Trois Ans...

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Auteur: Aline

Email: Les personnages de "Buffy The Vampire Slayer" ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de Joss Whedon, de la Fox, de Mutant Enemy et de tout plein d'autres gens que je ne connais pas. Je ne fais que les emprunter, je les rendrai dès que j'en aurai terminé avec eux – dans le meilleur état possible.
Les paroles citées tout au long du texte sont extraites de la très belle chanson "That's Me," interprétée, écrite et composée par Tara MacLean et disponible sur son album "Silence".

Résumé: Et si Jenny n'était pas vraiment morte et refaisait surface dans la vie de Giles après trois longues années ?

Date de création: Mars 2004

Rating: PG-13

Personnages principaux: Rupert Giles, Jenny Calendar

Spoilers: Saisons 2-5

Note: L'intrigue principale se situe dans le courant de la saison 5 – quelque part avant l'épisode "The Body" – mais des événements qui se sont produits depuis le courant de la saison 2 sont relatés au moyen de flash-backs.
Je tiens également à préciser que mes connaissances concernant la culture et les traditions des Roma Kalderash sont vraiment insignifiantes, je vous serais donc infiniment reconnaissante de vous montrer indulgents à l'égard des nombreuses erreurs que j'ai probablement commises...

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Chapitre I
Une Ombre du Passé

Février 1998

Un nuage se glissa devant la lune, privant pendant quelques instants le ciel nocturne de sa lumière. Profitant de cette obscurité soudaine, trois ombres se détachèrent d'un bosquet d'arbres et avancèrent lentement à travers les pierres tombales. Cela faisait plusieurs heures qu'ils attendaient en silence, sans faire le moindre geste, l'instant propice pour accomplir ce pour quoi ils étaient venus de si loin. Ils savaient qu'ils n'avaient que très peu de temps et que, quoi qu'il arrive, ils ne devaient en aucun cas être surpris. La Tueuse était passée par-là en début de soirée, comme elle le faisait probablement toujours lors de sa patrouille quotidienne. Mais la nuit semblait plutôt calme et dépourvue de manifestations paranormales particulières, aussi doutaient-ils qu'elle ne revienne par-ici.

"Nous y sommes," déclara l'homme qui marchait en tête au bout de quelques minutes.

Tous trois s'immobilisèrent et baissèrent les yeux vers une pierre tombale qu'ils devinaient davantage qu'ils ne la voyaient.

"Vous êtes sûrs que ça va marcher ? demanda l'un des deux autres.

Un léger tremblement dans sa voix trahissait son inquiétude et deux paires d'yeux se tournèrent vers lui.

"Il est trop tard pour avoir des doutes," répliqua sèchement l'homme qui les avait conduits jusque là. "Il ne peut de toute façon pas y avoir d'erreur, j'ai vérifié plusieurs fois toutes les données moi-même. Si nous ne le faisons pas ce soir, nous n'en aurons probablement jamais plus l'opportunité."

Au même instant, un rayon de lune traversa les nuages, éclairant d'une pâle lueur les mots gravés sur la pierre blanche et froide qu'ils contemplaient.

"C'est pourquoi nous devons faire vite", reprit-il à voix basse tout en levant un regard soucieux vers le ciel. "Nous avons peu de temps, commencez à creuser !"

Sans ajouter un mot, les deux autres s'emparèrent des pelles qu'ils avaient emportées et entreprirent de retirer la terre qui recouvrait la tombe fraîchement refermée. Pendant ce temps, celui qui semblait être leur chef alluma deux bougies qu'il disposa de part et d'autre de la pierre puis reprit place face à elle. Il sortit un rouleau de parchemin du sac qu'il portait en bandoulière, le déroula et commença à lire lentement les mots qui y figuraient. Il s'agissait d'une vieille langue utilisée autrefois par les membres de son clan et que seuls quelques anciens avaient aujourd'hui la faculté de comprendre. Mais il importait peu que les mots qu'il psalmodiait n'aient aucun sens pour lui ni pour aucun de ses deux compagnons. Il connaissait leur pouvoir et savait qu'à travers lui la volonté de son peuple s'accomplirait bientôt.

Comme il achevait la lecture du texte du rituel, un souffle d'air froid fit frémir les branches des arbres alentour, les flammes des bougies vacillèrent pendant quelques secondes puis s'éteignirent simultanément.

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21 février 2001

Giles referma la porte du Magic Box avec un soupir de soulagement. Le dernier client venait de s'en aller et il pouvait enfin considérer sa journée comme terminée, ou presque. Depuis deux ou trois semaines, il avait l'impression que la boutique ne désemplissait plus, et il était bien conscient que la Saint-Valentin, qui avait eu lieu quelques jours plus tôt, en était en partie responsable. Il avait totalement perdu le compte du nombre de philtres d'amour et de poupées vaudoues qu'on lui avait réclamés dernièrement. D'un doigt, il écarta le rideau qui masquait la fenêtre à côté de la porte et jeta un coup d'œil distrait au-dehors. Une pluie diluvienne s'abattait sur la ville depuis déjà trois jours et, d'après les nuages noirs et menaçants qui obscurcissaient le ciel, elle n'était encore pas prête de s'arrêter.

"C'est dingue, hein toute cette pluie…" fit remarquer Buffy en suivant son regard.

"Mmmm," se contenta-t-il de répondre, sans accorder la moindre attention à la jeune fille.

Celle-ci échangea un regard avec Willow et Alex puis se tourna à nouveau vers son observateur.

"Oh, Giles, vous savez, ils viennent d'ouvrir une sorte de boîte underground à la sortie de la ville, ça vous dirait de m'y accompagner ?"

"Mmmm," répondit-il à nouveau, sans la regarder.

Il laissa retomber le rideau et, se détournant de la porte, il s'approcha du comptoir derrière lequel Anya avait déjà entrepris de vérifier le contenu de la caisse.

"Je peux vous demander sur quelle planète vous vous trouvez et quand vous avez l'intention de redescendre parmi nous ?"

Giles releva la tête, surpris, et se tourna vers Buffy. De toute évidence, il n'avait même pas remarqué qu'elle lui parlait.

"Buffy, tu… tu me disais quelque chose ?"

La jeune fille réprima un soupir et jeta un coup d'œil à sa montre.

"Est-ce que vous voulez que je m'entraîne encore ce soir ?"

"Je… hum, je pense que tu ferais mieux d'aller patrouiller un peu, et de rentrer chez toi…"

"Patrouiller ? Je sais que vous allez me répondre que les vampires se contrefichent de la météo, mais est-ce que vous avez vu le temps qu'il fait ?"

"Tu as deviné juste, c'est exactement ce que je te réponds. À ma connaissance, la pluie n'a jamais empêché aucun vampire ou démon d'attaquer et de massacrer de pauvres innocents."

"Vous êtes vraiment sûr que vous ne voulez pas que je m'entraîne ?" insista la jeune fille. "Je me sens un peu fatiguée, vous savez, je suis sûre que ça me ferait beaucoup de b…"

"Je te l'ai dit, pas ce soir !"

Buffy dévisagea son observateur avec étonnement, et il comprit qu'il avait élevé la voix.

"J'ai des… hum, des choses à faire," reprit-il d'un ton plus modéré.

Tout en parlant, il s'empara de deux livres qu'il avait déposés sur le comptoir plus tôt dans la soirée et disparut dans l'arrière-boutique sans donner la moindre explication supplémentaire sur la nature des "choses" en question. Buffy le suivit un instant des yeux avant de se retourner vers ses amis.

"J'aimerais bien savoir ce qu'il a, en ce moment", soupira-t-elle. "Il est bizarre, vous ne trouvez pas ?"

"Bizarre ?" demanda Alex. "Tu veux plus bizarre que d'habitude ?"

"Je ne sais pas, il a l'air d'être constamment dans la lune, il n'écoute pas la moitié de ce que je lui dis… Et je ne parle même pas de son humeur ! Ça ne lui ressemble pas…"

"Tu sais," intervint Willow en levant les yeux des feuilles de notes qu'elle révisait, "il ne va jamais très bien à cette… à cette période de l'année…"

Buffy haussa les épaules.

"Je sais bien que la Saint-Valentin est une fête particulièrement déprimante pour ceux qui n'ont personne avec qui la passer, mais tout de même, c'était il y a pratiquement dix jours… "

"Je ne parlais pas de ça, Buffy…"

La jeune femme jeta à son amie un regard perplexe. Elle n'avait pas la moindre idée de ce à quoi elle faisait allusion et, de toute évidence, Alex non plus.

"De quoi alors ?"

"Tu ne te rappelles pas ? Ça fera trois ans après-demain que… que mademoiselle Calendar est morte…"

Buffy baissa les yeux. Elle avait imaginé que son observateur était inquiété par un quelconque problème lié à Gloria et à la nouvelle Apocalypse qu'ils se préparaient à devoir affronter tôt ou tard mais, à aucun moment, elle n'avait pensé que cela ait eu un rapport avec la perte tragique dont il avait été victime trois ans plus tôt.

"Je n'avais pas réalisé que c'était… enfin…" murmura-t-elle.

Un silence lourd s'abattit dans la pièce, et ne fut rompu que lorsque Anya, qui avait écouté la conversation d'une oreille tout en faisant ses comptes, prit la parole.

"C'est qui, cette mademoiselle Calendar ?" demanda-t-elle.

Buffy, Alex et Willow échangèrent un regard, mais aucun d'eux ne répondit.

"Et bien quoi ? Vous avez tous perdu votre langue ?"

"C'était notre prof d'informatique, quand nous étions au lycée," articula finalement Willow. "Enfin, nous pensions que c'était notre prof d'informatique… En fait, c'était une bohémienne chargée de surveiller Angel, pour qu'il ne perde pas son âme à nouveau. Elle et Giles s'entendaient très bien, d'une certaine manière je crois qu'ils sont sortis ensemble quelque temps…"

"D'une certaine manière ?"

"C'était un peu compliqué entre eux. Et tu connais Giles, il n'est pas vraiment du genre à parler de ce genre de choses… Toujours est-il que quand il a connu ses vraies origines, il lui en a beaucoup voulu… Elle a décidé de retrouver le sort pour rendre son âme à Angel, en partie pour se racheter je pense… Malheureusement, Angel l'a su et il… il l'a tuée, juste avant qu'elle n'y parvienne…"

"Oh", répliqua Anya. "Ça explique les bouteilles de scotch que j'ai trouvées planquées entre deux cartons, là-derrière."

"Giles planque de l'alcool, ici ?"

Buffy se tourna avec anxiété dans la direction de l'arrière-boutique.

"La dernière fois que j'ai vu Giles en train de boire, c'était juste avant qu'on ne découvre qu'un démon qu'il avait créé cherchait à le tuer… Vous croyez que je devrais aller le voir ? Peut-être qu'il… qu'il a besoin d'en… parler…"

"Franchement, ça m'étonnerait qu'il ait envie que tu te mêles de ça," répondit Alex.

"Je ne peux tout de même pas le laisser se lamenter sur son sort, tout seul dans son coin ! Et avec du scotch, en plus !"

"Je crois qu'Alex n'a pas tort, tu sais," renchérit Willow à voix basse. "Il a sûrement besoin d'être un peu seul…"

Buffy hocha silencieusement la tête. Ses amis avaient probablement raison, elle le savait. Cela ne l'empêchait néanmoins pas de s'inquiéter pour Giles, ni de s'en vouloir de ne pas avoir compris plus tôt pour quelle raison il semblait ne pas aller très bien depuis quelques jours. Et, par-dessus tout, elle regrettait de ne pouvoir lui apporter aucun réconfort, alors que depuis plus de quatre ans, il avait toujours été là pour la soutenir lorsqu'elle en avait eu besoin.

"Très bien", soupira-t-elle finalement. "Mais j'aimerais vraiment pouvoir faire quelque chose pour lui…"

Willow déposa doucement sa main sur celle de son amie et lui adressa un sourire qui manquait cruellement de conviction.

"Ne t'inquiète pas," répondit-elle. "Je suis sûre que Giles reprendra très vite le dessus. Il n'est pas du genre à se laisser abattre."

Buffy ne répondit rien, mais tourna à nouveau son regard vers la pièce où Giles se trouvait.

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La nuit était tombée depuis longtemps lorsque Giles émergea du Magic Box. Il avait soigneusement attendu que Buffy, Willow, Alex et Anya aient quitté le magasin avant de mettre le nez hors de l'arrière-boutique. Il était pleinement conscient qu'ils avaient des raisons de se poser des questions quant à son comportement de ces derniers jours – peut-être même de se faire du souci pour lui – mais il ne tenait pas à devoir justifier son attitude auprès d'eux. Rupert Giles n'avait jamais été le genre de personne à ouvrir facilement son cœur, et tout ce qu'il avait vécu depuis qu'il s'était installé dans cette ville ne l'incitait aucunement à adopter un autre comportement.

Il tourna au coin d'une rue et s'engagea dans une petite allée mal éclairée, s'abritant de la pluie au moyen d'un journal. Il savait qu'il aurait été plus judicieux d'utiliser son temps libre à faire des recherches concernant Gloria et la Clé, mais il ne se sentait pas le courage de rentrer chez lui et d'affronter une fois de plus la solitude pesante qui l'y attendait. Il supportait cela sans trop de difficulté le reste de l'année, mais, en ce moment, il en était tout simplement incapable. Trop de mauvais souvenirs y étaient attachés. Beaucoup trop.

Il avança d'un pas rapide sur une centaine de mètres, puis s'arrêta devant une petite porte dissimulée dans l'ombre d'un large container à ordures. Il hésita quelques secondes, puis abaissa la poignée et pénétra dans un bar à l'atmosphère sombre et malsaine. Une musique aux sonorités étranges était jouée par un vieux juke-box situé à l'autre bout de la pièce et la fumée de cigarette qui saturait l'air lui arracha une quinte de toux. Giles jeta un regard circulaire autour de lui avant de prendre la direction du bar. Comme à son habitude, il prit place à une extrémité, aussi éloigné que possible des autres clients. Il n'avait pas la moindre envie que quelqu'un, quel qu'il soit, lui adresse la parole.

Giles attendit quelques minutes avant que la serveuse, une fille d'une vingtaine d'année au teint blafard et aux yeux globuleux, viennent prendre sa commande.

"La même chose que d'habitude ?" demanda-t-elle d'une voix monocorde.

Il hocha vaguement la tête en guise de réponse, et la serveuse s'éloigna un instant pour revenir munie d'un verre de whisky. Giles sortit un billet de dix dollars de son portefeuille et le déposa sur le comptoir. Cela faisait plusieurs semaines qu'il s'arrêtait ici presque tous les soirs en rentrant du Magic Box et, plus d'une fois, il n'en était sorti qu'à l'approche du matin. Il s'empara du verre, le porta à ses lèvres et avala une longue gorgée. L'alcool lui brûla la gorge, mais ce fut à peine s'il y prêta attention. Il reposa le verre devant lui et s'accouda au comptoir, la tête dans les mains. Il n'aurait su dire combien de temps exactement s'était écoulé lorsqu'il sentit une main lui effleurer l'épaule. Il se redressa brusquement et dévisagea avec surprise la ravissante jeune femme qui le regardait en souriant.

"Est-ce que je peux m'asseoir ?" demanda-t-elle en désignant du doigt le tabouret vide situé à côté de lui.

Giles haussa les épaules.

"Bien sûr," grommela-t-il.

Il baissa à nouveau les yeux vers son verre sans plus accorder la moindre attention à la jeune femme. Tout ce qu'il désirait, c'était qu'on le laisse tranquille. Etait-ce donc trop demander ?

"Je vois que vous n'avez pas l'air d'humeur très bavarde," reprit-elle d'un ton désinvolte. "Ça ne fait rien, je parlerai pour deux. Apportez-moi la même chose," ajouta-t-elle en faisant un signe de la main à la serveuse.

Elle attendit en silence que la jeune fille lui apporte son verre puis se tourna à nouveau vers Giles.

"Vous savez, cela fait plusieurs soirs que je vous observe depuis l'autre côté du bar, je pensais que vous finiriez par me remarquer…"

Elle s'interrompit le temps d'avaler une gorgée du liquide doré qui emplissait son verre avant de reprendre :

"Je suis d'ailleurs un peu déçue que ça n'ait pas été le cas. Mais vous ne semblez pas avoir le moral, je me suis dit que je pourrais peut-être égayer un peu votre soirée…"

Elle lui adressa un sourire équivoque que Giles feignit de ne pas avoir vu. Il aurait donné n'importe quoi pour que cette inconnue cesse cette mascarade ridicule et retourne s'asseoir aussi loin que possible de lui. Ne réalisait-elle donc pas combien elle était grotesque ? Il n'avait ni envie ni besoin de la compagnie de qui que ce soit en ce moment, et particulièrement pas de celle d'une femme.

"Vous avez l'air tellement seul… N'y a-t-il donc rien que je puisse faire pour que vous vous sentiez mieux ?" reprit-elle.

Giles était sur le point de lui demander de s'en aller, avec autant de calme et de politesse dont il serait capable de faire preuve, lorsqu'il sentit une main effleurer son genou. Il se tourna brusquement vers sa voisine pour constater que celle-ci ne se trouvait plus qu'à quelques centimètres de lui.

"Si tu veux," murmura-t-elle en adoptant un ton presque obscène, "on peut aller continuer cette conversation chez moi…"

C'en était trop. Giles se redressa vivement et s'écarta d'elle. Elle lui adressa un regard qui se voulait séducteur mais qui lui donna en réalité plutôt envie de vomir. Il tourna les talons et quitta le bar aussi rapidement que possible, sans jeter un regard derrière lui. Lorsqu'il eut parcouru quelques mètres dans l'allée sombre et déserte, il s'immobilisa. Il avait laissé le journal qui lui avait servi à se protéger de la pluie à l'intérieur, et il était déjà pratiquement trempé. Il reprit rapidement sa marche, hâtant le pas autant qu'il en était capable. Il n'avait plus qu'une envie à présent : rentrer chez lui aussi rapidement que possible et ne plus devoir penser à rien.

Il ne lui fallut que quelques minutes pour parcourir la distance qui séparait le bar de son domicile. Il retira rapidement ses vêtements mouillés, passa un survêtement et s'écroula sur le canapé, épuisé. C'était presque devenu une habitude, depuis quelque temps. À cette période de l'année, il évitait autant que possible de monter dans sa chambre à coucher. Il poussa un profond soupir et ferma les yeux, espérant trouver rapidement le sommeil. Mais son esprit était en effervescence et de longues minutes s'écoulèrent avant qu'il ne parvienne finalement à s'endormir.

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Caught in a mirror
Looking through sympathetic eyes
I'll come to the conclusion
That believers are sinners in disguise
And I was blind

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Elle se leva, marcha lentement jusqu'à la fenêtre et promena un instant son regard au-dehors. La pluie tombait toujours à verse et les épais nuages qui s'amoncelaient dans le ciel ne laissaient aucune place à la clarté de la lune. Elle appuya sa tête contre la vitre froide et un soupir s'échappa de ses lèvres entrouvertes. Depuis combien de temps attendait-elle ce moment ? Elle n'aurait su le dire. Les mois, les années, elle en avait perdu le compte depuis longtemps déjà. Les longues journées, depuis ce jour où elle s'était éveillée, déboussolée et brisée, dans son pays natal, ne lui avaient semblé supportables que grâce à l'espoir de revenir ici et de pouvoir envisager de reprendre sa vie telle qu'elle était avant qu'on ne la lui arrache violemment et injustement. Néanmoins, maintenant qu'elle approchait enfin de son but, elle sentait une boule lui nouer l'estomac avec toujours plus de force.

Cela faisait trois jours qu'elle était arrivée et, jusque-là, elle n'était pas parvenue à trouver le courage de quitter sa chambre d'hôtel. Et si elle avait pris une mauvaise décision ? Revenir coûte que coûte lui avait toujours semblé la seule chose à faire mais, à présent, le doute et la crainte l'envahissaient peu à peu. Jamais elle n'avait tellement cherché à savoir ce qu'il ressentirait en la voyant. Jusque-là, la réponse lui avait toujours paru on ne peut plus évidente. Mais en arrivant dans cette ville où elle avait passé une des plus belles – et des plus tristes – années de sa vie, elle réalisait à quel point le temps avait passé. Trois ans. Une éternité.

Une larme roula sur sa joue. Tout aurait été tellement plus simple pour tout le monde, et elle en premier, si seulement… Ça suffit, s'ordonna-t-elle. Il ne servait à rien qu'elle continue à se torturer ainsi l'esprit. Pendant trois ans, elle avait vécu dans les remords et les regrets. Aujourd'hui, une nouvelle vie s'offrait à elle, pour autant qu'elle trouve en elle le courage de tenter sa chance. à suivre...