Le récit d'une âme oubliée
Chapitre 2
Drago était assis dans un grand fauteuil de chêne orné de fourrure beige. Toddie et Kwignky l'avaient emmené dans ce qui paraissait être le bureau du directeur. Le garçon était là, à contempler les murs et les bureaux, attendant de savoir ce qui allait se passer pour lui.
Dès qu'il avait eu passé les grandes portes de glace, l'Institut avait un peu perdu de son charme. Son apparence extérieur devait agir davantage comme camouflage parce que l'intérieur était tout l'opposé. Les murs de pierres étaient de couleurs sombres, presque noires. Chaque corridor était étroit et sombre également, comme si on avait peur que les élèves fraternisent trop en bande. L'école comme telle n'était pas vraiment spacieuse, contrairement à ce que l'extérieur laissait présager. Rien à avoir avec Poudlard. Mais bon, l'ancien Serpentard ne regretterait pour rien au monde d'être ici à l'instar des vieux cachots humides de son ancienne salle commune.
En observant les lieux autour de lui, il pouvait déjà dire que Karkaroff n'était plus le directeur de Dumstrang. Les lieux étaient décorés un peu plus… joyeusement ? Cela enleva quand même un poids sur le cœur de Drago. Il ne voulait pas tellement se faire diriger par un ancien Mangemort. Même s'il n'approuvait toujours pas les stupides Sangs-de-Bourbes et les Sangs-Mêlés, sa place n'était plus parmi les rangs de Lord Voldemort. Il allait peut-être lever sa propre clique à Dumstrang, qui sait ? Il s'agissait seulement de se faire reconnaître dès le premier instant. Mais bon, ce n'était pas chose faites…
Le regard du garçon, alors plongé dans la contemplation des meubles en bois de chêne, fut attiré par une minuscule photo sur un étage haut de la bibliothèque. Dans sa position assise, il ne voyait que la moitié du haut : un ciel nuageux d'où une petite neige tombait délicatement. La curiosité l'emporta vite sur son bon sens, comme toujours d'ailleurs, et il se dirigea vers les personnages animés. Il ne reconnu pas de suite les sujets cachés sous leurs accoutrements hivernaux. Drago prit le cadre dans ses mains et fut alors comme frappé en plein visage par la surprise. Au même moment, on le prit dans sa contemplation :
/Malefoy ! s'exclama-t-on. Je vois que tu n'as pas changé depuis la dernière fois que nos chemins se sont croisés. Toujours là, à fouiner partout !
Le blondinet se raidit d'un coup et laissa échapper la photo qu'il s'empressa ensuite de remettre en place. En se retournant, il prit sa baguette magique, paré à toute éventualité. Le grand homme musclé, sans plus de cérémonie, s'assit dans le fauteuil du directeur et fit signe à l'ancien Serpentard de faire de même. Drago ne se fit pas prié. Il n'était qu'à moitié présent, car son esprit était occuper à assimiler le retournement de situation. La dernière personne qu'il aurait pensé avoir comme nouveau directeur se retrouvait assise en face de lui.
/Alors ? s'exclama le remplaçant de Karkaroff.
/Alors quoi ? répondit le blondinet, confus.
Viktor Krum le dévisagea un instant. Il semblait même réfléchir ; chose rare chez le joueur de Quidditch que Drago avait connu. Krum s'adossa un peu plus confortablement dans sa chaise et monta ses deux pieds croisés sur le bureau. Il commença à jouer avec un faux vif d'or, utiliser comme décoration de bureau, en se le lançant d'une main à l'autre. On n'avait jamais vu dirigeant plus décontracté !
C'était maintenant au tour de Drago de dévisager.
/Alors quoi ! s'exclama-t-il pour sortir l'autre de son jeu stupide.
/C'est ce que je viens de te demander, Malefoy. Quoi ?
Drago secoua légèrement la tête de droite a gauche en fronçant les sourcils en signe d'incompréhension.
/Si tu veux savoir pourquoi je suis ici, dit le garçon, c'est plutôt moi qui devrait te poser la question. D'ailleurs, si il y en a un de nous deux qui devrait se demander pourquoi l'autre est ici, c'est bien moi !
/Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, tu te trouves à l'Institut Dumstrang. A la suite de mes huit années d'études et du renvoi de Karkaroff, je me suis dit que ce ne serait peut-être pas trop mal de prendre la relève.
Viktor se releva pendant ses explications. Il se mit à marcher un peu partout dans la pièce comme s'il avait un trop plein d'énergie en stock.
/De plus, continua le joueur de Quidditch, ce cher Hector n'a pas voulu du poste. Il a prétexté qu'il se trouvait mieux dans sa classe !
Drago assimilait peu à peu toutes ces informations. Il trouvait inconcevable que quelqu'un d'aussi peu qualifier que Viktor Krum se retrouve en haut de l'échelle. Il se mit à faire les cent pas à son tour et se décida enfin à parler.
/La gloire d'être le directeur d'une école de magie c'est une chose. Laisser tomber une carrière de Quidditch comme la tienne pour en arriver là, c'est un peu difficile à croire, Krum.
/Je vois. Il y cependant quelque chose que tu n'as pas compris, le blondinet. C'est qu'il y a bien plus dans ce monde. Bien plus que ce que tu appelles la gloire ; le prestige ; la fortune.
Malefoy s'était arrêté de marcher. Il ne discutait pas avec la même personne qui avait visité Poudlard trois ans plus tôt. Même sa façon de parler et de bouger avait radicalement changé. Il semblait s'extérioriser davantage et dans un anglais vraisemblablement parfait.
Il y eût comme un déclic dans la tête de Drago lorsque son regard se posa à nouveau sur le portrait de la bibliothèque. Le garçon laissa échapper un petit rire pour lui-même et se retourna vers Krum.
/Qui aurait cru qu'une sale petite Sang-de-Bourbe réussirait à changer le grand Viktor Krum et à l'assimiler au savoir ! Railla-t-il.
En un éclair, le dit Krum marcha rapidement vers Drago et fourra un coup de poing sur le bureau qui créait la seule séparation entre eux deux. Le visage gorgé de sang et les mâchoires serrés, il réussit difficilement à crier :
/JE TE DÉFENDS DE PARLER D'HERMIONE DE LA SORTE, SALE MINABLE !
L'ancien Serpentard avait touché le point sensible. Viktor Krum était hors de lui. Drago pouvait maintenant commencer la vraie discussion.
Il restait là, à observer l'ancien joueur de Quidditch, un sourire mesquin collé aux lèvres. La manipulation, c'était comme un mécanisme naturel chez lui. Il s'en servait depuis toujours et était devenu un véritable expert dans le domaine.
/On dirait bien que le grand Viktor Krum n'est pas aussi résistant qu'il en a l'air, hein ? insista le provocateur.
Krum agrippa fermement le coin de son bureau et le repoussa en un mouvement. La seule sécurité de Drago était tombée et il s'en fichait royalement. Il se régalait trop de ce jeu puéril.
Le nouveau directeur était devenu rouge feu et semblait sur le point de se consumer tel un phénix. Ses poings étaient blancs tellement il les serrait fort. Drago ne cilla pas une seconde. Son sourire ne se rompit pas.
/J'imagine très bien la scène, nargua Drago. Le vaillant attrapeur pleurant dans les bras de la petite Sang-de-Bourbe après qu'elle lui eût lu le grand livre du savoir. Pathétique !
Sa voix imitait celle d'une maman à son enfant alors qu'il imitait un garçon en train de pleurer. Viktor, en rageant, faillit lui planter une bonne droite dans la mâchoire. Coup de chance, Drago réussit à l'esquiver. Il recula de quelques pas du même mouvement, n'étant quand même pas assez fou pour tenter le coup et se battre avec un grand paquet de muscles.
/TU VAS TE LA FERMER UNE BONNE FOIS POUR TOUTE ? hurla Krum.
Ce dernier réessaya et manqua à nouveau sa cible. Cette fois-ci, ses jointures vinrent s'écraser sur un meuble antique. Drago se rapprochait de plus en plus de la porte de sortie, en cas d'un revirement de situation, mais sans toutefois quitter son adversaire du regard.
/Qu'est-ce qu'il y a ? Ironisa le blond. On n'accepte pas la triste vérité ? Ou bien n'est-ce que l'idée de te revoir fraterniser avec une Sang-de-Bourbe ?
Krum agrippa une statuette de bronze et la lança de toutes ses forces vers un Drago trop agile pour lui.
/Raté ! s'exclama ce dernier. Je dois dire que je ne comprends vraiment pas ce que tu lui trouves à la petite intello frisée ? Tu aurais pu avoir toutes les filles de Poudlard à tes pieds, vieux ! Elles craquaient déjà toutes pour moi, mais bon ! Je t'en aurais peut-être laissé une ou deux ! Qui sait ?
/Je n'en ai rien à faire de tes petites copines, Malefoy ! Et tu devrais bien te taire, sinon je risque de m'énerver ! Et…
/Et quoi ? Tu vas te mettre à mieux viser, peut-être ?
Drago s'arrêta un court instant ; celui de savourer ce moment unique. Il reprit ensuite ses sarcasmes avec une nouvelle vague de haine dans les yeux.
/Je comprends maintenant la grande histoire du grand Viktor Krum ! s'esclaffa le garçon.
/Qu'est-ce que tu insinues ? cracha un Krum qui essayait tant bien que mal de se contrôler.
/Tu ne te souviens pas ? Laisse-moi te rafraîchir la mémoire…
Sans plus de manière, Drago contourna son adversaire et alla s'asseoir dans le fauteuil réservé au dirigeant. Il posa ses pieds sur le bureau comme Krum l'avait fait quelques instants plus tôt. Ce dernier prit place dans le plus petit fauteuil. Sachant très bien que Viktor savait de quoi il s'agissait, Malefoy prit l'air d'un grand raconteur et débuta son récit :
/Poudlard, il y a trois ans, le jour de l'arrivé de l'Institut Dumstrang et de l'Académie Beauxbâton. Les jeunes filles furent leur entrée, applaudie par une tonne de garçon qui ne rêvait plus qu'à avoir l'une de ces demoiselles. Fut ensuite le tour de la prestigieuse Institut Dumstrung. Vint en premier le grand Viktor Krum ; suivit par des bâtards sans trop d'importance. Rien de bien spécial jusque là. N'est-ce pas Viktor ?
Le principal concerné ne dit mot. Son visage s'était durcit ; comme s'il essayait de ne pas flancher sous les paroles de l'ennemi. Drago ne pu s'empêcher de sourire de plus belle alors que la partie la plus intéressant de l'histoire arrivait.
/L'Institut Dumstrang n'a jamais été bien discrète sur ses activités, disons-le. Le bruit courait, et court encore d'ailleurs, qu'une certaine forme de magie y est pratiquée.
Drago fixait intensément les yeux noirs devant lui. Krum secoua légèrement la tête en signe de négation, mais ne dit rien encore une fois. L'ancien Serpentard continuait son récit.
/C'est la mi-mai. Il fait nuit ; toute l'école dort à point fermée. Ou presque. Encore éveillé, il y a bien sûr ce fou de Rusard et sa chatte, ainsi que Rogue pour faire la dernière ronde nocturne. Je n'ai habituellement aucun ennui à circuler librement à ces heures.
Le garçon se releva et rapprocha son visage de sa victime en abaissant la voix de plus en plus. De sa main gauche, il prit appui sur le bureau qui était encore assez prêt.
/Et cette fois-là, Viktor, sais-tu ce qui ne s'est pas déroulé comme à l'habituel ? souffla-t-il à sa proie.
On pouvait entendre la respiration accélérée du directeur. Ce dernier s'efforçait tant bien que mal de contrôler ses impulsions meurtrières en s'agrippant sur les accoudoirs de son fauteuil. Il écoutait ce récit qu'il connaissait trop bien, car il l'avait vécu quelques années plus tôt.
La voix de Drago n'était maintenant plus qu'un murmure machiavélique dont le garçon lui-même se délectait.
/J'ai vu quelque chose qui ne m'était pas destiné, vois-tu ? Chuchota Drago en savourant le plaisir du suspense. Le parc était désert, la nuit tombée, et je m'occupais discrètement à mes besognes de fidèle.
Le blondinet se revoyait marcher en plein milieu du parc baigné de noirceur ; un sortilège de vision pour éclairer son chemin. Il avait alors été chargé d'une besogne bien particulière de la part du Maîtres des Ténèbres. La troisième et dernière tâche du Tournoi des Trois Sorciers allait bientôt avoir lieu et il devait découvrir l'origine de cette besogne. Il ne savait alors pas que Barty Croupton Junior se trouvait dans l'enceinte du château sous un autre aspect. Tout ce qu'il désirait, c'était plaire à son Lord. Il avait donc fouillé les moindres recoins du château et de ses environs en faisant son possible pour ne pas se faire prendre. La tâche était ardue mais en valait la chandelle pour sa future position de Mangemort. Malheureusement, il n'avait jamais pu trouver ce qu'il cherchait. De toute façon, il apprendrait plus tard que Croupton Junior s'en était chargé.
Le récit continuait son ascension :
/Après avoir fait le tour des serres, je n'ai rien vu de spécial. Par contre, j'ai fait une rencontre plutôt particulière, n'est pas ? Je me délecte encore de cet instant, où j'étais tapi dans l'ombre, à observer le champion de Dumstrang. Honte à moi de l'avouer, mais je vous ai observé longtemps, toi et cette chère…
/CELA SUFFIT ! hurla Viktor Krum.
En un éclair, il empoigna Drago à la gorge et le repoussa contre le mur à deux mètres derrière. Le blondinet avait de la difficulté à respirer, mais il ne savait pas si c'était à cause de la poigne de l'homme ou du plaisir que cette victoire lui procurait. L'important, c'était que sa ruse ait fonctionnée et que Krum bouillait littéralement de rage.
/C'était maintenant au tour de Viktor de se sentir comme le dominateur même si Drago ne montrait aucun signe de faiblesse. Sa voix grinchait à cause de ses mâchoires serrées l'une contre l'autre.
/C'est la dernière fois que je te préviens, Malefoy.
Il avait prononcé ce dernier mot avec un certain dédain dans la voix.
/Première option : tu te la fermes gentiment, débute les cours, et on n'en parle plus jamais. Deuxième option : tu te la fermes gentiment, débute les cours, et on n'en parle plus JAMAIS ! Sinon, je serai forcé d'appliquer une certaine pression, menaça Krum.
Sur ces mots, il serra la gorge de Drago un cran de plus. Cette fois, le garçon sentait le sang lui grimper à la tête, et ce n'était positif.
/Vois-tu ce que je veux dire ? reprit l'agresseur.
Essayant de garder son sang froid, le blondinet agrippa le poignet rattacher à la main qui l'étranglait et appliqua une petite pression. Il détacha peu à peu la poigne du géant musclé qui semblait réaliser l'importance de son geste. Il écarquilla peu à peu les yeux et se recula brusquement. Il venait d'agresser l'un de ses élèves. Personne ne devait le savoir. Personne. Sinon il perdrait son poste et tout ce qui lui importait par la même occasion.
Cela, bien sûr, Drago Malefoy le savait et comptait bien s'en servir à son profit personnel.
/Alors, Professeur ? reprit Drago avec plein de sarcasme. On la visite cette école ?
