Chapitre III : Les hostilités sont ouvertes. Par Fanachou

L'homme se figea dès lors sur place, chutant lentement sur le sol, d'abord sur ses genoux puis s'affala finalement de tout son long. L'expression de joie et de détermination qui quittait peu à peu les traits de son visage montrait que sa mort avait été instantanée, qu'au moins il n'avait pas souffert. Son regard fixe et ses traits figés dans une dernière expression servaient d'avertissement aux soldats trop ambitieux qui pullulait sur le sol rendu boueux par la pluie. Cette même pluie, par une dernière ironie, ruisselait lentement sur le visage du défunt, donnant l'impression de larmes mortuaires.
Alors que plusieurs assaillants regardaient avec stupéfaction leur partenaire abattu et que ses camarades de bataillon cherchaient à repérer la fine gâchette qui avait fait mouche, une fusillade nourrie éclata, provenant des roches qui servaient d'écrin à l'ancien réacteur. Une bonne trentaine de snipers avaient patiemment attendu les ordres de passer à l'action. Celui-ci était désormais venu et tous les tireurs se sentaient tels les loups qui pourraient appliquer leur critère « délit, justice immédiate » et ici, les criminels étaient ceux qui voulaient profaner l'aire où avait choisi de se nicher la dernière paire de condors.
Les soldats en contrebas étaient encore sous le choc de la mort de leur camarade. Ils devinrent donc des proies faciles lors du vrai déclenchement des hostilités par les assiégés qui multiplièrent les victimes et ravagèrent les rangs des premières troupes d'assaut adverses. En face, à par compter sur leur hypothétique et provisoire cachette, les divers soldats encore vivants ne pouvaient rien faire si ce n'était prendre la fuite. Mais même les fuyards n'évitaient pas les balles, mais la débandade générale fut la seule règle exercée dans les rangs de la Shinra au grand bonheur des défenseurs du pic rocheux. Ces derniers n'avaient qu'un seul regret, le manque d'effectifs chronique. Avec un peu plus de soldats sous la main, ils auraient pu faire une sortie et tailler des croupières sanglantes aux troupes apeurées qui prenaient leurs jambes à leur cou.
Au pied du massif montagneux, le camp de base de l'etat-major était atterré par la réaction de leurs troupes. Certes ce n'était pas la crème des soldats qui était sous leur commandement, l'élite était en fait utilisée pour une mission tout aussi importante beaucoup plus à l'Ouest, mais les soldats avaient subi un entraînement spécial et avaient l'habitude des missions qui tournaient mal lors de leurs multiples interventions dans les bas-fonds de Midgar, où il leur semblait que les adversaires étaient pires que les illuminés qui croyaient que les œufs des volatiles là-haut étaient la réincarnation d'une divinité. Comme quoi, les campagnards étaient tous des timbrés…
Au lieu de régler toute cette histoire en une petite journée, voilà qu'aux premiers coups de fusils leurs troupes fuyaient. Le général Duke, en charge du bon déroulement de cette mission, blêmissait au fur et à mesure que ses subordonnés lui faisaient le bilan de l'échec de l'assaut initial. Les troupes de choc avaient été assez amochées et le moral était au plus bas. Et dire qu'il avait refusé d'emporté de l'artillerie, parce qu'il ne pensait pas en avoir besoin contre ses adversaires, mais aussi parce qu'il devait prendre le fort et son réacteur en état de marche, ni même d'un quelconque bataillon de SOLDAT de première classe, tout ça parce qu'il avait juré obtenir facilement la reddition de ses adversaires. Tout ce qui restait à faire était d'attaquer à outrance et d'espérer deux choses : ne pas subir le sort de Dèce et ne pas voir arriver les costumes sombres des Turks, ce qui signifierait sa mort certaine. Pour remédier à la situation catastrophique qui s'étalait sous ses yeux, il convoqua les quelques membres du SOLDAT qui avaient été emmenés dans ce cauchemar par acquis de confiance. Même si ces quelques hommes n'étaient pas d'une force prodigieuse, leur appartenance à la plus haute caste de guerriers de la Compagnie leur donnait une aura de prestige qui était loin d'être aussi négligeable que cela. Décidant d'utiliser cet atout, Duke leur ordonna de se rendre auprès de chaque bataillon et de les convaincre de se remettre sur le chemin de l'assaut, les moyens employés restant libres.
Ils se mirent tous à la tâche appliquant avec fermeté les ordres. Au bout d'une bonne heure, les troupes reprenaient la direction du pic rocheux après avoir entendu menaces, promesses et ordres, même si quelques indécrottables pessimistes avaient pesté qu'ils auraient été moins en danger quelques siècles plus tôt à Stalingrad, Berlin, Beyrouth ou encore Sarajevo. Mais, avec plus ou moins de bonne volonté, l'assaut reprenait enfin, le soleil se mettant même de la partie, facilitant la progression sur le sol terreux qui séchait assez vite.
Même l'extrême prudence que préconisaient les divers chefs de bataillon n'empêcha pas les snipers de faire de nouvelles victimes. Personne dans les troupes d'assaut ne s'en formalisait plus trop, mais les membres du SOLDAT restaient inquiets. Malgré leur vigilance, ils n'arrivaient pas à voir d'où pouvaient provenir les tirs et cela était une gêne considérable.
Toutefois, tous comprenaient désormais mieux l'étrange habitude commerciale des défenseurs du réacteur désaffecté. En effet, depuis plusieurs années, les acheteurs à leur solde écumaient les marchés d'armes. Ils n'étaient bizarrement pas attirés par les armes de haute technologie qui provoquaient souvent une ruée et une surenchère. Non, ils ne prenaient que des armes assez anciennes, à l'aspect extérieur un peu négligé et qui les rendait ternes et sans éclat. Tous avaient souvent attribué cette politique d'achat à un manque d'argent qui les poussait à se rabattre sur les armes d'occasion ou de qualités moindres, mais le contexte actuel leur donnait une toute autre signification. En effet, le soleil aurait dû luire sur les pièces métalliques des fusils comme il le faisait actuellement sur les pièces d'armures et les armes des troupes qui montaient à l'assaut. Mais les armes ternes ne provoquaient pas de reflets et, alliées au camouflage, rendaient leurs utilisateurs quasiment invisibles aux yeux de la Shinra. Et cela leur permettait de s'approcher de plus en plus près et de se déplacer sans se faire repérer. Toutefois deux snipers un peu trop ambitieux furent abattus dès qu'ils furent enfin repérés. Ils avaient pris appui sur l'extrême limite de l'arête rocheuse qui entourait la cible des Midgariens.
Pour tenter d'accentuer encore un peu plus l'avantage psychologique que leurs snipers leur avaient octroyés, les défenseurs du lieu avaient mis en action leurs deux mortiers qui crachaient leurs obus à un rythme soutenu. Certes, le faible nombre de mortiers à leur disposition empêchait un véritable pilonnage du terrain en contrebas, mais ils restaient une dissuasion efficace pour les plus téméraires.
En bas, Duke n'était plus accablé, il écumait de rage contre son orgueil. Écouter ce que lui disait son for intérieur n'était franchement pas une réussite sur ce coup-là. Non seulement il avait très largement sous-estimé ses adversaires qui étaient en train de repousser petit à petit un assaut qui tournait à l'abattoir, mais en plus il n'avait aucun moyen pour remédier à cela pour l'instant. Tous les moyens qu'il aurait pu utiliser avaient eux aussi pris le chemin vers u n village rebelle loin dans l 'Ouest.
A contrecoeur, il fit transmettre son dernier ordre de la journée, un repli des troupes sur des positions plus éloignées et censées être hors de portée afin d'encercler le village. Ainsi, l'assaut qui devait se finir rapidement se transformait en un siège qui devait aboutir à la reddition du lieu après l'épuisement de leurs réserves de nourriture et de boisson.

Pendant que s'achevait glorieusement la première journée de siège pour les défenseurs du Fort Condor, la journée débutait sous de bien mauvais augure du côté d'Utaï. Kazuo, un petit garçon, s'était aventuré hors du village, à proximité de la côte où il avait assisté à de bien étranges évènements. La côte habituellement désertée et vide était peuplée de diverses embarcations qui débarquaient dans une litanie interminable un flot grandissant de soldats et de matériel. L'enfant se cacha dans les buissons les plus proches et se recroquevilla de plus belle alors que résonnait le fracas des réacteurs des avions qui se posaient sur un navire au loin. Sortant prudemment de sa cachette, il se rua vers son village dès qu'il se sentit hors de portée des envahisseurs. Il apparut sur la place du village en hurlant le nom du chef des lieux, Lord Godo. Ce fut Tenshi qui lui répondit.

- Kazuo, mon père ne peut pas te parler pour le moment. Il est allé interroger les augures sur le Da-Chao.
- Mais c'est grave, geignit l'enfant. Il y a plein de gens et de véhicules sur la plage.
- Sur la plage ? Tu es sûr de toi, interrogea Asuke, l'air grave.
- Oui, venez si vous ne me croyez pas, répondit l'enfant, une lueur de défi dans ses yeux.
- C'est bon, je te crois, lâcha Tenshi. Que sais-tu d'autre sur ces mystérieux envahisseurs ?
- Ils ont des avions et pleins de bateaux.
- Hum c'est mauvais signe, fit l'un des hommes du village. On va peut-être essuyer une attaque.
- Je sais, reprit Tenshi. Trois hommes avec moi, on va patrouiller, prenez vos armes, il faudra être prudent.

Trois jeunes hommes du village se ruèrent dans leurs demeures pour s'équiper. Tenshi n'était pas trop inquiet. Il se savait fort et avait confiance dans ses trois compagnons qui avaient une belle réputation de chasseurs. Même un ennemi déterminé n'aura aucune chance, il en était sûr et, plutôt que sur la technologie qui semblait être l'alliée des arrivants, il aurait la connaissance du terrain pour lui. La petite équipe se mit en marche, devenant de plus en plus prudente au fur et à mesure que la plage se rapprochait. Tous étaient aux aguets, à la recherche du moindre bruit ou du moindre mouvement suspect.
Au bout d'une dizaine de minutes de patrouille, ils entendirent au loin des échos de différentes voix qui parlaient dans une langue étrangère, langue que Tenshi comprenait et qu'il identifia comme celle qui était en usage dans la ville de Midgar. Ainsi, le turbulent Kazuo n'avait pas menti, l'ennemi était bien là. Avisant une rangée de hautes herbes sur le côté du chemin qui leur faisait traverser une allée de palmiers, les quatre guerriers s'y jetèrent et se tapirent sur le sol en attendant de voir qui arrivait. L'attente ne fut pas longue car ils virent vite arriver une dizaine de silhouettes. Au fur et à mesure que les dix personnes se rapprochaient, toujours aussi bruyamment, visiblement sans craindre les autochtones. Tenshi se concentra afin de ne pas perdre une miette de la conversation.

- Bon, on fait encore trois kilomètres et on aura atteint le village, commanda un homme vêtu d'un haut violet, visiblement un officier. Il était brun, avec une coupe au bol et des yeux brillant étrangement.
- Monsieur, ne devrions-nous pas être plus prudent ? demanda un homme, si on en jugeait par la voix, tout vêtu de bleu.
- Pfff, reprit l'officier. Ce n'est que de la vermine. Je ne sais pas pourquoi tout le monde fait un tel bazar de cette campagne, mais je sais que nous dix la gagnerons sans problème.

Tenshi se tourna vers ses camarades, leur fit quelques signes afin de leur donner les instructions qu'ils auraient à respecter. Aussitôt, les deux hommes qui étaient partis avec le matériel nécessaire à un sort de foudre bougèrent le plus discrètement possible afin de se mettre à chacune des extrémités de l'allée. Le dernier compagnon du fils du chef du village imita ce dernier en dégainant à son tour le long sabre qui faisait la fierté des guerriers d'Utaï. Une fois tout ce dispositif en place, Tenshi put faire signe aux deux magiciens du groupe de se mettre en action. Les deux hommes n'attendaient que cela. Ils se mirent debout sur la route et profitèrent de la stupéfaction causée par leur apparition pour jeter leurs sorts à tous les soldats. Ils firent quatre victimes et mirent hors service la radio des autres membres du commando qui s'étaient rué dessus pour témoigner de l'attaque à leur base. Tenshi et Kenji, son dernier compagnon, se ruèrent alors sur les combattants désemparés. Tenshi prit la peine de carboniser un de ses adversaires avant de devoir aborder le combat au corps à corps, là où il excellait, un peu moins que sa sœur peut être. Toutefois cela semblait amplement suffisant pour le moment puisque sa lame trancha sans mal la gorge d'un autre soldat dont la tête ne resta en place que par la résistance de la colonne vertébrale.
Il se tourna vers ses trois camarades pour voir où ils en étaient. Après avoir vite ramené le nombre d'assaillants à leur nombre, les guerriers utaïtes éprouvaient quelques difficultés à faire face aux soldats. Surtout à celui qui semblait les commander et qui possédait une épée de bonne taille, qu'il maniait avec dextérité. Tandis que Tenshi réglait définitivement le compte à un soldat glapissant, cet officier parvint à couper le bras de Kenji. Hurlant de douleur, ce dernier dut mettre un pied à terre ce qui fut exploité par l'ennemi qui envoya rouler sur le sable la tête de la première victime utaïte. Fous de rage, les quatre guerriers encore vivants mirent à mal les derniers soldats survivants avant de se tourner vers leur redoutable adversaire qui savourait encore sa victoire.

- Et bien, vous me semblez un peu énervé, ironisa le membre du SOLDAT.
- Tu vas payer pour ce que tu as fait à Kenji, fulmina Tenshi.
- Payerez-vous pour les morts qui vous entourent , demande le guerrier adverse soudain plus sérieux.
- Seuls les vainqueurs sont absous de leurs dettes envers les victimes, répondit l'un des deux mages noirs de l'équipe.

Appuyant ses paroles, il projeta un puissant éclair sur le guerrier qui ne put pas se défendre contre une attaque aussi subite et encaissa le voltage. Malheureusement, l'éclair n'était pas assez puissant pour le mettre hors de combat et il se rua à l'assaut de celui qui l'avait attaqué par surprise. Ce dernier pensait sa dernière heure venue quand la lame du sabre de Tenshi vint dévier l'épée adverse. L'adversaire semblait impressionné de la vitesse à laquelle le jeune homme avait réagi. En fait, ce dernier était vexé. Il avait sous-estimé la force de son ennemi et n'avait pas pu bloquer le coup comme il en avait l'intention initialement. Dépité, il passa à l'assaut et vit avec plaisir que les si dures et si longues leçons d'escrime que son père lui avait infligé depuis tant d'années portaient leurs fruits. Il pouvait aisément rivaliser avec son opposant qui ne semblait pas gêner par le poids de son arme. Il ne répondait pas aux attaques avec une aisance incroyable, mais il ne semblait pas non plus souffrir de cette opposition. Craignant une nouvelle patrouille, les deux mages noirs se mirent à projeter une quantité de sorts sur le guerrier qui finit par tomber à genoux, atteint assez sérieusement.

- Pitié, murmura-t-il. J'ai des enfants, je veux les voir grandir. Prenez-moi comme otage, implora l'homme.
- Tu as eu de la pitié pour Kenji , rugit Tenshi.
- Et puis faire des prisonniers n'est pas dans les habitudes d'Utaï, reprit un mage noir.

Laissant l'homme à son dépit, Tenshi alla chercher l'arme de son compagnon défunt. La prenant en main, il se rapprocha du prisonnier puis lui infligea le sort qu'avait subi l'ancien possesseur de l'épée.

- Fouillez les corps, prenez tout ce qui pourra nous servir, ordonna le jeune homme.

Les deux autres guerriers firent les poches et les sacs des dépouilles. Ils y trouvèrent des potions, de l'éther et quelques rations. En examinant les armes, ils prirent les quelques matérias disponibles. Un des deux mages attira l'attention de Tenshi sur un élément.

- Seigneur, regardez leurs vestes.
- Que se passe t il ?

Il comprit vite ce qui avait choqué son compagnon. Tous les uniformes portaient le même symbole. Un symbole honni par son clan et son village. Le symbole de ceux qui avaient tenté de racheter le village quelques mois auparavant et qui, maintenant, tentaient de le prendre par la force. L'exécrable compagnie qui avait bâti sa richesse sur l'exploitation du Mako et qui dominait le monde. La Shinra. Ainsi cette vermine voulait se battre.

- Prenez tout, on rentre, ordonna Tenshi qui empoigna le corps de son compagnon défunt.

Le retour au village fut triste, mais calme. Le petit commando anéanti, il semblait que la Shinra ne voulait pas employer d'autres unités pour le moment. Ils profitèrent donc de ce fait pour se hâter de rejoindre le village qui devait les attendre la peur au ventre. C'était le cas et Lord Godo en personne attendait les quatre guerriers. Voyant la dépouille de Kenji, il demanda vite un rapport sur ce qui s'était passé. Une fois ce rapport confirmé par le butin, il prit la parole.

- Utaïtes, une menace pèse sur nous, entama le maître des lieux. Comme vous le voyez, Kenji a donné courageusement sa vie pour donner la première victoire de cette nouvelle guerre à notre clan. Qu'il soit accueilli parmi les Dieux comme un brave. Mais revenons à quelque chose de plus préoccupant. Vous connaissez tous la Shinra ? C'est notre ennemi. Que ceux qui ne peuvent pas se battre aillent chercher la protection du Da Chao. Les autres, à vos armes.

Le village avait une expérience plus que millénaire des conflits. Les ordres furent appliqués avec minutie et les portes du village furent fermées. Entourées de murs haut de six mètres, elles avaient la réputation d'être indestructibles. En effet selon la légende, le dieu Léviathan avait fait trois cadeaux au village. La première était son incarnation terrestre, symbolisée par une matéria, le second était composé d'une partie de ses écailles dont la plupart auraient servi à construire les murailles, toujours selon la légende. La troisième était une longue épée qui trônait dans le temple principal. Personne tout au long de l'histoire n'avait réussi à la manier et la légende disait que seule l'incarnation du dieu de la guerre pourrait y arriver un jour.

Désormais, il ne restait plus qu'à attendre le début des hostilités.