Prologue

Une très longue nuit

Près d'un petit village non loin de Little Hangleton vivait une jeune femme qui se nommait Johana Smith. Mais vivre était un bien grand mot. En effet, elle était plongée dans un profond sommeil depuis fort longtemps…

Un beau matin de printemps, alors qu'une brise fraîche et sucrée caressait les prés verdoyants qui entouraient sa maison, Johana gémit de douleur dans son lit. Elle était encore partiellement endormie mais elle venait de ressentir quelque chose : un signe que le moment de son réveil était proche.

Ses sens s'activèrent. Elle sentit le vent léger qui passait par la fenêtre entrouverte lui glisser sur la peau et faire voleter ses beaux cheveux noirs, elle respira la douce odeur printanière qui flottait autour d'elle et entendit le chant des oiseaux dans les arbres. Son esprit devenait de plus en plus clair, elle ne savait pas très bien où elle se trouvait et ses yeux refusaient de s'ouvrir mais, se rappelant ses vieilles habitudes, elle chercha à tâtons sa baguette magique et renversa, dans sa maladresse, tout ce qui se trouvait sur la petite table, placée juste à gauche de son grand lit aux draps bleu clair. Puis consciente de son état d'étourdissement, elle se recoucha afin de retrouver la totalité de ses esprits.

Après quelques minutes seulement, elle ouvrit les yeux. Elle reconnut au premier coup d'œil la pièce dans laquelle elle était couchée. Il s'agissait là de sa chambre, dans la petite maison qu'elle avait achetée peu de temps auparavant, à proximité d'un petit village moldu. Il lui fallut cependant plus de temps avant de constater qu'elle n'était pas seule. En effet, en essayant de se lever, elle fut déséquilibrée par le poids de son ventre rond et tendu.

Comment était-ce possible ? Elle n'avait pas le souvenir d'être enceinte et il lui semblait que le temps d'une nuit seulement avait passé… Pourtant, la grosseur de son ventre indiquait que l'accouchement était pour bientôt, dans trois ou quatre mois, sûrement. Elle venait de passer six mois dans un lit, sans aucun souvenir, pas même du père de son enfant. La confusion qui régnait en elle était indescriptible.

Ce fut à cet instant qu'elle posa son regard sur le sol de la pièce. Parmi les objets qu'elle avait renversés, elle remarqua rapidement une lettre, encore cachetée, qu'elle n'avait jamais vue avant ce jour. Oubliant un moment ses doutes et ses confusions, elle se laissa porter par une vague soudaine de curiosité. Elle saisit l'enveloppe sur laquelle était écrit son nom et l'ouvrit sans plus attendre…

Ma très chère Johana,

Quand tu liras cette lettre, tu viendras certainement de te réveiller d'un très long sommeil et tu porteras un enfant. Mon désespoir était tellement grand quand tu es tombée malade que j'ai accepté qu'un médecin étranger, avec paraît-il de fabuleux pouvoirs, essaye de te soigner. Mais malheureusement, faute de te faire recouvrer la santé, il t'a plongée dans un sommeil profond.

Mon amour, je n'ai pas eu le courage de t'attendre. Tout comme toi, je n'ai aucune famille à qui parler et te voir ainsi tous les jours sans que tu puisses me parler, me toucher, rire ou vivre, tout simplement, relevait du supplice. Je meurs d'amour pour toi, je ne peux plus supporter ton absence, je sens que ma fin est proche et c'est pour cette raison que je t'écris. Je ne sais pas si tu te souviendras encore de moi après cette interminable nuit, mais souviens-toi tout de même que tu portes mon enfant et aussi que je t'aime.

Avec tout mon amour, Morfin Gaunt

Johana avait les larmes aux yeux. Elle ne savait pas si ce qu'elle venait de lire était ou non la vérité, mais elle était dans un tel état de confusion qu'elle voulut y croire. Cela lui faisait du bien de penser qu'elle avait eu un amant qui l'aimait et qu'ils avaient un enfant. Ce n'était pas une mauvaise situation, finalement : elle n'était pas triste de la mort de son amant car elle ne se souvenait plus de lui et elle attendait un enfant, elle qui avait toujours voulu en avoir. Elle était maintenant libre de refaire sa vie avec un autre homme ou de rester seule à s'occuper de son enfant.

Johana resta longtemps debout dans cette chambre qu'elle croyait connaître, à méditer sur ces étranges événements. Puis, gentiment, elle sortit et entreprit de redécouvrir les lieux qu'elle avait, pendant six mois, inconsciemment négligés. Réinstaurant ses habitudes Johana reprit petit à petit une vie normale. Trois mois plus tard, le bébé naquit. C'était un beau petit garçon que Johana décida de nommer Alan Gaunt, en souvenir de son mystérieux amant.

Elle décéda à un âge avancé, dans son lit. Une belle mort, sans souffrances, une belle façon de quitter une vie vécue dans le doute de six mois de noirceur insondable…