Maintenant que j'ai enfin trouvé comment publier ici, je vous mets ma fic CT que j'ai publier sur ff-fr cet été. Elle déja terminée, donc bonne lecture!

Chapitre 1

Mon père est un ami de Ichirô Misaki, le célèbre peintre. Ils se sont rencontrés à Paris, il y a quelques années déjà. Mon père tient une galerie assez importante dans le quartier latin. À l'époque, il n'était qu'à ces débuts et cherchait des œuvres d'un genre nouveau à exposer. C'est ainsi qu'il fut le premier (en France du moins) à présenter le travail du grand Ichirô Misaki, des chefs d'œuvres en devenir, qui se monnaieraient une fortune par la suite.

Petite fille, je passais toutes mes journées libres avec mon père, d'abord à la galerie où il était employé, puis à sa propre galerie lorsqu'elle fut ouverte. J'adorais regarder les tableaux et j'essayais toujours de les reproduire. Des heures durant, je restais silencieuse, assise face à un mur et je refaisais l'œuvre face à moi avec mes crayons de couleurs. Ma mère était inquiète, et aujourd'hui je la comprends, car de ce fait, j'avais peu d'amies comme les fillettes de mon âge. Mais mon père... Mon père était enchanté que je m'intéresse autant à son travail. Quoiqu'il fût, au fil des ans, tous s'accordèrent pour me reconnaître un certain talent dans l'exécution de mes reproductions.

J'avais quatorze ans lorsque je rencontrais Ichirô Misaki pour la première fois. Il commençait juste d'exposer ses toiles chez mon père, essentiellement des paysages japonais, mais aussi ses premières œuvres parisiennes. Ses toiles japonaises m'attiraient plus que tout autres et j'eus tout de suite envie de les reproduire. Bien entendu, je ne lui cachais pas mon admiration et s'il ne l'avait pas compris quand je la lui disais, au moins s'en rendit-il compte bien vite lorsque je commençais d'imiter l'un de ses tableaux. Je me le rappèle très bien encore, c'était un désert et j'avais été étonnée, car je ne pensais pas qu'il y eût de désert au Japon. Plus tard, j'apprendrai qu'il s'agissait des dunes de Tottori, et je les traverserai même. Jamais je n'ai oublié cette toile.

Les jours suivants, je revins à la galerie pour continuer mon dessin. Il y avait déjà pas mal de visiteurs pour un deuxième jour. Après une heure, je relevais la tête et me rendis compte que j'étais observée. Ichirô me demanda si j'aimais dessiner et me dit en souriant qu'il voyait-là la meilleure reproduction aquarelle des dunes de Tottori. A ce moment, un jeune garçon japonais s'approcha de nous et s'entretint brièvement en japonais avec l'artiste. Puis il baissa les yeux sur mon calepin à dessin et me dit « Bonjour ! » tout sourire. Monsieur Misaki me présenta donc Tarô, son fils. C'est lorsqu'il repartit, aussitôt après, que je m'aperçus qu'il avait un ballon dans les pieds. C'était ma première rencontre avec Tarô Misaki, future star du football mondial.

Peu de temps après, les Misaki nous visitèrent chez nous. Nous nous étions tous réuni pour fêter les premières ventes des œuvres de Ichirô et l'essor que prenait enfin la galerie de mon père. Tarô était peu bavard, je me disais sûrement qu'il était timide et qu'il ne parlait pas très bien français. Par contre, il semblait ne pas pouvoir tenir place, toujours à jouer avec son ballon. Après le déjeuner, les parents se réunirent dans le jardin pour discuter affaires et se féliciter de leur collaboration et je me retrouvais seule avec lui. J'entrepris de débarrasser la table et il se leva spontanément pour m'aider. Et quelle surprise ! Il ne lâcha pas son ballon un instant : salle à manger, cuisine, salle à manger, cuisine… balle aux pieds. Je n'avais jamais vu ça. Il dût lire la stupéfaction sur mon visage et me dit avec un grand sourire « Le ballon est mon meilleur ami ! »

Nous avons discuté longuement et je m'aperçus qu'il n'était pas aussi timide que je le pensais et que son français n'était pas du tout mauvais. Il me parla avec un enthousiasme incroyable de sa passion pour le football, de son rêve de gagner la coupe du monde avec le Japon et Tsubasa …J'aurais dû être incrédule devant ces rêves illuminés, et je l'étais, mais j'étais aussi fascinée par le déploiement d'une telle passion ! Oui, fascinée ! Ce jour-là il m'a emporté avec lui dans le tourbillon de son rêve. Ce fut un vrai moment d'authenticité et de vérité.

D'emblée, j'ai éprouvé de la sympathie pour Tarô. D'emblée j'ai été sous son charme. Et cela n'allait pas cesser. Il était différent de tout ce que j'avais vu. Toujours avec son ami le ballon, comme il se plait à le dire. Il rayonnait, il irradiait de bonheur, chaque fois que je le voyais balle aux pieds et je crois que je n'ai jamais vu cela chez aucun autre joueur, si ce n'est Tsubasa. D'emblée sa passion pour le football m'a conquise. Moi aussi, je désirais ressentir cette plénitude que respirait non seulement son visage, mais aussi toute sa personnalité. Cette générosité, cette compréhension, tout cet amour aux autres... Sa passion a allumé le feu de ma propre passion à moi.

« Moi aussi, j'ai une passion ! »

« Oui, je sais ! Tu aimes le dessin, n'est-ce pas ? »

« Oui… »

« Je l'ai tout de suite remarqué, lorsque je suis venu à la galerie l'autre jour. Tu as l'air douée ! »

« Merci ! Est-ce que tu voudrais voir mes reproductions ? »

Et c'est ainsi que je lui montrais presque tout ce que j'avais fait ces dernières années. Il regarda tout avec beaucoup d'intérêt. Il reconnu bien-sûr plusieurs fois des paysages que son père avait peints et qu'il avait vu lui-même de ses propres yeux, comme il me l'expliqua. Il me raconta son enfance à voyager de régions en régions au Japon pour les besoins du travail de son père. C'était incroyable ! Il était si jeune et il avait déjà vu tant de choses ! Je l'enviais tellement aussi ! J'avais tellement envie de voir le monde...j'étais une fois encore abasourdie.

« Qu'est ce qu'il y a ? »

« Rien... Je me disais juste que...j'aimerais voir ton pays, il a l'air tellement beau ! »

« Oui, mais la France est belle aussi... Dis, tu ne dessines rien de personnel ? »

Et ainsi les heures filèrent jusqu'au soir. Depuis trois choses ont changées. D'abord, je venais de trouver quelqu'un de rare, qui allait devenir le frère que je n'avais pas eu. Ensuite, je désirais plus que tout voir ce pays fabuleux dont j'avais découvert la beauté secrète dans les toiles d'Ichirô Misaki. Et enfin, enfin, je me décidais à créer. Pas reproduire, créer ! Réaliser mes propres œuvres !

Et c'est ainsi que pendant deux ans nous avons été amis en France. Partageant d'abord sans retenue nos aspirations et nos rêves, plus rarement nos doutes. Parfois, certaines de nos souffrances refaisaient surface d'une manière inattendue, et nous les partagions aussi, d'une certaine façon, toujours avec beaucoup de pudeur. Beaucoup de compréhension dans peu de mots. L'absence de sa mère lui pesait. Même s'il n'en parlait presque jamais, je sais qu'il pensait souvent à elle. Quant à moi, je voyais depuis quelque temps mes parents se déchirer devant moi sans pouvoir rien y faire.

Bien sûr, je continuais d'aller à la galerie de mon père. Tarô y passait aussi régulièrement. Même après la première exposition de Misaki, lui et son père venaient assez souvent nous voir chez nous ou à la galerie justement. Nos pères s'entendaient à merveille. Ils ont depuis toujours travaillé ensemble lorsque l'opportunité se présentait. Une réelle amitié était rapidement née entre eux malgré leurs différences culturelles.

Un après-midi, Tarô passa à la galerie. Il n'y avait personne parce que mon père était parti faire une course pour ma mère et donc je gardais la boutique en attendant. Dès qu'il entra, je vis qu'il avait l'air particulièrement excité.

« Qu'est ce qu'il t'arrive ? Tu as l'air bien gai. »

« J'ai reçu une lettre de Tsubasa ce midi ! »

Ce n'était pas la première fois qu'il me parlait de ce Tsubasa, son meilleur ami, le génie du foot japonais. Il me semblait qu'ils s'écrivaient assez régulièrement.

« Tsubasa a remporté pour la troisième fois consécutive le championnat national. »

« Ce championnat que vous aviez remporté la première fois ensemble ? »

« C'est ça ! J'aimerais tellement le revoir, rejouer avec lui, ou contre lui... »

« Mais ça arrivera sûrement bientôt. Vous vous retrouverez en équipe nationale. Toi aussi, tu es très fort. Je pense même que tu es plus fort que lui, voilà ! »

Il éclata de rire

« Mais tu ne l'as jamais vu jouer »

« Je sais, mais toi tu es le meilleur joueur que j'ai vu, Français, Japonais, tout confondus ! Je suis sûre que tu deviendras le meilleur joueur du monde »

« J'aimerais bien, répondit-il d'un air amusé. Je ne savais pas que tu t'y connaissais si bien en football... »

« Moque toi de moi ! Mais pas besoin de s'y connaître, un joueur ne peut émouvoir une novice comme moi sans avoir un talent exceptionnel » ajoutais-je fièrement comme une vérité de l'appendice.

« Marie... »

« C'est parce que je crois en toi... » conclus-je pour justifier mon parti-pris à peine excessif.

On parlait souvent de nos rêves. Son rêve de foot. Mon rêve d'artiste. Des choses en soi bien différentes, mais qui nous réunissaient par l'effort, la patience, le travail qu'elles demandaient, mais aussi par le bonheur qu'elles suscitaient. C'était vrai que je croyais en lui et c'était vrai qu'il avait reçu un talent hors du commun.

Après cette discussion, nous eûmes une ultime rencontre en tête-à-tête en France, juste avant le tournoi international cadet de Paris, puis il repartit au Japon.

J'étais assise sur l'herbe dans un tout petit parc que j'aimais particulièrement parce qu'il n'y avait pas de touristes. Plongée dans un tout autre monde, en train de dessiner, lorsque j'entendis « Salut Marie ». C'était Tarô. Il s'assit à mes côtés. Il avait l'air étrange, son sourire était toujours là, mais ses yeux avaient l'air préoccupés. J'allais l'interroger, mais il me devança :

« Je suis passé à la galerie, mais tu n'y étais pas. Alors j'ai pensé que tu serais peut-être venue

ici... »

« Oui, j'ai besoin de réfléchir en ce moment, à ce que je veux faire à la rentrée. Est-ce que je vais aller au lycée ou intégrer une école d'art. J'ai du mal à me décider…mais je crois que je vais aller normalement au lycée. »

« Oui ? »

« Oui... En fait, je ne suis pas sûre du tout de vouloir faire une école d'art. J'ai envie de rester libre. Je veux me consacrer au dessin, mais en suivant ma propre voie. Un peu comme ton père…Tu vois ? »

« Je vois, oui. »

« Et puis, je compte bien apprendre un peu le japonais, pour aller dans ton pays. Il doit bien y avoir un lycée où c'est possible ici. Pas la à peine de précipiter les choses, rien ne m'empêchera jamais de dessiner, même si je ne suis pas dans une école spécialisée ! »

« Je suis sûre que tu réussiras. Je le sais depuis que je t'ai rencontré la première fois, à la galerie. Je l'ai tout de suite ressenti sans te connaître. C'est comme ça, c'est en toi ! Tu es vouée à la réussite » me dit-il d'un ton convaincu.

« Depuis ce jour, où tu es venu chez moi, où tu m'as parlé de ta passion, tu m'as donné le courage et l'envie de me lancer vraiment. Je ne dessinais rien de personnel avant cela, tu te souviens ? »

« Oui, je me rappele... » dit-il songeur.

« Depuis mon enfance, vivent en moi des choses merveilleuses, des mondes imaginaires sans fin. Et bien depuis, je leur donne vie sur le papier ! Mon rêve a pris corps, parce que j'ai cessé d'en avoir peur, j'ai cessé de m'en sentir incapable...Et cela, c'est grâce à toi d'une certaine façon. »

« … »

Son regard perdu sembla s'allumer quelque peu à ces mots, mais il gardait obstinément la tête baissée dans un silence méditatif. Quelque chose clochait évidemment chez lui aujourd'hui. Je tournais court et lui demandais directement :

« Tarô… Qu'est ce qui ne va pas ? »

« … »

« Je vois bien... »

« On m'a demandé de faire partie de l'équipe nationale pour jouer le tournoi international cadet la semaine prochaine… »

« C'est super ! Je vois pas pourquoi tu fais cette tête. »

« … »

« Tu as toujours refusé de jouer dans un club pour pouvoir t'investir dans l'équipe nationale le moment venue, alors... »

« J'ai peur de ne pas être à la hauteur. Je n'ai pas joué dans une véritable équipe depuis si longtemps… »

J'avais du mal à comprendre : pourquoi mon ami, et accessoirement le meilleur joueur que je connaissais, doutait-il de lui au point de refuser ce qu'il désirait le plus ?

Après une minute de réflexion sur la situation, je poursuivis.

« Tarô, c'est ridicule ! Tu es celui qui m'a montré qu'il ne fallait pas avoir peur de ses rêves, comment tu peux hésiter devant le tien ? Tu le regretteras si tu n'acceptes pas !... Et en plus je t'en voudrais»

Je souris à ces derniers mots, mais mon ton étais inflexible. Je repris avec enthousiasme en tournant les yeux vers lui :

« Il vaut mieux avoir des remords que des regrets, non ? »

Je vis alors un sourire s'étirer doucement sur ses lèvres et lorqu'il releva la tête pour me regarder ses yeux avait retrouvé leur pétillant habituel.

« Je crois que je viens de me décider » me dit-il dans un grand sourire « Tu viendras nous voir jouer ? »

Et comment ! Je n'allais sûrement pas rater ça !