CHAPITRE 13 : IL Y A DES JOURS…
Harry passa une si bonne journée que lorsque les cours prirent fin, il avait presque oublié la lettre d'Hagrid. Ce n'est que grâce à Hermione qu'il se rappela soudain qu'il devait rendre visite au demi-géant. Celle-ci avait aussi, à ce qu'elle disait, quelque chose à lui dire, mais Harry la soupçonna d'être au courant du contenu de la lettre quand il vit qu'elle lui lançait un regard appuyé en parlant du garde-chasse. Il chassa cette pensée de son esprit. Comment Hermione pouvait-elle être au courant de ce qu'il y avait d'inscrit dans cette fichue lettre ? A moins d'avoir participé à sa rédaction, mais pourquoi ? C'était absurde. « Je deviens complètement parano, moi. » pensa Harry en se secouant mentalement.
Après avoir déposé ses affaires dans le dortoir et fourni une bonne excuse à Ron qui voulait à tout prix l'accompagner, Harry se dirigea enfin vers le parc, les questions du matin tourbillonnant à nouveau dans sa tête. Mais avant qu'il ait pu rejoindre la cabane de Hagrid, une main ferme le saisit par l'épaule et l'entraîna dans une salle à côté du Hall avant de claquer violemment la porte.
Une fois remis de sa surprise première, Harry étouffa une exclamation.
- Hermione !
La jeune sorcière se tenait en effet devant lui, l'air embarrassée mais déterminée.
- Mais qu'est-ce que tu fais ! Ca va pas ou quoi !
Il reprit son souffle en continuant de la fixer avec la plus totale incrédulité.
- T'es folle ? s'exclama-t-il enfin.
- Excuse-moi d'avoir à employer des manières aussi radicales, mais je voudrais que l'on parle, dit-elle d'un ton sérieux.
- Et tu t'es sentie obligée de me kidnapper dans une salle pour m'annoncer ça ?
- Harry, je suis sérieuse !
- Un peu trop même ! Qu'est-ce qui t'arrive ?
Il n'arrivait pas encore à réaliser qu'il se trouvait enfermé dans une salle pleine de vieux pupitres et de vieilles chaises avec Hermione, et que celle-ci l'y avait emmené de force et par surprise, tout ça pour lui dire qu'elle voulait lui parler ! Pendant une fraction de seconde, Harry envisagea même la possibilité que quelqu'un ait pris l'apparence d'Hermione grâce à du Polynectar, tellement la situation lui paraissait invraisemblable.
- Calme-toi, lui dit-elle d'une voix inquiète en voyant qu'il la regardait toujours avec des yeux ronds comme des billes.
- Elle est mignonne, répondit Harry d'une voix faible comme si Hermione était complètement folle (il faut avouer qu'à cet instant, c'est ainsi qu'elle lui apparaissait).
Hermione sourit.
- C'est vrai, excuse-moi, j'aurais pu m'y prendre mieux, dit-elle avec un air coupable.
- Certes… Mais il faut que j'aille rendre visite à Hagrid, maintenant.
Il eut un doute lorsqu'il vit qu'Hermione se dandinait d'un pied sur l'autre en paraissant très très mal à l'aise.
- Tu n'as quand même pas…commença-t-il.
- Oh, Harry excuse-moi! répéta-t-elle en l'interrompant. Mais je ne savais vraiment pas comment réussir à te parler sans que Ron soit là !
Ron ! pensa Harry. Un immense sentiment de soulagement l'envahit. Si la lettre était d'Hermione, alors Hagrid ne savait rien du tout à propos de Ron ! Il poussa un profond soupir…avant de se dire que si Hermione tenait à son absence elle aussi, c'est qu'elle devait avoir une bonne raison.
- La prochaine fois, pose-moi simplement la question : « Harry, est-ce que je pourrais te parler ? » ! Et puis, qu'est-ce que vous avez tous avec Ron ? s'exclama-t-il sans vraiment s'en apercevoir.
Le regard aigu que lui lança alors Hermione lui fit amèrement regretter d'avoir parlé du rouquin. Il semblait que le temps était venu de passer aux aveux. « Après tout, se dit Harry, elle a été honnête avec moi quand elle m'a parlé de Malefoy ». Avec un soupir de résignation, il prit son courage à deux mains et attendit qu'elle lui pose la question qu'il redoutait tant. Il n'avait rien à cacher, mais se dire les choses à soi-même et les dire aux autres était deux choses radicalement différentes. Et il venait de s'en rendre compte.
Mais Hermione ne lui demanda rien. Elle s'assit sur un vieux pupitre près de lui et se contenta de le regarder avec douceur. Au bout de cinq minutes, Harry, n'y tenant plus, s'exclama :
- Bon ! Qu'est-ce que tu veux savoir ?
Hermione éclata de rire.
- Je n'ai même plus besoin de te demander ! Rien qu'à voir ton comportement, tu as confirmé ce que je pensais.
Harry ne fut pas vraiment soulagé par cette réponse. Au contraire, l'idée qu'on puisse deviner tout ce qu'il ressentait le mit particulièrement mal à l'aise et l'énerva encore plus.
- Ah oui ? demanda-t-il sèchement. Et qu'est-ce que tu pensais ?
- Ron… dit-elle simplement.
Et la colère de Harry se dissipa aussitôt.
- Ron… répéta-t-il.
- Ron ! s'écria Hermione.
La tête du rouquin venait d'apparaître dans l'embrasure de la porte. Il y eut aussitôt une confusion indescriptible.
- Qu'est-ce que vous faites là ?
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je… Harry ça va ?
- Très bien…
- Qu'est-ce qui se passe !
- Au secours…
- Je ne comprends rien.
- Hermione ?
- Ron…
- Harry !
Tous trois restèrent immobiles, retenant leur souffle comme s'ils attendaient que quelque chose de miraculeux arrive ou que quelqu'un sorte d'un placard et hurle « Joyeux Noël ! » en jetant des confettis, mais rien ne se produisit, évidemment.
- Pourrait-on m'expliquer ce qui se passe ici ? demanda finalement Ron. Ca fait déjà deux fois que vous vous sentez obligés de me laisser en plan pour discuter, mais là en plus vous m'avez menti ! Une visite chez Hagrid…bien sûr…
Il regarda Harry, ses yeux bleus emplis de colère et de déception. Comme personne ne répondait, il hocha la tête en soupirant. Pendant un moment, Hermione crut (et elle aurait préféré) qu'il allait exploser, se mettre à crier, mais non. Sans un mot de plus, il se détourna et quitta la salle. Harry et Hermione se regardèrent, sans savoir quoi dire, ne réalisant pas encore ce qui venait de se passer. Puis lentement, les rouages se mirent en place et la même expression horrifiée apparut sur leur visage.
- D'abord, ils me laissent en plan à la bibliothèque. Ensuite, ils ne veulent pas me répondre quand je leur demande de quoi ils avaient tant besoin de parler sans moi. Et maintenant, ils me mentent pour se voir seuls ! s'écria Ron en faisant les cent pas dans un couloir du septième étage. L'endroit le plus calme du château à cause du froid mordant qui y régnait en l'absence de fenêtres. Mais Ron se moquait totalement du froid. Sa colère le faisait littéralement bouillir.
Cela faisait maintenant près de trois heures qu'il les avait laissés pour ruminer ses pensées ici. Ca ne le soulageait pas vraiment et il n'était parvenu à aucune conclusion précise, mais il ne pouvait s'empêcher d'y penser et de leur en vouloir.
Pourquoi ? Pourquoi faisaient-ils ça ? Si cette même question revenait sans cesse, il y avait déjà une petite voix dans l'esprit de Ron qui avait trouvé une réponse. Mais une réponse qu'il ne voulait pas entendre, qu'il ne pouvait pas entendre. Une réponse tellement évidente qu'elle ne lui était pas venue immédiatement, mais qui, si on y réfléchissait (et Ron y réfléchissait depuis assez longtemps maintenant) était d'une logique implacable. Harry et Hermione… Ils cherchaient à se voir seuls, sans lui… Et ils ne voulaient pas lui dire pourquoi… Evidemment… Il soupira une fois de plus, mais ce n'était plus de la colère qui perçait à présent. Seulement une infinie tristesse et une résignation qui allait bien au-delà de tout espoir, aussi mince soit-il.
Il avait été tellement aveuglé par ce qu'il s'était mis à ressentir pour Harry qu'il ne s'était jamais demandé s'il était…enfin…comme lui.
« Quel idiot… pensa-t-il pour la centième fois au moins. A croire que les choses les plus simples ne me viennent jamais à l'esprit. Je…J'aurais dû m'en douter. On est amis depuis longtemps et ils se sont toujours très bien entendus. C'était évident… Comment pourraient-ils imaginer que moi… Jaloux…d'Hermione ! Même moi j'ai du mal à l'admettre… Alors eux, comment pourraient-ils ? Harry ne peut pas ressentir les mêmes choses que moi. Pas pour moi. »
Il eut un sourire triste, se passa la main dans les cheveux pour la énième fois et haussa les épaules d'un air las.
« Mais c'est Mione… Et au moins comme ça elle ne s'approchera plus de cette fouine de Malefoy ! … Il faut t'y faire, vieux. Les choses ne peuvent plus se passer comme tu l'aurais souhaité. »
L'horloge sonna dix coups. Se secouant mentalement, Ron sortit de la salle et prit le chemin du dortoir en se répétant à voix basse : « Les choses ne pourront plus se passer comme tu le souhaiterais maintenant. » Harry et Hermione formaient un couple, et il resterait Ron, le meilleur ami. Comme toujours…
« Mais s'il savait… »
« Ca ne changerait rien, Ronald »
- Ca ne changerait rien.
