Yurei
Par Tsubaki Himé
Hello à tous ! Bon d'accord, j'ai un petit jour de retard sur le fait que je devais mettre le chapitre en ligne mercredi. Mais m'en voulez pas, j'ai tout fini aujourd'hui, bien que je sois éternellement insatisfaite (comme toujours, certes) Merci pour les reviews au fait, et aussi pour les messages sur le Livre d'Or du site Camellia Tsubasa, ça me fait au cœur. Allez, assez de bavardages et voici la suite comme promis.
Blood Kiss et bonne lecture,
Tsubaki Himé
Chapitre IV
Un ciel qui ne peut être bleu
A aucun moment, je n'ai cessé de penser à toi. Des mes rêves, ta simple image éveillait en moi la douloureuse blessure qui déchirait mon cœur…
Car… tu étais mort…
La vision de ce ciel bleu… me fait tellement souffrir…
Il y avait un silence. Oppressant. Qui, dans une ambiance suffoquante, empêchait toute voix, toute envie de parler. Muets, abasourdis, écœurés, les Shinigami, observaient le cadavre sanguinolent de la jeune femme aux cheveux noirs, habillée élégamment pour le dernier des voyages. Dans ses mains rigides, brillait le fruit de sa perte. Et cette odeur, silencieuse et familière, se répandaient parmi eux, comme un appel, un indice.
L'homme aux yeux d'améthystes, le cœur lui remontant à la gorge, se recula de la vision qui s'était inscrite dans sa rétine. Hisoka, faisant un grimace, détourna le regard.
"De… Deborah…", murmura Helen, horrifiée. "E… Elle aussi… C'est lui… C'est lui qui…"
Surpris, Tsuzuki vit dans les yeux bleus-verts de la jeune femme une terreur abominable, mélange de désespoir et de noirceur. Ses bras se mirent à trembler, puis ses mains, ses lèvres puis tout son corps fut parcouru de frissons incontrôlables. Les pupilles dilatées, elle fixa le corps de Deborah comme si sa vie allait y revenir. Sa bouche, toute pâle, émit comme un pleur.
"Pâ… Pâris…"
Et, sans ajouter un autre mot, sa frêle enveloppe charnelle bascula en arrière, sans bruits.
"Helen!"
La jeune femme faillit s'écrouler sur le sol mais les bras de Tsuzuki qui dans un pas était venu jusqu'à elle la maintenir fermement, la prenant contre lui. Helen, inconsciente, avait gardé sur son visage cette expression de détresse et d'horreur, tandis que ses lèvres, entrouvertes, s'étaient comme figées dans la dernière syllabe du mot qu'elle avait prononcer.
"Helen!" S'exclama Aleï Stayle.
Jenny, révulsée du spectacle du corps froid de Deborah, poussa un cri de surprise lorsque Tsuzuki la bouscula, Helen toujours dans ses bras, la transportant sans doute dans sa chambre.
"Je m'en occupe", lança-t-il avant de sortir de la pièce.
Hisoka, encore un peu stupéfait, serra le poing de colère avant de contempler de nouveau la jeune femme morte. Mais, sitôt que l'éclair de jalousie le frappa au cœur, ce fut le tour de dizaines de piques acérées et mordantes, le prenant au fond de lui-même. Tremblant légèrement par cet afflux d'émotions, il crispa ses mains autour de ses bras, tentant de comprendre l'origine de cette douleur intérieure. Poignards froids, armes brûlantes… Chaque fragment de sentiment présent dans la pièce lui procurait comme une désagréable sensation. Ce frisson glacial sur sa colonne vertébrale, cette espèce de vide en pleine poitrine le submergea à moitié. Lentement, il se recula du lit, observant par son pouvoir d'empathe les éclats émotionnels présents autour de lui. Sans se préoccuper des gens qui s'affairaient à appeler les vigiles, il fit quelques pas vers la coiffeuse. C'était comme un fil qui suivait, à la froid coupant et tranchant, brillant de haine et de colère. Et ce même fil tirait sur son âme, le poussait à suivre le même parcours que cet esprit maléfique.
Il caressa tout doucement le meuble où les cosmétiques, alignés et soignés, étaient comme des flacons de poison à ses yeux. Ses paupières s'abaissèrent sur son regard d'émeraude. Des picotements à la base de sa nuque, tandis que ses doigts esquissaient des mouvements connus de lui seul et du meurtrier.
« Il est allé là… pour maquiller sa victime… »
Il se détourna de la coiffeuse avant de faire quelques pas vers la porte. Indifférent au regard bleu interloqué d'Anthony Rivan fixé sur lui, il se pencha vers les éclats fracassés et y trouva une plaque en métal légèrement tordue. Il y passa le doigt. A nouveau le picotement désagréable et brûlant parcourut sa nuque et sa colonne vertébrale avant de résonner en insistance sur son cœur.
« Il a placé ça entre les gonds de la porte, verticalement. Comme ça, elle était bloquée et ce n'était pas à cause de la serrure. Ce qui veut dire qu'il n'a pas tué en chambre close. Je parie que la plaque peut être mise de l'extérieur, ce n'est pas trop compliqué et sans risque, à part de retrouver des empreintes.. »
Il plissa les yeux, les limites de ce « fil » s'arrêtant à ce point.
« Ce yurei… »
Toute cette haine, cette violence qu'il éprouvait contre le monde entier… Mais… pourquoi ces deux femmes, Aline et Deborah, avaient été tuées? Pourquoi elles? Alors qu'il y avait des centaines et des centaines de personnes à l'hôtel, cette âme errante les avait choisies.
Hisoka, en soupirant, crispa sa main sur la plaque qu'il venait de ramasser.
« Que veux-tu vraiment, assassin de l'autre monde? »
Une à deux heures s'étaient écoulées depuis la découverte du corps de Deborah. Ce dernier, laissé dans sa chambre, avait été autopsié par Anthony qui, par ses études et sa place au sein d'un très grand hôpital, était bien le seul de faire une telle chose. Seuls quelques vigiles, par ordre de Mr Hargeisa, avaient été prévenus d'une nouvelle mort, et avaient mis un barrage au trentième étage de l'hôtel, obligeant à tous ceux qui avaient retrouvé Deborah morte de rester dans un grand salon qui d'habitude était réservé pour les réceptions privées. Et, depuis l'instant où les portes blanches s'étaient refermées sur eux en attente de quelques informations, ils restaient là, tendus, nerveux. Crooge, complètement désespéré et fou de chagrin, se tenait seul, sur un fauteuil à l'écart, le visage plongé vers le sol, son regard d'un vide infini et de tristesse intarissable; Things, très pâle, tentait de consoler Jenny qui continuait de trembler, passant une main nerveuse dans ses cheveux toutes les cinq secondes; Stayle, son corps parcouru de spasmes, avait bien du mal à rester correctement assis et bloquait son visage agité de tics par ses larges mains calleuses pressées contre ses mâchoires, ses coudes s'appuyant sur ses genoux; Hargeisa, quant à lui, impatient, faisait des allers-retours, passant devant la porte en grommelant. Helen, pensive, avait ramené ses jambes contre elle et serrait ses mains sur sa robe comme pour s'empêcher de trembler, de crier, de pleurer. Ses yeux, vagues de son évanouissement, avaient encore cet éclat de tristesse sans bornes. Quant à Tsuzuki et Hisoka, ils étaient assis sur un large canapé, silencieux et songeurs. Une personne un peu maligne aurait pu remarquer à cet instant l'espace très marqué entre eux mais la panique et le traumatisme de la scène que tous venaient de subir les empêchait de les regarder, eux les Shinigami.
Tsuzuki, dans un sourire, tenta de réconforter Helen. Cette dernière, remarquant son effort, le lui rendit, ce qui suffit à Hisoka pour accentuer la pression de ses ongles sur l'accoudoir du canapé, imaginant qu'il s'agissait du cou de la jeune femme.
A cet instant, la porte émit un déclic. Tous sursautèrent. Hargeisa cessa de marcher et s'écarta pour laisser passer Anthony qui tenait un bloc-notes entre ses mains. Il avait en cet instant une expression sérieuse et grave, ce qui lui donnait à cet instant son âge véritable.
"Merci à tous d'avoir attendu", dit-il en prenant une des feuilles.
Un silence s'abattit sur le groupe, à la fois tendu et soulagé. Crooge se leva brusquement pour mieux entendre Anthony. Ce dernier, d'une voix profonde, parcourut les lignes qu'il venait de marquer.
"D'après la rigidité cadavérique, je peux dire que Mlle Crooge est morte entre trois heures et quatre heures du matin. Une arme blanche a transpercé ses poumons et une partie du dos, et ainsi causé une hémorragie interne. Cette même arme blanche lui a tranché la veine jugulaire pour l'achever."
Helen frissonna, se frictionnant les épaules de ses mains pâles. Crooge, abasourdi, déglutit difficilement.
"J'ai examiné le corps", ajouta Anthony, grave. "Et d'après les coups et les bleus, je peux dire que le meurtrier possède une grande force. De plus, le mouvement et la forme des entailles prouve qu'il a de la dextérité et un certain maniement des armes blanches."
"Quand vous dites « une grande force »", fit Jenny, croisant les bras sur sa poitrine refaite. "Vous parlez donc d'un homme, non?"
"Il est très improbable qu'il s'agisse d'une femme", répondit Anthony dans un faible sourire. "Les coups ont été très rudes, bien portés sur des parties fragiles du corps. Je n'imagine pas une femme faire une telle chose."
Tsuzuki, songeur, releva la tête.
"Je viens de me rappeler que Deborah était une grande boxeuse", dit-il. "Peut-être que…"
Anthony secoua la tête négativement.
"Non, non. Le premier coup de couteau a été porté brusquement, à en juger l'épaisseur de la plaie et le tracé de la lame. Mlle Crooge a été blessée par surprise…"
Il eut un soupir mais, et Hisoka, l'observant attentivement en fut persuadé, un très, très léger sourire ourla ses lèvres un court instant avant de s'effacer comme un éclair de chaleur.
"Ce qui revient à dire que le meurtrier la connaissait assez pour qu'elle ne se méfie pas", finit-il avec un certain amusement dans la voix que personne à part l'adolescent aux yeux d'émeraudes n'entendit.
Hargeisa tiqua sur le sous-entendu.
"Vous voulez dire que le meurtrier est l'un de nous?" Demanda-t-il abruptement. "Je n'aime pas le ton de votre voix, Mr Rivan."
Anthony fit un geste d'apaisement de la main, fixant l'homme d'affaires de ses yeux bleus.
"Que le ton de ma voix soit insolent ou bien sérieux, le résultat sera le même, Mr Hargeisa. La fille d'un de vos associés vient de se faire tuer, hors à part nous qui sommes rassemblés ici, je ne vois personne à qui elle aurait pu ouvrir la porte, si on écarte la possibilité d'un éventuel garçon d'étage ou un vigile. Ce qui me paraît bien étrange car votre fille est morte de la même façon que Mlle Crooge."
Things eut un étrange mouvement de la tête. Sûrement un tic, ou un geste nerveux, nota Tsuzuki au passage.
"Vous pensez qu'il va faire encore d'autres victimes?"
Anthony haussa les épaules sans rien répondre mais ce silence confirma malgré lui. Hargeisa, le visage figé dans une expression de fureur et de mépris, eut comme un reniflement dédaigneux.
"Ridicule, voyons!" Lança-t-il d'une voix forte. "Le coupable ne va sûrement pas recommencer! Avec des vigiles tout autour de lui, et maintenant qu'il a deux meurtres à son actif, il ne risque pas se réapparaître de sitôt!"
Hisoka croisa les jambes, ses yeux d'émeraudes froides de maturité posées sur l'homme d'affaires.
"D'après ce que j'ai cru comprendre, vous avez réagi de la même façon lorsque votre file est morte, Mr Hargeisa", fit-il d'un ton glaciale. "Laissez-moi vous dire que ce n'est pas en faisant semblant de ne rien voir et de prévoir un autre meurtre après coup qui vous aidera à démasquer le meurtrier."
"Comment osez-vous!" Cracha Hargeisa, les yeux lançant des regards noirs à l'empathe assis dans le canapé, le fixant avec impassibilité. "Je commence à en avoir plus qu'assez de vos insinuations scandaleuses! Si vous avez à me dire quelque chose en face, faites! Mais je ne tolérai pas la moindre réflexion concernant ma paternité envers Aline! Sale gamin prétentieux!"
Tsuzuki, brusquement, se releva et, d'une enjambée, fit face à Hargeisa qui cessa soudain de gesticuler. Malgré sa taille, il ne rivalisait pas avec l'homme aux yeux d'améthystes qui le dépassait d'une bonne tête. Son regard, froid et dur, plongea dans les yeux fuyants de l'américain.
"A l'avenir, Mr Hargeisa, je vous défends de parler comme ça à Mr Fujisuke ici présent", dit-il d'une voix calme de menace. "Que votre degré de paternité frise le zéro absolu, cela vous regarde. Que vous ne supportez pas les insinuations sur un meurtrier qui en ce moment même doit organiser la mort d'une autre de ses victimes, cela vous regarde. Mais ne parlez jamais à mon patron de la sorte, ou vous aurez affaire à moi."
Hisoka, stupéfait, demeura muet, fixant Tsuzuki qui, malgré le calme de sa voix, savait qu'il était capable d'assommer Hargeisa d'un simple coup de poing. Sans vraiment s'y attendre, il sentit son cœur se serrer d'une joie ridicule, ne pouvant s'empêcher de regarder Helen afin de voir quelle expression était peinte sur son visage. De jalousie, de colère, il ne vit rien. Juste de la peur et de la tristesse insoluble qui se perdait dans le gouffre de ses prunelles. D'un coup, elle sembla se reprendre et, regardant tout autour d'elle, lança d'une faible voix accablée.
"Pâris… Je sais qu'il s'agit de Pâris… C'est lui qui a tué Aline et Deborah…"
Cette phrase produit l'effet d'une gifle. Brusquement, Hargeisa se détourna de Tsuzuki, la fixant de ses yeux écarquillés. Jenny blêmit et retint un cri qui s'étrangla dans sa gorge. Things et Crooge se tournèrent vers elle, abasourdis.
Tsuzuki planta son regard sur elle, ne comprenant pas. Il y eut un très court silence jusqu'à ce que Hargeisa eut un rire saccadé et forcé.
"Voyons, ne dis pas de bêtises, Helen", fit-il d'une voix aigre qui se voulait enjouée. "Comment un mort pourrait revenir et nous tuer?"
Il y avait dans les yeux des gens concernés une espèce d'étincelle de peur sourde et tenue. Helen, toute tremblante, se releva, les poings serrés.
"Si! Je sais que c'est lui! Il est revenu… Il est revenu…"
Elle se tut puis lança de nouveau d'une voix tranchante.
"Il est revenu… pour nous punir!"
CLAC!
Avant même que Tsuzuki ne puisse faire un geste, Jenny avait traversé le salon d'un pas rapide et, d'un mouvement sec de la main, claqué la joue d'Helen dont la tête pivota sur le choc. L'empreinte, blanche, se colora d'un rouge vif et brûlant.
"Jenny!" S'indigna Things.
"Ferme-la, la mijaurée!" S'écria Jenny d'une voix perçante, pointant un doigt à l'ongle manucuré sur Helen qui tenait contre sa paume sa chair en feu." Comment peux-tu dire une chose pareille! Pâris est mort, tu entends? Mort! Et d'ailleurs, pourquoi il reviendrait, hein? Nous n'avons rien fait, rien du tout!"
Helen, lentement, passa ses doigts sur la peau rougie. Ses yeux, brouillés par des larmes de douleur et de tristesse, lancèrent un regard profond et furieux à la jeune femme blonde. Son corps, peu à peu, se mit à trembler de colère et de rage.
"Justement…", souffla-t-elle, hargneuse. "Vous n'avez rien fait… Vous n'avez rien fait pour le sauver!"
Et sur ces mots, elle fit volte-face et sortit en courant de la pièce, ses pas résonnant en saccades rapides sur le sol jusqu'à ce qu'elle soit allez loin pour qu'on ne l'entende plus.
"Helen!" S'écria Tsuzuki.
Sans perdre un seconde, il courut pour la suivre, laissant les autres dans un silence lourd et pesant. Un tic agita la joue d'Hargeisa qui se racla la gorge avant de reprendre sur un ton cassant.
"Cette maudite histoire dérègle la raison de tous, ici. Dès que le contrat avec la compagnie concurrente sera mis en œuvre, nous repartirons aussitôt. Que cette stupide blague de mort revenant se venger cesse une bonne fois pour toutes! Messieurs, partons d'ici et allons dans mon bureau!"
Jenny, d'un mouvement raide, se tourna vers son père qu'elle suivit hors de la pièce ainsi que les trois autres hommes d'affaire. Lorsque la porte se referma sur eux, Anthony soupira longuement, se tapotant le crâne avec son bloc-notes.
"Mais quelle tête de mule, celui-là…", dit-il, exaspéré. "Pourquoi se cache-t-il les yeux de la sorte? Sa fille est morte, celle d'un de ses associés également…"
Il regarda Hisoka qui demeurait pensif, les bras et les jambes croisés. L'adolescent, silencieux, s'aperçut presque trop tard que Rivan s'était assis à côté de lui, le dévisageant intensément. Surpris d'être ainsi contemplé, la seule personne en ayant le droit étant déjà partie, il se recula brutalement, claquant sa main sur le visage de l'américain qui émit comme un drôle de couinement.
"Aïe!"
"On a pas idée de fixer les gens comme ça", répliqua Hisoka, mal à l'aise. "Non mais, j'ai un truc sur le visage ou quoi?"
Une main taquine caressa fugitivement la joue. Furieux, Hisoka se leva brusquement, fixant Anthony qui lui rendit un regard amusant.
"Tu es très mignon quand tu te mets en colère, Fujisuke", dit-il avec une étincelle dans ses yeux bleus.
"Fichez-moi la paix", railla l'empathe." Ca vous amuse tellement de vous moquer de moi, alors que des gens meurent en ce moment même à cause d'un meurtrier complètement fou?"
Anthony leva une seconde les yeux au ciel, semblant réfléchir avant de regarder de nouveau l'adolescent lui faisant face.
"Peut-être que oui… Peut-être que non…"
Hisoka détourna la tête, excédé.
"Vous êtes pire qu'un gosse", lança-t-il avant de se diriger vers la porte.
Sa main allait tourner la poignée lorsqu'une voix, froide et métallique, le retint dans son mouvement.
"Si je suis pire qu'un gosse, tu n'es pas mieux que moi, boy. Tu crois vraiment que je n'ai pas vu ton petit manège, lorsque tu regardais ton garde du corps? Une jalousie pareille, ça se sent à des kilomètres."
La colère, violemment, entra dans les veines d'Hisoka comme un poison violent et douloureux. Ses épaules et son estomac se nouant de rage, il fit volte-face, ses yeux brûlants de fureur. D'un enjambée, il se planta devant Anthony qui le narguait, assis tranquillement dans le canapé, les coudes négligemment reposés sur ses genoux. Le regard bleu et froid de Rivan le cloua sur place.
"Alors…?" Demanda-t-il, moqueur.
D'un geste imperceptible, il attrapa Hisoka par la taille, l'attirant à lui, respirant son odeur d'adolescence éternelle, contemplant ses émeraudes à l'étincelle de rage insoutenable. Hisoka, complètement figé de colère, le laissa faire, se promettant d'être sans pitié quand son heure arriverait et qu'il serait temps pour lui de dire adieu à la vie.
"Enfoiré…", souffla-t-il, les lèvres serrés. "Tu comptes vraiment te jouer de moi… Ca te fait plaisir, hein, salopard?"
Leurs regards se croisèrent. Amusement pour l'un. Haine pour l'autre. Après l'avoir dévisagé avec beaucoup d'attention, Anthony relâcha l'empathe qui se recula le plus possible, se retenant de ne pas lui envoyer une décharge d'énergie. Face à face, ils laissèrent passer un silence avant que l'américain ne se lève, allant d'un pas sûr et tranquille jusqu'à la porte. Arrivé sur le seuil, il sortit une cigarette de sa poche qu'il posa sur ses lèvres avant de l'allumer d'une courte flamme jaillissant d'un petit briquet métallique. La fumée âcre s'en dégageant fit des esquisses grises dans l'air, tout autour de ce visage à l'expression si étrange. Deux saphirs s'éteignirent pour être remplacé par deux éclats de glace, au chaos infini.
"Même si tu voulais me tuer, boy", ajouta-t-il d'une voix calme de menace." Tu n'y parviendrais point… Même « toi », fit-il en accentuant bien sur le dernier mot."
"Rivan…"
La porte claqua, laissant Hisoka seul avec cette horrible sensation… Celle de n'être qu'un jouet… au mains d'un homme aux yeux de mort… Il trembla, encore et encore… Sans s'arrêter, jusqu'à tomber recroquevillé sur le sol…
« Tsuzuki… J'ai tant besoin de toi… Tsuzuki… »
« La chambre de Deborah… »
Rien n'avait changé. Rien à part que le corps, recouvert d'un drap blanc, permettait enfin à l'âme de la jeune femme de se cacher de partir loin de ce monde aux allures cruelles…
Hisoka, tremblant encore de cette impression sourde, entra discrètement. Les rideaux, tirés, assombrissaient la pièce à la senteur tenace de sang… et cette autre odeur… L'empathe en était sûr, il l'avait déjà sentie, il y avait longtemps… Une effluve qui disparaissait presque derrière celle douceâtre du liquide de vie, mais présente telle une marque de rouille.
« Une odeur… qui me rappelle quelque chose… de désagréable… et douloureux… »
Il avait besoin de comprendre. Besoin de savoir. Malgré tout ce qu'il ressentait en ce moment même et qui pesait lourd sur son cœur. Silencieux, songeur, il s'approcha du lit encore teinté de sang, où, dissimulé sous un drap propre, la silhouette du corps de Deborah se dessinait presque élégamment. Hisoka la regarda encore quelques instants, puis cessa soudainement, lorsqu'une lueur dorée attira son attention.
« La pomme d'or… »
Elle avait été posée en évidence sur la commode, protégée par un mouchoir pour éviter que des empreintes ne soient abîmées. Le Shinigami eut un pauvre sourire. Comment un yurei pourrait faire la grossière erreur de laisser les empreintes du corps dont il a pris le contrôle? Tout à fait ridicule…
La couche d'or était très fine, un fin travail qui avait sûrement demandé des jours et des jours d'attention. Une texture apparemment parfaite, sans trace quelconque.
Presque hypnotisé, Hisoka, légèrement, toucha le fruit si tentant…
Chose qu'il allait amèrement regretter…. Aussitôt.
FLASH!
« Ah… Non! »
A cet instant, l'empathe ressentit plus de haine, de colère, et de ressentiment envers le monde qu'il n'en avait jamais éprouvé. Noirceur d'une âme déchiré… tristesse infinie et désespoir insoluble… Tous ces sentiments, dans un flot ininterrompu, le fit basculer dans une semi-inconscience, des piques de douleur profonde et psychique blessant son esprit tourmenté. Paniquant subitement, aveuglé par toutes ces émotions qui le terrifiaient, il tenta d'enlever sa main de la pomme mais son corps, répondant parfaitement à son subconscient, lui interdit de lâcher l'objet où étaient restés prisonniers les résidus de pensées et de sentiments de l'âme errante.
« Je… Non! »
FLASH!
Un ciel… bleu… où tournoyaient des oiseaux aux plumes blanches… Une île où des légendes naissaient pour devenir réalité…
FLASH!
« Tiens, c'est pour toi… Une pomme… pour dévoiler ta beauté… »
Dans un champ… un présent avait été offert… Dans un brouillard opaque et brûlant, Hisoka discerna deux yeux bleus-verts s'écarquillant de surprise, avant d'étinceler de plaisir et de joie. Un sourire, d'un éclat rare, naquit sur des lèvres minces et… dans une fugitive seconde, la bulle de sentiments devint un peu plus douce, presque… confiante…
« Tu es gentil, Pâris… »
« Cette femme… », songea Hisoka, aveuglé de douleur. « Je crois que… »
FLASH!
« J'aimerais tant que tu viennes avec nous, Pâris. On serait toujours ensemble comme ça. On pourrait toujours… »
La phrase, restée en suspens, fit place à une silhouette, dans le flou ambiant. Les poignards d'émotions déferlèrent sur Hisoka, qui, les pupilles dilatées par la douleur, sentit à travers ce chaos de la peur panique, de la terreur brute et compacte. Une silhouette assez grande… qui se fit légèrement plus précise. Deux yeux bruns, empreints de tristesse profonde, glissèrent sur ceux d'Hisoka qui crut un instant que la personne le regardait certainement. Et la voix, pratiquement inaudible, devint plaintive, inquiète.
« Pâris…? »
Un sourire froid et distant… L'ombre se recula… pour être avalée dans les ténèbres… Hisoka, terrifié, tenta de la suivre mais la voix, assourdissante, le bloqua. Horrifiée, paniquée…
« Pâris, où es-tu? Pâris! PÂRIS! »
Un cri long et déchirant…
FLASH!
« Pourquoi tu as fait ça? Hein, dis-le nous! Petit pauvre, tu n'as pas à nous traiter comme ça! »
« Arrêtez… Je… Je n'ai rien fait pour… »
« Tu n'as pas le droit! En aucun cas! »
Les émotions douloureuses et blessantes… se muèrent en une averse froide et continue, murmurant ce souffle épuisé par tant d'efforts… De la pluie… Il y avait plu… Quelque part… Des visages… flous et terrifiants… Du sang… Le noir… Puis le froid que toute personne ressent quand son existence est arrivée à son terme… Les larmes, puis la colère… la haine envers ceux qui l'avaient tué…
« Ils m'ont tué… Non! Je ne veux pas! Pas ça! Je ne voulais pas mourir! Je voulais vivre! Pourquoi m'a-t-on pris la vie! Pourquoi suis-je mort! A cause de ces personnes… Le monde est pourri, ils sont tous pourris! Je ne demandais qu'à vivre avec… Je ne demandais qu'à être aimé, juste pour moi mais… Ils le paieront! La Terre entière le paiera! Même ceux qui m'ont emmené dans cet endroit, où tant de gens souffrent, cloîtrés comme de simples objets! TOUS! JE VOUS TUERAI TOUS! »
FLASH!
« Ah non… Je…Je n'arrive plus à supporter tout ça… », suffoqua Hisoka, tremblant de plus en plus, ses yeux lui brûlant de larmes qui n'étaient pas les siennes. « Toute cette colère… Non… »
Mais l'écho de l'âme était bien plus fort que sa propre volonté…
FLASH!
« Je t'aime, Pâris… Viens avec moi… Viens, on partira et on vivra tous les deux… Juste toi et moi… »
« Salaud de pauvre, tu n'as pas le droit! »
« Pâris… Je t'aime tellement… »
« Si tu nous hais tant, alors tues-nous, si tu en as le courage! »
« Imbéciles d'humains, sales vivants! »
« Pâris… On vivra tous les deux, n'est-ce pas? Promets-moi qu'on sera toujours ensemble… »
« JE VOUS TUERAI TOUS! »
Haine, colère… désespoir… il allait craquer… Il allait craquer… Son cœur, à cet instant, lâcha et se brisa par mille éclats de couleur… Son esprit… sombra dans le noir complet…Mais le seul mot qu'il garda en lui, et que son for intérieur hurla tandis qu'il était déchiré au fond de lui-même…
« TSUZUKIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII! »
La barrière de son pouvoir craqua et, totalement écrasé par ce poids émotionnel trop lourd pour lui, il s'écroula sur le sol, son corps répondant enfin à ses mouvements, inconscient. Ses membres, dans un geste instinctif, s'étaient bloqués contre lui, comme un bouclier.
Un bouclier que seule la personne la plus chère à ses yeux était capable de lui offrir…
Mais seul… il devait se protéger lui-même… avec sa peine… triste à regarder et éprouver…
Le ciel… si bleu… La jeune femme, dans un soupir, s'accouda à la rambarde de la grande terrasse décorant le trentième étage. Le soleil, au loin, dorait ses cheveux et les rendait captivants et envoûtants. Ses yeux couleur lagon avaient la lueur d'une bien profonde amertume.
"Helen…", fit une voix inquiète derrière elle.
Elle eut un pauvre sourire, partagé entre le pleur et la moquerie d'elle-même. Elle leva une main vers le clair horizon, rattrapant au passage un pétale de fleur de cerisier qui s'était comme envolé par la brise. Le bruit lointain des voitures leur parvenait à peine.
"Il faisait aussi beau… quand j'ai rencontré Pâris", dit-elle d'une petite voix.
L'homme aux yeux d'améthystes, sentant que la jeune femme allait dévoiler quelque chose d'important, s'approcha d'elle, tentant d'éprouver les propres sentiments de celle qui ressemblait à l'un des êtres qu'il avait aimés. Les épaules frêles d'Helen eurent un léger frisson qui la parcourut quelques secondes avant qu'elle ne reprenne, sur un ton profond et triste.
"C'était il y a trois ans, maintenant. Mr Hargeisa avait décidé d'obtenir un contrat d'association entre lui et ses associés, dont mon père, et un groupe indépendant grec. Pour passer cet accord, nos pères respectifs nous ont emmenés en Grèce, en attente du contrat. A cause de mes poumons fragiles, mon père avait accepté aussitôt de m'emmener avec lui, pour que je puisse profiter d'un autre air que celui de New York. Aline, Deborah et Jenny, dès que nous sommes arrivés sur la petite île où nous devions rester le temps de l'association, se sont liées pour ainsi aller dans les endroits privés et branchés que les futurs associés de leurs pères leur permettaient d'aller. J'étais donc toute seule, la plupart du temps, car les accompagner ne m'intéressait pas. Je m'ennuyais un peu… jusqu'à ce que je rencontre Pâris…"
Elle s'interrompit un court instant avant de reprendre, sur un ton rêveur et doux.
"C'était un garçon si gentil, si doux… Et en même temps si fort… Il était pourvu d'une force dont il n'usait jamais, tant il n'aimait pas la violence. Ses parents travaillaient comme orfèvre dans un petit village non loin de là où nous étions, et confectionnaient par demandes des touristes des fruits frais, décorés de multiples fragments de pierres précieuses, d'or, d'argent… Pâris lui-même était très doué, malgré son jeune âge. Nous parlions beaucoup, toute la journée, de tout et de rien, de ce qu'on aimait faire… Il était tellement… tellement tendre…"
Elle soupira puis baissa les yeux.
"Je suis tombée amoureuse de lui… dès l'instant où, plusieurs semaines après notre arrivée, il m'a offert une pomme qu'il avait confectionnée lui-même. Toute d'or, absolument magnifique, une vraie merveille… Il avait mis des nuits et nuits à la faire, juste pour moi. J'étais si heureuse… je n'en croyais pas mes yeux… Il m'a fait sa déclaration en me la donnant, et je crois bien que ça a été le plus beau jour de ma vie. Je l'aimais tellement… Il avait beau avoir deux ans de moins que moi, je l'aimais de tout mon cœur. On avait même décidé que l'on partirait ensemble, dès que le contrat et les divers problèmes d'association auraient été réglés. On avait tout prévu, pour que l'on soit ensemble… Mais…"
Un sanglot, soudain, brisa sa voix déjà bien faible.
"Il est mort…", hoqueta-t-elle, ses joues, peu à peu, se mouillant de larmes trop longtemps contenues. "Il est mort… un jour de pluie… Un soir, il a disparu et on ne l'a plus revu… jusqu'à ce qu'on retrouve son corps qui était tombé de la falaise. Tout le monde a pensé que c'était un accident… Tout le monde… Mais pas moi, pas moi! Je suis sûre qu'il a été tué, et bien que je ne sais pas par qui, il va revenir se venger… Pâris… Pâris est… est revenu punir ceux qui l'avaient tué…"
Elle cessa de parler, tant les perles qui coulaient sur son visage, suffoquant, murmurant des dernières paroles inaudibles. Tsuzuki, sentant une ombre planer sur son cœur, la saisit à l'épaule, pour tenter de la réconforter. Ce qu'il ne prévit pas fut que la jeune femme, dans un gémissement, se blottisse dans ses bras pour y pleurer de tout son saoul, tremblant de tristesse et de peur. Tsuzuki, un peu surpris, resserra son étreinte autour des épaules frêles d'Helen qui continuait, à travers un rideau de pleurs, de parler.
"Il me manque tellement… Je crois bien que jamais la douleur qui m'étreint le cœur ne pourra disparaître totalement… Le ciel bleu de notre rencontre, le jour ensoleillé… Tout, tout… Tout me rappelle son visage, son rire, sa force, sa douceur… Et vous, Hayao, qui lui ressemblez…"
"Helen…", souffla Tsuzuki, un peu troublé.
La jeune femme se serra contre lui, humant l'odeur du Shinigami par sa chemise blanche. Elle releva la tête, laissant voir deux yeux bleu-vert brillant de supplication.
"Je sais… Je sais que vous aimez quelqu'un d'autre… Vos yeux, comme ceux de Pâris, ne savent pas cacher vos sentiments. Ca a beau être stupide, je sais, mais je pensais que vous alliez m'aimer moi aussi… S'il vous plaît…"
Elle secoua la tête comme pour chasser des ombres en elle, la dévorant de l'intérieur.
"Ne… partez pas… comme Pâris… Même si vous ne m'aimez pas, si vous deviez partir… Je veux le savoir… et ne pas avoir le cœur encore une fois déchiré si j'apprend une mauvaise nouvelle… Le simple fait d'être près de vous suffit pour que j'aille mieux. Je ne demande rien de plus, rien…"
Tsuzuki, attendri, approfondit l'étreinte, tentant de réchauffer le corps glacé par le vent d'Helen. Comment s'était-il pris d'affection pour cette femme, au bout d'un jour seulement? Elle avait l'air si fragile, si tendre… Une petite statue de verre qu'un mouvement trop brusque pouvait briser. Elle ne demandait qu'à être protégée de ses cauchemars et connaître un peu de bonheur. Il lui suffisait seulement de trouver une personne pour être à ses côtés. Comme pour contredire ses pensées, Helen posa sa tête contre le torse du Shinigami, se laissant doucement bercer.
"Je crois… que je ne tomberai plus jamais amoureuse…", chuchota-t-elle, les larmes commençant à sécher sur ses joues pâles, y laissant des sillons discrets. "Peut-être que j'ai cherché à aimer de nouveau en étant près de vous mais… c'est peine perdue. Non, je n'aime que Pâris… Rien que lui…"
"Vous le pensez vraiment?"
"Oui. Même si je dois souffrir pendant toute ma vie a cause de cela, je continuerais à l'aimer."
Tsuzuki fronça légèrement les sourcils.
« Même si c'est un meurtrier, aux mains pleines de sang? », songea-t-il, cinglant malgré lui.
"Pâris… Quel était son nom complet?"
"Pâris Cristinos…", répondit Helen d'une voix fatiguée.
Tsuzuki fit un petit mouvement de la tête avant de s'écarter légèrement de la jeune femme qui se remit à trembler de froid. Vu ses yeux brillants et sa pâleur, elle devait être tombée malade.
"Allez vous reposer, Helen, vous en avez besoin", dit-il sur un ton qui se voulait ferme et tendre à la fois.
"Bien, je vais aller me coucher…"
Elle s'apprêta à partir mais, comme si elle venait de changer d'avis, elle se retourna et, sur la pointe des pieds, effleura le visage de Tsuzuki d'un chaste baiser. Ni sur les lèvres, si sur la joue, juste entre les deux. Caresse fugitive et douce, exhalant le parfum délicat d'une fleur de cerisier. Troublé au plus haut point, le Shinigami se surprit à rougir lorsque Helen se recula de lui, un léger sourire se dessinant sur les lèvres. Elle avait comme une étincelle ravivée dans les yeux, mélange de joie, de taquinerie et d'un soupçon de tendresse.
"Mais… Pourquoi vous…?" Bégaya Tsuzuki, très gêné. "Je… Vous…"
"Juste ma manière de vous remercier… de m'avoir écouté… C'est tout…", répondit-elle, amusée.
Et sur ces mots, elle se détourna de lui avant de repartir d'un pas léger, laissant Tsuzuki passer un doigt rêveur sur sa joue. Son cœur, assombri par sa dispute avec Hisoka, venait d'être légèrement éclaircie, tout cela par le simple sourire d'une femme et d'une chaleur bien plus profonde qu'elle ne paraissait. Se sentant un peu plus enjoué qu'au matin, il se tourna vers le ciel bleu, un petit sourire au coin des lèvres.
En espérant que ce baiser lui porterait chance…
"Eh et bien… Qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire, moi? Euh ben, je m'excuse, Hisoka, mais c'était pas ma faute, pardon et puis… Rah, mais j'y arrive pas! "
Tsuzuki, pestant contre lui-même, accéléra le pas dans le couloir, cherchant les mots qu'il faudrait pour s'expliquer avec l'objet de sa recherche. Un vrai calvaire, sachant que non seulement son petit ami et partenaire était plus borné que n'importe quel partenaire qu'il avait eu depuis le début de son travail en tant que Shinigami, et qu'en plus lui n'était pas vraiment quelqu'un qui savait trouver les propos justes et corrects pour détendre une atmosphère ou faire comprendre une situation corsée.
« Bon… puisque môssieur ne veut pas commencer, je ne vois que moi pour… »
Il interrompit brutalement le fil de ses pensées, son regard porté sur un endroit précis de l'étage. Une porte était ouverte. Et pas n'importe laquelle. Surpris et à la fois angoissé, Tsuzuki s'avança le plus silencieusement possible. Une impression bizarre, mêlée à de la peur se troublaient en lui comme de l'encre dans de l'eau. L'odeur de sang, aussitôt, lui vint au nez et il faillit s'étouffer.
« Pourquoi la chambre de Deborah est-elle ouverte? »
La chambre, plongée dans la pénombre, n'offrait pas un grand champ de vision. Écœuré par la senteur qui émanait des tissus, et du corps lui-même, il tâtonna contre le mur et actionna ainsi l'interrupteur. Les ténèbres de la pièce furent dissipées d'un coup, l'aveuglant quelque peu. Sitôt les petites taches colorées devant les yeux ayant disparu, il regarda davantage et avec plus d'attention la chambre apparemment déserte.
Et ce qu'il vit cependant lui coupa le souffle.
"Oh non… Hisoka!"
C'était bien lui,. Il n'y avait pas de doute. Recroquevillé sur le sol, ses paupières closes cachés par une mèche châtain lui tombant sur le visage, il semblait inconscient. La peur le prenant au cœur, Tsuzuki courut jusqu'au corps de l'adolescent qui, pâle comme la Mort, demeurait sourd à ses appels.
"Hisoka! Hisoka, réveille-toi!"
La peur se mua en panique, puis en terreur implacable. La respiration saccadée, Tsuzuki essaya de se calmer avant de voir avec approfondissement ce qui avait causé cet évanouissement.
« Allez, reprends-toi Asato », se dit-il avant de prendre délicatement son partenaire dans ses bras, ce dernier, léger et docile comme une poupée de chiffon. « Du calme… »
Son regard se posa, quelques secondes, sur un objet doré sur le sol.
"La pomme d'or…", souffla-t-il. "Mais…"
Il lança un coup d'œil au corps sans vie contre lui et, la peur reprit le dessus comme une vague indomptable.
Sans perdre une seconde, il alla dans leur propre chambre, et, la porte fermée, s'empressa de mettre Hisoka sous les draps frais du lit. L'empathe ne bougeant toujours pas, Tsuzuki s'assit à ces côtés, ne le quittant pas des yeux un seul instant. L'adolescent semblait si pâle… si faible… Le cœur gros et sa bonne humeur envolée, le Shinigami aux yeux d'améthystes passa une main tendre sur le visage de celui qu'il aimait, rejetant délicatement les mèches éparses qui tombaient devant ses yeux clos.
Pas besoin d'être le plus grand Shinigami de tout Meifu pour comprendre qu'Hisoka avait utilisé son empathie, volontairement ou non et que tous les sentiments qu'il avait emmagasinés en lui avaient brisé sa résistance psychique et physique. Sentant un frisson glacial lui parcourir l'échine, Tsuzuki se frictionna la peau des bras de ses mains. Il avait eu si peur en voyant Hisoka inconscient. Pourquoi… Pourquoi fallait-il que cela reprenne, comme à Kagoshima? Il était terrorisé par l'idée que son ange en vienne à retomber dans les souvenirs artificiels qu'il avait créés à son insu, pendant des années et des années de sombre existence.
Il frissonna encore et, mû par il ne savait quel autre sentiment, il s'assit mieux sur le lit, et, sans dire mot, laissa sa main sur celle d'Hisoka, sagement posée sur le drap, pour la serrer tendrement. En temps normal, Hisoka aurait répondu à cette courte étreinte, avant de l'embrasser doucement, et l'encourager à approfondir ses baisers et ses caresses, un mince et délicieux sourire sur les lèvres.
Malheureusement… ils n'étaient pas en temps normal…
Un ciel bleu… Quelle idiotie! Quelle sale sainte-nitouche cette Helen! Il ne pouvait pas la supporter! Elle, l'aimer? Et puis quoi encore? Il n'aimait personne et personne ne pouvait l'aimer. Le monde entier, tout aussi pourri qu'il l'était, n'avait pas à éprouver un sentiment tendre à son égard. Après ce qu'il avait fait à ces deux diablesses, il ne s'attendait pas à être couvert de fleurs et remercier. Bien qu'il le devrait, car sa cause était juste. Les humains, même s'ils étaient morts, avaient le droit de faire justice à leur manière. Peu importait exactement si l'entourage trouvait cela mal ou bien. Il n'avait pas d'entourage.
Il n'avait que des victimes.
Amusé, il s'adossa au mur, écoutant la respiration difficile de la jeune femme qui, haletante, le visage couvert de sueurs froides, tentait de reprendre son clame et son souffle. Une petite crise d'angoisse, mêlée à de la fatigue… et de la peur… C'était tellement divertissant…
Il regarda un point fixe devant lui, et dans le silence,dit d'une faible voix.
"Toi aussi, ma belle… Toi aussi, tu y passeras… Comme cette petite démone blonde… Celle-là a peur, très peur… Les gens qui ont peur de moi… sont ceux que je tue en premier…"
Anthony, calme, songeur, fixa l'horizon qui dévoilait un astre déclinant, coloré de mille couleurs. Une journée accablante venait de prendre fin, petit à petit, se laissait mourir pour faire place à un autre ciel. L'homme alluma une nouvelle cigarette et, dans la fumée grise, se refléta dans ses prunelles claires l'éclat d'un trouble infini.
"Le ciel… ne peut pas toujours être bleu, ma belle Helen…"
Il aspira une bouffée qu'il recracha après quelques instants. Impassible depuis plusieurs heures, il s'autorisa un faible sourire, cette espèce d'esquisse que s'autorisent ceux qui ont déjà vu germer le mal.
"Le ciel ne peut pas toujours bleu… et les dieux ne peuvent pas être toujours cléments… envers ceux qui ont déformé une existence paisible…"
A suivre…
