable mais cela l'inquiétait tout de même.
"Non, rien… C'est rien…"
Il se pencha vers le visage de Tsuzuki et embrassa doucement ses lèvres, tout simplement, pour ne pas donner une réponse à ce qu'il venait de ressentir par son empathie. Tsuzuki lui répondit d'une pression sur sa bouche, ses bras s'enroulant autour du corps de celui qu'il aimait. Leur baiser, progressivement, devint plus sensuel, leurs mains s'aventurant sur leurs corps qui n'avaient plus rien de secret. Hisoka se sentit basculé sur les draps frais, sa chair parcourue de baisers. Se replongeant dans ce flash de sentiments incroyablement puissant, il ferma les yeux, laissant les murmures de son amant lui parvenir au loin. Une nuit sans aucune angoisse, sans rien d'autre qu'eux, en attente de leur mission.
Sous la lune purifiée pour un temps éphémère, deux corps s'unirent une nouvelle fois, ne savant pas qu'au loin, une âme attendait une vengeance prochaine.
Le tueur était impatient. Chaque minute qui passait faisait grandir en lui cette soif de sang que nul autre que lui ne pouvait étancher. La nuit n'était pas encore là, il allait attendre encore un peu, juste un peu, avant de « ressortir ».
Il se tapit dans l'ombre, guettant sa prochaine victime.
« Diablesse, tu n'es qu'une diablesse qui périra en Enfer… »
C'était elle, celle qui était Athéna. Elle riait d'une plaisanterie fade faite par l'un de ses admirateurs. Une jeune actrice à même pas vingt ans, tous étaient à ses pieds, comme de simples chiens. De pauvres imbéciles qui ne voyaient pas l'immonde créature qu'elle était. Elle était très belle, pour ne pas dire superbe. Les autres jeunes femmes présentes à cette réception, faisaient figure de tableaux de maître ratés à ses côtés, tant elle les écrasait par sa dignité et son sourire refait par un dentiste de renommée. Il émanait d'elle une aura qui disait: « Vous avez beau faire tous les efforts du monde, vous ne m'aurez jamais. Je suis inaccessible, rêvez toujours de m'atteindre. »
Elle délirait. Une simple petite écervelée qui, comme Aline, s'était prétendue imbattable. Mais lui l'avait battue. Et il comptait bien recommencer. Il la regardait tranquillement, sans se presser. Il y avait encore du monde et puis la mort d'Aine avait fait beaucoup de remue-ménage. Et ce cher Christopher Hargeisa, qui malgré la perte de sa fille, avait tenu à rester à Las Vegas, tout ça pour rester maître de lui-même le temps d'un contrat important.
L'assassin aurait voulu lui cracher dessus, à ce salopard. Rien ne comptait pour lui à part son travail. Quel monde superficiel… Il regrettait d'être mort, certes, mais en voyant les humains autour de lui, sa fureur ne faisait qu'augmenter. Des êtres cupides, assoiffés d'ambition. Lui avait soif de sang. Rien d'autre.
"Dis donc, qu'est-ce que tu fais là?"
Il sursauta avant de faire volte-face. Un agent de la sécurité le dévisageait et lui se retint de ne pas lui rire au nez. L'homme massif lui sourit après l'avoir reconnu. Un idiot, un autre de plus.
« Abruti, tu ne peux pas reconnaître celui qui tuera quatre femmes, tu es bien trop balourd. Mais tu n'es qu'un simple humain qui ne connaît pas l'Au-Delà, tu ne peux pas savoir la véritable douleur… »
"Je vous demande pardon, bonne soirée…"
"Merci", salua le tueur en prenant le sourire qui convenait.
En regardant l'agent partir, il eut de nouveau envie de rire. Personne ne le reconnaissait car personne ne le connaissait. Dans cet endroit, de son vivant, il aurait eu l'air d'une tache noire sur un habit blanc. Misérable…
La jeune femme qui allait être sa prochaine victime se tourna machinalement vers lui. Son visage splendide se tira d'une petite moue et, exagérément, elle détourna la tête, ne faisait plus attention à lui. Il en sourit davantage, sentant de petits frissons parcourir ses membres jusqu'à ses mains, ses mains qui avaient enfoncé le poignard dans la gorge d'Aline. Dieu qu'il rêvait de plonger une nouvelle lame dans cette peau sublime, douce et pâle.
« Ma belle Athéna, si tu savais qu'il ne te reste que quelques temps à vivre… Ton joli visage en serait défiguré d'horreur… »
Un homme alla vers lui et de but en blanc le salua avant d'entamer une conversation qu'il ne comprenait pas vraiment. Mais il jouait le rôle, il le jouait très bien. En prétextant de se chercher un verre, il reconnut une autre de ses victimes. Une très belle femme, comme toujours. Et bientôt, la quatrième allait apparaître, pour en faire la paire à exterminer. Mais il était calme.
Il était un yurei, un mort donc le temps ne pressait pas pour lui.
Dans cette foule compacte, réunie autour des deux femmes, il s'avança à son tour. Et, lentement, effleura de sa main leur peau. Une simple caresse, qui précédait leur mort où il empoignerait leur chair à pleines mains.
« Que vous êtes belles, mes déesses… Que vous êtes belles, et que cela me dégoûte… Mais ne vous en faîtes pas, vous rejoindrez Aline Hargeisa, en Enfer… Là où j'ai demeuré et croyez-moi, vous souffrirez comme j'ai souffert… »
Une nouvelle victime, sacrifiée sur l'autel… Et le fruit d'or, où coulera ce liquide de vie, resplendira dans les ténèbres.
« Belles déesses, la fin est proche… »
A suivre…
