Après un instant de surprise, le sourire de Scott brilla dans la pénombre éclairée par la lune ; Jean venait de parler, il n'en revenait pas (Bien sûr, il avait entendue sa voix quand elle était paniquée, mais là c'était différent), elle venait de prononcer son premier mot dans des circonstances normales depuis sa disparition.
- « De rien Jean, je ferais n'importe quoi pour toi » lui dit-il doucement « Et si je pouvais retourner en arrière je le ferais, quelque soit le prix à payer »
Il déposa un baiser sur son front.
- « Je t'aime Jean, je crois que je ne le dirais jamais assez »
Ce que fit l'adolescente, elle le fit sans réfléchir, suivant simplement son cœur. Elle se redressa légèrement et embrassa Scott sur la joue, au coin de ses lèvres, comme si elle avait dévié à la dernière minute ; une simple petite bise comme pourraient dire certains, mais c'était la première manifestation d'affection de Jean depuis son enlèvement. Elle fut étonnée de voir qu'elle ne s'en sentit pas mal à l'aise, non, Scott était loin de lui rappeler les autres hommes, ceux qui…ceux qui lui avaient fait du mal ; non, elle avait confiance en lui et elle voulait lui prouver qu'elle l'aimait toujours même si elle ne le montrait plus.
- « Je le sais Jean, je le sens par notre lien » fit-il avant d'ajouter pour ne pas sous-estimer son geste « Mais j'avoue que le contact de tes lèvres me manquait »
…Scott, je… commença Jean par leur lien, un vrai baiser était au-dessus de ses capacités et cela même s'ils étaient loin de tous l'embrasser – et surtout pas avec la douceur et la tendresse des baisers de Scott tels qu'elle se les rappelait.
- « Je sais » fit-il à nouveau, il la connaissait tellement bien, « J'attendrais le temps qu'il faudra et si ça ne devait jamais arriver, ce n'est pas grave, tant que je peux te garder près de moi »
Si elle en était encore capable, Jean sentit qu'elle aurait pu sourire, mais elle ne savait plus le faire et il lui faudrait du temps pour réapprendre ce simple geste.
…Merci, merci d'être là… fit-elle alors que deux larmes s'écoulaient sur ses joues.
- « Tu ne parles plus ? » s'enquit Scott en haussant les sourcils, passant sa main sur son visage pour y chasser les larmes.
…C'est dur…
- « Je n'en doute pas Jean, tu sais que quand nous nous sommes rencontrés, j'étais plutôt muet, je n'ouvrais quasiment jamais la bouche, mais tu m'as fait sortir de mon mutisme. J'ai appris une chose : que le plus difficile était de prononcer le premier mot, que pour les autres c'était plus simple surtout si on n'attendait pas trop. » lui dit-il doucement avant de clore la discussion « Aller, il faudrait dormir maintenant, il est plus de 3 heures du matin. »
Jean ne s'y opposa pas, elle avait déjà fermés les yeux, toutes les craintes qu'elle avait ressenties seule s'étaient quasiment entièrement évaporées.
- « Bonne nuit mon cœur »
- «…Nu…it… »
Il sourit de nouveau et l'embrassa dans les cheveux, inhalant légèrement son parfum.
----------------------------------------------
Le lendemain matin, ayant cours, Scott dû à contrecœur envisager de se dégager de l'étreinte de Jean. Il ne parvint pas à le faire sans la réveiller, elle était bien trop vigilante aux contacts pour ça et sursauta violement comme à son habitude.
- « Hey, ça va Jean, ce n'est que moi, tu te souviens ? tu es venue me rejoindre hier soir » lui dit-il doucement.
Elle acquiesça et se détendit.
- « Bien dormi ? » lui demanda-t-il.
Même réponse.
- « Je ne peux pas rester, j'ai cours aujourd'hui tu sais ? » lui dit-il « Je dois aller me préparer, essaye de te rendormir d'accord ? »
Après s'être assuré que Jean allait bien, il se leva et se rendit dans la salle de bain, sa chambre, celle de Jean, et des professeurs en ayant une privée. Lorsqu'une dizaine de minutes plus tard il en ressortit, il vit que Jean s'était levée, cela ne l'étonna pas et il n'y fit aucune allusion.
- « Je vais descendre déjeuner, tu viens ? »
Jean secoua la tête, elle devait prendre une douche, elle ne pouvait pas s'en passer et ce ne serait pas la seule de la journée. Scott le savait et comprit tout de suite qu'elle ne le suivit hors de sa chambre que pour rejoindre la sienne.
- « Je repasserais te voir avant de partir ok ? » lui dit-il alors qu'ils se trouvaient devant sa porte.
Il déposa un baiser sur son front et partit pour la cuisine.
Jean, elle, entra dans sa chambre et se rendit dans sa salle de bain. Habituellement, lorsqu'elle prenait sa douche depuis son enlèvement, elle faisait en sorte de ne pas regarder son corps, quitte à devoir fermer les yeux, mais cette fois-ci, elle ne pu s'en empêcher. Voir toutes ces marques et cicatrices parcourant sa peau, chacune ayant son histoire, chacune s'accompagnant d'un souvenir, lui serra la gorge. Par les brûlures de cigarettes, elle pourrait presque compter le nombre de fois qu'elle avait été violée, presque ? oui, ils ne l'avaient pas tous marquée physiquement comme ça…. Elle avait beau frotter, elles ne partaient pas et ne partiraient jamais. Les entailles qui parcouraient son corps, les brûlures….seul le marquage au fer rouge avait disparu…elle se souvenait de l'atroce douleur et de l'odeur de chaire brûlée…
Jean termina sa douche en ayant le sentiment d'être toujours aussi sale qu'avant ; de toutes manières, même si elle pouvait se retourner comme un gant de toilette pour se laver de l'intérieur, elle garderait cette sensation. Elle enfila ses sous-vêtements, puis un peignoir qu'elle noua autour de sa taille et, alors que jusque là elle était parvenue à éviter de croiser son reflet dans un miroir, elle s'y retrouva confrontée. Qui était cette adolescente pâle aux yeux cernés et au regard vide qui la regardait ? Elle ne supporta pas l'image qu'il lui renvoyait, cela associé aux cicatrices recouvrant son corps était trop pour elle, elle sentit les larmes lui monter aux yeux et les sanglots arriver. Elle se mit à hyperventiller, puis à trembler et, sans même savoir ce qu'elle faisait, elle brisa le miroir, libérant ainsi symboliquement son mal-être ; une onde télékinésique enfonça les murs, fracassa la paroi de verre servant de rideau de douche et jeta parterre tous les objets se trouvant dans la pièce tandis qu'elle s'écroulait sur le sol en fondant en larmes.
Scott était entrain de parcourir le couloir vers les chambres lorsqu'il sentit un brusque mal-être parvenir de son lien avec Jean avant de ressentir une secousse et d'entendre le son de glace brisée. Sans attendre, il accourut à sa porte et tapa mais, n'obtenant aucune réponse et son ouie percevant le son de pleurs, il entra dans la pièce et se précipita dans la salle de bain −dont la porte était éventrée− où il retrouva son amie, recroquevillée dans un coin, secouée de sanglots et de tremblements nerveux.
- « Jean… » fit-il en s'approchant d'elle, marchant par la même occasion sur des morceaux de verre et de carrelage qui se brisèrent un peu plus sous ses semelles.
La pièce était à moitié détruite, c'était presque comme le jour de la brusque évolution de ses pouvoirs, bien que le plafond et les murs tenaient toujours debout. L'adolescente était tellement en larmes qu'elle ne l'avait même pas entendu entrer. Ne voulant pas risquer une réaction de défense de sa part impliquant de nouveau sa télékinésie, il l'appela de nouveau :
- « Jean… »
Cette fois-ci elle sembla l'avoir entendu mais ne cessa pas de pleurer. Il s'agenouilla à ses côtés et la prit dans ses bras, elle resserra l'étreinte, sanglotante, versant toutes les larmes de son corps. Scott savait que ça devait arriver, c'était nécessaire, elle n'avait pas encore réellement craquée, les seuls pleurs qu'il y avait eu avaient tous été provoqués par de la peur et des cauchemars, et là c'était différent.
- « Pleure Jean, tu en as besoin… » lui murmura-t-il en la berçant. « Ça finira par s'arranger, je resterais toujours à tes côtés »
Logan, ayant comme les élèves ressenti le choc, fit son apparition à l'entrée de ce qu'il restait de la salle de bain, mais Scott lui fit implicitement comprendre qu'ils devaient rester seuls et Wolverine obtempéra ; il savait qu'il ne pouvait rien faire, même si voir sa petite Jeannie dans cet état lui brisait le cœur.
A la porte de la chambre, quelques jeunes mutants attendaient justement qu'il sorte pour en apprendre plus :
- « Alors ? qu'est-ce qui se passe ? » s'enquit Amara.
- « Jean est en larmes, Scott est avec elle » répondit Logan d'une voix grognante.
- « Et la secousse c'était quoi ? » s'enquit Jubilée.
- « Elle a dû perdre le contrôle de ses pouvoirs pendant quelques secondes, la salle de bain en a pâti »
- « Oh… » fit Kurt en voyant ce qu'il voulait dire par là.
- « Allez, ne restez pas là, vous allez arriver en retard à l'école » conclut Logan en les incitant à se disperser.
Il jeta un dernier regard derrière lui et s'éloigna à son tour.
A l'intérieur, alors que les pleurs de Jean ne faiblissaient pas, des images apparurent dans l'esprit de Scott, pas de scènes complètes, mais plutôt de nombreuses séquences et émotions projetées inconsciemment par leur lien à une telle vitesse qu'il ne pu en décrypter qu'une partie, mais cela était suffisamment explicite. Devant tant d'atrocités et de souffrances, lui-même ne pu retenir ses larmes et serra Jean un peu plus fort contre lui, laquelle tremblait toujours et avait presque des difficultés à respirer tellement ses sanglots étaient rapprochés.
----------------------------------------------
Lorsqu'au bout d'une demi-heure, vidée, l'adolescente commença à se calmer, Scott la fit se relever et la porta hors de la salle de bain pour ne pas qu'elle se blesse en marchant pieds nus sur le verre. Il l'allongea sur son lit, ausculta rapidement ses poings qui ne portaient que quelques coupures superficielles, et s'assit à ses côtés.
…Me lai…sse pas… le supplia-t-elle.
- « Je reste avec toi, ne t'inquiète pas » lui répondit-il.
Il s'adossa au mur, ses jambes sur le matelas, se remettant comme il le pouvait de ce qu'il venait de voir ; Jean avait gardée sa main dans la sienne et commençait à s'endormir recroquevillée sur elle-même, son visage contre sa peau.
Une vingtaine de minutes plus tard, il fut sorti de ses pensées par la voix du Professeur Xavier :
- « Ça a été dur à ce que je vois »
Scott sursauta légèrement ; Jean ne bougea pas, elle s'était endormie.
- « Professeur ? je ne vous avais pas entendu entrer »
Charles avait repéré les traces de larmes encore fraîches ayant échappé du couvert des lunettes de Cyclope.
- « Elle a projeté tellement d'images terribles à travers notre lien » fit Scott d'une voix marquée « elle a tout cela à l'intérieur d'elle-même alors que moi je ne pourrais même pas en supporter la moitié… »
- « Et pourtant c'est ce que tu fais Scott » fit remarquer le Professeur Xavier d'une voix posée.
- « Je sais…Mais ça c'est parce que je ferais n'importe quoi pour elle, je donnerais ma vie pour elle »
Le Professeur sourit légèrement face à la maturité de son premier élève.
- « Mais elle ne te laisserait pas le faire, elle a besoin de toi. » dit-il avant de continuer avec gravité, « Je sais que c'est terrible. Lorsque j'ai dû lire ses pensées à son arrivée, j'ai mis des jours à m'en remettre ; je n'avais fais que survoler son esprit pour seulement voir les visages de ses tortionnaires, mais quelques images m'étaient apparues et contrairement à toi je ne ressentais pas ses émotions, c'est une particularité propre au lien si spécial que vous partagez »
Scott acquiesça et resta silencieux quelques instants avant de dire :
- « Je veux rester avec elle aujourd'hui »
- « Je le sais Scott, j'ai déjà annoncé ton absence au lycée, pour aujourd'hui et pour demain également, c'est la fin de l'année de toutes manières » répondit Charles.
- « Merci »
- « Tu n'as pas à me remercier Scott, tu fais preuve d'un dévouement sans bornes pour Jean lorsqu'elle en a le plus besoin, je suis fier de toi »
- « Je le fais parce que je l'aime » répondit-il sans aucune hésitation.
----------------------------------------------
Les 2 mois qui suivirent furent extrêmement durs. La peur que les autres animaient en Jean avait décuplée, en particulier envers les hommes ; chaque mot ou attitude était susceptible de la faire littéralement éclater en sanglots, secouée par des vagues d'horribles souvenirs, ses compulsions de lavages s'étaient également accentués. Elle était plus fragile que jamais et Scott ne la quittait pas plus de deux minutes de peur qu'elle n'attente à ses jours.
La chambre de Cyclope fut réaménagée car, depuis que Jean avait passé la nuit avec lui, elle ne dormi plus dans la sienne, préférant sa présence rassurante qui permettait de peu à peu raréfier ses cauchemars, qui eux aussi étaient devenus plus violents. Scott ne se plaignit pas de cette nouvelle habitude, il aimait la sentir contre lui, la savoir en sécurité, être sûr que personne ne pourrait la lui arracher.
En septembre, il dû reprendre les cours, Jean eu du mal à se réhabituer à ses absences. Quand Scott était en classe, les professeurs gardaient un œil sur elle même s'ils ne pouvaient pas l'approcher, et si elle venait à s'isoler, même si cela était contre ses principes, Charles veillait sur elle par télépathie ; et ce jour-ci il s'en félicita…
Tout le monde à l'infirmerie ! Jean tente de se tuer, vite ! lança le puissant mutant par télépathie d'une voix angoissée aux professeurs présents.
à suivre...
