CHAPITRE 16 : OH HAPPY DAYS
Harry s'installa lourdement sur le pouf et ouvrit la fenêtre la plus proche.
La divination n'étant déjà pas sa matière favorite, ce cours s'annonçait particulièrement pénible. Ron n'avait pas décroché un mot depuis ce vague « Pas grave » qu'il avait réussi à articuler tout à l'heure en SACM et Harry voyait bien qu'il ne comptait pas lui faire la conversation avant un bon bout de temps.
« En même temps, je vois pas à quoi tu t'attendais » se dit-il sombrement.
Poussant un profond soupir, il essaya de ne pas imaginer de quelle façon il devrait annoncer ça à Hermione. Elle risquait de le traiter de tous les noms.
« C'est surtout de lâche qu'elle va te traiter… Et elle n'aura pas tout à fait tort d'ailleurs. »
Ses réflexions furent interrompues par l'arrivée de Ron, qui tomba tout aussi lourdement sur son pouf en évitant soigneusement de croiser le regard d'Harry. Neville les rejoignit quelques secondes plus tard tandis que les élèves se mettaient à bavarder en attendant l'entrée théâtrale de leur professeur. Celle-ci surgit juste derrière Harry en saluant la classe de sa voix éthérée.
Mais elle parut quelque peu contrariée en remarquant que ni Harry ni Ron n'avait esquissé le moindre geste alors que toute la classe avait sursauté.
- Il me semble que certaines personnes dans cette salle sont troublées par des énergies négatives qui les empêchent de rester conscientes du moment présent, fit-elle dans un murmure qu'elle voulait impressionnant. Peut-être qu'un danger plane sur leur âme… Je sens comme une ombre, une préoccupation sinistre…
Elle tourna de grands yeux embués vers Harry, dont le regard vide fixait sans le voir le bord de la nappe qui pendait sur ses genoux.
- Peut-être aussi que ces personnes devraient se montrer plus attentives aux signes qui pourraient se manifester à elles, continua-t-elle d'un ton beaucoup moins mystérieux en faisant clinquer furieusement les dizaines de colliers qui tombaient sur ses épaules décharnées, ses gros yeux agrandis par d'énormes lunettes lançant des éclairs courroucés.
Elle attendit quelques instants mais le manque total de réaction de Harry sembla la consterner et elle abandonna pour se diriger vers son fauteuil et commencer son cours.
Quelque peu intrigué par le comportement de son camarade, Neville se pencha timidement vers Harry et lui demanda à voix basse :
- Heu…Harry ça va ?
N'obtenant pas de réponse, il répéta.
- Harry ?
Le jeune homme sembla enfin émerger de ses pensées et tourna interrogateur vers lui.
- Hmmm ?
- Tu vas bien ?
- Oui très bien, répondit Harry d'un air amusé. Pourquoi ?
- Tu n'as même pas eu l'air de remarquer les commentaires du professeur Trelawney tout à l'heure, je trouvais ça inquiétant, fit Neville avec une réelle inquiétude qui fit sourire Harry.
- Hermione était pareille tout à l'heure en SACM. Il vous est arrivé quelque chose ou quoi ? ajouta le garçon au visage lunaire avec toute l'innocence du monde.
Le sourire de Harry disparut aussitôt. Il osa jeter un bref regard à Ron. Il aurait juré que le rouquin tremblait de fureur et s'il avait ignoré que la salle de Trelawney était toujours pleine de fumées diverses il aurait pensé que toute cette fumée émanait de Ron. « Il en fait trop, songea soudain Harry en voyant que Ron gardait la tête obstinément baissée. Je veux bien que ça l'ait vexé, mais ce n'est pas en refusant de me parler qu'il me fera penser qu'on a hypothétiquement eu tort de ne pas le mettre au courant. »
- Ecoute Ron, je t'ai dit qu'on était désolés, dit sèchement Harry tandis que son agacement augmentait. Qu'est-ce que tu veux de plus ? Si c'est pour te voir faire la tête et refuser de nous parler, je crois qu'on a plutôt bien fait de ne rien te dire !
- Eh bien dans ce cas il ne fallait rien me dire et inventer autre chose au lieu de me répondre la vérité, répliqua Ron en levant la tête et en plantant ses yeux bleus dans ceux d'Harry. Vous n'étiez plus à un mensonge près !
Neville, pris par surprise au milieu de cette dispute, semblait paniqué.
- Je te signale que c'est toi qui as mis ça sur le tapis tout à l'heure, s'exclama Harry. Si ça n'avait tenu qu'à moi je ne t'aurais rien dit ! (« Et pour cause », pensa-t-il, mais il n'y prêta pas attention)
- Oui je m'en doute bien, s'écria Ron, le visage écarlate, tandis que la plupart des élèves de la classe se tournaient vers eux pour suivre la dispute. Vous êtes tellement bien tous les deux, Hermione et toi, que vous n'avez même plus besoin de moi. Alors pourquoi se donner la peine de me tenir au courant de ce que vous faites si c'est uniquement pour avoir à me traîner comme un boulet !
- Avec des réactions pareilles, tu le mérites amplement ton titre de boulet !
Ron se leva et prit son sac d'un geste rageur.
- Tu peux parler toi… fit-il d'une voix sourde à Harry qui semblait dans le même état de fureur que lui. Menteur…
Il se dirigea vers la trappe, l'ouvrit d'un coup de pied et quitta la salle sous le regard médusé des élèves et du professeur Trelawney qui avait posé une main sur son cœur et paraissait à deux doigts de l'évanouissement.
Le silence qui suivit vibra aux oreilles de Harry qui faisait tout son possible pour se calmer. Mais les chuchotements qui coururent bientôt dans toute la salle ne l'aidèrent pas non plus.
Ron l'avait traité de menteur… Il l'avait traité de menteur…
Et il avait raison…
Sans vraiment avoir conscience de ce qu'il faisait, Harry prit lui aussi son sac et quitta la salle sans un mot.
Il fallait qu'il voie Hermione.
- Les Préfets en Chef peuvent-ils emmener Miss Abott à l'infirmerie, s'il vous plaît ? demanda le professeur Vector avec un soupir exaspéré, interrompant son cours pour la énième fois.
Hanna Abott, de Poufsouffle, venait à nouveau de prendre une jolie teinte violette avant de se transformer en ballon de plage dans un énorme « POUET ! ». Contrecoup de son cours de métamorphose qui donnait des effets secondaires pour le moins inattendus.
Hermione et Drago hochèrent la tête, se levèrent et roulèrent Hanna sur le sol (toujours sous sa forme de ballon de plage, évidemment) vers l'infirmerie.
Bien que dissipée, la bonne humeur d'Hermione persistait toujours et c'est en souriant qu'elle parcourut les couloirs, Drago derrière elle.
- Ca t'arrive souvent ? fit le Serpentard au bout d'un moment.
- Quoi donc ? demanda-t-elle en se tournant vers lui.
- D'être d'humeur aussi…spéciale.
- Ce n'est pas être d'humeur spéciale Drago, c'est être de bonne humeur, répondit-elle lentement, comme si elle parlait à un enfant en bas âge.
Drago fronça les sourcils.
- Tu devrais essayer, ajouta-t-elle d'un air moqueur. Je suis sûre que ça te ferait du bien.
- Sans doute, répondit sèchement Drago.
Hermione s'arrêta, sembla réfléchir un instant puis se mit en face de lui, les mains sur les hanches, d'un air décidé.
- C'est quoi ton problème ? lança-t-elle d'un ton soudain très sérieux.
Drago stoppa net et planta son regard bleu acier dans les yeux bruns d'Hermione.
- Je n'ai aucun problème, répliqua-t-il.
- Oh s'il te plait ! fit-elle d'un air agacé. Il y a à peine une heure, tu étais presque gentil et tu m'as dit que tu étais désolé et depuis, pas un mot. Toujours ton air froid et c'est à peine si tu oses t'approcher de moi à moins de cinq mètres même quand tu es obligé.
- Merci pour le « presque », fit Drago avec un sourire acide. Et je ne t'ai jamais dit que j'étais désolé. Désolé de quoi ?
- Désolé de quoi ! Non mais tu te fous de moi ! s'écria Hermione, laissant libre cours à sa fureur. Tu ne fais jamais rien sincèrement ? Jamais il ne t'arrive d'agir sans tout calculer ni jouer ?
- Mais ça va pas ou quoi ! Qu'est-ce qui te prend, Granger ? De quoi tu parles ?
- Arrête ! Tu sais très bien de quoi je parle !
- Il faut croire que non.
- D'elle !
« POUET ! »
- Qu'est-ce que je fais là ? demanda la voix lointaine d'une Hanna Abott toute étourdie, au bout du couloir où avait roulé le ballon.
Harry attendait depuis cinq minutes quand la cloche sonna enfin. La porte de la salle d'Arithmancie s'ouvrit et il guetta la sortie d'Hermione. Dès qu'elle eut posé le pied hors de la salle, il l'attrapa doucement par le bras et lui glissa à l'oreille « Il faut que je te parle tout de suite ! ». Sans prêter attention au regard interrogateur qu'elle lui lançait, il la dirigea loin des autres élèves.
- On va aller dans mes appartements plutôt, chuchota-t-elle.
Ils se dépêchèrent de quitter la foule, Harry tenant toujours le bras d'Hermione, sous le regard intrigué d'un certain Serpentard.
- Bon alors, qu'est-ce qui se passe ? demanda Hermione dès que le portrait se fut refermé derrière eux, coupant ainsi le brouhaha du couloir.
Le silence pesant mit Harry mal à l'aise, mais il n'avait plus le choix maintenant. Jugeant tout de même utile de préparer un peu le terrain il commença par demander calmement à Hermione de ne pas s'énerver.
Ce qui eut l'effet inverse.
- Harry ! s'exclama-t-elle.
- Bon euh…d'accord…voilà… Pour faire court, eh bien euh… J'ai un peu dit à Ron qu'on sortait ensemble.
La jeune sorcière resta figée comme si on l'avait giflée, la bouche et les yeux grands ouverts sous l'effet de la surprise.
- Tu…tu as quoi ! parvint-elle à articuler au bout d'un moment.
Harry eut le bon goût d'avoir l'air honteux.
- Mais qu'est-ce qui t'as pris !
- Mais en fait, c'est lui tu comprend…il a mis ça sur le tapis en disant que si on voulait être ensemble c'était pas la peine de lui cacher etc.…
- Et ça ne t'est pas venu à l'idée de démentir ? s'écria Hermione.
- Pour lui dire quoi ? répliqua Harry sur le même ton.
- La vérité !
- Je ne peux pas Hermione ! Et tu le sais !
- Oh si tu peux ! Mais tu as peur !
- Tu n'aurais pas peur toi à ma place ?
- Non ! s'écria Hermione.
Elle mentait et elle le savait mais elle s'en fichait. Pourquoi Harry avait-il dit quelque chose d'aussi stupide ? Ron ne voudrait plus leur adresser la parole avant la fin de l'année scolaire avec ça…
- Tu te rends compte, dit-elle un peu calmée, qu'il ne va plus vouloir… enfin…
Harry hocha la tête. Il se rendait bien compte, oui… S'il avait gardé espoir jusqu'à présent, désormais il n'en restait aucun. Jamais Ron ne lui pardonnerait.
- Je sais, fit-il à voix basse. Je sais…
Il y eut un instant de silence.
- Harry, fit doucement Hermione. On ne pourra pas lui mentir éternellement.
- Mais…
- Harry ! C'est notre meilleur ami ! Il se rendra bien compte que c'est un mensonge ! Et puis, imagine, on ne peut pas agir comme un couple !
- Je sais bien… J'ai paniqué c'est tout. J'avais peur qu'il me demande de quoi on parlait si on ne se voyait pas pour…
Hermione acquiesça.
- Dans quelle situation on s'est fourrés encore, soupira-t-elle. Je pensais pas que ton don pour t'attirer des ennuis irait jusque là…
- Je suis désolé, dit Harry d'un air embarrassé.
- C'est trop tard maintenant.
Elle alla s'asseoir dans un des fauteuils et alluma un feu ronflant d'un coup de baguette.
- Tu sais que j'étais de très bonne humeur ce matin ? dit-elle d'un ton de reproche. Et maintenant…
Elle soupira à nouveau.
- Il vaut mieux que tu retournes à la tour Gryffondor. Inutile d'aggraver la situation en te retenant ici…avec moi…
Harry hocha la tête et se leva.
Arrivé au portrait, il se tourna vers le fauteuil où Hermione était assise et demanda :
- Au fait, Hermione, tu crois que les autres le croiront s'ils apprennent qu'on est sensés sortir ensemble ?
Hermione éclata de rire. Ce malentendu leur semblait tellement absurde qu'ils se demandaient vraiment s'il pouvait paraître plausible.
- Non, répondit-elle d'un ton amusé. De ce côté-là j'ai toujours préféré Ron.
Avec un sourire, Harry franchit le portrait, laissant Hermione seule.
