Yumemaboroshi Gasshuku Universe
YumeGa
par
Eleawin
Chapitre
3
Dans
un tourbillon de plumes
Tous les calculs et toutes les probabilités du monde ne pouvaient pas l'aider dans cette situation. Inui faisait face à un phénomène qu'un autre que lui aurait qualifié d'irréel ou de surnaturel, mais il savait qu'il n'y avait rien d'inexplicable en ce bas monde… Même lorsque ses coéquipiers disparaissaient dans la nature, sans qu'il soit capable de les retrouver.
« Inui-sempai… »
La voix de Kaidoh était rauque mais elle sonnait comme une musique à ses oreilles. Inui se retourna pour faire face à son kôhai, son carnet ouvert à la main. Kaidoh avait l'air plutôt pâle, remarqua immédiatement Inui. Il savait à quel point le deuxième année détestait tout ce qui faisait peur et était anormal… La présente situation ne pouvait que l'effrayer, même si sa fierté lui interdisait de le reconnaître. C'était mignon, quelque part.
« Quelque chose ne va pas, Kaidoh ? » demanda-t-il doucement.
Ils étaient dans le couloir débouchant dans le hall d'entrée, entre le salon et la cuisine. Inui venait de quitter Momoshiro et Echizen et Kaidoh sortait du séjour. La nuit était tombée depuis des heures mais Ryuuzaki-sensei n'était toujours pas revenue. Comme pour en rajouter une couche, ils s'étaient rendus compte que leurs portables ne pouvaient plus capter, les rendant complètement hors service. Pour couronner le tout, la fièvre d'Atobe avait encore augmenté, d'après ce que lui avait rapporté Tezuka. Ca en devenait inquiétant.
Kaidoh secoua la tête et regarda le bout de ses chaussures. Mais Inui était capable de lire en lui comme dans un livre ouvert. Il n'avait pas besoin de mots pour comprendre que son kôhai avait juste besoin de la compagnie de quelqu'un en qui il avait confiance pour se rassurer. Et au fond, il se sentait incroyablement flatté d'être la personne que Kaidoh avait choisie… Il remonta ses lunettes sur son nez pour cacher le sourire qui lui montait aux lèvres et se racla la gorge.
« Je vais refaire le tour de la maison… Tu veux venir avec moi ? »
Kaidoh eut l'air d'hésiter. Evidemment, la prudence lui dictait de rester avec les autres et ne de pas s'éloigner du salon où tout le monde se trouvait, mais ils ne risquaient rien à deux, n'est ce pas ? … Kaidoh était intimement persuadé du contraire, mais étrangement, c'était le genre de risque qu'il osait prendre avec son sempai. Et puis, il ne voulait pas passer pour un peureux.
« Tu
crois que les autres vont bien ? » demanda-t-il, mal
à l'aise.
« Il n'y aucune raison pour qu'il
leur soit arrivé quelque chose, » déclara
Inui, préférant rester vague sur le sujet.
Est-ce
qu'il devait avouer que ses probabilités ne lui servaient
absolument à rien dans de telles conditions ? Il avait
besoin de données, de beaucoup plus de données. Et si
elles ne venaient pas à lui, Inui était tout disposé
à aller les chercher…
Il avança dans le corridor,
simplement éclairé par de petites lampes accrochées
à intervalles réguliers aux murs. Kaidoh le regarda
partir, hésitant encore sur la marche à suivre. Mais il
se sentait toujours plus courageux quand Inui était là,
et c'était la raison pour laquelle en dépit de tout
bon sens, il lui emboîta le pas dans le couloir où il
avait vu disparaître un peu plus tôt Oishi et Kikumaru…
Inui-sempai était là, après tout.
¤¤¤
Atobe avait essayé de toutes ses forces d'être patient et de supporter sans broncher l'attention dont il faisait l'objet, mais même le plus parfait des hommes avait ses limites.
« Ca suffit, Oshitari ! »
Il se relaissa tomber sur ses coussins, épuisé. Cette discussion ne les menait nulle part, et pire, lui tapait tellement sur les nerfs qu'il dut prendre sur lui même pour ne pas envoyer le premier projectile venu dans la tête du tensai. Les lèvres pincées, Oshitari recula un peu, les joues écarlates. Atobe ne l'avait jamais vu aussi furieux, et c'était avec une certaine fierté qu'il s'en attribuait tout le mérite.
« Ne
fais pas l'imbécile, Atobe ! Tu es malade et.. »
« Je
vais très bien ! »
« Oh, mais bien
sûr, et c'est la raison pour laquelle tu as un quarante de
fièvre ! » hurla presque le tensai, ce qui eut pour
effet de se faire tasser un peu Atobe sur lui même, peu habitué
à qu'on lui parle ainsi.
Agacé,
Oshitari serra le poing et essaya de se calmer. Il regarda Tezuka,
adossé contre le mur, et se retint de rouler des yeux devant
tant de stoïcisme incarné. Ca ne lui viendrait pas à
l'esprit de lui prêter main forte, non ?
Comme s'il
percevait ce message subliminal, Tezuka prit la parole.
« Atobe,
tu devrais... »
« Pas toi aussi, Tezuka !
Laissez moi tranquille ! »
Atobe semblait avoir un regain d'énergie et campait fermement sur ses positions. Tezuka soupira et décida de retourner dans son silence contemplatif, confiant le reste à Oshitari qui semblait plus apte à gérer le problème. Le brun prit une longue et profonde inspiration.
« Atobe,
je ne t'ai jamais vu aussi irresponsable... Tu délires
complètement, tu vois des choses bizarroïdes,
tu n'es visiblement pas bien du tout ! Alors fais un effort et AVALE
CE PUTAIN DE SIROP ! »
« Désolé
mais je ne suis pas adepte de l'auto médicamentation, »
murmura lentement le châtain, blême de rage. « ET
CESSE D'AGIR COMME SI J'AVAIS PERDU LA TETE ! »
« Ca
te paraît tout à fait normal de voir des sirènes
ou je ne sais quelles créatures imaginaires, peut-être
? »
« Tu es vraiment lent d'esprit,
Oshitari. Combien de fois dois-je te le répéter pour
que tu comprenne ? »
« Je suis peut-être
lent d'esprit, mais j'ai le mérite de ne pas l'avoir perdu
! »
« CA SUFFIT ! SORS D'ICI ! »
« Tu
n'es pas en état pour donner des ordres, Atobe ! Arrête
de faire l'enfant, tu as passé l'âge de faire des
caprices ! »
Atobe laissa échapper un claquement furieux et se tourna comme une furie vers Tezuka, qui s'appliquait très fort à faire partie du décor... Qu'est ce qu'il faisait ici, au fait ?
« Fais le sortir, Tezuka ! »
Le capitaine de Seigaku soupira. Il ne voulait pas être mêlé à tout ça, or Atobe semblait ne pas vouloir lui laisser le choix… Mais avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche, Oshitari était déjà parti, claquant la porte si fort que le petit panneau ornemental accroché à sa poignée se décrocha pour aller s'écraser au sol. On pouvait entendre Oshitari dégringoler l'escalier et re-claquer une autre porte, sans doute celle de la cuisine. Atobe remonta la couverture sur lui, les lèvres pincées, si pâle qu'il semblait que tout le sang avait quitté son visage. Le silence se faisait lourd et inconfortable, mais il ne semblait pas pressé de le rompre.
« Il se fait du soucis pour toi, » lâcha finalement Tezuka.
Atobe ne répondit rien et contempla le plafond, les yeux brillants de fièvre. Oshitari n'était qu'un idiot, il ne comprenait rien…
¤¤¤
Oshitari débarqua bruyamment dans le salon et se laissa tomber sur le premier siège libre, c'est-à-dire le canapé seulement occupé par Jiroh. Les murs tremblaient encore de son coup de colère, mais il s'en moquait complètement. Les autres pouvaient penser ce qu'ils voulaient, ça lui était égal. Et qu'est ce qu'ils avaient à le dévisager comme ça ?
« J'ai
quelque chose sur le visage ? » lâcha t-il d'un
ton brusque, de forte mauvaise humeur.
« Pas la peine
de passer tes nerfs sur nous, » répliqua
immédiatement Shishido. « On vous entendait
d'ici… »
Shishido eut la bonne grâce de ne pas s'attarder sur le sujet, et personne dans la pièce n'était assez suicidaire pour s'y aventurer. Mukahi était singulièrement ennuyé pour son meilleur ami, mais il connaissait Yuushi depuis assez longtemps pour comprendre que ce n'était pas le moment de lancer une vanne stupide. Il se tourna vers le seul joueur de Seigaku présent dans la pièce, Kawamura Takeshi.
« Tu
ne sais vraiment pas où sont tes coéquipiers ? On
devrait faire quelque chose non ? » proposa t-il,
sautant sur ses jambes pour s'approcher du siège de
Kawamura. « Par exemple, tenter de les
retrouver ? »
« Qu'est ce que c'est
encore cette histoire ? » questionna Oshitari, blasé.
Ne lui dites pas qu'il y avait encore un problème, en plus d'Atobe malade et de Ryuuzaki-sensei toujours pas rentrée ! C'était inexplicable que cette dernière ne soit toujours pas là alors qu'il était déjà nuit, l'aller-retour en car jusqu'au village ne devait pas prendre plus d'une heure. Ca faisait des heures qu'elle était partie, et des heures qu'Oshitari attendait pour demander le transfert de son capitaine dans l'hôpital le plus proche. Il commençait à en avoir par-dessus la tête de cette histoire, il regrettait presque le moment où il avait posé un pied dans le car qui les avait emmené ici !
« Nous
ne savons pas où sont passés Hiyoshi et Kabaji, »
répondit Ohtori, ses grands yeux miroitant d'inquiétude.
« Ni où sont les autres membres de Seigaku. Ca
fait des heures qu'on ne les a pas revu.»
« Quoi,
vous voulez dire qu'ils ont disparu ? »
C'était une question stupide, évidemment. Les autres n'étaient pas assez bêtes pour jouer à cache-cache à un tel moment. Il avait dû leur arriver quelque chose… Oshitari se pinça le nez, accumulant toute la fatigue de la journée.
« Tezuka
nous a dis de ne pas bouger d'ici, » dit Kawamura,
troublé.
« Oh, vraiment ? »
Oshitari se retint de lâcher une réplique cinglante et bien venue. Tezuka n'avait pas jugé bon de l'avertir de ce délicat petit problème, hein ? Il venait prendre sa place auprès d'Atobe et se permettait en plus de jouer au petit chef avec les autres. Et bien si c'était comme ça, il ne voyait pas en quoi lui, joueur de Hyotei Gakuen, serait supposé obéir aux ordres d'un capitaine d'une équipe rivale. Il se leva, jeta un regard agacé à Shishido qui s'apprêtait à dire quelque chose et se tourna vers Kawamura.
« Je vais jeter un coup d'œil, » déclara t-il. « Faites ce que je voulez, mais je n'ai pas l'intention de rester ici les bras croisés à ne rien faire. »
Il
était peut-être impuissant face à la fièvre
qui rongeait Atobe mais ça ne voulait pas dire qu'il allait
rester là à se lamenter sur son sort. Il avait besoin
de s'occuper l'esprit pour ne pas se morfondre sur l'état
de santé de son capitaine.
Les autres s'échangèrent
des regards.
« Comme tu le sens, » lâcha finalement Shishido, s'auto désignant porte parole. « On ne va pas t'empêcher de faire ce que tu veux, Oshitari. »
Et il ne voyait pas comment, de toute manière. Il aurait lui aussi voulu partir à la recherche des autres, mais quelque chose le taraudait, une impression bizarre qui ne voulait pas le quitter depuis qu'il avait posé le pied dans la maison. Et il ne voulait pas quitter Choutarou, pour rien au monde. Il ne voulait pas le mettre en danger non plus en l'emmenant faire le tour des environs. Qui savait ce qui rôdait, et surtout, qui savait ce qu'il pouvait bien se passer ?
« Je viens avec toi, Oshitari-kun, » dit soudain Kawamura.
Il
ferma le poing, déterminé. Qu'il désobéisse
aux ordres de Tezuka était rare, mais il se faisait beaucoup
trop de soucis pour Oishi, Eiji et Fujiko. Egalement pour Inui et
Kaidoh, qu'il n'avait pas vu depuis une bonne heure…
Etaient-ils partis, eux aussi ?
Oshitari accueillit sa
proposition d'un bref hochement de la tête et se dirigea vers
le couloir. Kawamura lui emboîta le pas mais avant qu'ils
n'aient franchi la porte, un cri les stoppa net.
« Attendez moi ! » dit Mukahi, s'élançant vers eux. « Je viens aussi ! »
Shishido les regarda partir sans rien dire. Il échangea un regard avec Ohtori, qui était assis près de Jiroh endormi. Pourquoi avait-il un sale pressentiment… ?
¤¤¤
Atobe soupira et se retourna une nouvelle fois. Il avait atrocement chaud et se sentait brûler, comme si on avait allumé un feu à l'intérieur de lui qui le carbonisait à moitié. Il repoussa ses couvertures dans l'espoir de trouver un peu de fraîcheur mais Tezuka se leva et replaça soigneusement les couettes à leur place initiale.
« J'ai
chaud, » protesta faiblement Atobe, repoussant à nouveau
les couvertures à ses pieds. « Ouvre la
fenêtre... »
« Attraper
froid ne va pas faire disparaître ta fièvre, Atobe, »
le sermonna le capitaine de Seigaku, remontant une nouvelle fois les
couvertures sur le châtain. « Essaye de dormir un
peu. »
« Arrête de te comporter comme
ça, toi aussi ! »
Est-ce qu'il croyait sincèrement que ce qu'il avait dit à Oshitari ne valait pas pour lui ? Crier faisait du bien à Atobe mais l'épuisait aussi drastiquement. Il se sentait vidé de ses forces, déjà bien entamées par son séjour dans l'eau et par son sommeil sans rêves. Loin de l'avoir reposé, ça lui avait laissé une sensation pénible d'éreintement que rien ne semblait pouvoir soulager. La chaleur anesthésiait ses sens et rendait ses mouvements plus lents et maladroits. Il détestait ça, et il détestait encore plus le fait d'être dans cet état alors que son rival était là. Ce n'était pas le rôle de Tezuka de s'occuper de lui, de toute façon.
« Bois, » ordonna Tezuka, lui tendant un verre d'eau sous le nez.
Et cette manie qu'ils avaient de lui dicter ce qu'il avait à faire… Atobe aurait apprécié lui rétorquer vertement quelque chose, mais à la place, pressa le verre froid contre ses lèvres craquelées. Le liquide qui s'écoula dans sa bouche le soulagea un peu mais pas pour longtemps ; il toussa, la gorge en feu, la vue troublée par les larmes qui perlaient à ses yeux. Il pouvait sentir les mains de Tezuka lui donner de petites claques dans le dos et l'aider à s'asseoir, mais tout ce que Keigo voulait à ce moment c'était lui dire de sortir et de le laisser seul. Il ne voulait pas qu'on s'occupe de lui !
« Laisse
moi tranquille ! » parvint-il à dire entre
deux quintes de toux.
« Oshitari a raison, tu n'es
vraiment pas en état d'être capricieux, Atobe.»
Atobe aurait vraiment voulu répondre par quelque chose de grossier, mais sa gorge n'était visiblement pas du même avis. Il toussa encore et chercha à reprendre sa respiration, calé contre Tezuka qui lui tapotait doucement le dos. Il ferma un instant les yeux et…
…tout d'un coup, il vit une grande citadelle, blanche et glacée sous les rayons de l'astre solaire. Il pleuvait des plumes rouges, ensanglantées, virevoltant lourdement dans l'air figé. C'était comme dans un rêve et…
« Atobe. »
…et une douleur atroce lui vrilla soudain le dos, lui coupant la respiration et lui brouillant la vue. Une nouvelle pluie de plumes écarlates tourbillonna dans le ciel gris et vide, emportées par le vent. Il voulut crier mais…
« Atobe ! »
…mais sa voix semblait être aspirée par le néant qui l'entourait, noir et terrifiant. Sans ses ailes, il tombait, tombait, dévoré par ce gouffre de ténèbres et d'oubli.
« Ouvre
les yeux. Réveille toi. »
« T..Tezuka ? »
Il ne voulait pas dormir. Même s'il était mentalement et physiquement épuisé, il refusait de fermer les yeux, luttant de toutes ses forces contre le sommeil. Il prit une lente inspiration et s'éloigna de Tezuka, s'adossant contre le mur. La pièce tournait bizarrement autour de lui mais il fit comme si de rien n'était, les yeux obstinément fixés sur un point du plafond.
« Où est Kabaji ? » demanda t-il.
Sa voix sonnait même faible à ses oreilles mais il n'en avait cure. Peut-être que parler lui ferait oublier cette sensation d'engourdissement qu'il éprouvait dans tout le corps.
« Il
va bien, » répondit simplement Tezuka.
« Non, »
répliqua Atobe. « S'il n'est pas ici, ça
veut dire que quelque chose lui est arrivé. Dis moi ce qu'il
se passe, Tezuka. »
« Il va bien, »
répéta Tezuka. « Ne t'occupe pas des
autres et rétablis toi, Atobe. »
Atobe réprima une grimace agacée. Tezuka se foutait de lui ? Il pensait sincèrement que lui, Atobe Keigo, allait rester là à ne rien faire pendant que les membres de son équipe devenaient il ne savait quoi ?
Il allait exprimer à haute voix son mécontentement quand…
« Tezuka… » murmura-t-il lentement, regardant ses bras. « Je saigne ? »
¤¤¤
« Qu'en pense-tu, Momo-sempai ? »
Momoshiro se gratta la tête. Quelle question. Qu'était-il supposé penser dans cette situation, quand presque tout le monde avait disparu et qu'il se retrouvait seul dans la cuisine avec Echizen ?
« Tezuka... nous a formellement interdit de bouger d'ici, » répondit-il finalement.
Il commençait à avoir la migraine. Il étouffa un bâillement et s'étira lentement, épuisé par sa journée. Il était près de minuit maintenant, et personne ne savait pourquoi Ryuuzaki-sensei n'était toujours pas rentrée. Ni où étaient passés les autres…
« T'es bizarre ! » lâcha soudain Echizen.
Ses yeux dorés luisant doucement sous la lumière de la lampe accrochée au dessus de la table. Momoshiro haussa un sourcil. Bizarre ? Qu'est ce que Ryoma racontait encore ? Le première année avait l'air sérieux pour une fois, il n'y avait pas cette étincelle moqueuse dans son regard ou son petit sourire en coin habituel.
« Pourquoi ça ? » demanda t-il, à moitié surpris.
L'autre moitié s'en moquait totalement. Il savait qu'il aurait dû être paniqué, voire agacé, mais tout ce qu'il ressentait en ce moment était un calme serein, à peine perturbé par les récents événements. Pour quelles raisons, il n'en savait rien, mais c'était mieux que l'état de panique dans lequel semblait être plongé Ohtori de Hyotei, non ? Dans le fond, peut-être que oui, c'était bizarre, mais pas nécessaire d'en faire tout un plat.
« Descendons
au village, » décida soudain Echizen.
« A
pieds ? »
Ryoma ne répondit rien et le regarda droit dans les yeux. Longtemps. Momoshiro soupira finalement.
« Ok, ok… Laisse moi le temps d'aller chercher ma veste alors. »
¤¤¤
Tezuka resta complètement silencieux, envoyant un regard morne vers Shishido qui lui faisait face. Ils étaient devant la porte de la chambre d'Atobe, à quelques pas de l'escalier qui menait au rez-de-chaussée. Shishido était pâle et visiblement sur les nerfs.
« Et ils sont partis sans m'écouter, » termina le brun à la casquette, jouant nerveusement avec sa visière. « Ces imbéciles ! »
Il avait bien essayé de les arrêter, mais Momoshiro et Echizen avaient refusé de l'écouter. Momoshiro s'était contenté de hausser les épaules devant ses protestations, et Echizen lui avait sortit un 'Mada mada dane' qui lui avait franchement donné envie de mordre. Et ils étaient partis, à une heure du matin, vers un hypothétique village quelque part dans les environs. Ils avaient perdu la tête.
« Comment
va Atobe ? » demanda t-il, voyant que Tezuka ne
disait rien.
« Etat stationnaire, » répondit
brièvement le capitaine de Seigaku.
Shishido grinça devant tant d'apathie et s'avança pour entrer dans la chambre. Il fut assez surpris de se trouver nez à nez avec le bras de Tezuka en travers de la chambranle, lui interdisant clairement le passage. Il haussa un sourcil surpris.
« N'entre pas, » dit simplement Tezuka.
Shishido était conscient qu'il devait avoir l'air parfaitement bovin à cet instant précis, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. Il recula et observa le mur que Tezuka formait devant la porte, inébranlable les bras croisés. Il fronça des sourcils.
« Oï !
Qu'est ce qu'il se passe, je ne peux pas voir mon
capitaine ? »
« N'entre pas, »
répéta Tezuka, inexpressif comme jamais.
Et il n'offrait aucune explication, aucune justification. Shishido cligna des yeux, confus. Il contempla un instant l'idée d'utiliser des moyens plus radicaux pour voir ce qu'il se passait dans la pièce, mais Tezuka fut plus rapide. En un clin d'œil il se retourna et se glissa dans la chambre, fermant la porte derrière lui.
Clic.
Shishido n'avait eu que le temps d'entrevoir la forme allongée d'Atobe dans son lit avant de se prendre la porte au nez.
« Quel… enfoiré… ! »
Indigné et n'arrivant pas à y croire, il redescendit bruyamment les marches de l'escalier avant de se reprendre. Ohtori dormait dans le salon, il ne voulait pas le réveiller. C'était bien triste mais Shishido n'avait actuellement personne à qui se plaindre sur le comportement infâme de Tezuka, puisque tout le monde avait décidé de disparaître. Et non, il n'était pas inquiet et prêt à piquer une crise de nerfs à n'importe quel moment, il le saurait sinon. Il était calme et serein et non pas rongé d'inquiétude comme Echizen semblait le croire quelques heures plus tôt. Il était…
Ses réflexions furent brutalement interrompues quand une scène surréaliste lui tomba sous les yeux à son entrée dans le salon.
C'était un jeu ; il détruisait le monde et eux le reconstruisaient. Peu importe que ça ne puisse durer pour l'éternité, le plus longtemps était le mieux.
« Oï ! Jiroh, qu'est ce que tu fais ? Lâche Choutarou ! »
Au début, c'était par vengeance. Mais plus il s'enfonçait dans ce gouffre amer, plus ce besoin était pressant. Détruire, détruire, détruire, jusqu'à qu'il ne reste plus rien.
« Bon sang ! »
Il était en train de le tuer ! Sprintant vers le blond qui maintenait fermement un coussin sur le visage d'Ohtori allongé, il se jeta sur lui mais…
Tant pis si ce qu'il faisait le maudissait à jamais dans ce monde de pêchés. Il ne lui restait plus rien, de toutes façons.
… mais il n'avait pas vu ce que Jiroh tenait dans son poing. Tout devint soudain rouge et il hurla, emporté dans un univers noir.
¤¤¤
Atobe ouvrit les yeux.
Il était plongé dans l'eau, se rendit-il compte, abasourdi. Ses idées n'étaient pas très nettes et sa vue non plus, mais il comprit vite qu'il se trouvait dans une salle de bain, assis dans une grande baignoire. Il ne savait pas ce qu'il faisait là. Ni comment, d'ailleurs. C'était comme si un pan entier de sa mémoire avait disparu pour lui laisser une sensation de vide et de confusion. On lui avait enlevé ses vêtements qui reposaient un peu plus loin, sur une commode. Qu'est ce qu'il faisait ici ?
« Ca va bientôt commencer, Atobe. »
Tezuka entra dans la pièce et le regarda. Atobe aurait dû se sentir gêné, entièrement nu dans un bassin glacé, mais il s'en moquait pour le moment. L'expression de Tezuka accaparait toute son attention. Il avait l'air… tendu.
« Qu'est ce qui commence ? » demanda le châtain, le regardant approcher.
Tezuka ne répondit pas et se pencha sur lui. Il pouvait sentir ses mains sur ses épaules et sa nuque, écartant ses cheveux comme pour essayer de voir quelque chose. Ses ongles s'enfonçaient dans sa peau, et Atobe protesta.
« Ca
fait mal, Tezuka ! »
« Encore un peu,
Atobe. Ta fièvre a encore monté, » murmura
t-il en lui touchant le front.
« Où sont les
autres ? » demanda Atobe.
Il lui semblait avoir entendu quelqu'un crier. Et c'était bizarre que personne ne soit monté le voir ces dernières heures, qu'il s'agisse d'Oshitari, de Kabaji ou des autres. Il avait un goût de sang dans la bouche, acre et salé.
« Ils
sont partis, » dit Tezuka.
« Partis ? »
Le capitaine de Seigaku tourna soudain le robinet d'eau froide à plein débit, récoltant une protestation de l'actuel occupant de la baignoire.
« Oï, Tezuka ! C'est glacé ! Arrête ! »
Atobe fit le geste de se hisser hors de la baignoire mais Tezuka l'arrêta, le repoussant fermement dans le fond du bassin.
« Ca
va commencer. »
« Mais QU'EST-CE qui va
commencer ? Tu commences vraiment à… »
La mélodie qui s'élevait lui était familière, étrangement familière. Son cœur se mit à battre plus vite et il regarda Tezuka, pâle comme un linge.
« Ne meurs pas, » dit Tezuka.
Et il le prit par la nuque et lui enfonça la tête sous l'eau.
¤¤¤
« Atobe Keigo, capitaine de l'escadron de la Porte Nord ! Vous êtes accusé de traîtrise envers notre Grand Empereur et d'avoir monté le complot visant le Gouverneur de notre Cité. Vous êtes condamné à la peine suprême, déchéance de votre nom et de votre statut. Coupez lui les ailes ! »
(tbc)
Reviews ? XD
