Le récit d'une âme oubliée
Chapitre 1
Drago était assis dans une grande limousine. L'ensemble était similaire, quoi que beaucoup plus chic. Le véhicule s'étendait seulement sur un étage qui ne comportait que six fauteuils de cuire aux accoudoirs de chênes. Un moyen de transport en commun bien réputé pour les nobles sorciers. Un noble sorcier, il en était un. Un libre sorcier, c'était moins certain.
Le mal qui lui prenait aux tripes ne faisait qu'amplifier à chaque seconde. Son cœur manquait un battement à chaque fois qu'il n'osait seulement que penser. De sa main droite, il s'efforçait de s'agripper à sa baguette magique qui se trouvait sous sa cape. Son pouce et son index gauche frictionnaient la lettre qu'il tenait sans qu'il ne s'en rende complètement compte.
Le garçon essayait de faire le vide dans son esprit ; de se concentrer sur l'unique buée que créait le contact de son souffle sur la fenêtre teintée. Les arbres et les collines défilaient devant ses yeux comme étant invisibles. Il allait bientôt retourner à l'école pour sa septième et dernière année d'étude.
Une goutte de pluie vint frapper la fenêtre dans un petit bruit à peine audible. Il sembla quand même assez éloquent pour éveiller Drago de sa contemplation. Il baissa les yeux vers le morceau de parchemin plissé. Cela devait faire au moins la centième fois qu'il le lisait. Les mots semblaient pourtant de plus en plus difficile à assimiler.
Cher Monsieur Malefoy,
La présente est pour vous informer que l'Institut Dumstrang désirerait à présent vous compter parmi ses privilégiés.
Nous avons eu court de vos récentes aventures et, bien que nous ne pouvons approuver, serions fier de vous compter parmi les nôtres. Vous trouverez ci-joint les quelques informations concernant les fournitures nécessaires pour entamer votre septième année d'étude.
Si, de quelque façon que ce soit, vous n'osez pas vous joindre à nous, vous n'avez qu'à nous envoyer un hibou accompagné d'un parchemin à cet effet. Nous sommes certaines que vous prendrez notre offre en considération.
Hector Dust,
Membre du corps professoral de l'Institut Dumstrang
Tout cela n'avait aucun sens pour le garçon. C'était comme si on le récompensait pour les fautes qu'il avait commises. Certes, il n'avait rien contre le fait de quitter Poudlard et ces ordres de Sang-de-Bourbe, mais jamais il ne se serait attendu à recevoir telle missive. Pendant les six années précédentes, presque tous les jours il rêvait de quitter ce vieux château poussiéreux pour rejoindre les élèves de Karkaroff. Il n'avait bien sûr aucune admiration pour le professeur et ancien Mangemort. Il le haïssait avec avidité pour sa traîtrise contre le Seigneur des Ténèbres. Mais si les dires étaient vrais, et ils l'étaient probablement, il pourrait apprendre les plus grands secrets de la Magie Noire au sein de cette école.
Cette seule idée lui aurait arraché un maigre sourire en temps normal, mais sa peine était bien trop grande. Un Malefoy ne pleurait jamais, ne cillait jamais, et encore moins Drago. Mais sa peine était bien réelle. Il la sentait, bien intense, au creux de son estomac, se répandant dans son sang, parcourant sa chair à vif.
/INSTITUT DUMSTRANG : 2 MINUTES !
Le chauffeur du véhicule de luxe, un grand maigre aux joues étroites, venait de prononcer les mots tant redoutés. Drago se raidit sur son siège. Il attrapa machinalement ses deux grosses valises mais elles étaient trop lourdes à lui seul. Lorsque la limousine s'immobilisa, il profita d'un sortilège de lévitation tout simple mais combien efficace. Et puis tant pis si l'utilisation de la magie chez les sorciers de premier cycle lui était interdit ; il était à une année près d'avoir sa pleine liberté. Assis dans le premier siège, il sortit donc dehors le premier. C'est alors qu'une voix l'interpella :
/Hé ! Toi ! Le blondinet !
Drago se retourna avec furie. Qui osait lui parler ainsi ? L'appelant «Le Blondinet» qui plus est. Il encra son regard profondément dans celui de son adversaire qui sembla recula sur le coup. Il ne pouvait distinguer son visage ; trop concentrer à vouloir l'achever d'un regard.
/QUOI ? grincha le blondinet en question.
/C'est à toi, ça ? prononça vaguement la voix.
Drago ne porta son attention que sur le petit paquet négligemment emballé dans du papier brun qui jonchait sur le sol.
Le garçon baissa les yeux et empoigna le bagage. Celui-ci ne lui appartenait pas, mais tant pis. Pourquoi ne pas en profiter ? Il le fourra au creux de sa poche, se retourna et continua son chemin. La combinaison du stress et de cet affront soudain le faisait bouillir. Il voulait seulement qu'on le laisse tranquille et que cette année finisse. Il n'avait pas besoin de quelqu'un à ses côtés ou encore moins de gorilles comme Vincent Crabbe et Gregory Goyle. En situation de crise, un Malefoy savait comment se tenir.
Comme semi paranoïaque, l'ancien Serpentard sentit qu'on le suivait. Quelques pas de plus et son poursuivant se mis à courir à sa rencontre. D'une vitesse incroyable, Drago plongea sa main sous sa cape et agrippa sa baguette magique. Cette scène lui faisait tourner la tête ; comme un «flash-back». Il se serait cru quelques mois plus tôt, en plein coeur de la tour d'astronomie. Chaque marche lui revenait en mémoire parce qu'il les avait montées avec contemplation ; mémorisant chaque parcelle de son ascension vers ce qui devait être son apogée. Les frissons qui l'avaient parcouru à ce moment-là lui revinrent.
Sans qu'il n'ait pu se contrôler, son estomac se retourna complètement. S'il avait eu le temps de prendre son petit-déjeuner, celui-ci ce serait sûrement retrouvé sur le chemin de pierre. Drago plaqua sa main libre sur son estomac pour retenir son haut-le-cœur. Il s'immobilisa complètement en revenant à moitié au moment présent. Tout se passait beaucoup trop vite à son goût.
N'ayant pas eu le temps de freiner, son adversaire lui rentra dedans. Drago s'étala de tout son long sur le sol. Encore sonné, il cria :
/Expelliarmus !
/Protego !
On fut beaucoup plus rapide que lui. Le sort de Drago fut stoppé par le bouclier invisible. Le garçon sauta sur ses pieds, prêt pour l'affrontement. Sa tête tournait trop pour qu'il puisse distinguer son assaillant.
Il entendit des cris à ses oreilles. Ils n'étaient pas réels. Il revivait toujours la scène de combat de Poudlard mais sans les images. Ce qu'il avait tant redouté le rattrapait de plus en plus vite ; guettant l'instant propice pour le mettre KO. Et puis soudainement, plus rien. Tout était devenu noir. Comme dans la mort qu'il avait tant voulu affliger à plusieurs.
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Drago ne comprit pas tout de suite ce qui lui arrivait. Sa tête lui faisait mal, son cœur battait la chamade et ses yeux pesaient des tonnes. Il avait mal de vivre. Que ça en finisse, voilà ce qu'il voulait.
Il réussit tant bien que mal à reprendre conscience. Son pantalon noir et son pull gris étaient imbibés d'eau. Ses cheveux blonds trempés, maintenant presque dix centimètres de long, lui retombaient devant le visage, lui chauffant les pupilles. On aurait sarcastiquement dit qu'il avait fière allure.
Le garçon prit son mal en patience et décida de se bouger une bonne fois pour toute. Ce qui venait de lui arriver lui échappait complètement et encore plus ce qui allait lui arriver ; mais ça en devenait une habitude. Il se trouvait toujours sur le même chemin, pas très loin de l'arrêt de limousine.
C'était surtout à se demander pourquoi on ne lui avait pas porté secours. A en juger par la position mi-basse du soleil, il devait être environ quatre heures. Les valises de Drago reposaient à trois pas de lui et tout semblait intacte. Sa baguette magique était encore à l'intérieur de sa cape.
/Ce n'est peut-être pas si mal après tout, se dit-il. Au moins, je n'ai plus personne à supporter !
Il scanna l'endroit du regard. L'institut Dumstrang devait se trouver au nord de sa position. L'idée de s'enfuir lui parcouru l'esprit à plusieurs reprises. Seulement, la voix de sa mère revenait toute aussi souvent. Il la revoyait, ses grands yeux noirs le sermonnant :
/Des dizaines de Mangemorts payeraient cher pour avoir ta peau, mon fils ! Un traître comme toi, ça ne mérite rien de plus que la mort parmi eux !
Il se demandait encore ce qui avait pu empêcher sa génitrice de le livrer aux Mangemorts. Le garçon savait que Severus Rogue avait fait serment de le protéger. Il savait que sa mère voulait seulement qu'il vive. Alors pourquoi lui avoir parlé ainsi ? Le rendait-elle coupable de l'emprisonnement de Lucius ? Et pourquoi Rogue ne l'avait-il pas pris sous son aile. Après tout, lui non plus ne retournerait jamais à Poudlard. L'ancien maître des Potions avait assassiné Dumbledore parce que l'adolescent n'en avait pas eu le courage. Drago lui en voulait toujours de lui avoir pris la seule seconde de gloire qu'il n'eut jamais faillit avoir.
/Mobiliarbus, prononça-t-il machinalement.
Les deux valises s'élevèrent dans les airs et c'est avec encore plus de questions en tête que le garçon continua sa route.
Le paysage se constituait essentiellement d'arbres et de montagnes. Le temps était très frisquet. Drago prit quelques minutes pour sortir sa cape bordée de fourrure. Accoutré ainsi, il ressemblait à un vrai Dumstrang.
Un temps plus tard, il s'aperçut que la nuit tombait. Soit il était plus de quatre heures lorsqu'il s'était réveillé, soit les journées ici étaient de courte durée. La forêt dans laquelle il marchait se faisait de plus en plus dense. Drago commençait à être à bout de souffle à cause de la haute altitude et des nombreuses collines.
Il sembla qu'une lueur venait d'apparaître plus loin. L'ancien Serpentard ne savait pas si il devait s'en réjouir ou se mettre prêt à être attaqué. A Poudlard, ce n'était généralement pas bon signe lorsqu'une lueur étrange apparaissait dans la forêt interdite. La lumière s'intensifia et le garçon du former une ombre au dessus de ses yeux en positionnant sa main adéquatement sur son front. Il serrait sa baguette magique de plus en plus nerveusement.
Sans plus attendre, Drago plongea derrière un gros chêne à deux mètres de là. Tentative plutôt minable pour quelqu'un qui baignait dans la lumière! On le rejoignit vite. Toujours aveuglé par la lumière, ce n'est pas une, mais deux paires de jambes qu'il discerna.
/Monsieur Malefoy ?
/La voix, ou plutôt les deux voix, reprirent en cœur :
/Monsieur Malefoy ?
Drago, et il en fut le premier surpris, ne ressentit aucune méfiance envers les individus. Ces derniers abaissèrent leurs lampes afin que le garçon puisse mieux les voir.
L'ancien Serpentard sourit de plus belle. Toujours en paire de deux, il voyait de grandes oreilles pendantes et pointues, de grands yeux globuleux et des chiffons en guise de vêtements. Le couple d'elfe de maison avait une peau rosée, vraisemblablement tachée de poussières et de saletés, qui contrastait bizarrement avec leurs dents blanches mal égalées. De vrais jumeaux si ce n'eut été de leur légère divergence de grandeur! Ils regardaient le blondinet comme s'il eut s'agit d'un Dieu. Celui-ci, en bon Malefoy, ne voyait aucun inconvénient à cela. Il n'était pas comme cette Sang-de-Bourbe de Granger qui tricotait des chapeaux de laines à en semer aux quatre coins de Poudlard !
/Toddie et Kwignky, pour vous servir Monsieur, reprirent les petits êtres magiques.
/Je n'ai pas le temps de bavarder, répondit durement Drago. Il fait un froid à réveiller un mort ici. Emmenez-moi au château.
Semblant complètement satisfait de cet échange, les elfes de maisons firent demi tour et rebroussèrent chemin ; suivi de Malefoy. La neige rejoignait peu à peu leurs pas dans leur ascension. La noirceur était maintenant bien présente et le garçon n'avait aucune envie d'en être prisonnier.
/Encore combien de temps avant d'arriver au château ? Demanda le garçon.
/Mais quel château, Monsieur ? Demanda Toddie, le plus petit des elfes, sûrement une femelle.
/Dumstrang, répondit Drago comme si l'on trouvait des châteaux sur chaque colline.
/Mais il n'y a aucun château par ici, monsieur, poursuivit Kwignky. Kwignky n'a jamais vu de château.
/Qui veut un château, Monsieur ? Toddie aime bien la maison du Maître telle qu'elle est, renchérit le petit elfe.
Voilà un détail que Drago n'avait pas encore pris en considération. Le Maître. Il s'en était enfui, craignant le Maître des Ténèbres, pour aboutir à la portée d'un autre de ces malfrats. Cette seule pensée lui fit grincer les dents.
Encore quelques mois plus tôt, il aurait tout fait pour faire souffrir ces elfes destinés à l'esclavagiste. Maintenant… et bien maintenant il se considérait presque comme l'un des leurs. N'ayant aucun contrôle sur sa propre liberté, il devait suivre le chemin qu'on lui indiquait en essayant d'éviter les coups bas.
/Monsieur, on y est presque, rajouta Toddie.
C'est au dernier tournant que le cerveau de Drago s'arrêta de fonctionner. Il n'osait même pas cligner des yeux de peur de voir sa vision disparaître. Ce n'était pas un château qu'il voyait, mais un véritable palais de glace. Même dans la noirceur de la nuit il dégageait une clarté aveuglante. Le sommet des nombreuses tours finissait en stalactite d'une brillance incroyable. La voûte de neige déposée sur l'immeuble la rendait presque invisible au milieu de ce paysage blanc. A vu d'œil, une quantité incalculable de lacs entouraient l'Institut Dumstrang. Sur un plateau un peu plus haut que le reste, à une centaine de mètres à la droite, Drago aperçu le plus grand terrain de Quidditch de toute sa vie. C'était la Coupe du Monde en encore plus extraordinaire. L'endroit semblait regorger de richesses inconcevables. De plus, l'ombre dans laquelle était plongée l'école ne la rendait que plus parfaite pour le garçon.
/Bienvenue à l'Institut Dumstrang, Monsieur, s'exclamèrent les deux elfes.
