Merci pour vos reviews ! Je suis vraiment touchée. Je ne donnerais pas d'explications maintenant, mais au chapitre suivant, c'est promis. J'espère que la suite vous plaira. Biz.

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Chapitre 2

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La lune baignait la pièce de ses rayons argentés, sa lueur s'atténuant par à coup, lorsqu'un nuage s'étalait paresseusement devant elle. Les ombres se mouvaient lentement, dans un déroulement gracieux. La scène, d'une beauté harmonieuse, presque magique, aurait ému n'importe quel être humain, même le plus cynique, le plus froid. Le plus insensible. Mais l'homme assis sur le lit, solitaire, n'en distinguait rien, perdu dans un monde que lui seul connaissait.

La chambre était plongée dans l'obscurité. Carson n'avait pas mit de lumière, il n'y avait même pas pensé. Cette pénombre l'arrangeait, elle masquait le trouble qui l'habitait. Qui le dévorait. Il se tenait le dos droit, les mains posées sur les genoux. Fixant aveuglement le mur nu devant lui, dans cette posture qui le caractérisait et qu'il affectionnait. Sa mère le trouvait si sérieux ainsi. Son père aussi.

Comment en était-il arrivé là ? Tout s'embrouillait autour de lui. Tout ce qui l'entourait paraissait si confus.

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Un mois plus tôt …

« Non ! Ce n'est pas vrai ? Mais ce n'est pas vraieuh ! Mais dites moi que je rêve ! »

Carson se passa – lentement - une main sur le visage. En faisant les gros yeux, il regarda Rodney s'approcher de lui … se tenant la main gauche avec la droite. Une main gauche rouge et manifestement enflée. Encore une blessure. C'était la quatrième ce mois ci, depuis son retour de la Terre, justement. A ce rythme, le canadien épuiserait toutes ses réserves d'antidouleur – et de patience.

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Rodney grimaça. Carson réagissait aussi mal qu'il l'avait craint. Il était bon pour la leçon de morale. Rodney n'aimait pas plus que ça se retrouver à l'infirmerie, entre les mains du médecin, mais il était bien obligé de se faire soigner, non ? Et puis il n'avait pas demandé à être blessé. Si Radek n'avait pas malencontreusement – ce qui restait à prouver ! - appuyé sur le bouton de fermeture des portes … Il comptait bien en reparler avec le tchèque. Cette histoire ne s'arrêterait pas là. C'était un attentat contre sa personne, il en était sûr, Zelenka le jalousait depuis toujours pour son génie.

Pour le moment, il ne demandait qu'une seule chose : que-Carson-lui-donne-un-anti-douleur,-un-anti-inflammatoire,-de-la-morphine,-ou-un-truc-comme-ça ! Bref quelque chose du genre, parce que nondenooooooooon ça faisait un mal de chien. Mais non, bien sûr, Carson l'engueulait ! C'était si injuste !

Bon ! Avant toute chose, il devait calmer Carson, parce que vu l'état de colère dans lequel il se trouvait, l'écossais était bien capable de lui infliger un supplice digne des meilleurs bourreaux. Il suffisait de jouer sur sa fibre sensible. Acte un : « le petit garçon au bord des larmes parce qu'il a très mal ».

« JesuisdésoléCarson ! ». Rodney avait parlé très vite, sur un ton plaintif.

« Désolé ? désolé ? Vous n'avez que ce mot à la bouche ! Qu'avez-vous encore fait ? ».

Si Rodney pensait le piéger avec cet air d'enfant qui veut être consolé, il s'illusionnait … Il lui indiqua un lit et commença à examiner la main blessée, déterminant l'étendue des dégâts, déjà exaspéré.

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Supeeer. Visiblement, ça ne marche pas. Changement de programme. Acte deux : prendre une mine coupable « parce que je sais que je vous donne du travail supplémentaire et que vous n'avez pas besoin de ça ».

« Je sais qu'il est tard, mais je me suis coincé … ».

Carson poussa un soupir tonitruant, sans même relever la tête.

« Ce n'était pas une question, Rodney, c'était une simple constatation ! ».

La culpabilité – la fausse culpabilité – non plus ne marcherait pas. Il ne se laisserait pas avoir. Il connaissait trèèès bien les stratégies du canadien.

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D'accooord ! Les remords non plus ne donnaient rien. Rodney devrait peut être tenter la tactique habituelle, le mélange arrogance et exaspération. En général il obtenait de bons résultats.

Et acte trois.

« Oh, bon sang Carson, de toute manière vous … ».

Carson l'interrompit, un doigt en l'air pour marquer qu'il ne plaisantait pas. Les yeux cette fois plantés dans ceux de Rodney.

« Je ne veux pas vous entendre ! Plus un mot ! Vous avez juste le droit de vous faire engueuler par moi et le devoir de ne pas répondre ! ».

Si Rodney osait prendre un ton arrogant ou pire, s'il laissait percer ne serait ce qu'une once d'exaspération dans sa voix … Carson ne répondrait plus de lui …

Le petit génie dû comprendre qu'il était prêt à faire un malheur en cas de protestations inconvenantes, parce qu'il ne répondit plus rien du tout. Excellent. Carson ne se sentait vraiment pas d'humeur à écouter ses récriminations.

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Rodney rentra la tête dans les épaules. Inutile d'insister, il avait perdu la partie. Il détestait céder la victoire, mais dans certaines situations critiques, comme c'était le cas actuellement … Quand le médecin était dans cet état, mieux valait ne pas le contrarier davantage. Il allait se faire engueuler, virtuellement taper sur les doigts, recevoir une bonne leçon de morale, le tout stoïquement, sans broncher. C'était préférable.

« C'est pas vrai. Mais regardez moi ça ! Ce n'est vraiment pas possible ! Si c'est pas malheureux !». Carson venait de lui déplier – presque brutalement – les doigts.

Aieeuh ! Rodney se mordit la lèvre et se retint de hurler. Non content de le torturer Carson se plaignait. Et voilà maintenant les jérémiades et « je suis un médecin martyrisé », et « je vais appeler SOS médecin en détresse » et gnagnagna, et gnagnagna.

Carson le relâcha et l'abandonna quelques minutes, en continuant de maugréer dans sa barbe. Suffisamment fort cependant pour que son patient préféré l'entende. Ainsi que tous les autres. Il farfouillait bruyamment dans les étagères, sortant ce dont il allait avoir besoin.

« Je vous présente un spécimen rare, chers collègues : le McKayus terrianus suicidarius STUPIDUS ! Etudiez le attentivement, si vous tombez sur un cas similaire dans l'avenir, vous saurez comment réagir ! ».

Une bonne humiliation, il n'y a rien de mieux pour inculquer quelques notions de prudence aux imbéciles ! A partir d'aujourd'hui, Rodney y réfléchirait – peut être - à deux fois avant de stupidement se coincer les doigts dans une porte. Pire qu'un gamin de six ans ! De quoi avait donc besoin le génie de Pégase, d'une petite pancarte indiquant « ne mets pas tes doigts là, tu risque de te faire pincer très fort » ? (2).

Tous les autres occupants de l'infirmerie semblaient fortement absorbés par leurs diverses tâches. Rodney lui, était plongé dans une étude approfondie du drap qui recouvrait le lit sur lequel il s'était assis. Carson sourit. Parfait ! Le silence est favorable à tout remontage de bretelles ! Il revint vers le lit.

« Je fais ce que je peux moi; je ne peux pas me diviser moi ; je n'ai que deux mains moi. Entre des militaires kamikazes et des scientifiques maladroits, je vais devenir cinglé à la fin ! ».

Rodney eu l'intelligence de garder les yeux sur le bout de ses chaussures. Carson posa avec violence ses instruments sur la table de chevet qui se trouvait près du lit.

« Qu'est-ce que vous vous imaginez, hein ? Que je n'ai que ça à faire ? Mais qu'est ce qui m'a fichu des patients pareils ? Les casses-cous-suicidaires, les imprudents-volontaires, et maintenant les savants-fous-inattentifs ! »

Il prit une seringue et la remplit d'un liquide clair. Cette fois, Rodney fixait la seringue, mais ne dit toujours rien.

« J'en peux plus moi, je me mets en grève. Non mieux, je prends des congés ; oui c'est ça, je vais me mettre en arrêt de maladie. Maladie professionnelle, tiens ! De toute manière, à ce rythme je mourrai d'une crise cardiaque avant 40 ans. J'en peux plus, je vous le jure … ».

Il plongea la seringue dans le bras d'un Rodney bouche béé.

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Carson continua à soliloquer ainsi durant la demie heure qu'il lui fallut pour s'occuper de la main de Rodney. Un Rodney ahuri – tout comme les autres hôtes de l'infirmerie et l'équipe de Beckett – et visiblement dépassé par l'ampleur que prenait ce petit accident dont il devrait normalement être le seul à se plaindre. Ca lui ressemblait à lui, pas à Carson ! Celui ci termina les soins, injecta à Rodney un anti-inflammatoire et …

… enleva sa blouse blanche ! Il la posa dans les bras de Rodney.

« Je démissionne ! C'est décidé ! Je dois me préserver. Penser à ma propre santé ! »

Il quitta l'infirmerie d'un pas déterminé, et prit la direction du bureau d'Elisabeth. Ils entendirent sa voix résonner dans les couloirs de la Cité.

« … trop jeune pour mourir d'une crise d'angoisse due au stress, parce que des gens – qui se disent mes amis, mes amis – ne pensent pas un seul instant aux risques qu'ils encourent et au fait que leur médecin n'est pas totalement insensible, qu'il a un cœur délicat, fragile … ».

McKay échangea un regard effaré avec les infirmières. Oups ! Il allait avoir des ennuis ! De graaaaves ennuis. Dans trèèèès peu de temps.

Et en effet …

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Carson secoua la tête et les images de ce qui s'était passé ce jour là à l'infirmerie avec Rodney s'effacèrent. C'avait été le début … Il aurait aimé pouvoir remonter le cours du temps, effacer les actes qu'il avait commis ces dernières semaines. Mais évidemment, c'était impossible. Même dans la galaxie de Pégase. Au début, il n'avait pas compris. Les évènements s'étaient enchaînés si vite. Si douloureusement …

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Un mois plus tôt

Un colonel Sheppard apparemment paisible fit irruption dans l'infirmerie et se planta devant le lit occupé par le canadien.

« McKaaaaayyyyyy ? ». Ton calme, angélique, chantonnant. Traduction : implosion imminente. Rodney connaissait parfaitement les diverses réactions du colonel. Et il savait que ...

« qu'avez-vous encore fait ? ».

Ahah, Rodney le savait ! Sheppard était si prévisible.

« Coloneeeeel ? ». Même-ton-juste-pour-le-plaisir-d'embêter-Sheppard.

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Rodney ouvrit la bouche mais John ne lui laissa pas le temps d'en placer une.

« Carson a débarqué dans le bureau d'Elisabeth en hurlant qu'il prenait sa retraite, ou des congés ou quelque chose du genre … ET QUE C'ETAIT DE VOTRE FAUTE ! »

« Je n'ai … »

John le coupa sèchement.

« Ensuite, il est reparti en sens inverse sans même que nous puissions répondre, en annonçant qu'il allait faire ses bagages ! ».

Rodney fit mine d'essuyer quelques postillons de son visage, d'un air vaguement ennuyé. Il adressa au colonel son fameux petit regard supérieur, attendant que ce dernier se calme. John le fixa incrédule.

« Vous n'avez rien à dire ? ».

Le regard Rodney se fit intensément serein.

« Colonel, Carson ne vas pas partir. Il aime trop son travail pour cela. Et il sait qu'il est le seul à pouvoir s'occuper de nous. ».

La voix de McKay dénotait d'une immense patience. Comme celle d'un professeur envers un élève particulièrement lent. Ce qui accentua la colère de Sheppard.

« JE L'ESPERE POUR VOUS PARCE QUE SI J'AI DES PROBLEMES AVEC ELISABETH A CAUSE DE CA, JE PEUX VOUS ASSURER QUE JE NE SERAIS PAS LE SEUL ! ».

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Carson n'avait évidemment pas démissionné, Rodney avait eut raison sur ce point, il le connaissait bien. Il aimait trop son travail, et de toutes les manières, il n'aurait jamais rendu son tablier à cause du canadien, ce dernier en aurait été trop heureux. D'autant qu'il se savait être le seul à pouvoir supporter ces patients impossibles.

A ce moment là, il s'agissait plus d'un bon coup de gueule, que de songer sérieusement à quitter son poste. Juste pour que Rodney se fasse engueuler et qu'Elisabeth prenne des mesures radicales pour que ces petits « bobos » soient moins fréquents. Pour avertir les membres l'expédition que lui, le Docteur Carson Beckett, trouvait franchement décourageante, voir même agaçante, la maladresse de certains scientifiques et l'imprudence de certains militaires.

Ca avait marché d'ailleurs. Elisabeth, un peu inquiète à l'idée de perdre son responsable médical, avait prit les choses en main. Après une looongue discussion avec Rodney, elle avait fait circuler dans toutes les sections, une recommandation, un rappel à l'ordre quoi. En réalité, il n'en demandait pas tant, piquer cette petite crise avait été un amusement. Un petit délire façon « Carson Beckett d'Atlantis ». Rodney ne lui en avait même pas beaucoup voulu.

En dépit de tous ses défauts, Rodney s'était avéré un ami fidèle, hors pair, toujours présent, particulièrement dans les moments difficiles. Sous ses airs égoïstes, il comprenait et discernait beaucoup de choses. Par exemple, les sentiments que Carson pensait être parvenu à dissimuler aux yeux de tous. Avec cette ironie qui le personnifiait, le canadien s'enquérait toujours de son état, mine de rien, de manière détournée. Sans jamais changer de comportement. En apparence. Et Carson lui en était reconnaissant.

Rodney le harcelait avec son gène ATA. Carson le grondait à chaque séjour à l'infirmerie. Ces échanges de « bons procédés » leurs étaient habituels. Une sorte de divertissement qui renforçait cette étrange amitié qui les liait. Dès leur première rencontre en Antarctique, ils avaient instauré ce petit rituel. Sur Atlantis, c'était devenu une « récréation », pour oublier de temps en temps leurs lourdes responsabilités. Une distraction, afin d'éviter de trop penser à leur situation. Pour évacuer la pression.

Mais maintenant, Carson regrettait presque que Rodney le connaisse aussi bien. Parce qu'il en était sûr : le canadien avait compris que quelque chose n'allait pas. Ses fréquentes visites « non médicales » à l'infirmerie, officiellement juste « pour agacer Carson », cachaient une autre réalité. L'inquiétude, l'envie de forcer le médecin à parler. Et Carson n'en avait aucune envie. C'était … Ses mains tremblèrent et il les serra fortement l'une contre l'autre.

C'était juste trop dur …

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A suivre …

(2) Ceux et celles qui fréquentent le métro parisien, connaissent ce sympathique petit lapin !