Chapitre 3:
Quand il reprit connaissance il n'était plus dans la tranchée… Il était dans un lit propre qui sentait bon la lessive. Il avait été lavé, soigné, rasé et il était maintenant nu dans des draps confortables. Il se redressa péniblement, courbaturé, et regarda autour de lui.
Ses vêtements étaient pliés sur une chaise, il y avait une petite commode près de son lit et il avait l'air d'être dans un petit bâtiment servant d'hôpital. Il se sentait à peu près bien maintenant qu'il était propre mais il était toujours nauséeux. Il chercha à savoir combien de temps il était resté inconscient mais rien au tour de lui n'indiquait la date. Et puis comment avait-il atterrit ici déjà ? La mémoire lui revint alors tout d'un coup, l'infirmière, la douceur, le baiser… Rien que de penser à elle, son cœur se souleva dans sa poitrine comme s'il ressentait un très grand vertige et sa gorge se serra. Une émotion si forte qu'il crut qu'il allait vomir. Il respirait rapidement comme s'il venait de se faire un sprint sur quelques mètres. Il prit une grande inspiration et contrôla les battements de son cœur puis il tendit le bras pour attraper sa chemise sur la chaise. Mais à ce moment là la porte s'ouvrit et il sursauta, puis il se dépêcha de ramener les draps à lui pour cacher ses parties intimes. C'était elle… Un air amusé par son geste peignait son si joli visage.
- Ah, vous êtes réveillé ! remarqua-t-elle. Cela faisait plus de trois jours que vous dormiez, me languissant un peu plus à chaque fois de vous voir ouvrir les yeux.
Elle s'assit sur le lit du malade et le regarda d'un regard tendre et doux.
- C'est…c'est vous qui… qui m'avez soigné ? bafouilla Charles.
- Oui, répondit-elle. Soigné, lavé… Tout. Vous étiez si mal en point et j'ai bien cru que vous n'alliez jamais vous en sortir…
Le jeune soldat détourna les yeux et se mit à rougir à l'idée que cette jeune femme dont il était follement amoureux l'avait déjà vu complètement nu. Et de toute évidence elle pensa à la même chose car pendant une minute leur regard se fuyèrent. Puis il prit courageusement la parole :
- Je ne pouvais pas mourir sans connaître votre nom…
Elle fit passer une mèche derrière son oreille, geste qui la rendait encore plus belle aux yeux de Charles, et répondit :
- Rosaline…
Il répéta lentement son nom en savourant ce son qui sonnait si bien dans la bouche et se présenta lui-même à son tour :
- Je m'appelle Charles.
Ils se sourirent tous les deux en se regardant et restèrent plus d'une minute comme ça, s'admirant mutuellement. Ils n'avaient qu'une seule envie : se sauter dans les bras dans un baiser torride.
Ce fut Rosaline qui détourna les yeux la première, gênée devant ce regard si troublant et passionné. Charles, lui, essayait de modérer son envie de l'approcher et de l'embrasser jusqu'à en perdre haleine sans aucun contrôle. Cela fit accélérer sa respiration il dut alors vite refouler sa passion. Puis il repensa à leur baiser… Comment pouvait-elle l'aimer alors qu'il n'était qu'un soldat puant lui ayant laissé un goût horrible dans la bouche ? Il devint alors tout pâle en se remémorant l'état de crasse dans lequel il était auparavant. Il dut se retenir de ne pas vomir… Et tous ces horribles souvenirs qui lui revenaient au galop dans sa tête…
- Vous vous sentez bien ? s'inquiéta l'infirmière.
- Pardon…Excusez moi…murmura-t-il en sentant les larmes envahir ses yeux.
Elle monta tout à fait sur le lit et se rapprocha du jeune soldat pour lui presser gentiment le bras.
- Mais pardon de quoi ? fit-elle d'un ton doux.
- Pardon d'avoir du vous faire subir un tel supplice. Je vous ai souillé… Je…
- Chuut… le coupa-t-elle en plaçant ses doigts sur la bouche du jeune homme. Notre baiser était le plus pur qu'il soit, jamais on ne m'avait embrassé comme ça.
Ils se regardèrent à nouveau mais cette fois n'hésitèrent plus : leurs lèvres se joignirent dans un fougueux baiser. Charles serra contre son corps nu celui de Rosaline pour apprécier encore plus le goût de sa bouche et son odeur si agréable. Il se sépara d'elle un rapide moment pour lui glisser :
- Oh Rosaline… Rend moi heureux. J'ai tellement eu mal…
Elle l'embrassa de plus belle en guise de réponse et ils s'étendirent sur le lit. Il lui déboutonna lentement le col de sa robe…Puis il la retira… Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'elle fut totalement nue.
Et pour la première fois depuis longtemps, Charles fut comblé…Rosaline le laissa exprimer tout son désir pour elle et au bout d'un long moment ils ne firent plus qu'un… Ils atteignirent tous les deux le sommet de la joie et de la plénitude.
Le jour fit place à la nuit et il s'endormirent épuisés l'un contre l'autre.
Il rêva de choses agréables. Il revit son village natal avec son clocher et ses habitants. Comme il lui manquait tant… Il aimerait tant y retourner, revivre enfin la paix là-bas auprès de sa chère Rosaline… Mais la guerre n'était pas terminée. Des images l'assaillirent alors, Ern son compagnon d'arme depuis toujours, le visage ravagé par la douleur. Lui qui était resté sur le front. Charles l'avait abandonné, il était un lâche. Puis tout à coup il réentendit le son des canons, les cris des mourants… Ils emplissaient sa tête de plus en plus fort que ça en devenait presque assourdissant.
Et puis il se réveilla en sursaut et en sueur… Il essaya de calmer les battements frénétiques de son cœur mais il se dit que jamais il n'aurait la conscience tranquille s'il ne retournait pas aider les siens… Charles regarda Rosaline dormir à ses côtés : comme elle était belle, on aurait dit un ange. Oui… rien que pour revoir ce visage il savait qu'il allait réussir…
Il lui embrassa le front puis se leva lentement pour ne pas la réveiller. Il attrapa son uniforme et l'enfila, oh comme cela était dur de devoir réaffronter ses peurs !
Mais en voulant se diriger vers la porte, il trébucha sur le pied de la chaise ce qui eut pour effet de réveiller Rosaline.
- Charles?
Il s'arrêta et se tourna vers elle.
- Charles ? répéta-t-elle. Mais que fais-tu ?
- Je pars… Ils ont besoin de moi sur le front. Je suis désolé, c'est trop dur… Toutes ces voix qui hurlent à l'aide dans ma tête…Je ne suis pas à ma place ici.
- Mais…Je t'aime…
Sa voix mourut dans un sanglot. Le jeune homme s'approcha d'elle et l'enlaça :
- Oh ne pleure pas. Ne laisse pas ton si joli visage aussi triste. Je reviendrai… Et quand la guerre sera finie on se retrouvera et on se mariera dans la petite chapelle de mon village, je te le promets. On se retrouvera là-bas. Tu m'attendras n'est-ce pas ?
- Oui je t'attendrai tous les jours…Mais c'est de ta bouche et des tes lèvres que j'ai besoin ! Je ne veux pas juste un souvenir…
- Je reviendrai…
- Mais tu n'es pas totalement guéri ! Et tu vas devoir retourner là-bas…
- Je suis bien. Et cette fois nous gagnerons la guerre !
Elle hocha la tête enfin consentante et pour conclure elle dit dans un souffle étouffé sous le poid du chagrin :
- Je t'attendrai. Et dès que la guerre sera terminée on se retrouvera.
Il lui sourit et l'embrassa malgré les larmes qui lui envahirent les yeux. S'il n'était pas aussi torturé psychologiquement il lui aurait refait l'amour sur-le-champ mais il ne pouvait pas, de peur de ne jamais arriver à partir, et d'entendre à vie ces voix crier dans sa tête.
Puis dans un ultime élan il partit aussi vite qu'il le put pour ne pas avoir à se retourner.
A suivre...
