Chapitre 2 : L'aube des conflits. Par l'Indyen
L'homme
marchait seul, dans une plaine qui se perdait à l'infini. Il
faisait clair, le ciel était dégagé mais le
Soleil était absent, la lumière venait de nulle part.
Ses pieds nus foulaient l'herbe depuis des heures, des jours
peut-être. Mais il ne ressentait aucune fatigue, le sol herbeux
était agréablement doux et ses jambes semblaient
capables de le porter jusqu'au bout du monde.
Un vent léger
courait à ses côtés, une bise odorante qui
caressait son torse et jouait avec sa chevelure. Celle-ci était
courte mais scintillait, reflétant la vigueur de cet homme
d'une vingtaine d'année. Une longue natte faite de cordes
tressées ceignait son front et descendait de chaque côtés
de sa tête, longeant son dos et s'arrêtant au niveau
des genoux. La coiffe était ornée, sur toute sa
longueur, de plumes de chocobos blanches bien alignées.
Pour
unique vêtement, il avait un pagne autour de la taille,
arborant divers motifs colorés mais dont la signification
flirtait avec le mystique. Autour de son bras gauche, on pouvait voir
une fine corde noire de laquelle pendaient de petites tresses toutes
identiques. Elles s'agitaient à chaque pas et rebondissaient
sur le biceps très développé. Autour de son cou
pendait un bijou primitif : un grand cercle au centre duquel
s'entremêlaient des fils comme s'il se fut agi d'une
toile d'araignée.
Il marchait. Puis, au moment où
il réalisa qu'il lui fallait un but à atteindre, le
décor changea et des reliefs apparurent. Derrière lui
s'était dressée une montagne ocre alors que sur sa
droite s'étendait un canyon dont seul le scintillement d'une
rivière loin en contrebas indiquait qu'il avait un fond. Il
le longea pendant un moment puis sentit une vibration sourde de
l'air. Il colla son oreille au sol. Il ferma les yeux et cessa
d'inspirer, sondant l'espace de son ouïe. Quand il se
releva, il hocha la tête. Son visage ne laissait transparaître
aucune émotion. Sa peau mate, comme extraite de la roche,
faisait comme un rempart aux faiblesses de l'esprit. Ses pommettes
saillantes ne bougeaient jamais, à l'instar de ses yeux à
demi plissés par la lumière intense mais qui ne
cessaient de brûler d'une flamme vive.
Il se releva
doucement et s'éloigna du précipice sans faire un
bruit. Il grimpa une petite colline et contempla le spectacle qui
s'offrait à lui : un troupeau de bovins paissait dans une
plaine verdoyante. De grosses têtes noires sur des corps bruns
et laineux respirant la force et la tranquillité. Ils auraient
pu paraître inoffensifs s'il n'y avait eu ces deux cornes
plantées sur leur large front.
L'homme sortit un long
couteau de sous son pagne et courut du plus vite qu'il put vers
l'animal le plus proche afin de lui ôter la vie. La proie
serait une source idéale de nourriture et sa fourrure
fournirait un formidable allié contre l'hiver. Mais arrivé
à quelques mètres de la bête, un oiseau perça
le dôme céleste et fondit sur le bovin. Dans un élégant
battement d'aile, il redressa sa course pour simplement venir
toucher l'animal du bec et repartir aussitôt. L'homme
s'arrêta net. Il voulut suivre l'oiseau du regard mais
celui-ci était trop rapide, il n'eut même pas le temps
de déterminer à quelle race il appartenait. Quand il
reposa les yeux sur sa proie, il constata avec effarement qu'elle
avait été changée en statue de pierre.
Impassible pour l'éternité, immortalisée dans
le marbre.
Immédiatement, l'homme se rua sur un autre
animal. Mais là, même scène, l'oiseau le
devance et transforme le bovin en roc d'un simple coup de bec.
L'homme paniquait et courrait de plus belle, traversant la plaine
en essayant désespérément d'atteindre une
proie avant le volatile. Aucune bête ne semblait s'apercevoir
du carnage. Mais bientôt tout le troupeau se retrouva dans le
même état. L'homme s'arrêta, pantelant, et
contempla ce désastre. Il était abasourdi.
Puis,
alors qu'il restait immobile au milieu de ces monolithes, une forme
majestueuse vint se poser sur l'un d'eux après avoir
décrit quelques boucles aériennes. C'était
elle, cette malédiction venue du ciel qui allait faire périr
le chasseur. Il reconnut un Condor bien qu'il croyait cette espèce
disparue. Il ne bougea pas.
Quand il tourna la tête, il
aperçut une foule immense qui se tenait dans son dos. Elle
semblait avoir poussé là, dans la seconde. Elle était
constituée uniquement de femmes et d'enfants habillés
comme lui. Mais ce fut un vieillard qui sortit de la masse pour
parler à l'homme un peu dérouté par la
tournure que prenaient les événements.
-« Où
est la nourriture que tu as promise à la tribu ?
-
Je… Je ne l'ai pas. »
Le vieillard portait lui aussi
des plumes sur la tête, mais plus encore que l'autre. Malgré
sa petite taille, il dégageait une impression de force et plus
encore de sagesse. C'était le chef du clan. Le chasseur
était intimidé par son aura.
-« Tu nous avais
promis…
- Non, je n'ai rien promis, je suis venu ici et j'ai
trouvé ce troupeau. Je voulais chasser pour moi, je ne vous ai
rien promis.
- Tu veux tuer la tribu ?
- Non !
»
Derrière lui, la foule ne faisait aucun bruit,
les femmes avançaient dans n'importe quelle direction à
pas lent, têtes baissées, suivies par les enfants. Ils
ressemblaient tous à des spectres.
-« Qu'as-tu
chassé ?
- Ca » répondit-il en
désignant les blocs de pierre.
- Nous allons tous
mourir par ta faute.
- Non… Non, je vais trouver une solution.
Je n'y suis pour rien, c'est à cause de la pierre, c'est
juste de la pierre, ça ne compte pas, j'y étais
presque. »
Il tapait sur un rocher du plat de lame mais si faiblement que cela ne faisait aucun bruit. Il se sentait ridicule.
- « Nous allons tous mourir par ta faute.
-
Non, c'est la faute de l'oiseau !
- Alors tue-le ! »
Le chef lui tendit un arc et une flèche avec un air de mépris souverain. L'homme s'en saisit, encocha la flèche et visa le Condor. Mais il tremblait tellement que l'épreuve devenait un véritable calvaire, même si l'oiseau se tenait immobile. Il se rapprocha doucement de l'endroit où se trouvait le volatile, comme si seuls ses bruits de pas pouvaient l'inquiéter. Arrivé à quelques centimètres de sa cible, il inspira profondément et, secoué de spasmes, lâcha la penne.
Mais il avait manqué l'animal.
Des cris déchirants parcoururent la terre, une plainte funèbre résonna dans son corps, une peur pure se saisit de lui, contracta tous ses muscles et le jeta par terre. Il vit le ciel s'embraser, le sol mourir et il était seul, tout seul…
Le soldat eut un hoquet, se réveilla et releva la tête brusquement. La bouche grande ouverte, il haletait. Il était en nage, ses mains étaient moites et sa bouche pâteuse. Il ne comptait plus le nombre de cauchemars identiques qu'il avait fait ces derniers temps. Pourtant, même si l'histoire du troupeau changé en pierre restait la même, la fin variait à chaque fois : au moins n'avait-il pas reçu de bovin monolithique sur le crâne dans cette version…
La pluie crépitait
sur la bâche au-dessus de sa tête. Il respira lentement
et s'adossa à la paroi interne du camion de transport de
troupes Shinra qui le menait vers le lieu de la mission. Il était
très tôt le matin mais il n'avait pas envie de se
rendormir. Si on ne dort pas, on ne rêve pas, et si on ne rêve
pas, on ne peut pas faire de cauchemar. Il se frotta les yeux et
regarda les autres soldats autour de lui. A part le lieutenant, ils
avaient tous entre vingt et trente ans. Il chercha à croiser
un regard mais ceux qui ne dormaient pas avaient les yeux dans le
vague.
Les suspensions du camion encaissaient les chocs imposés
par le revêtement inégal. Il ne savait même pas où
ils se trouvaient ni si le Soleil s'était levé. Il
aurait bien jeté un coup d'œil dehors mais il était
interdit de soulever la bâche pendant le trajet.
Il fixa
ses collègues, immobiles et silencieux mais tout ce qu'il
vit était des pantins agités par les soubresauts du
véhicule. Il s'étira discrètement.
La
pluie n'avait pas cessé et l'humidité se sentait
dans l'air.
Il posa alors les yeux sur son arme, un fusil
d'assaut trapu mais puissant. Il se demanda si de telles armes
étaient nécessaires pour une mission aussi banale.
Après tout, il était juste question de pacifier une
zone en proie aux soulèvements populaires. Il posa l'engin
sur ses genoux et sortit le chargeur. Il était plein. Il en
avait encore cinq autres sur lui, remplis de munitions de calibre
5.56. C'était exagéré selon lui, il y en avait
assez pour soutenir un siège. Mais il n'osait en parler à
ses supérieurs, ils devaient avoir leurs raisons. Il remit le
chargeur en place, derrière la gâchette, et soupira.
La
pluie continuait de tomber. Il avait des fourmis dans les jambes et
les étira devant lui en essayant de ne pas se faire remarquer.
Le soldat qui lui faisait face leva la tête et le regarda
fixement. L'autre fit un signe de la main et replaça ses
pieds à leur place. Impénétrable, il ne voulait
pas montrer un quelconque signe de faiblesse ou d'ennui. Le soldat
tordit la bouche dans une moue dubitative et baissa le regard.
Qu'est-ce que ça pouvait signifier ? Il se sentait de
plus en plus mal à l'aise.
S'étant habitué
au bruit, il n'entendait plus la pluie. Il essaya de penser à
quelque chose qui le rassurerait. Il ferma les yeux et s'imagina
avec sa fiancée. Elle l'attendait là-bas, à
Midgar, en priant pour lui. Il sourit. Ce n'était qu'une
mission de routine, il lui avait promis de revenir sain et sauf.
Le
camion stoppa.
La pluie crépitait toujours.
Un
Zuu. La créature qui leur faisait maintenant face était
un Zuu : un énorme oiseau au plumage noir doté d'un
bec jaune menaçant. Les utaïtes levèrent les yeux
mais leur détermination ne faiblit pas. Ils se mirent à
crier pour exciter le monstre. A cinq mètres de hauteur,
celui-ci lança un sinistre croassement pour dissuader ses
adversaires. Mais les guerriers étaient avides de victimes et
formèrent un cercle atour de la bête de sorte qu'elle
ne puisse pas tous les attaquer en même temps.
Soudain,
elle fondit sur l'un d'entre eux. L'utaïte mit sa lame en
travers pour parer le coup mais la violence du choc le propulsa en
arrière. Alors qu'elle entamait sa remontée pour se
mettre hors d'atteinte, une boule de feu brûla le flanc
gauche de la créature. Elle zigzagua à mi hauteur en
essayant d'éteindre les flammes qui dévoraient ses
plumes. En bas, un deuxième guerrier se concentra et lança
vers elle un sort de glace. L'aile droite fut ainsi prise dans un
énorme glaçon dont le poids la déséquilibra
et la fit chuter. La masse de cristal éclata sur le sol,
coupant net l'appendice du volatile. Un cri de douleur et de rage
résonna jusque dans Utaï. Le monstre était au sol,
c'était le moment de l'achever. Mais personne n'osait
réellement l'approcher tant son allonge et son agilité
étaient grandes. L'oiseau croassa et fit un bond en
direction de l'un des guerriers, les serres pointées vers
lui. Il le plaqua au sol et voulut le tuer d'un coup de bec quand
un autre utaïte se précipita vers le monstre pour lui
enfoncer sa lame dans la plaie béante de son flanc droit.
L'oiseau poussa un cri et, abandonnant sa proie, eut un mouvement
brusque qui projeta le nouvel assaillant au sol.
Blessé,
l'animal se révélait un adversaire bien plus
redoutable.
Tenshi restait en retrait, cherchant un moyen
plus efficace d'abattre la créature, alors que les autres
attaquaient de front. Il réfléchit quelques secondes et
se concentra. L'univers, dans et autour de lui devint noir. Le
temps et l'espace se figèrent. Il acquis soudain une
conscience supérieure, pénétrant les choses
au-delà de leur nature même, matérialisant en lui
une dimension nouvelle. L'essence de la nature, transcendée
par la matéria, cacha son visage derrière un masque de
mort. Les yeux de Tenshi s'embrasèrent, une flamme
meurtrière les hanta pendant un instant. Un cri parcourut son
corps. Il tendit les mains devant lui et une vague de lumière
rayonna autour du jeune homme transfiguré.
Les autres
utaïtes eurent un mouvement de recul. Le volatile était
maintenant cerné par un anneau de vent, une Tornade qui
rétrécissait inexorablement, empêchant la
créature de bouger. Tenshi courut alors vers elle, brandissant
sa lame aux reflets d'argent qui scintillait sous le Soleil. Il
arriva dans le dos du monstre, sauta sur son échine et, d'un
coup sec, lui trancha la gorge. Des flots d'hémoglobine
bouillonnante jaillirent et quelques secondes plus tard, l'oiseau
était définitivement mort.
La joie résonna
dans les montagnes d'Utaï.
Un groupe de jeunes guerriers descendit en
direction de la ville. L'un d'entre eux boitait, un autre
marchait difficilement, soutenu par un camarade, et le reste de la
bande portait en triomphe le héros du jour.
La clameur
coulait en flot continu le long des rues. Les gens étaient
sortis de chez eux, attirés par le bruit. Tenshi embrassa la
foule du regard. La sueur faisait briller sa peau dans la lumière
du Soleil. Il était radieux. Il tourna la tête et vit,
parmi les badauds, une jeune fille qui lui souriait. Rayonnant, il
s'approcha d'elle.
-« Asuke, ma sœur…
- Tu es
enfin revenu ! »
Elle lui prit les mains et les
serra.
-« Bien sûr que je suis revenu, comme
toujours.
- Il suffit d'une fois… »
L'adolescente
regardait les blessés entourés de guérisseurs,
derrière son frère.
Tenshi fit un mouvement de tête
en direction de Sanoga qui se tenait sur le seuil de la maison, trop
loin pour entendre quoi que ce soit.
-« C'est encore
cette vieille folle qui t'as mis ces idées dans la tête
?
- Non, c'est moi. »
Elle le serra dans ses
bras et appuya son front sur le torse du jeune homme. Il soupira.
-«
Pourquoi ?
- C'est dangereux, que ferais-je si tu ne
revenais pas ?
- Tu n'as pas confiance en moi ?
- Si. Mais il y a des adversaires que tu ne saurais vaincre.
-
Tout adversaire peut être vaincu, il faut seulement savoir s'y
prendre.
- Tu ne peux pas juger, tu n'as jamais connu la
défaite. Arrête le combat maintenant, tant qu'il en
est encore temps.
- Je n'ai pas le choix. Je me bats pour vous, si j'arrête vous serez sans défense. Allez viens, rentrons. »
Elle le suivit mais pas rassurée
pour autant.
Quand ils arrivèrent à l'entrée
de leur maison, Sanoga regarda Tenshi en souriant.
-« Je
suis heureuse de te revoir. Je commençais à
m'inquiéter. »
Il ne répondit pas, il
l'ignora complètement. Mais au moment où il passa
devant la vieille femme, elle poursuivit :
-« Je sais quel
est ton combat. Ne le refuse pas. Il y a plus à protéger
que nous. »
Tenshi hésita un instant, fixant ses
pieds. Il resta immobile puis s'éloigna.
Au bout de la ville, un enfant occupé à cueillir des pommes aperçut un mouvement à l'horizon, un nuage de poussière qui faisait vibrer l'air. Il plissa les yeux, saisit un dernier fruit et descendit prévenir son père.
Le soldat prit
appui d'une main sur la banquette et sauta hors du camion. Le
militaire qui lui faisait face l'imita. Il s'agenouilla près
du pare-choc arrière et pointa son arme dans toutes les
directions pendant que les autres débarquaient et
s'éloignaient du véhicule au pas cadencé.
Quand tout le monde fut sorti, la zone étant jugée
sûre, il suivit ses camarades en reculant, sans cesser de
scruter l'horizon à travers son viseur. Puis, quand ils se
furent assez éloignés, lui et son camarade reprirent
une attitude normale et coururent pour se remettre dans le rang. Mais
les autres avaient pris de l'avance, ils n'attendaient pas.
Le
soldat eut peur de rester tout seul et accéléra sans
regarder son compagnon. Mais c'était la procédure
normale. Pourtant il n'était pas tranquille.
Il arriva
enfin à hauteur des autres. Il leva discrètement les
yeux vers le ciel. Le jour se levait à peine, il y avait assez
de clarté pour éclairer sa route mais le Soleil était
caché derrière des nuages gris posés sur la
ligne d'horizon. La lumière venait de nulle part...
Et la pluie accompagnait leurs pas.
Une dizaine d'unités
s'était groupée pour former un bataillon unique,
appuyé par des blindés. Ils marchaient vers la cible,
la zone à « pacifier ». Le camion les avait
laissés à quelque distance pour respecter une stratégie
militaire qu'il n'appartenait pas aux soldats de connaître.
Mais l'entraînement qu'ils avaient subi leur faisait
oublier la fatigue. Devant eux s'étendait une plaine et
derrière eux la montagne.
Bientôt, ils furent en vue
de l'objectif : Fort Condor.
A mesure qu'ils approchaient, leur impatience augmentait. Un cri résonna dans les montagnes. Les habitants du Fort les attendaient, ils le savaient. Devant l'importance des troupes, le soldat se dit que cet « incident » allait se transformer en guérilla urbaine. Mais il avait confiance en son armée.
La topographie du Fort en faisait une place forte difficile à prendre d'assaut. Le bâtiment principal était au sommet d'une colline aux flancs escarpés. De plus, les nombreux obstacles sur le chemin offraient des caches formidables pour des embuscades.
Arrivés au bas de la colline, les
lieutenants de chaque unité crièrent : «
Formation de guérilla urbaine ». En effet, les
défenseurs du Fort tiraient les premières balles, mais
plus en manière de dissuasion que d'attaque. Les soldats
ignorèrent l'avertissement et se mirent à couvert.
Loin au-dessus d'eux, ils purent voir des lance-flammes et des
mortiers. Le soldat réalisa que c'était la guerre
pure et simple. Mais cela ne lui déplaisait pas.
Il était
adossé à un mur et attendait les ordres. Le lieutenant
fit un geste de la main. Il se leva et tira quelques balles là
où il avait vu du mouvement. Le concert des coups de feu se
mêla au son des gouttes d'eau qui tombaient du ciel. Rien ne
les arrêterait.
Il ne fallait pas rester immobile, c'était
une base fondamentale lors de ce genre de combat, même s'il
fallait tenir une position. Devant une avancée adverse, ils
suivirent le lieutenant pour tenter un débordement par la
gauche. Le soldat avait déjà repéré un
groupe armé embusqué derrière l'un des
obstacles qui se dressaient sur la colline. Il l'indiqua aux autres
et, avec deux soldats de son unité, ils se dirigèrent
vers l'ennemi. Les militaires du Fort les repérèrent.
Sans bouger, ils ouvrirent le feu sur le groupe. Les soldats Shinra
se mirent à couvert. Mieux entraînés, ils avaient
plus de chance. Les trois soldats ripostèrent avec une
précision mortelle. Leur situation était légèrement
meilleure comme ils profitaient du fait que les autres, étant
pris à revers, étaient moins bien protégés.
Deux d'entre eux tombèrent. Le soldat en vit trois autres
arriver en renfort. Il fit un signe à ses collègues et
sourit. Quelque chose dans toute cette folie les excitait, les
exaltait. Ils se sentaient vivant à mesure qu'ils
approchaient de la mort. A moins que ce ne soit cette impression de
supériorité sur un adversaire moins bien équipé.
Un plaisir sadique qui laissait un agréable goût de sang
dans la bouche.
Le militaire de Midgar le plus éloigné
se leva et tira pour faire diversion. Le soldat se leva à son
tour et, après avoir dégoupillé une grenade, la
lança. L'explosion augmenta leur rythme cardiaque. Ils
avaient l'avantage. Midgar était invincible. La Shinra était
invincible.
Et la pluie tombait comme un métronome universel.
Ils rejoignirent l'unité. Le lieutenant
leur adressa un regard en guise de compliment et désigna du
doigt un groupe plus important et mieux armé qui leur faisait
face. Le soldat tourna la tête et vit, sur sa droite, une
position de laquelle il pouvait attaquer à l'abri. Mais il
fallait traverser une zone à découvert, la voie
centrale menant au Fort. Oubliant son supérieur, il courut
sans demander la permission. Il n'entendit pas les cris de ses
collègues, dilués dans la pluie.
Il fonça
sans réfléchir, transcendé par la perspective
des combats.
A une centaine de mètre en amont, un
fusil à lunette suivit sa course, invisible sous son
camouflage. Le tireur embusqué prit tout son temps, retint sa
respiration et, au dernier moment, quand le soldat était le
plus proche de son but, alors qu'il jubilait déjà, il
pressa la gâchette.
Le coup de feu claqua.
Un casque
roula dans la boue.
Fauché dans son élan, le soldat était le premier mort dans le camp des forces Shinra
