CHAPITRE 9 : PRE-AU-LARD
La première semaine passa tranquillement, ponctuée de regards envieux de Ron à Harry (ou inversement) et de phrases pleines de petits sous-entendus de Drago pour Hermione.
La deuxième se déroula dans la même ambiance et ce fut enfin le jour de la sortie à Pré-au-Lard.
Par une merveilleuse coïncidence, Harry, Ron, Hermione et Drago avaient tous décidé, chacun de leur côté et sans en parler à personne, de se montrer un peu plus « entreprenants » durant cette sortie. Et comme le hasard fait bien les choses, ils devaient tous passer la journée plus ou moins en « couple » : Harry et Ron, ensemble, comme d'habitude, mais sans Hermione qui devait surveiller les troisième année avec Malefoy. Ce dernier savourait à l'avance cette magnifique journée. Il avait bien observé Hermione afin de déterminer de quelles façons il pouvait l'atteindre et était sûr d'avoir trouvé. Cette sortie serait donc la première occasion pour lui de tester sa nouvelle stratégie. Hermione, en revanche, comptait simplement passer une bonne journée avec Drago, c'est-à-dire sans insultes ni reproches et, pourquoi pas, lui faire un brin de charme ? Chaque fois qu'elle y avait pensé, elle s'était sentie complètement ridicule, mais aujourd'hui elle se sentait d'humeur...téméraire. Quant à Harry et Ron, ils essaieraient juste de passer la meilleure journée possible, ce qui ne représentait pas un défi particulièrement insurmontable quand on était déjà les meilleurs amis.
C'est donc avec un soin tout particulier que ce petit monde se prépara ce matin-là. Hermione fit des efforts sur sa coiffure, intensifia son regard d'un léger trait de crayon noir et se vêtit de la tenue qui lui allait le mieux. Drago se contenta de sa classe habituelle, rehaussée par un arrangement stratégique de ses mèches de cheveux blonds qui retombaient devant son visage d'ange avec une fausse désinvolture absolument exquise. Ron et Harry, eux, passèrent un bon quart d'heure à s'observer d'un oeil critique avant d'abandonner la lutte, non sans une fébrile remise en place de la chemise et une tentative infructueuse de lissage de cheveux.
Les trois Gryffondor se retrouvèrent dans la Grande Salle pour le petit déjeuner. La même expression se lisait sur leur visage, une excitation mêlée d'anxiété. Ils le remarquèrent tous mais préférèrent ne pas poser de questions, ils avaient assez à penser avec leur propre préoccupation sans y ajouter celle des autres. Aussi, c'est dans un silence inhabituel que se déroula la première partie de la journée, la dernière avant la sortie... L'importance qu'ils y attachaient tous les trois était presque comique tant elle était démesurée. Ce n'était qu'une simple sortie à Pré-au-Lard, après tout. Et à 17 ans quoi de plus normal que de vouloir plaire à quelqu'un qui nous plait ? Mais Harry, Ron et Hermione ne pouvait pas voir les choses de cette façon. Seul Drago n'était pas inquiet. Le jeu de la séduction n'avait aucune raison de l'effrayer pour la simple et bonne raison qu'il en avait lui-même écrit la plupart des règles. C'est donc avec une parfaite décontraction qu'il attendit Hermione aux portes du château.
Elle arriva quelques minutes après lui, laissant Ron et Harry passer leur journée tous les deux. Ils prirent tous les quatre une profonde inspiration et se dirigèrent vers le village.
On va faire un tour à la boutique de Fred et George ? demanda Harry en se tournant vers Ron.
Le rouquin hocha la tête.
Il faut que je rachète des Pétards Hurlant, dit-il.
Harry le regarda du coin de l'œil avec un air interrogateur.
Ne le dis pas à Hermione surtout, ajouta Ron à voix basse en captant son regard, mais tu te rappelles de l'explosion qui avait eu lieu dans les cuisines l'année dernière ? Eh bien, en fait ce n'était pas du tout Peeves. Ginny et moi avions fait une sorte de pari et euh…j'ai comme qui dirait perdu… et du coup j'ai été obligé de vider toutes mes réserves chez ces pauvres elfes de maison qui ont été terrorisés.
Il eut l'air un peu mal à l'aise en évoquant ce souvenir mais un sourire goguenard apparut bientôt sur son visage.
Mais ça m'est égal, dit-il d'un air malicieux. Cette fois-ci, j'ai trouvé comment la piéger !
Harry se contenta de sourire sans demander plus d'explications. Depuis qu'il avait décidé de la laisser un peu plus libre, Ron était devenu très complice avec sa sœur cadette et il n'était pas rare de les voir tous les deux dans un coin reculé de la salle commune à parler à voix basse en ricanant comme le faisaient si souvent les jumeaux lorsqu'ils étaient encore au château. C'est donc dans la bonne humeur qu'ils poussèrent la porte de la deuxième boutique de Fred et George Weasley « farces pour sorciers facétieux ». Ils en ressortirent plus d'une heure plus tard et se rendirent aux Trois Balais où les jumeaux les accompagnèrent, profitant d'une petite pause.
Alors Harry, demanda Fred une fois qu'ils furent tous attablés devant une grande bouteille de bièraubeurre, c'est toi le nouveau capitaine de l'équipe ?
C'est Dumbledore qui nous l'a dit, ajouta George en voyant l'air étonné de Harry.
Dumbledore ? s'exclama Ron.
En personne, répondit Fred. Il est passé nous voir un peu avant la rentrée pour nous proposer un projet…
Un projet ? fit Ron, surpris. Quel projet ?
Ce sont des affaires de grands, Ronny, répliqua George avec un air mystérieux.
Ne nous pose pas de questions et…
Vous ne me direz pas de mensonges, marmonna Ron avec mauvaise humeur.
Harry et les jumeaux rirent de l'expression de Ron puis Harry répondit pour éviter qu'il ne se fâche. Le Quidditch leur prit une bonne demi heure, Harry leur décrivit comment s'était passé la séance de sélection et leur révéla le nom de leur nouveau poursuiveur (à savoir Kevin Jokes, un quatrième année, dont le nom plut beaucoup aux jumeaux). De leur côté, Fred et George avaient eu des nouvelles d'Olivier Dubois qui jouait à présent en réserve dans l'équipe nationale d'Angleterre. Harry fut très impressionné. Il savait que Dubois était un très bon gardien pour avoir joué à ses côtés pendant trois ans, mais le savoir dans une équipe nationale le surprit beaucoup. Il était ravi pour lui.
Tu aurais dû le voir, dit George en ricanant.
Il était encore plus excité que d'habitude, fit Fred.
On ne peut pas lui en vouloir, répliqua Harry. Tu imagines ? L'équipe d'Angleterre !
Midi passa bientôt et les jumeaux repartirent travailler. Harry avait passé une excellente matinée mais il était content de se retrouver enfin seul avec Ron. Il ne savait pas encore trop ce qu'il allait faire (ni même s'il allait faire quelque chose de particulier) mais s'ils ne restaient que tous les deux ce serait déjà un début. Ils se promenèrent le long des rues, parlant de tout et de rien. Une nouvelle complicité naissait entre eux, qu'ils n'avaient qu'effleurée jusqu'alors, mais qui se faisait plus présente au fur et à mesure qu'ils passaient du temps ensemble.
Une fois arrivés tout au bout du village, juste en face de la Cabane Hurlante, ils se turent soudainement et un silence gênant s'installa. Ron se mit à regarder fixement ses chaussures et sembla affreusement mal à l'aise tandis que Harry entortillait consciencieusement les fils de sa robe de sorcier, bien que rien ne se soit produit qui eût pu expliquer ce changement radical dans l'atmosphère.
Euh…Ron, fit timidement Harry.
Oui ? répondit aussitôt le rouquin avec une nuance d'appréhension dans la voix.
Leurs yeux se croisèrent et ils lurent chacun le reflet de leurs propres pensées dans les yeux de l'autre. Cela leur donna un peu d'espoir et ils reprirent en même temps :
Je voulais…
Je voulais…
Ron sourit.
A toi l'honneur, dit-il
Harry sembla gêné. Il lui fit un sourire rassurant (mais pas très rassuré). Il avait terriblement envie de se rapprocher de Ron. De se mettre à côté de lui et de s'appuyer un peu contre son épaule. Juste de sentir qu'il était tout à côté. Mais il se retint. Prenant son courage à deux mains, il ouvrit la bouche et commença :
Il faut que je te parle de quelque chose mais…
Il fut alors interrompu par la dernière personne qu'il aurait voulu voir en cet instant.
Hey, toi ! Dix points en moins pour Poufsouffle ! Pas de magie en dehors du château ! Et range-moi tout de suite cette chose qui dépasse de ta poche et dont je ne veux même pas connaître le nom ! hurla Hermione à un troisième année qui s'enfuit terrifié se réfugier aux Trois Balais.
Elle soupira en continuant à marcher. Il n'était pas encore midi et elle avait déjà réprimandé une bonne douzaine d'élèves, et pas seulement des troisième année. Elle regarda sa montre et se dirigea elle-même vers l'auberge. Elle avait faim et elle devait y retrouver Drago. Celui-ci lui avait proposé de l'y retrouver pour finir leur « surveillance » à deux. Elle avait aussitôt accepté. Elle poussa doucement la porte et le chercha du regard. Il n'était pas encore là. Elle s'avança jusqu'à la table la plus reculée et s'y assit en commandant une bièraubeurre. En passant, elle jeta un regard glacial au jeune Poufsouffle à qui elle venait de retirer dix points et qui s'était recroquevillé sur sa chaise, pensant sans doute qu'elle le poursuivait pour lui infliger une retenue. A peine quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit de nouveau et Drago entra dans la salle. Il se dirigea tout droit vers elle, comme s'il savait déjà à quelle place elle se trouvait. Hermione détailla sa démarche, son aisance naturelle à se mouvoir avec grâce, même au milieu d'une salle bondée comme l'était celle de l'auberge. Aucun doute là-dessus : Drago Malefoy avait de la classe.
Il s'assit à côté d'elle (mais pas trop près tout de même) et commanda à son tour une bièraubeurre.
Alors cette matinée ? demanda-t-il.
Je m'attendais à mieux, répondit-elle. A croire qu'ils ont tous décidés de faire n'importe quoi pour leur première sortie…
Drago sourit et remarqua avec amusement l'élève de Poufsouffle qui jetait de temps en temps un regard craintif dans leur direction.
On dirait que tu en as traumatisé un, dit-il en désignant le petit blond, qui s'empressa de fixer sa bouteille.
Hermione jeta un regard féroce dans cette direction.
Ca lui apprendra, fit-elle avec mauvaise humeur. Ils ne se rendent pas compte à quel point c'est fatiguant d'avoir à surveiller tout le monde !
Drago fronça les sourcils. A l'évidence, son homologue avait passé une mauvaise matinée, inutile de s'étendre sur le sujet, surtout s'il voulait essayer de l'amadouer.
Cet après-midi ça ira, dit-il. Je leur fais peur. Dès que j'approche d'un groupe d'élèves, ils se séparent tous ou alors s'enfuient plus ou moins naturellement dans la direction opposée.
Il regarda Hermione et lui adressa un sourire désabusé mais plein de charme auquel elle ne put s'empêcher de répondre.
Je n'ai pas la chance d'être considérée comme la personne la plus impitoyable de Poudlard, fit-elle en haussant les épaules.
Il ne répondit pas. A l'évidence cette réputation lui convenait parfaitement et Hermione se rappela soudain qu'il y a un an à peine c'était avec elle qu'il était si impitoyable. Elle fut prise d'un doute et se demanda s'il avait vraiment changé. Elle n'avait plus confiance en son jugement sur lui depuis qu'elle s'était rendue compte de ses sentiments. Alors elle décida de le tester et lâcha dans un murmure étouffé :
Après tout, je ne suis qu'une Sang de Bourbe.
Drago ne tourna même pas la tête vers elle et n'ouvrit pas la bouche pour pousser cette exclamation indignée qu'elle espérait. Au contraire, il se mit à rire doucement. Hermione n'aurait pas eu la même expression si on l'avait giflée et elle dut presque retenir ses larmes. Non seulement elle ne lui plaisait pas et il s'était moqué d'elle, mais en plus il la méprisait toujours autant !
Elle s'apprêta à se lever lorsqu'il daigna enfin prendre la parole.
Hermione reste assise, dit-il simplement.
Elle obéit sans vraiment s'en apercevoir et lui jeta le regard le plus haineux et dégoûté qu'elle avait. A sa plus grande fureur (et tristesse), il continua à rire et secoua doucement la tête comme s'il trouvait cette situation particulièrement amusante. Hermione ne voyait pas ce qu'il y avait d'amusant.
Si tu ne veux toujours pas croire que j'ai réellement changé, alors ne le crois pas, ça m'est égal, dit-il avec un sourire triste. Mais n'essaie pas de me tester avec des phrases aussi maladroites. Je me serais attendu à mieux venant de toi.
Pendant un instant, il eut l'air déçu de quelqu'un qui perd toutes ses illusions en une seconde et Hermione se sentit incroyablement stupide.
Je…euh... balbutia-t-elle.
C'est rien, l'interrompit-il d'un ton sec. Je commence à avoir l'habitude. Ne t'en fais pas.
Sur ce, il se leva, laissa de quoi payer sa bièraubeurre ainsi que celle d'Hermione et quitta l'auberge sans un mot de plus.
Hermione resta interdite plusieurs minutes avant de se laisser tomber sur la table.
Hermione t'es nulle, marmonna-t-elle la tête enfouie dans ses bras.
Quand elle se releva, elle aperçut le petit Poufsouffle qui lui jeta un autre coup d'œil craintif.
T'AS PAS FINI DE MA REGARDER TOI ? cria-t-elle. 15 POINTS EN MOINS POUR POUFSOUFFLE ! ET VA VISITER LE VILLAGE AU LIEU DE RESTER LA À BOIRE DE LA BIERAUBEURRE !
Malefoy ? s'exclama Ron. Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-il d'un ton agressif. On ressemble à des troisième année perdus peut-être ?
Harry resta sous le choc quelques secondes avant de comprendre la situation. Il s'apprêtait à parler à Ron, à lui dire quelque chose d'important (son cœur s'accéléra à cette pensée) et il se retrouvait face à...Drago Malefoy !
Il vit que le blond allait répondre à Ron et vu l'expression de son visage il n'était pas difficile de deviner comment tout ça allait finir. Il se dépêcha d'intervenir comme il pouvait.
Tu n'es pas avec Hermione ? demanda-t-il le plus calmement possible, malgré son cœur qui battait encore à tout rompre.
Drago se tourna vers lui et sembla oublier totalement la présence de Ron. Il observa fixement Harry d'un air surpris.
A l'évidence, répondit-il enfin de sa voix traînante.
Quelque chose clochait, Harry le sentait. Il jeta un bref coup d'œil à Ron qui regardait toujours Malefoy avec hargne.
Remarque, fit le brun après un moment de silence, j'imagine que sa compagnie t'importe peu. Ce n'est pas comme si vous étiez amis.
Drago fut comme figé par la vérité de cette affirmation. Ils n'étaient pas amis, en effet. Et pour une raison tout à fait extraordinaire, il en ressentit une certaine peine. Il fixa à nouveau Harry et une lueur étrange dans son regard le fit douter. Il ne pensait pas ce qu'il disait. Lui aussi voulait simplement voir sa réaction.
Manquerait plus que ça ! marmonna Ron. Comme si Mione allait devenir amie avec le plus horrible des Serpentard !
Drago et Harry se tournèrent vers lui et Ron eut l'étrange sensation d'avoir interrompu quelque chose d'important avec une remarque on ne peut plus déplacé.
Il avait raison.
A cet instant, ils comprirent tous les trois que quelque chose avait changé, chez chacun d'eux.
Et il se passa alors un évènement absolument incroyable.
Désolé, dit lentement Ron.
C'est pas grave, répondit Drago.
Puis il se tourna vers Harry et ajouta d'une voix étrangement sourde :
T'inquiètes pas Potter, je ferais attention à elle.
Après un moment de silence, Harry hocha simplement la tête.
Et le Serpentard repartit.
Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda enfin Ron après dix bonnes minutes de silence.
Je n'en ai pas la moindre idée, répondit Harry.
On rentre ?
Ron hocha la tête. Ils échangèrent un regard perplexe et un sourire complice éclaira soudain le visage du rouquin.
Il s'en passe des choses aujourd'hui j'ai l'impression ! Il y a comme un vent de changement par ici, fit-il avec un air faussement mystérieux.
Harry éclata de rire. Impossible de le garder sérieux plus de trente secondes celui-là…. Il lui prit les épaules et lui ébouriffa les cheveux.
Jamais sérieux plus de trente secondes ! dit-il en souriant largement.
Jamais ! s'exclama Ron comme si cette simple idée représentait la chose la plus indigne du monde.
Ils rirent tous les deux et prirent la direction du château sans remarquer qu'ils étaient épaule contre épaule et qu'à cet instant, rien au monde n'aurait pu les faire s'éloigner l'un de l'autre.
Hermione passa donc l'après-midi seule à arpenter les rues, retirant quelques points et lançant des avertissements bien sentis à tous ceux qui troublaient la quiétude du village. Vers 17 heures, elle prit finalement le chemin du château et se rendit directement dans ses appartements, décidée à prendre un bon bain pour se changer les idées.
Bonjour Hermione.
Bonjour Mrs Lovegood.
Ca n'a pas l'air d'aller fort…dit le portrait avec douceur.
Hermione hocha la tête. Elle ne se sentait pas vraiment d'humeur à commencer une conversation avec le portrait de la mère de Luna.
Les Préfets en Chef ont eu une dure journée ? demanda le tableau. Votre homologue semble dans le même état que vous.
Bien qu'intriguée par la nouvelle, elle se contenta de hausser les épaules, puis donna le mot de passe et entra.
Drago n'était pas dans le salon. Il devait être dans sa chambre. Pendant un instant, Hermione fut presque tentée d'aller taper à la porte pour lui présenter ses excuses, mais elle n'en fit rien.
De quoi pouvait-elle bien s'excuser ? D'avoir des doutes quant à sa toute nouvelle gentillesse ? Il l'avait harcelée pendant cinq ans, la couvrant d'insultes et la rabaissant à chaque seconde. S'il y avait bien une personne au château qui avait le droit de se méfier de Drago Malefoy, c'était bien elle. Tandis qu'elle se dirigeait vers sa propre porte, celle de Drago s'ouvrit. Ils s'arrêtèrent net tous les deux.
Hermione… commença Drago.
Drago…commença Hermione.
Elle eut un léger sourire et dit :
Excuse-moi de t'avoir offensé. Je sais que tu fais des efforts mais je n'arrive pas à m'y faire. Je sais que c'est bête mais…
Drago secoua doucement la tête.
Je me suis acharné sur toi pendant cinq ans, c'est normal que tu doutes de moi. Le contraire me surprendrait. Je ne sais pas ce que j'espérais…
Ils restèrent là tous les deux, sans bouger. Hermione se mit à contempler ses chaussures et Drago sembla soudain trouver le bout de sa manche tout à fait fascinant.
Bon euh…fit timidement Hermione. On oublie ?
Drago hocha la tête.
On oublie.
Il lui tendit la main. Bien que surprise par ce geste, Hermione en fut très honorée. Elle s'approcha mais, se rappelant tout à coup sa résolution première pour la journée, elle ne serra pas la main de Drago. Poussée par une soudaine témérité, elle déposa un rapide baiser sur chacune de ses joues en essayant d'avoir l'air le plus naturelle possible.
On se fait confiance maintenant ? demanda-t-elle comme si ce qu'elle venait de faire était d'une banalité consternante. (« Pitié, faites que je ne rougisse pas ! »)
Drago acquiesça, nullement perturbé par l'acte de grande bravoure que venait d'accomplir Hermione. Sur ces paroles pleines de sagesse, elle lui adressa un sourire soulagé puis disparut dans sa chambre à une allure un peu rapide, mais Drago ne sembla pas le remarquer.
Une fois la porte fermée, la main du Serpentard se porta automatiquement à ses joues. Quand il en prit conscience, il la ramena aussitôt dans sa poche.
« Bien bien bien…pensa-t-il. Excellent début. La journée ne s'est pas passée exactement comme je voulais, mais le résultat est loin d'être décevant. Il fronça les sourcils d'un air songeur. Au contraire, se dit-il. Il s'est passé quelque chose qui dépasse le stade du simple jeu et que je n'aurais sûrement pas pu provoquer tout seul. » Il eut un sourire triomphant. Mais curieusement, ce n'est pas tant ce sentiment de victoire qui le marqua. Et lorsqu'il quitta le salon, il ne put empêcher sa main de se porter à nouveau à ses joues.
