Chapitre 2

Le Royaume des Morts

Il était un petit nuage. Autour de lui, il y avait plein d'autres petits nuages, qui discutaient de choses totalement stupides. En fait, ils se racontaient la façon dont ils étaient morts.

Il en entendait un expliquer qu'il était tombé d'une échelle alors qu'il repeignait les volets de sa nouvelle maison, qu'il n'avait même pas commencer à payer. Il était endetté pour au moins vingt ans. Stupide. Il était mort, comment pouvait-il se préoccuper de ses dettes? Il ne les rembourserait jamais, de toute façon.

Un autre se lamentait : il venait de rencontrer la fille de ses rêves, ils avaient passé la soirée au restaurant. Pour elle, il avait dépensé tout l'argent qu'il avait - même un peu plus. En sortant du restaurant, il avait été renversé par une voiture. Une mort idiote.

Un troisième se demandait qui allait bien pouvoir nourrir ses 26 chiens et ses 32 chats, maintenant. Sûrement une vieille mémère solitaire qui pensait que les animaux valaient mieux que les Humains. Peut-être n'avait-elle pas tout à fait tord.

Encore un qui se plaignait d'être mort avant même d'avoir pu consommer avec sa nouvelle petite amie. Une superbe blonde, avec de grands yeux noisettes, dans lesquels il s'était perdu dès qu'il les avait aperçus... à peine quelques heures plutôt. Mais tout bien considéré, celle avec qui il était sorti la veille avait des formes bien plus charmantes. Celle de l'avant-veille était plutôt moche - enfin, pour un mannequin, ce n'était pas un canon - mais elle avait de l'esprit, ça l'avait changé...

Végéta avait l'impression que toutes les conversations se ressemblaient : des imbéciles qui tombaient d'une échelle, des obsédés qui auraient voulu mourir une heure ou deux plus tard, et des fous qui regrettaient leur argent. Des gens méprisables. Est-ce que ceux qui avaient ne serait-ce qu'un peu d'intelligence allaient ailleurs après leur mort? Mais dans ce cas, que faisait-il ici, lui? Il était plus probable que les gens intéressants restaient simplement silencieux.

« Et toi, tu es mort comment? »

Un petit nuage venait d'interrompre ses pensées. Il aurait voulu le désintégrer sur place, mais ne savait pas comment faire, sous cette forme de nuage. C'était frustrant. Est-ce qu'il ne pourrait plus jamais utiliser ses pouvoirs, ni la force qu'il avait acquérie avec tant de souffrance durant sa vie? C'était sans doute ça, l'enfer : regretter éternellement ce qu'il avait pu faire auparavant. Il ne pouvait même pas croiser les bras en signe d'irritation, ni regarder l'autre d'un de ses regards les plus méprisants. Vraiment frustrant.

« Tout le monde en file indienne, et je ne veux voir qu'une seule tête ! » Qu'est-ce que c'était encore que ça? « Eh, vous, là-bas, je vous ai vu ! J'ai dit qu'on ne doublait pas, pour la peine, vous aller retourner en bout de file ! » Un diable bleu avec une corne et un mégaphone qui essayait de faire la loi sur le chemin sur lequel étaient engagés tous les petits nuages. Et que faisaient-ils sur ce chemin, d'ailleurs? Au loin, il distinguait une maison qui avait pour enseigne "Bienvenue". Bienvenue? Où ça? Enfin, il verrait bien, il se dirigeait dans cette direction, suivant le flot de nuages. Mais il n'était pas si pressé, après tout. Savoir ce qu'il y avait dans cette maison pouvait bien attendre, il avait l'éternité devant lui pour l'apprendre. Mais il avait toujours entendu Freezer dire que les Saïyens étaient surtout doués pour mettre de l'agitation partout où ils allaient, et pour s'attirer des ennuis. Il avait bien l'intention de se montrer à la hauteur de sa réputation : l'endroit était mortellement ennuyeux.

Plus pour longtemps.

Il avait commencé par se rapprocher du nuage devant lui, puis l'avait poussé sur le côté. Il avait alors pu constater avec soulagement que sa force ne l'avait pas quitté : l'autre avait volé à plusieurs dizaines de mètres, alors qu'il ne l'avait qu'à peine effleuré. La réaction du diablotin bleu ne s'était pas fait attendre : le pauvre nuage dut repartir au bout de la file, malgré ses protestations d'innocence. Bien. Pour un premier essai, le résultat était plutôt satisfaisant. Il en éjecta encore deux ou trois, puis se calma pour réfléchir à ce qu'il pourrait bien faire d'autre : balayer ces minus était amusant, mais pas vraiment intéressant. Il lui fallait trouver mieux.

Il s'éjecta lui-même de la file, accusant son voisin de l'avoir poussé. Le voisin fut renvoyé à la queue. Amusant. Ces petits diablotins étaient plutôt crédules. Il pourrait sans doute bien s'amuser à leurs dépends.

Il entendit des rires derrière lui. Quelqu'un avait remarqué son manège, et s'en amusait follement. D'accord. Celui-là serait le prochain sur sa liste : il n'avait rien contre les spectateurs, mais ils pouvaient le faire repérer, ce qui ne faisait pas partie des "règles du jeu". Les prochains apprendraient à rire en silence. Il remarqua alors qu'il était capable de voler. En fait, sous cette apparence de nuage, il n'était même capable que de ça, et c'est parce que c'était si naturel qu'il ne s'en rendait compte que maintenant. Mais s'il était capable de voler, il devait être capable de concentrer son énergie pour envoyer ses attaques préférées. Il suffisait d'essayer, et il savait déjà qui serait sa cible.

Il se concentra un moment. L'énergie affluait, comme il le souhaitait. Ce n'était pas plus difficile qu'avant, en fait c'était exactement comme lorsqu'il avait un corps. Il aurait dû essayer plus tôt, contre le petit impertinent qui avait osé lui demander comment il était mort. Le prochain jeu serait de retrouver celui-là. Mais pour l'instant, il avait rassemblé assez d'énergie pour désintégrer son spectateur. Il lança son attaque. Raté. Il avait désintégré le nuage d'à côté. Normal, après tout, sous cette nouvelle forme de nuage, il lui fallait réapprendre à contrôler la trajectoire de ses attaques. Deuxième essai. L'autre ne riait plus. Il avait compris ce qui l'attendait et essayait de fuir. Il allait attirer l'attention des diables bleus. Peu importe, il n'irait pas plus loin. Et voilà, désintégré. Que devenait les morts lorsqu'ils mourraient? Question intéressante, mais il n'avait pas le temps de chercher une réponse : cette fois, il avait été remarqué par les gardes. Et ils ne croiraient pas que c'était son voisin qui avait fait le coup. Pas grave, il allait faire de la bouillie de diable bleu. Il y en avait trois. Et maintenant, il n'y en avait plus. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour maîtriser sa forme nuageuse. Les trois diables avaient explosé dans un bruit sourd, il y avait des morceaux de chair partout. Parmi les nuages, c'était la panique. Parfait. Personne ne pourrait dire que c'était lui qui avait fait ça. Il profita de la panique pour perdre quelques places dans la queue : cet endroit était trop amusant pour qu'il le quitte si tôt.

D'autres diables arrivaient. Ils étaient plus grands et plus forts que les précédents, eux au moins ne ressemblaient pas à des bureaucrates. Il y en avait des bleus et des rouges, avec des T-shirts "Enfer". Parfait, on allait pouvoir jouer à quelque chose de nouveau, l'équipe des bleus contre les rouges. Mais il devait d'abord retrouvé le nuage qui lui avait adressé la parole plus tôt : il ferait un ballon parfait.

Il voletait parmi les nuages. Dans la panique, personne ne faisait attention à lui. Retrouver un nuage qu'il avait à peine aperçu parmi tous les autres qui lui ressemblaient tellement ne serait pas facile. Sans importance. Il y arrivait. Il avait toujours réussi tout ce qu'il avait entrepris - enfin, sauf battre Carot et Freezer. Cette pensée le mis en colère. Il lui fallait retrouver rapidement l'autre nuage, histoire de se passer les nerfs dessus.

Justement, il venait d'atteindre une zone moins agitée, où les nuages discutaient de tout et de rien. Certains arrivaient même à parler du temps qu'il faisait, se demandant d'où venaient les éclairs qu'ils avaient vus quelques minutes plus tôt, alors qu'ils n'avaient pas entendu le tonnerre et qu'il faisait un magnifique soleil. Les idiots. Mais il avait reconnu la voix de celui qui avait fait une remarque si stupide : c'était "son" nuage. Parfait. Il allait pouvoir répondre à ses questions...

Il s'approcha du groupe.

« Vous avez vu ces éclairs? Et ces diables? Est-ce que quelqu'un sait comment ils ont fait pour exploser comme ça? En tout cas, c'est dégoûtant, j'ai bien failli me faire toucher par un des morceaux... » Il était vraiment stupide, ce nuage. Ça allait lui être fatal.

« Bof, peu importe. Qu'est-ce que ça peut bien nous faire, hein? De toutes façons, on est mort, alors moi, je m'inquièterais plutôt de ce qui va nous arriver... » Celui-là avait déjà un sens des priorités un peu plus développé. Et il lui avait évité de poser lui-même la question.

« Chez moi, on dit que chaque personne a son propre monde après la mort, donc tout cela n'est qu'un rêve que je fais, vous, vous n'êtes par réels, c'est moi qui contrôle tout. » Ce nuage là pourrait peut-être aussi participer au prochain jeu. Deux ballons, ça rendrait sans doutes les choses intéressantes. Il fallait vraiment être stupide pour dire ce genre de choses.

« Que tu es bête » Décidément, ce nuage plaisait à Végéta. Il faudrait qu'ils fassent connaissance, plus tard. Après le jeu. « Moi je peux t'affirmer que je suis parfaitement réel ! C'est peut-être toi qui es dans mon rêve, et tu essaies de me tromper ! » Finalement non, ils ne feraient pas connaissance.

« Chez moi, on dit qu'il n'y a rien après la mort, je suis bien content de me retrouver ici, ça aurait été triste si ça avait vraiment été la fin, vous ne trouvez pas? »

« Chez moi, on dit que les gentils vont au Paradis, où ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent : boire, manger, dormir, aller dans des parcs d'attractions... »

« Mais à quoi tu reconnais un gentil, hein? » Excellente question.

« Bah, je ne sais pas, moi. Ce sont sûrement des gens qui ont fait des choses exceptionnelles dans leur vie, qui ont sauvé d'autres personnes, des trucs comme ça. Et puis il y a aussi les méchants, ceux qui font le contraire quoi : ceux qui ont tué, violé, volé... Eux, ils vont en Enfer, et ils souffrent pour l'éternité. » Ah. D'après cette définition, il irait en enfer. Pourquoi pas, il avait souffert toute sa vie, continuer pour l'éternité ne le dérangeait pas plus que ça. Il y avait certainement des choses intéressantes à faire en Enfer, des gardes à ridiculiser...

« Mais tu ne peux pas faire rentrer tout le monde dans cette catégorie ! Moi, je n'ai tué personne, je n'ai sauvé personne non plus ! Alors je vais où? »

« Les gens comme toi, qui n'entrent dans aucune de ces catégories, ils sont réincarnés, ce qui leur permet de rentrer dans une des deux catégories à leur prochaine mort, ou de se réincarner encore, etc... » Cette théorie était intéressante, elle avait l'avantage de satisfaire toutes les personnes présentes. Sauf Végéta. Ce découpage du bien et du mal ne lui convenait pas. C'était trop simpliste. Et ça ne correspondait pas à tout ce qu'il avait pu apprendre durant sa vie. Si le passé des gens n'était pas pris en compte, il était injuste de condamner quelqu'un éternellement. Que ce soit au Paradis ou à l'Enfer - le Paradis ne lui semblant pas forcément le meilleur choix. Et personne ne tenait compte des notions de bravoure et d'honneur. Ni du rang social. Lui, un Prince de sang, allait-il être envoyé au même endroit que des misérables roturiers? Il ne le supporterait pas. Il en avait côtoyé suffisamment comme ça, dans l'armée de Freezer. Mais pour l'instant, ça ne l'intéressait pas vraiment de savoir. De plus, il ne pourrait rien y faire. Mieux valait se concentrer sur la tâche qu'il s'était fixée : le jeu. Et il allait devoir se mêler à la discussion pour faire avancer ces crétins dans le sens qui l'arrangeait.

« Pourquoi ne pas demander aux diables, là-bas? » suggéra-t-il.

« Bonne idée ! Allons-y ! » Evidemment que c'était une bonne idée. Il n'avait pas besoin qu'on le lui dise. Ces gens étaient vraiment stupides. Enfin... Ils étaient arrivés au niveau des diables rouges et bleus, et la discussion s'engageait à nouveau. C'était fou le temps que tous ces nuages pouvaient perdre à parler. Mais bon. Ce n'était pas son problème, il avait d'autres choses à faire. Il fallait encore qu'il trouve un moyen de convaincre les "joueurs" de s'en prendre à ses "ballons". Ça ne devait pas être bien difficile.

Les explications des diables duraient depuis quelques minutes quand il se décida à intervenir. Finalement, la définition de la mort par le "nuage savant" semblait être la bonne. Très bien. Il irait donc en Enfer. Mais pas tout de suite.

« Mais pourriez-vous nous expliquer ce qui c'est passé tout à l'heure? Qu'est-il arrivé à vos collègues? Et ces éclairs, d'où venaient-ils? » Parfait. Le ballon numéro un se mettait en difficulté tout seul. Il n'avait qu'à observer ce qui se passait. La chance qui l'avait abandonné sur Namek semblait revenir, c'était encore plus drôle comme ça.

« Ah, ça, c'est un petit malin qui c'est amusé avec des décharges de ki. Il a tué deux nuages et trois gardiens, si on l'attrape, il va passer un sale quart d'heure, vous pouvez me croire. »

« On peut mourir quand on est déjà mort?? »

« Bien sûr ! Et ce n'est pas amusant du tout : ceux qui meurent deux fois ne vont ni au Paradis ni en Enfer, ils vont dans une autre dimension, où ils errent indéfiniment, sans espoir de retour. Je n'aimerais pas y aller, il n'y a rien là-bas, il paraît que c'est encore pire que l'Enfer. » C'était intéressant. Lorsque Freezer mourrait, il irait en Enfer, lui aussi. Il faudrait qu'il réfléchisse à un plan pour le tuer à ce moment là, pour l'envoyer dans cette autre dimension. Mais il lui faudrait être prudent, il ne pourrait pas se permettre de perdre encore. En tout cas, ça l'occuperait un moment.

« J'ai vu tout ce qui c'est passé » murmura-t-il à son voisin, "ballon numéro deux". « C'est lui qui a fait ça ! (il désignait "ballon numéro un"). Il faut le dire aux diables, qu'ils l'emmènent loin d'ici avant qu'il ne nous fasse subir le même sort ! »

La peur faisait très bien son effet. Ce misérable "ballon numéro deux" avait dénoncé "ballon numéro un" aux diables, et celui-ci se défendait comme il pouvait, accusant l'autre de calomnie, suggérant qu'il pouvait même être lui-même l'auteur de ces meurtres. C'était la raison pour laquelle Végéta avait dénoncé le "coupable" par un intermédiaire. Tout se passa comme il l'avait souhaité : les diables se divisèrent en deux camps, par couleur (leur couleur devait aller avec leur caractère, ou bien définir leurs affinités, en tout cas, c'était amusant de les voir former d'eux-mêmes l'équipe des rouges et l'équipe des bleus), les rouges défendant "ballon numéro un" et les bleus "ballon numéro deux". Ils commencèrent à se taper dessus. Distrayant.

La dispute commençait à se propager. Tout le monde voulait savoir ce qui se passait, et dès qu'ils savaient, tous prenaient position. La situation dégénéra vite en une véritable bataille rangée. Vraiment amusant. Il avait bien fait de mourir. Ces pitoyables créatures étaient si faciles à manipuler, et les observer se battre étaient tellement... comique.

Tous les nuages faisant précédemment la queue étaient maintenant engagés dans cette guerre, qui aurait pu durer encore longtemps, lorsqu'une sorte de géant rouge, barbu, avec des cornes sortant de part et d'autre de son chapeau, arriva de la maison au bout du chemin. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour atteindre les lieux du pugilat. Il se mit à crier, et la bagarre pris instantanément fin. Il fallait avouer qu'il était plutôt impressionnant, et sa voix portait loin. Les diables - bleus et rouges - semblaient soudainement lamentables, comme des enfants pris en faute.

« Que se passe-t-il ici? » demanda le géant rouge. Un petit diable - enfin, pas si petit que ça, mais comparé à l'autre, il semblait minuscule - s'avança et osa répondre, d'une toute petite voix :

« Eh bien... Comment dire... hum... » Il n'avait pas encore commencé ses explications qu'il s'embrouillait déjà. Végéta devait se retenir pour ne pas éclater de rire à la vue de ce misérable incapable de s'expliquer devant son supérieur. « Quelqu'un a tué deux morts qui auraient dû être réincarnés et trois de nos collègues. C'est lui qui est à l'origine de toute cette pagaille. Nous essayions de déterminer de qui il s'agissait... »

« Trouvez-moi le responsable im-mé-dia-te-ment !! »

« Oui, Roi Enma ! » Oh? Ce géant au mauvais caractère était quelqu'un d'important... Mais il n'allait pas se dénoncer lui-même, il serait plus divertissant de les laisser mariner un moment. Déjà les disputes recommençaient. Chacun accusait son voisin. Il contempla plusieurs minutes le désordre qu'il avait créé, satisfait. Freezer avait eu raison de dire que Saïyens étaient doués pour ce genre de choses.

« C'est moi qui les ai tués. C'est aussi moi qui ai fait sortir quelques personnes de la queue juste avant. Et c'est encore moi qui ai désigné des boucs émissaires ensuite. C'était assez amusant. » Il était plutôt fier de son effet : à son annonce, toutes les voix s'étaient tues, tout le mode s'était figé. Vraiment hilarant, mais il était temps d'arrêter : la facilité avec laquelle il pouvait manipuler tous ces idiots devenait lassante. Et puis Freezer pouvait mourir à tout moment, il lui fallait penser à un moyen de le battre.

***

Le premier à réagir avait été le Roi Enma. Il lui avait ordonné de le suivre jusqu'à cette fameuse maison, au bout du chemin. Végéta avait envie de savoir ce qu'il y avait vraiment là-bas, donc il avait obéi sans protester. A présent, les choses sérieuses commençaient. Le Roi Enma n'avait pas eu besoin de poser de questions pour savoir à qui il avait à faire. Il n'avait pas été particulièrement surpris par le fait que ce Saïyen ait causé une telle pagaille. Ni par le fait qu'il vienne de mourir : il semblait que les derniers Saïyens n'aient cessé de mourir, depuis quelques mois. Il commença à lister toutes les "mauvaises actions" dont Végéta s'était rendu coupable. En fait, il n'y avait pas grand chose à dire : il avait simplement tué ou fait tué 12 564 245 892 personnes de son vivant, plus cinq depuis qu'il était mort. Cela méritait évidemment l'Enfer.

Végéta était d'accord pour aller en Enfer - c'était le moyen le plus sûr pour retrouver Freezer, et pour se faire des alliés puissants qui lui permettraient de se débarrasser définitivement de son ennemi. Il était d'accord pour y aller, mais pas pour s'y laisser mener sans protester.

« Et pourquoi devrais-je aller en Enfer? » Le Roi Enma semblait stupéfait par la question. Ce qui était le but recherché.

« Parce que c'est là que vont les gens comme toi ! Ceux qui ont commis tant d'atrocités qu'ils ne les comptent même plus ! Et tu n'en as même pas honte, tu devrais pourtant ! » Il criait. Il était hors de lui, personne ne lui avait jamais posé une question comme ça. D'habitude, les damnés le suppliaient de leur laissé une seconde chance, ou tentaient de s'enfuir. Les plus fiers (comme les Saïyens "normaux", si un tel qualificatif pouvait s'appliquer à eux) se contentaient de lui jeter un regard plein de mépris, puis se dirigeaient avec désinvolture vers l'endroit qu'on leur indiquait, feignant d'avoir eux-même pris cette décision. Mais celui-là discutait la sentence divine. Et le pire était que certains de ses arguments n'étaient pas démunis de pertinence.

« ...ce que j'ai fait est la façon normale de vivre pour un Saïyen. Je n'ai certainement pas à en avoir honte ! Cela dit, je comprends votre point de vue : il faut bien sûr protéger la vie et nul n'a le droit de l'ôter à autrui, mais, dites-moi comment étais-je censé le savoir? Qui me l'aurait appris? » Il ne pensait pas un mot de ce qu'il disait, mais la tête du Dieu valait bien un tel discours. Il en rajouta une couche. « En tant que juge du Royaume des Morts, ne croyez-vous pas que VOUS devriez vous assurer que vos victimes étaient bien au courant de leurs devoirs? »

A ces mots, Enma Daioh explosa. Il n'était pas responsable de la folie des habitants de l'univers inférieur, encore moins de fous comme les Saïyens, qui s'étaient débarrassés du Dieu de leur planète des générations plus tôt. La polémique aurait pu durée longtemps - Végéta était près à rétorquer qu'il n'était pas responsable de la folie de ses ancêtres, il était même près à se prétendre navré de ce qui était arrivé, histoire de voir la tête que ferait le Dieu - mais un diable les interrompit, rappelant au grand Roi Enma qu'une foule assez conséquente attendait encore d'être jugée...

Après une dernière provocation (« Peut-être tout le système devrait-il être repensé »), Végéta accepta de se laisser conduire en Enfer. Une vague appréhension le saisi : il ne savait pas grand chose de l'Autre Monde, il ne connaissait aucune des légendes Saïyennes à ce sujet, mais il en avait souvent entendu d'autres, et aucune ne suggérait qu'il s'agirait d'un lieu plaisant. Mais ça ne pouvait pas être pire que certains endroits qu'il avait connus - et dont il préférait ne pas se souvenir.

***

Il avait eu raison de penser que l'Enfer ne lui plairait pas. Il n'y avait rien. Juste de la roche nue, à perte de vue. Et des petits nuages, qui erraient, à la recherche de n'importe quoi pour tromper leur ennui. Aller, au travail. Il n'avait pas que ça à faire que de regarder passer les nuages, il fallait en trouver des puissants et s'en faire des amis. Il se concentra - la technique des Terriens pour sentir les puissances était vraiment très pratique - et trouva ce qu'il lui fallait : pas très loin de l'endroit où il se trouvait, il y avait une puissance environ trois fois supérieure à celle de Freezer. Il se dirigea vers elle.

Et aperçu un spectacle qui lui déplut instantanément : deux nuages étaient en train de papoter, et aussitôt, des diables format déménageurs s'approchèrent pour les séparer. Les comploteurs n'étaient pas appréciés, il aurait dû s'en douter. Ça allait lui compliquer la tâche. Tant pis, tant mieux même : les choses seraient plus intéressantes. S'il avait encore eu son corps, il aurait souri, de ce sourire cruel que les gens détestaient tant quand il leur était adressé.

Il avait presque atteint son futur allié. Mieux valait ne pas l'approcher pour l'instant, il ne voulait pas se faire repérer par les gardiens de l'Enfer, pas tout de suite. Il lui fallait d'abord un plan pour parler avec l'autre sans que personne ne s'en aperçoive. Peut-être pourrait-il essayer la télépathie? Ils ne l'utilisaient pas souvent, mais les Saïyens étaient capables de transmettre leurs pensées - quand ils le voulaient vraiment. Mais est-ce que ça marcherait, ici? Et sous cette forme nuageuse? Ne plus avoir de corps était vraiment un problème, il ne cessait de s'en rendre compte. Mais tout ce qu'il avait essayé jusque là avait marché, il n'y avait pas de raison que la télépathie ne fonctionne pas. Surtout que cette technique ne mettait en jeu que l'esprit. Ça devait marcher, il n'avait qu'à essayer.

** M'entends-tu? **

Pas de réponse, mais l'autre bougeait. Il semblait chercher quelque chose. Il devait avoir entendu.

** Ne me cherche pas, idiot, je te parle par télépathie. **

« Idiot ?! »

Cette fois, aucun doute : il avait entendu. Peut-être devait-il peser un peu plus ses mots s'il voulait s'en faire un allié?

** Du calme. Ecoute-moi. Est-ce que faire exploser un nuage te plairait? Un très vilain nuage? ** Il n'avait pas l'air intelligent, un langage infantile conviendrait parfaitement. Du moins, il fallait l'espérer.

« Faire exploser un nuage? C'est interdit ! »

Allons bon. Il était tomber sur le seul nuage de l'Enfer qui respectait les lois. A se demander ce qu'il faisait ici. ** Tu ne vas tout de même pas me dire que ça t'embête de faire quelque chose d'interdit? **

« C'est que si on fait quelque chose d'interdit, les gardiens viennent, ils frappent, et ensuite on est enfermé dans des cages pendant des jours et des jours. »

** Pendant des jours et des jours? ** Il devait faire attention à ne pas laisser exploser sa colère, autrement il pourrait bien faire peur à l'autre. Incroyable. Il aurait pourtant cru qu'il n'y avait que des durs, en Enfer. ** Mais dis-moi, que représentent quelques jours face à l'éternité ?! Et avec ta puissance, n'es-tu pas capable de résister aux gardiens? **

Pas de réponse.

** Tu sais, ce serait amusant. ** L'autre sembla réagir au mot "amusant". C'était peut-être un enfant? En tout cas, il réagissait comme tel. Peu importe, il fallait le convaincre - vite. ** Si tu as peur, je te promets que je dirais aux gardiens que c'était mon idée. **

« Vrai? »

Non, bien sûr que non, crétin ! ** Evidemment, pourquoi te mentirais-je? Alors, tu marches? **

« Qu'est-ce que je dois faire? »

Formidable. Il marchait. Ça n'avait pas vraiment été dur, mais Végéta n'avait pas l'habitude de parlementer. Il préférait foncer dans le tas, et tout détruire.

** Tu vas aller près du poste-frontière, et tu compteras les nuages qui passent. ** Ça ne servirait à rien, mais ça le tiendrait occupé le temps que Freezer meure. Ce qui pourrait bien prendre du temps, finalement : rien ne prouvait que Carot serait à la hauteur ! ** Quand je te le dirais, tu feras exploser le nuage que je te désignerais. ** Il aurait aimé tuer Freezer lui-même, mais jouir du spectacle serait suffisant.

« D'accord ! » Oui, ce devait vraiment être un enfant. Il n'y avait que les enfants pour changer d'avis si subitement. Enfin, l'essentiel était qu'il soit finalement d'accord.

***

Ils étaient devant le poste-frontière depuis... Combien de temps? Probablement pas longtemps, mais cela voulait-il encore dire quelque chose dans cet endroit éternel? Végéta aussi s'était mis à compter les nuages qui passaient. Il n'y avait rien d'autre à faire. Il en avait compté 2015. A un rythme d'environ un nuage par seconde, cela faisait donc une demi-heure qu'il comptait. Il commençait à en avoir assez. Et à se demander si Freezer mourrait un jour. Après tout, le combat contre Carot devait être commencé depuis au moins une heure, maintenant, peut-être même deux. Etait-il possible que Freezer ait gagné?

Il allait renoncer et s'en aller, quitte à revenir plus tard, quand le paysage autour de lui se modifia.

***

Le Roi Enma était soulagé. Ce maudit Saïyen avait fichu une pagaille monstre. Et en plus, il avait osé insinué que lui, lui, le gardien du poste-frontière, ne faisait pas son travail correctement. Mais maintenant, il était reparti dans l'univers inférieur. Bon débarras. Enma lui souhaita de vivre TRES vieux.


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