Yurei
Par Tsubaki Hime
Hillo tout le monde ! Eh oui, vous rêvez pas, j'ai tenu ma promesse en vous offrant ici le troisième chapitre juste quelques jours après le second. Je le mets aussi sur mon site dont vous aurez l'adresse sur mon profile. Mais je la mets maintenant : http/www.camellia-tsubasa.fr.st
Voilà, j'espère que ça vous plaira.
Blood Kiss,
Tsubaki Himé
Chapitre III
Enfer d'Or
Le tueur jubilait. Il était impatient, pris par cette soif de sang telle une drogue insatiable. Comment pouvait-il encore attendre? Mais tout ce qu'il écoutait en ce moment, dans l'ombre du trentième étage, était comme savourer un délicieux vin amer… Le vin de la satisfaction noire…
"Je ne peux pas faire ça, Christopher…"
Les mots, étouffés par la cloison, lui parvenaient difficilement mais il avait toujours une bonne ouïe. Il eut un sourire, imaginant bien la scène. Ce Christopher Hargeisa, assis confortablement dans son fauteuil en cuir tandis que, mal à l'aise se tenait devant lui Aleï Stayle, et les deux autres compères de ce quatuor de misère. Hargeisa était l'un des plus malfaisants hommes de la société, qui malgré son association avec ces trois hommes ne se laissait jamais marcher sur les pieds, et en profitait à chaque fois pour poignarder dans le dos les différents adversaires. Un comportement dont avait hérité sa fille… En y repensant, le tueur sentit avec délice ses doigts se contracter dans une envie évidente de meurtre.
"Comment? Cessez donc de faire le peureux de service, Aleï… J'ai misé gros sur cette affaire et je ne tiens pas à ce que tout tombe à l'eau…"
« Parle pour toi, mais il n'y aura pas que ton affaire qui tombera à l'eau », songea le tueur avec une pointe de rictus sur les lèvres.
"Mais enfin, votre fille vient de se faire assassiner, Christopher!" S'indigna Edwards Crooge. "Certes, ce contrat nous permettrait de doubler nos effectifs pourtant, votre fille est morte et vous ne pensez pas préparer un tant soit peu les funérailles pour…"
Il y eut un bruit de verre brisé, suivi d'un fracas violent. Le tueur, s'approchant discrètement, se glissa contre la porte et ainsi eut une meilleure entente des choses.
"Taisez-vous! "Tempêta Hargeisa. "Ce contrat représente trente ans de carrière, je ne vais pas m'arrêter maintenant! Quant à vous, messieurs, vous n'êtes là en aucun cas pour me faire la morale ou quoi que ce soit!"
Il se tut puis reprit, avec une certaine moquerie et rage froide.
"Avez-vous tous oublié ce qui s'est passé il y a trois ans? Je ne crois pas que cette certaine « complication » d'autrefois ait été si effacée de votre mémoire."
"Ne jouez pas à ce jeu avec nous, Christopher", grinça Jonathan Things. "Vous y êtes vous aussi, aussi plongés que nous. Si nous coulons, vous coulez avec nous, tout simplement. Aussi, que la mort de votre fille n'émeut pas ce qui est en vous que l'on appelle « le lien du sang », cela vous regarde. Mais je vous interdis de nous menacer de dévoiler le problème qu'il y a eu lieu quelques années plus tôt."
Hargeisa ricana puis il y eut un très léger silence que l'homme brisa de nouveau.
"Et que feriez-vous, mes chers « amis »?" Demanda-t-il en accentuant exagérément sur le dernier mot.
Il n'y eut pas de réponse des trois hommes d'affaires, juste un long soupir que le tueur poussa, sans que personne ne l'entende. Puis, sans qu'il puisse s'en empêcher, il sourit de nouveau, se rappelant de cet instant passionnant.
"Intéressant…", souffla-t-il. "Très intéressant…"
Intéressant, murmura Rivan, un léger sourire aux lèvres. Très intéressant…
Depuis toujours, on lui disait qu'il était curieux de nature. Et c'était exact, tout à fait exact. Il avait ce côté de vieilles femmes aimant les ragots et cela lui faisait particulièrement plaisir d'épier les autres. Adossé contre le mur, un verre de whisky à la main, il fixa le couloir apparemment désert avant de s'en détourner d'un pas léger, s'en allant en direction de sa suite.
Il ne savait pas vraiment pourquoi mais…
Quelque chose lui disait qu'il allait particulièrement s'amuser le lendemain…
"Hisoka, ouvre-moi! Ouvre cette porte! "
Il n'y eut pas de réponse. Pour la troisième fois de suite. Tsuzuki était plus que furieux. Avant même qu'il puisse parler tranquillement à son partenaire suite à l'incident sur le balcon, l'adolescent, très choqué, s'était enfermé dans la salle de bains de leur chambre, refusant catégoriquement d'ouvrir la porte ou même de répondre au Shinigami aux yeux d'améthystes.
"Hisoka, écoute-moi! Ce n'est pas ma faute, ce n'est qu'un incident!"
"…"
"Hisoka, je t'en prie, ouvre-moi!"
Le jeune homme, de l'autre côté, encore tout tremblant, se cala contre le mur froid et blanc, fixant la porte d'un œil vague. Il enfouit sa tête contre ses genoux et respira profondément, tentant de calmer son cœur encore cisaillé par la scène qu'il se remémorait. Il avait beau être insolent, et ne jamais écouter ce qu'on lui disait, il avait cependant une assez bonne vue pour se rappeler en détail de ce qu'il s'était passé. Tsuzuki enlaçait la femme, avec un douceur presque séductrice et elle, les yeux clos, s'apprêtait à l'embrasser. Sans vraiment comprendre pourquoi, le poignard d'un sentiment qu'il n'avait pas cru éprouver ne serait-ce qu'une fois s'enfonça en lui pour ne plus en sortir. Cette femme… Il désirait tant la tuer, avec moult tortures comme celle de lui briser le cœur.
« Tsuzuki n'est pas à elle », songea-t-il avec fureur. « Il n'est pas à cette satané poupée qui se croit supérieure aux autres! »
Le tambourinement incessant contre la cloison le fit sursauter, le ramenant à la réalité.
"Hisoka, Helen est tombée dans mes bras sans faire exprès, je te le jure!"
« Ah… Parce qu'il l'appelle par son prénom, en plus! », pensa l'empathe, fou de colère. « Non mais dis tout de suite qu'elle te plaît, ça ira plus vite! »
Tsuzuki allait frapper encore une fois lorsque la voix d'Hisoka lui parvint, amère et railleuse.
"Évidemment, tu les fais toutes « tomber », mon cher… Un vrai bourreau des cœurs, attention va y avoir des dégâts!"
La pointe d'insolence et d'amertume était telle que Tsuzuki tiqua. Il détestait, voire exécrait cette lueur de reproche qu'avait certainement le regard d'émeraude de celui qu'il aimait. Mais comment faire rentrer dans cette petite tête de gamin que cette femme n'avait fait pas qu'un faux pas en s'évanouissant? Le jeune homme n'avait pas à se comporter comme ça, il savait sûrement et même certainement que tous les sentiments de son partenaire étaient pour lui.
Après avoir réfléchi sur la manière de le faire sortir, il opta pour la provocation. Hisoka ne savait pas encaisser les insinuations, et cela le rendait malade de rage qu'on le taquine. Souriant malgré lui, il croisa les bras, planté devant la salle de bains prise d'assaut.
"Ne serais-tu pas jaloux par hasard?" Demanda-t-il sur un ton innocent.
La réponse ne fit pas attendre. Maudissant pour une fois que la porte était fermée, Hisoka balança le savon rond contre la cloison, provoquant un choc mat et sourd.
"PAS DU TOUT, DEBILE!" Aboya-t-il juste après." MÊLE-TOI DE CE QUI TE REGARDE!"
"Ah bon", fit Tsuzuki, ne pouvant s'empêcher de rire, presque moqueur. "Si tu n'es pas jaloux, alors pourquoi t'es-tu enfermé? Si ça ne te gênait pas, tu ne m'aurais pas fui sans que je t'explique ce qui s'est réellement passé."
Il y eut un silence qui confirma malgré lui une réponse. Se mordant la lèvre, Hisoka fixa furieusement la cloison blanche le séparant de son partenaire. Lui? Jaloux? Et puis quoi encore? Tsuzuki pouvait bien faire toutes les bêtises du monde, il s'en contrefichait dans les longueurs et toutes les largeurs par la même occasion. Mais pourtant…
L'adolescent sentit ses yeux lui brûler sans qu'il puisse s'en empêcher. Pourquoi alors… avait-il aussi mal au cœur? Pourquoi cette image restée ancrée en lui… provoquait une aussi grande tristesse? Il resserra la prise de ses bras autour de ses genoux pour s'arrêter de trembler sans aucune raison apparente. La lumière aveuglante de la salle de bains, se reflétant sur le marbre de la baignoire et le blanc immaculé des murs lui donnait mal à la tête, mêlée à l'odeur de parfum douceâtre et écœurant que le lieu avait dû être aspergé avant leur arrivée. La voix de son partenaire lui parvint de nouveau après un silence pesant, douce et sans aucune colère. Non, juste de la peine et de l'humilité.
"Hisoka… Je te demande pardon… si je t'ai fait mal…"
Tsuzuki, tout doucement, posa son front contre la porte close, comme pour entendre la respiration de l'être qu'il chérissait, s'imaginant l'avoir dans ses bras. Il n'aimait pas qu'Hisoka lui fasse la tête, refuse de lui parler. La simple pensée d'être abandonné par l'empathe suffisait à provoquer des frissons glacés sur tout son corps. Sentant la mélancolie et la tristesse germer en lui, il ferma les yeux, comme pour oublier cette barrière entre eux.
"Je suis désolé… mais je te jure qu'Helen et moi n'avons rien fait… Je parlais avec elle de la victime qu'elle connaissait, quand elle s'est évanouie subitement dans mes bras. J'ai dû la rattraper tout simplement. Tu sais bien que je suis pas du genre à faire les yeux doux à quelqu'un d'autre… surtout quand la personne qui m'est chère est près de moi."
Hisoka, recroquevillé, tressaillit. Surpris, il se releva avant d'avancer timidement vers la porte blanche. Ses yeux d'émeraude, indécis, contemplèrent la face froide de la cloison le séparant de son partenaire.
"Je…", murmura-t-il dans un souffle.
"Allons, Hisoka… Je ne suis pas quelqu'un qui drague la première personne venue, tu le sais bien…", rétorqua doucement Tsuzuki, comme s'il venait d'entendre la voix de l'empathe.
Hisoka se mordit la lèvres, se sentant tirailler de toutes parts. Comment… Comment accepter?
"Je… Je ne peux pas!" Lança-t-il si vivement qu'il n'eut pas le temps de stopper les mots qui sortirent de sa bouche. "Je ne peux pas accepter! Et alors, hein? Tu m'avais promis que tu ne me laisserais jamais, et ce que j'ai vu alors, hein? C'était quoi? Une manière américaine de saluer les demoiselles? Je me fous de tes explications, Tsuzuki!"
Plus il parlait, plus son dégoût de lui-même le terrifiait. Se sentant proche de la nausée, il s'arrêta un instant tandis que, choqué et furieux, Tsuzuki se cala contre la porte. Il savait qu'il pouvait la briser d'un simple mouvement d'épaules mais l'indignation et le manque de confiance certain qu'avait Hisoka vis-à-vis de lui coupait sa respiration.
"Hisoka, je te jure, sur tout ce qui m'est de plus cher que jamais, au grand jamais, je n'ai essayé de draguer cette fille! Bon Dieu, cesse de faire ton gamin et écoute-moi!"
L'instant de calme et d'essai de persuasion avait cessé. La tension entre les deux Shinigami était si palpable que Tsuzuki avait du mal à respirer. Comment Hisoka pouvait-il être aussi têtu? Furieux, il s'apprêta à frapper contre la porte lorsque cette dernière s'ouvrit violemment, laissant voir deux émeraudes brûlantes de rage. Les joues pâles d'Hisoka étaient à cet instant colorées de deux plaques rouges de colère et son visage inspirait une terrible fureur. Tout tremblant de ce sentiment qui l'écœurait à moitié, il pointa un doigt meurtrier vers Tsuzuki qui tressaillit.
"Ne… dis… jamais plus… QUE JE SUIS UN GAMIN!" Explosa-t-il d'une voix suffoquante. "J'en ai rien à foutre que tu fasses du gringue à une jolie fille, si c'est tout ce qui t'intéresse! Amuses-toi, éclates-toi, c'est génial!"
"Arrêtes avec ça", répliqua Tsuzuki, indigné. "Non mais est-ce qu'un dixième de ce que je t'ai donné comme explications est resté encré dans ton petit crâne! Tu ne m'écoutes pas, tu te fous de ce que j'essaie de te dire."
"Ah oui? Et quoi?" Fit Hisoka, lui jetant un regard noir.
Tsuzuki ouvrit la bouche pour lancer un réplique cinglante mais le peu de contenance qui lui restait le força à se taire, avant de fixer ses yeux d'améthystes sur un point au loin. Il serra les poings et son regard s'assombrit, lui donnant un air de tristesse jamais vue. Ne supportant plus cette ambiance de fou, il prit sa veste qu'il posa sur son épaule avant d'aller sur le seuil de la porte.
"Tsuzuki!" Lança l'empathe, stupéfait.
"Je reviendrais quand tu te seras calmé", répliqua Tsuzuki d'une voix froide. "Pas avant. Passe une bonne soirée."
Et sur ces mots, la porte claqua dans un bruit sonore, plongeant l'adolescent dans un silence lourd de conflits. Hisoka, encore étonné du comportement de son partenaire, regarda la cloison close avec mépris.
"Tsuzuki!"
Il n'y eut aucune réponse, juste l'écho de sa propre colère. Se sentant trembler des pieds à la tête, il se jeta sur le large lit, enfouissant son visage dans l'oreiller moelleux. Le sentiment qui le dégoûtait refit surface et, ne pouvant faire cesser les frissons qui le parcouraient, il sentit ses yeux lui brûler.
"Tsuzuki…", marmonna-t-il sans grande conviction. "Tsuzuki…"
Un gémissement mourut au fond de sa gorge, et, ne supportant plus la lumière de la chambre qui lui transperçait les yeux, il se roula en boule sous les couvertures, là où habituellement deux bras chauds et tendres venaient l'enlacer. Mais pour ce soir, il n'avait que sa peine et sa terrible jalousie pour compagnes, avec des larmes amères comme la tristesse lui coulant sur les joues et ses lèvres en manque de doux baisers.
"Tsu…zu… ki…"
Tsuzuki était furieux. Même plus que ça. Parfaitement ivre de colère. Marchant d'un pas rapide et raide, la direction logique qu'il prit fut celle du bar se trouvant à quelques étages du sien. Dans l'ascenseur, le groom lui fit un sourire rempli d'une fausse compassion commerciale que le Shinigami s'empressa de lui enlever d'un regard noir. Le jeune homme, presque terrorisé, ne dit pas un seul mot avant que l'ascenseur ne s'arrête à l'endroit voulu.
Le bar était en fait une grande pièce calme, à l'atmosphère mystérieuse, enveloppée dans le brouillard de fumée suffoquante qui vous prenait à la gorge. La lumière tamisée offrait aux tables à l'écart une part d'intimité et de séduction propre à l'immeuble de verre lui-même. Il y avait peu de monde, ce qui prouvait que la soirée était déjà très avancée. Avec un petit pincement au cœur en voyant les couples s'embrasser langoureusement, cachés par les ombres et enveloppés de musique douce et envoûtante, Tsuzuki se dirigea vers le comptoir verni et lisse où un barman plutôt jeune et baraqué nettoyait des verres. Voyant un nouveau client, il s'approcha, posant son petit travail à côté de lui.
"Qu'est-ce que vous prenez?"
"Quelque chose de fort qui sert à me nettoyer la tête", répondit Tsuzuki d'une voix sombre.
La boisson qu'on lui présenta était un cocktail maison au liquide d'un bleu électrique. Tsuzuki, curieux, en but une gorgée avant de s'étouffer littéralement. L'alcool y était si fort que même le goût sucré du colorant criard ne le cachait pas. Une véritable torture pour ses poumons. Il toussa le plus discrètement qu'il put mais une voix douce et moqueuse le fit sursauter.
"Vous ne supportez pas l'alcool, Mister Ikesawa?"
Surpris, il se retourna pour voir une splendide femme aux cheveux d'un noir bouclé tombant en cascade apprivoisée sur ses épaules nues. Deux yeux noirs le regardèrent avec amusement.
"Mlle Crooge", dit le Shinigami avec politesse feinte.
La jeune femme eut un rire très léger, bien différent de celui d'Helen qui résonnait comme un pleur.
"Appelez-moi Deborah, vous seriez un ange."
Elle prit place à côté de lui, ses longes jambes glissant de manière presque lascive sur les pieds métalliques du tabouret. Le barman, tout en s'approchant, ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil à sa poitrine mise en valeur par le décolleté généreux de sa robe. Elle fit une petite moue dédaigneuse.
"La même chose que Monsieur", commanda-t-elle.
Lorsque sa consommation glissa jusqu'à elle, elle lança un petit regard en coin à Tsuzuki plus que gêné. Un sourire s'épanouit sur ses lèvres vermeilles.
"Ne soyez pas aussi timide, Mister Ikesawa…"
Malgré son traducteur vocal, Tsuzuki entendait un fort accent, sûrement exagéré pour lui faire comprendre qu'il avait affaire à une véritable femme américaine. Il baissa très légèrement la tête, prenant une minuscule gorgée qui ne put l'empêcher de frissonner. Deborah rit.
"Vous n'aimez pas?"
"Disons que ça me décape l'estomac", avoua-t-il en souriant poliment.
Deborah, tout doucement, approcha son verre du sien. Elle fit mine d'avancer ses lèvres vers le visage de Tsuzuki qui se recula.
"Je peux goûter votre cocktail? Il doit être peut-être moins sucré que le mien."
"Euh… Oui, oui, je ne… je ne crois pas que..", bredouilla le Shinigami, très confus.
Lentement, Deborah porta le verre froid à ses lèvres vermeilles, y prenant une gorgée si lente, si profonde que Tsuzuki, presque hypnotisé par l'aura de séduction qui enveloppait la jeune femme, en demeura très silencieux, ne pouvant détacher son regard du sien. Semblant satisfaite de son petit effet sur l'homme à ses côtés, Deborah reposa son verre sur le comptoir dans un bruit sourd, passant un doigt fin et décoré d'une bague sertie de diamants véritables sur sa bouche sensuelle.
"Très bon", dit-elle d'une voix de velours.
Elle se tut un instant avant de reprendre d'une voix langoureuse.
"Peut-être parce que vos lèvres ont touché cette boisson en premières."
"Me prenez-vous pour un magicien?" Répliqua Tsuzuki, observant les multiples ombres se mouvant au gré des mouvements que faisait la jeune femme lorsqu'elle penchait la tête.
"Hum… Peut-être…"
Et, sous les yeux écarquillés de Tsuzuki, une main froide et fine prit la sienne pour la reposer sur la cuisse fine de gazelle de Deborah, y remontant le tissu de soie dans une caresse invisible et insolente. Interloqué et rougissant, il leva un regard interrogateur sur elle mais cette dernière, dans un sourire, effleura ses lèvres d'un baiser provocant. Une étincelle brilla dans ses yeux noirs. Amusée, féline, se mouvant dans des gestes sensuels, elle s'approcha davantage de lui, faisant briller les bijoux qui ornaient sa peau, faisaient briller ses cheveux sombres, éclairer tout son corps.
"Vous me plaisez beaucoup, Mister Ikesawa", souffla-t-elle à son oreille, faisant glisser la main de Tsuzuki plus haut sur sa cuisse. "Vous avez un petit air si attirant… Vous me semblez bien plus intéressant que tous ces petits badauds que j'ai rencontrés…"
"De… Deborah… Arrêtez ça", dit Tsuzuki, désirant enlever sa main de la chair de la femme mais cette dernière y mit son autre paume. "Je… Je n'ai pas du tout envie que…"
"Et pourquoi pas?" Répliqua-t-elle dans un soupir, se collant de plus en plus à lui, enroulant son bras libre au sien, déposant sur sa peau son parfum. "Vous êtes si beau… Venez, je pourrais faire monter du champagne dans ma chambre… Qu'en dites-vous? On pourrait… faire ample connaissance… Je suis sûre… que vous aimeriez vous aussi, n'est-ce pas?"
Tout en parlant avec grâce, ses mains dessinaient de complexes arabesques, l'une pressant celle de l'homme aux yeux d'améthystes contre sa jambe, l'autre caressant la chemise de ce dernier, y tripotant un bouton de nacre, remettant correctement un faux pli imaginaire. Devant de douceur sucrée et suave, Tsuzuki sentit comme un mal le prendre au fond de lui. Que cette femme soit attirée par lui passait encore, mais qu'elle se montre si entreprenante, alors qu'il était au moral le plus bas, suffisait à le rendre malade de chagrin. Ce n'était pas le corps d'une femme sûre d'elle dont il avait besoin cette nuit. Mais bien d'une seule personne, qui… par sa faute, pensait que le Shinigami ne l'aimait plus. C'était plus qu'il ne pouvait supporter.
Doucement, il esquiva le baiser brûlant que les lèvres de Deborah réclamaient, avant de retirer sa main de sa peau douce et parfaite. Ainsi fait, il se recula légèrement, essayant de ne pas paraître trop grossier. Surprise et dépitée, la jeune femme le fixa de ses yeux sombres. Ses lèvres eurent comme une moue d'humiliation.
"Qu'est-ce qui vous arrive? Je ne vous plais pas?" Demanda-t-elle, hargneuse. "Je n'ai aucun charme à vos yeux?"
Tsuzuki, en souriant, prit sa main pour l'y embrasser, d'une petite caresse chaste.
"Vous êtes une femme très belle, Deborah. Vous avec beaucoup de charme et je dois dire que très peu d'hommes peuvent vous résister. Mais… je ne peux pas… J'aime déjà quelqu'un d'autre. Veuillez m'excuser."
Le visage de la jeune femme se décomposa sous le choc. Tentant de reprendre contenance, elle cala une mèche brune derrière son oreille droite, avant de tourner son doigt fin et manucuré machinalement et quelque peu énergiquement tout autour du verre à la boisson bleue. Ses gestes, saccadés de colère, cessèrent lorsque ses yeux rencontrèrent ceux d'améthystes de Tsuzuki. Ses lèvres se serrèrent dans une nuance de dépit, ses yeux lancèrent des éclairs qui faisaient penser au chef du Service des Assignations quand celui-ici était en rogne. Ne supportant plus une telle humiliation, elle se releva brusquement, d'un provocant mouvement de hanches avant de se retourner vers le Shinigami, lui jetant un regard dégoûté et furieux. Son petit sac à la main, elle fit un geste comme si elle tentait de l'étrangler avec la ficelle.
"Que vous soyez amoureux ou non ne m'importe nullement", dit-elle d'un ton acide." Je suis mille fois mieux que tout ce que vous aurez sur cette fichue Terre, et ne croyez pas me jeter aussi facilement, comme ça", ajouta-t-elle en claquant des doigts, faisant briller ses multiples bracelets à son poignet. "Même si je dois dépenser une montagne de bijoux, de robes ou de n'importe quel autre chose, je vous aurai, juste pour moi. Vous êtes bien trop intéressant pour qu'on vous laisse dans votre coin. Bonsoir!"
Et sur ses mots, elle s'éloigna d'un pas sec et claquant, ne laissant d'elle que le parfum capiteux décorant sa peau, ses hauts talons résonnant dans le grand couloir l'amenant à l'ascenseur. Tsuzuki, soulagé de ne plus avoir sa présence à ses côtés, eut un petit sourire avant de se gratter la nuque, complètement crevé.
« Décidément… les femmes ne me posent que des problèmes ces temps-ci… »
"Vous m'avez bien l'air difficile", ne put s'empêcher de dire le barman en s'avançant vers Tsuzuki. "Deborah Crooge n'est pas une femme comme les autres. Non seulement, elle est classée parmi les cent plus belles femmes du monde mais c'est une experte en boxe. Je crois bien que s'il y avait pas eu de témoin, elle vous aurait défiguré à coups de poings."
Tsuzuki, en repensant à l'aura meurtrière de la jeune femme lorsqu'il avait stoppé ses avances, rit très légèrement.
"Quand je pense que je rêve chaque nuit qu'elle me drague de cette manière, ah je suis un bien beau jaloux", ajouta le barman en emportant la consommation à peine entamée de Deborah.
Tsuzuki acquiesça d'un bref signe de tête.
"Vous savez… Elle a beau être la plus belle femme du monde, je m'en moquerais éperdument", répondit-il, très pensif.
Une ombre s'afficha dans ses yeux que le barman vit. Avec un triste sourire, il lui tendit un café offert par la maison.
"Vous êtes vraiment quelqu'un de bizarre, vous", déclara-t-il en s'éloignant, repartant nettoyer un verre. "Une si belle femme, l'envoyer paître comme ça… Quel gâchis…"
Tsuzuki, s'amusant de sa réaction, pencha son visage vers le breuvage noir et fumant qui lui procura un délicieux frisson de contentement. Il traça le contour d'un visage par la fumée blanche et odorante qui lui réchauffa le corps et le cœur. Un vide le submergeait, un vide éclairé par deux yeux d'émeraudes, pleins de colère et de reproche. Pensif, il but une gorgée de son café, sentant la fatigue le prendre lentement mais sûrement. Peu à peu, dans l'ambiance tamisée du bar, ses pensées vagabondèrent, sur un visage, un nom… une âme…
« Hisoka… »
Il était à peu près trois heures du matin lorsque Tsuzuki retourna au trentième étage, hagard et courbaturé de fatigue. La porte de la chambre grinça très légèrement lorsqu'il l'ouvrit, la tête lui tournant quelque peu. La pièce, plongée dans l'obscurité, offrait comme un reproche silencieux. Sentant de nouveau cette nausée l'envahir, il se déshabilla le plus silencieusement possible, jetant ses affaires pêle-mêle sur une chaise avant de se glisser sous les draps déjà quelque peu réchauffés.
Les yeux mi-clos par la fatigue, il se retourna et vit la courbe du dos de son partenaire, recroquevillé sur lui-même. Il semblait frissonner si on faisait attention à sa respiration. Dénudé en partie, le souffle profond, tout indiquait qu'il dormait déjà. Mais rêvait-il? Ou bien un cauchemar avait-il pris place dans son cœur? Tsuzuki, le cœur gros, fit un geste vers l'adolescent assoupi mais se stoppa à mi-chemin, par une terrible chose: la fierté. Il avait essayé de s'excuser et Hisoka n'avait pas voulu l'écouter. Tout maintenant dépendait de l'empathe, et cette pensée, aussi égoïste que puérile, le submergea de dégoût pour lui-même.
Soupirant une énième fois, il se tourna sur le côté, avec pour seule vision le corps frissonnant de celui qu'il aimait. C'était bien la première fois qu'Hisoka se s'endormait pas dans ses bras, en parfaite tranquillité. Tremblant à son tour, il se blottit contre les draps.
Cette nuit-là, une nuit qui n'aurait pas dû exister, ils dormirent loin l'un de l'autre, avec seule chaleur celle de leur propre corps… tremblant de froid et de manque d'attention.
Il s'avançait, calme, détendu. Il savait ce qu'il allait faire, ce qu'il devait faire, ce qu'il voulait faire. Ses mains, malgré son impassibilité, trahissaient son envie de sang par des tremblements difficilement contrôlables. Ses pas, glissant et sans bruits, le menèrent à la chambre qu'il avait entraperçu dès son premier meurtre. Il en rit, tant cela était divertissant.
Héra avait succombé, et Athéna allait suivre. Tout en souriant, le goût du sang gonflant sa langue, il frappa à la porte, tout comme son rôle le devait.
"Entrez", répondit sa future victime.
Il laissa échapper un rire qui mourut au fond de sa gorge. Lorsqu'il entra, une odeur désagréable de cigarette mêlée au parfum écœurant le prit à la poitrine. Il manqua de s'étouffer mais se retint remarquablement. Assise à sa coiffeuse, tout comme Aline, la jeune femme peignait ses cheveux, ayant dans un geste antérieur tenté de cacher son cendrier. Le tueur faillit s'en moquer. Alors comme ça, la fille à son papa fumait en cachette? Quelle déception pour tous ceux qui l'aimaient. Comme Héra, comme elle, comme les autres…
Elle se tourna vers lui, et eut une petite grimace polie.
"Que veux-tu?" Demanda-t-elle en s'efforçant de paraître aimable, mais cela suffit à l'enlaidir. "Il est tard, tu sais…"
"Je sais", avoua-t-il dans un sourire. "Mais je devais… faire à tout prix quelque chose…"
"Ah et quoi donc?"
Et elle se tut. Elle ne put dire un seul mot de plus. Ses yeux, agrandis par l'horreur, virent le reflet de sa perte dans la lame du couteau qu'il venait de sortir. Toute la terreur du monde passa sur son visage de déesse tandis que, inutilement, elle leva les bras devant elle, tentant de manière vaine de se protéger. Mais il n'y avait rien à faire, rien du tout. Il n'y avait que la mort… Et les Enfers…
"Au sec…"
Sa phrase mourut, tout comme elle. Dans une seconde d'éternité, le froid de l'acier pénétra sa chair, s'enfonça dans ses entrailles, transperça sa vie. Le sang, dans une gerbe écarlate, goutta sur ses vêtements, glissa sur son miroir, y traçant des arabesques maudites. Tout son corps, dans un dernier spasme, se raidit avant de s'écrouler sur celui qui l'avait tuée. Dans ses yeux vides, une dernière étincelle de vie naquit avant de mourir aussitôt. Elle cracha tout un ruisseau rouge à ses pieds, tandis que son manque de meurtre s'estompait quelque peu.
"Toi… Pour… quoi… toi…?"
"Les diablesses n'ont pas à parler…", rétorqua-t-il dans un murmure.
Et, la faisant taire à jamais, il la prit par les cheveux, relevant sa gorge qu'il trancha d'un coup net. L'éclat de sang vif et doucereux, lui passa devant les yeux quand elle s'écroula pour de bon, à jamais prise dans les bras de la Mort. Il n'y avait eu pratiquement aucun bruit, juste le temps qu'un souffle emporte une vie. Satisfait, il la déposa là où le désirait, contemplant sa beauté tarie, ses joues pâles, son corps mince et blanc, appelant à la pitié.
"Silencieuse, tu te permets enfin à paraître telle que tu es…"
Et le chef d'œuvre recommença, et la même boucle continua son parcours. Et une déesse venait de s'éteindre.
« L'Enfer… sera votre destination… »
Tsuzuki, somnolant, ne pouvait pas quitter des yeux le superbe spectacle que le ciel, par sa grande baie vitrée du trentième étage, lui offrait. Le soleil, dans une explosion de couleurs douves et avenantes, glissait sur une peau de velours pâle et nue, à peine recouverte par les draps soyeux. Deux paupières closes se mouvaient par un rêve sûrement délicieux, une bouche délicate murmurait dans son sommeil et enfin un corps sublimement dessiné, allongé sur le côté, les jambes légèrement recroquevillées contre les siennes. L'adolescent, dans la nuit, s'était à peine retourné et, comme si une barrière s'était formée entre eux, malgré le fait que sa peau effleurait légèrement celle du Shinigami aux yeux d'améthystes. Ils étaient comme séparés, un gouffre, suite à ce stupide malentendu, avait naquis entre eux. C'était parfaitement stupide… totalement ridicule mais…
Ne désirant pas voir une telle image, Tsuzuki ferma les yeux, voulant s'endormir à nouveau lorsque…
"Hayao? Hayao, vous êtes là?"
Une fois féminine et étouffée par la porte le sortit de sa torpeur matinale. Il y eut de légers petits coups contre la cloison en bois ainsi que de nouveaux appels. Grimaçant de mécontentement, il se leva, recouvrant par la même occasion le jeune homme endormi qui se blottit sous les draps, ne laissant pratiquement rien voir de son corps. Le Shinigami aux yeux d'améthystes, fatigué, s'habilla convenablement d'une chemise blanche et d'un pantalon noir ainsi que son traducteur vocal avant d'ouvrir légèrement la porte, le regard lourd de sommeil.
Deux yeux bleus-verts, gênés, lui apparurent et un visage doux et fragile rougit, s'accordant parfaitement aux fleurs pâles qui décoraient des cheveux châtain d'or.
"Bonjour, Helen", murmura Tsuzuki, légèrement brumeux.
Helen porta vivement sa main à sa bouche et détourna le regard.
"Par… Pardon", bredouilla-t-elle. "Je ne voulais pas vous réveiller aussi tôt mais… il y a un problème…"
"Un problème?" Répéta Tsuzuki, se réveillant un peu plus.
"Oui, il s'agit de Deborah", répondit Helen, soucieuse. "Elle… Elle n'est toujours pas sortie de sa chambre."
Tsuzuki dut avoir un air très interloqué, se disant que la gente féminine était décidément bien étrange pour que la jeune femme s'explique davantage.
"D'habitude, elle est réglée comme un réveil. Chaque matin, elle se lève à cinq heures du matin pour se préparer car ça lui prend du temps et ensuite elle sort à huit heures. Mais là, il est neuf heures et demie et pas de nouvelles. Et quelque chose bloque sa porte. Elle ne nous répond pas."
« Neuf heures et demie? » songea Tsuzuki. « Houlà… Le décalage horaire me montre ses bienfaits ce matin… »
Il se frotta les yeux, persuadé que son esprit s'amusait à vriller ses oreilles d'un son perçant avant de se tourner de nouveau vers Helen qui le dévisageait avec inquiétude.
"Elle ne sent peut-être pas très bien, Helen", dit-il d'une voix profonde. "Vous n'avez pas à vous inquiéter."
"Elle ne nous répond pas, Hayao", s'écria Helen. "Malgré une grande fatigue, on peut tout à fait entendre quelqu'un qui appelle. Et puis, Deborah est une femme qui ne tombe pratiquement jamais malade. Je… J'ai comme un mauvais pressentiment…"
Tsuzuki soupira et, devant les yeux suppliants de la jeune femme, dut baisser les armes.
"Je reviens tout de suite", déclara-t-il d'un ton morne avant de refermer la porte.
Lorsqu'il se tourna vers le lit, il vit son amant légèrement redressé, le regardant de ses yeux froids de Shinigami. Ses mains, blanches, se serrèrent sur les draps blancs du lit et ses lèvres eurent comme une grimace.
"C'est « lui »…"
"Deborah! Deborah, réponds-nous! Voyons, Deborah, dis quelque chose! "
Hisoka, silencieux, dévisagea tour à tour la foule se pressant devant la porte de la chambre de la jeune femme aux cheveux noirs. Edwards, le père de Deborah, était le plus nerveux de tous et frappait de toutes ses forces contre la cloison qui ne laissait passer aucune réponse. Mr Things, Hargeisa et Stayle échangeaient des propos concernant le silence de la jeune femme. Helen, très pâle, appelait Deborah tandis que Jenny, plus calme, lançait un regard de temps à autre à Anthony Rivan qui contemplait la scène avec impassibilité et sang-froid.
"Elle ne répond toujours pas?" Fit Tsuzuki en s'approchant de Crooge.
"Non, cela m'étonne…"
"C'est peut-être le meurtrier qui l'a faite taire", fit une voix moqueuse et calme, adossée au mur.
Furieux, l'empathe se tourna vers Rivan qui le regardait avec ses yeux bleus pleins de jeunesse. Il passa une main dans ses cheveux blonds.
"Le mieux est d'ouvrir afin de savoir, au lieu de rester ici à l'appeler sans rien faire", déclara-t-il.
"Mais on ne sait pas ce qui bloque la porte", rétorqua Things. "Ce n'est sûrement pas une clé."
Rivan laissa échapper un sourire.
"Heureusement que je suis là", fit-il, amusé.
Il fit écarter les autres, sauf Tsuzuki et s'approcha de la porte close. Ses yeux croisèrent les améthystes du Shinigami qui acquiesça. Ils se dévisagèrent puis prirent place. Ils soufflèrent lentement et dans un râle, balancèrent tout leur poids et élan sur leur épaule qui, par leur force, éclata la mince cloison de bois dans un grand fracas. Ils furent propulsés dans la chambre plongée dans la pénombre, suivis par le petit groupe qui entra avec gêne et angoisse.
C'était une grande pièce spacieuse, aux rideaux tirés. Sur les murs, des tableaux de maîtres dévisageaient ceux qui avaient osé entrer aussi brutalement. Une coiffeuse de grande qualité était rangée, avec une collection incroyable de parfums et de divers cosmétiques alignée sur une petite commode. Sur un large canapé rouge, une robe élégante et sûrement chère traînait. Hisoka la reconnut; c'était celle que Deborah avait porté au casino hier soir. Une douce odeur, étrange et présente, stagnait dans l'air, une odeur… familière…
« Pourquoi ça me dit quelque chose…? »
Au fond de la chambre, à l'extrême opposée de la coiffeuse, se trouvait un lit à baldaquin au tissu blanc.
"Deborah?" Murmura Helen dans un souffle.
A pas légers, elle s'approcha du lit aux rideaux tirés, retenant sa respiration. Tsuzuki et Hisoka la suivirent, le cœur battant. Qu'allaient-ils donc trouver?
« Mon dieu je vous en prie… », pria intérieurement Tsuzuki.
Mais l'odeur, douceâtre et écœurante, lui tourna la tête. Helen, toute tremblante, tira l'un des rideaux, distinguant une forme assise sur les draps. Et cette senteur, ce parfum qui s'imprégnait dans leur peau, cette ambiance lourde…
A cet instant, comme si le hasard venait de donner un coup cruel dans le dos, Jenny, restée à l'entrée, alluma la lumière pour permettre à tous ceux présents de la chambre de voir tout autour d'eux. Il y eu un silence, pensant et tendu et, soudainement, quelque chose se brisa. Complètement.
"HYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA!"
Un cri, suraigu, déchira l'air de toute la pièce. Helen, complètement révulsée, porta vivement sa main à ses lèvres entrouvertes, comme si elle allait vomir. Ses yeux, écarquillés d'horreur, ne pouvaient se détacher de l'image qui venait d'être gravée dans sa rétine. Les Shinigami, quant à eux, eurent comme un haut-le-corps.
Deborah, si belle dans la vie, n'en était que plus belle dans la mort. Agenouillée sur les draps froids de son corps glacial, son dos se courbait et son visage, pâle de cette fin qui avait sonné pour elle, était rejeté en arrière, retenu par quelques lambeaux de chair sanglante qui gouttait encore de rouge. La coupure avait été si profonde qu'on avait l'impression que sa tête allait d'un instant à l'autre être séparée de son corps. Ses bras, blancs et fins, étaient tenus par des rubans de tissus blanc comme une vulgaire marionnette, se balançant au gré des mouvements que faisaient les gens autour d'elle. Ses genoux, repliés sous elle, étaient entaillés de part et d'autres, souillant le lit de sang tandis que sur sa poitrine dévêtue, une large marque barbare déchirait sa chair. Sa robe, d'une somptuosité inégalée, était d'une blancheur malheureusement maculée de taches rouges et ineffaçables Ses cheveux, noirs et bouclés, descendaient en cascade déraisonnée sur sa peau bleuie de coups.
Mais… la chose la plus terrifiante à voir…
« Quatre femmes… un esprit vengeur… »
"La pomme d'or…"
Elle était là, serrée entre ses doigts rigides. Dorée comme l'Enfer… elle reflétait la plaie béante dévorant le buste de la victime. Et dans cette image floue de métal précieux, deux hommes, le teint pâle, observaient cette scène. Helen, horrifiée, le teint plus pâle que la Mort elle-même.
"Mon Dieu… Deborah… Deborah est… Non… Non!"
Héra était morte… ainsi suivait Athéna… La prochaine… qui cela allait-il être?
« La destination de votre existence… repose ici… »
Personne, dans cette chambre à l'odeur écoerante de sang, n'aperçut le sourire mauvais d'un homme blond aux yeux bleus. Deux yeux insondables… où un profond chaos prédestinait la vie de tous ceux présents en ces lieux.
« Intéressant… très intéressant… »
A suivre…
