Chapitre 5.

Le nez plongé dans son bol de chocolat au lait, Lucinda luttait pour garder les yeux ouverts, maudissant les lundis matin. Les bruits qui l'entouraient la faisaient à peine réagir, et, la joue droite appuyée sur sa main, elle faisait tourner sa petite cuillère dans le liquide marron.

- Oh, Malefoy ! Septième année ?

- Ouais, répondit Lucinda sans même daigner tourner les yeux vers le préfet qui, lui, la lorgnait d'un air déplaisant.

Il posa un parchemin à côté de l'assiette de la jeune femme, et celle-ci le saisit vivement. Elle contempla quelques secondes son emploi du temps, et poussa un soupir d'aise en constatant qu'elle commençait tous les jours à dix heures. La vie était belle !

Il n'était ce matin-là que sept heures et demi, et Lucinda maudit les professeurs de ne pas donner les horaires la veille de la reprise des cours : elle aurait pu dormir deux bonnes heures de plus !

Elle reprit plus activement son petit-déjeuner, engloutissant rapidement les tranches de pain tartinées de confiture qu'elle avait soigneusement mises dans son assiette. Elle mordit dans une tranche de bacon qui ne se mariait pas vraiment avec le reste lorsque des battements d'ailes effrénés se firent entendre. Elle leva le nez vers le plafond et regarda les centaines de hiboux s'engouffrer dans la Grande Salle au même moment sous les cris des première année impressionnés. A sa plus grande surprise, un hibou grand duc au regard impérieux s'arrêta devant elle, chargé d'un paquet dont la forme ne trompait pas sur son contenu : les parents de Lucinda lui avaient renvoyé son balai volant ! La jeune femme l'arracha des pattes du hibou, qui lui mordit le poignet avec mécontentement, et déchira l'emballage. C'était bien son Coup de Vent, qu'elle regarda quelques secondes avec fierté. Le hibou qui le lui avait apporté lui tendait à présent l'une de ses pattes à laquelle était accroché un bout de parchemin. Lucinda le saisit avec délicatesse, cette fois-ci, et entreprit de le dérouler pour pouvoir le lire.

« Ma fille,

Tu nous as tous déçus ce soir-là, mais nous pouvons comprendre que tu eusses subi l'influence de la vieille Granger. Nous te pardonnons, car tout cela n'est vraiment pas ta faute.

Ci-joint ton balai que nous avons décidé de te rendre, tu dois faire honneur à notre prestigieuse famille en gagnant une fois encore la coupe de Quidditch, et celle des quatre maisons.

Nous nous reverrons aux prochaines vacances,

Marius Fenrir Malefoy. »

Lucinda fit les yeux ronds, s'interrogeant sur les raisons d'une telle clémence. Elle se souvenait des paroles de son père : « nous avons toujours su que tu avais un grand potentiel magique. Dès aujourd'hui, ton entraînement commencera, et ta force servira enfin. » Peut-être était-elle aussi forte que son père le prétendait. A cette pensée, elle secoua la tête, ne voulant pas devenir une prétentieuse dans le genre de Potter. La dernière phrase de la courte lettre la faisait frissonner ; alors ainsi, ses parents l'attendaient pour faire d'elle une esclave en octobre ? Non, Lucinda avait fait son choix, et ne voulait pas devenir une mangemorte. Elle ferait tout pour ne pas servir un Maître comme une écervelée, même si ce maître était son grand-Père.

Avec une nouvelle détermination, elle se leva d'un bond de sa chaise, empoigna son balai et sortit de la Grande Salle, accordant un regard et un sourire ironiques à Eve Granger qui la fusillait des yeux.

Quelques minutes plus tard, elle rangeait soigneusement son balai sous son lit. Elle attendrait jusqu'aux sélections du gardien et des batteurs manquants pour voler de nouveau.

Son cours suivant n'était qu'une heure et demi plus tard, aussi décida-t-elle de se rendre à la bibliothèque pour commencer à faire des recherches sur les sujets qui seraient probablement donnés en devoir dans les semaines suivantes. Elle, Serdaigle ? Peut-être un peu. Elle étudia la métamorphose, s'entraîna à certains sorts, et regretta fermement de ne pouvoir exercer de magie noire dans l'enceinte de l'école. Les sortilèges de magie noire étaient beaucoup plus puissants et utiles, et le fait qu'elle ne pût s'en servir que chez elle l'énervait prodigieusement. Enfin, elle se disait que ce n'était pas si grave et qu'il était même préférable qu'elle ne fît pas trop de magie noire : cela pourrait l'attirer vers les idéaux de ses parents.

Elle se rendit en cours de défense contre les forces du mal après avoir estimé qu'elle avait assez approfondi ses recherches, et arriva en avance de quelques minutes dans la salle. Le professeur, Mme Granger, n'était pas encore arrivé, aussi Lucinda s'assit-elle à une table, contre le mur auquel elle s'adossa. La salle se remplit petit à petit, regroupant ainsi six Gryffondor, deux Poufsouffle, quatre Serdaigle et cinq Serpentard, la jeune Malefoy incluse. Celle-ci reçut des regards perçants de la part de Potter, Chris de son prénom, et elle y répondit par de grands sourires. Elle finissait par se lasser du petit jeu qu'elle entretenait avec les trois Gryffondor. Au début, cela l'amusait de toujours répondre par des sourires provocants lorsqu'ils semblaient avoir envie de la tuer, mais à présent, elle trouvait cela puéril et, surtout, pas digne de son intérêt. « A partir d'aujourd'hui, je vais les ignorer, ces idiots ne méritent même pas que je leur prête attention », décida-t-elle alors que le professeur Hermione Granger entrait dans la salle, une sacoche en cuir à la main.

- Bonjour ! s'exclama-t-elle en lançant un regard circulaire dans la pièce.

Tous répondirent, sauf les Serpentards qui la regardèrent sans exception avec dédain. Granger entama une conversation avec les élèves qu'elle aimait le plus sur leurs vacances, et Lucinda sentit que l'énervement allait s'emparer d'elle.

- Excusez-moi, madame, vous allez rester là longtemps à déblatérer sur la vie de votre très chère petite-fille ? Vous voulez peut-être que je fasse cours à votre place ? proposa-t-elle d'une voix doucereuse.

- Non, merci, je m'en chargerai très bien moi-même, rétorqua le professeur Granger non sans prendre une couleur assez rouge.

Ça, c'était un jeu dont Lucinda ne se lasserait pas de sitôt : autant ennuyer Potter et ses acolytes n'était plus drôle, autant enrager la directrice était source d'un plaisir triomphant.

- Bien, murmura le professeur, ne sortez pas vos livres, nous allons vérifier que vous n'avez rien perdu pendant les vacances de votre pratique. Deux par deux.

La jeune Malefoy regarda ses camarades se mettre en groupe, et manqua d'éclater de rire en voyant Potter se résoudre à faire équipe avec un Gryffondor aussi faible qu'idiot répondant au nom de Hector Fourdu.

- Miss Malefoy ? appela la voix du professeur Granger. Vous n'avez pas de partenaire, semble-t-il.

- Non, répondit Lucinda d'un air désolé qui ne lui allait absolument pas. Mais ce n'est pas grave, je peux me contenter de regarder, vous savez. Après tout, je n'ai plus grand chose à apprendre.

La directrice fronça le nez et pinça les lèvres, semblant dans une intense réflexion, puis dit finalement sans relever la vantardise de la jeune femme :

- Vous allez vous mettre avec Potter, tandis que moi je vais aider un petit peu Fourdu, qui a plus de difficultés que vous en la matière.

Lucinda laissa échapper un soupir exaspéré alors que le professeur annonçait aux deux autres élèves concernés ce qu'il en était. Elle crut qu'elle allait exploser de rire lorsqu'elle vit la tête qu'afficha Potter en apprenant qu'il allait devoir se mettre avec l'horrible fille Malefoy pendant l'entraînement.

- Alors, Potter, tu as peur ? demanda Lucinda avec un sourire carnassier.

Celui-ci ne répondit même pas, et la jeune fille pensa qu'il se considérait trop bien, lui le demi-Dieu, pour parler à une mortelle telle qu'elle.

- Bon, nous allons faire des duels, tonna la voix du professeur Granger. Nous n'avons pas assez de place dans la salle pour que vous puissiez tous passer en même temps, donc il y aura seulement deux groupes à chaque fois. Bien, d'abord Miss Granger contre Miss Londubat, ainsi que Mr Toort contre Mr Glard.

Lucinda regarda son cousin passer, relevant la lèvre supérieure avec dégoût, soulagée qu'il ne l'eût pas choisie comme partenaire pour les duels. Oh, elle n'avait pas peur de lui, elle se savait bien plus forte, mais elle savait aussi très bien qu'il pouvait la déstabiliser et l'empêcher ainsi de se donner à fond dans son duel. Et oui, il était un vrai Serpentard, sournois jusqu'au bout, autant qu'elle, très rusée et courageuse, mais pas assez pour être une Gryffondor.

Les duels commencèrent, sous l'œil attentif de la vieille Granger. Sa petite-fille se débrouillait très bien, mais ne réussissait pas à désarmer Julie Londubat, qui s'activait à ériger des boucliers contre les expelliarmus de son amie. Elles étaient toutes deux assez douées, mais Lucinda haussa un sourcil : elle se savait elle-même bien plus puissante.

Du côté de Toort et Glard, le combat faisait rage, Anthony Toort obligeant Alexander Glard à rester sur la défensive. Glard finit par trouver une faille dans la vague de sortilèges qui arrivait sur lui, et Toort vola dans les airs sur quelques mètres, s'attirant des rires dans l'assistance.

La jeune Malefoy était restée à l'écart, regardant seule les quatre élèves se dépêtrer dans les petits sorts qu'ils se lançaient avec entrain, aussi peu complexes les uns que les autres. Après quelques minutes, Hermione Granger sonna la fin des premiers duels, et demanda à deux nouveaux duos, un de serpentard et un de serdaigle, de se mettre en place.

Lucinda désespérait de passer à un moment ou à un autre, et regarda passer tous les élèves avec un ennui s'accroissant. Elle commençait à regretter d'avoir pris défense contre les forces du mal en renforcé, car si elle devait subir huit heures d'ennui profond par semaine, plus les deux heures du club de duel, elle n'y survivrait pas.

Lorsque enfin le professeur Granger les appela, Lucinda constata avec plaisir que, le nombre de groupes étant impair, elle et Potter seraient les seuls à se donner en spectacle. Ainsi, elle pourrait le ridiculiser devant tout le monde ! Evidemment, il pensait la même chose de son côté et se réjouissant de bientôt pouvoir effacer la moue arrogante qui s'incrustait dans les traits de la jeune Serpentard. Ils se mirent l'un en face de l'autre en se regardant dans les yeux, comme si plus rien autour n'existait, juste eux deux… et la haine qu'ils ressentaient l'un pour l'autre.

- A trois, un, deux, trois !

Lucinda se retourna vivement et lança un sortilège d'entrave que Potter esquiva habilement : à trois, il avait plongé en une roulade, anticipant l'attaque de la jeune Malefoy. Celle-ci lança un sortilège à l'emplacement où elle estimait que Potter serait la seconde suivante, et il fut touché par le sortilège de jambencoton. Il tomba la tête la première, mais pointa sa baguette sur Lucinda et essaya de la désarmer. Elle s'était entourée d'un bouclier magique et, une fois qu'il eut absorbé le sort, elle jeta à son tour un expelliarmus. La baguette de Potter lui atterrit dans les mains.

- Tu es faible, Potter, susurra-t-elle, j'ai rarement mis quelqu'un au tapis en si peu de temps.

Le Gryffondor grogna pour toute réponse, et elle s'esclaffa devant lui ostensiblement, riant de sa position précaire, incapable même de se relever.

- Finite incantatem.

Lucinda retourna s'asseoir à sa place sans prêter attention au professeur Granger qui la regardait de ses yeux noisette brillants d'intelligence. Elle avait humilié Potter, en était ravie, et reverrait peut-être sa décision de l'ignorer. En fait, le faire enrager et le descendre plus bas que terre l'amusait tellement !

La fin du cours se déroula sans anicroche, surtout sur la théorie d'un sort qu'ils apprendraient au cours prochain, celui qui permet de ralentir une chute.

A la fin de l'heure, Lucinda se dirigea vers les serres en sifflotant, une main négligemment posée sur la bandoulière de son sac. Elle sourit en voyant les gens la dévisager sur son passage. Après tout, qui avait un jour vu une Malefoy siffler ainsi un air populaire avec une telle bonne humeur ?

Lorsqu'elle rejoignit les autres élèves de sa classe dans la dernière des serres, celle qui contenait les plantes les plus dangereuses, elle les sacra tous d'un regard empli de dédain. Si elle avait pu, elle n'aurait pas pris cette matière d'arriérés qu'était la botanique. Seulement, elle devait choisir dans les matières obligatoires en plus de celles exercées pour le futur métier, et elle aurait préféré mourir plutôt que prendre histoire, divination ou soins aux créatures magiques. Alors elle se retrouvait là avec trois Poufsouffle craintifs et deux Serdaigle vaniteux pour seule compagnie. Le professeur, un homme d'une trentaine d'année avec une carrure de colosse du haut de ses deux mètres dix, avait un tempérament étonnamment doux pour quelqu'un si musclé. Lucinda le qualifiait de niais. Mais le professeur Grundil ne se laissait pas marcher sur les pieds ! En fait, il était plus du genre de Granger, ayant deux, trois chouchous avec qui il était tout miel, et les autres qu'il ne se privait pas de réprimander au moindre souffle de travers. Il entra dans la serre si rapidement et en poussant la porte avec une telle violence qu'elle aurait pu sortir de ses gonds si un sortilège ne l'empêchait pas. Il souhaita la bienvenue à ses élèves et, immédiatement après, se tourna vers Lucinda et l'apostropha :

- Miss Malefoy, pouvez-vous me dire quelles sont les propriétés de la mandragore ?

La jeune femme se sentit prête à émettre un « beeeuh » plaintif particulièrement élégant, mais finalement, relevant le menton, affirma :

- Elles servent dans les potions de rétrécissement, d'annulation de certains poisons et celles qui procurent une certaine invisibilité. En fait d'invisibilité, c'est plus un état qui fait que les gens ne nous voient pas ou, tout du moins, nous oublient immédiatement. Cette potion peut être contrée par une autre, si la personne qui désire pouvoir apercevoir l'autre a pris un antidote auparavant, de préférence pendant l'adolescence. Mais cela peut toujours marcher si…

Le professeur Grundil frappa dans ses mains, ses lèvres pincées, et éclata d'un rire sarcastique.

- Bien, bien, miss Malefoy, mais vous semblez oublier que vous ne vous trouvez pas en cours de potion, mais bien dans celui de botanique.

Les Poufsouffle présents gloussèrent puis déglutirent de travers lorsque Lucinda leur lança un regard noir. Toute personne sensée avait peur d'elle.

- Oh, bien, je vois, miss Malefoy, votre condition de petit prodige de potion vous exempte de l'apprentissage complet de vos leçons qui remontent à la première année. Bravo, bravo ! Vous me ferez le plaisir de me faire un devoir de dix rouleaux de parchemin sur les propriétés des racines de mandragore dans les potions, et sur les mandragores elles-même. Vous ferez aussi un court exposé sur toutes les plantes que vous avez pu étudier en première année.

Lorsque Lucinda sortit de ce cours pour le moins agaçant, ce fut par un grognement qu'elle accueillit Flicht, un membre de l'équipe de Quidditch des Serpentards.

- Les sélections du capitaine, du gardien et des deux batteurs manquants auront lieu ce soir, après le cours d'astronomie.

- Bien, murmura Malefoy en haussant les sourcils.

Elle attendait qu'il s'écarte pour pouvoir aller manger, mais alors qu'il commençait à partir, il se retourna et lui dit d'une voix forte :

- Et n'oublie pas, Malefoy, tu as peut-être pu aller dans l'équipe, mais nous n'accepterons pas de femme au poste de capitaine.

Le front de Lucinda se plissa, ses sourcils se joignirent et elle cracha :

- Ah oui, parce que tu crois que tu pourras m'en empêcher ? Je suis la meilleure, ajouta-t-elle en voyant qu'il s'apprêtait à la rabrouer, que cela te plaise ou non. Et tu le sais bien. Je suis rentrée dans l'équipe de Quidditch, et je compte bien être capitaine. Parce que, malgré tout ce que tu penses, le fait que je sois une femme ne m'empêche pas d'être douée, bien loin de là.

- Les femmes sont faibles, répondit simplement le jeune homme.

- Et les femmes, elles te disent d'aller te faire foutre. Les hommes ne valent pas mieux. Alors maintenant, vous allez dégager de ma vue, toi et tes idéaux racistes et sexistes pourris !

Il lui adressa un regard déboussolé, et elle fut tentée un instant de le prendre en pitié.

- Personne dans l'équipe ne votera pour que tu sois capitaine, Malefoy.

- Mais je suis sûre que Court le fera très bien pour vous.

Sur ce, Lucinda s'en fut, essayant de ne pas écouter les paroles de son camarade qui la menaçait d'expulsion de l'équipe. Elle se rendit à la Grande Salle en tentant de garder son calme, et crut que la boule de nerfs qu'elle était devenue allait exploser lorsqu'elle vit son cousin Toort qui la fixait, lui demandant ainsi de venir s'asseoir à côté de lui. Il pouvait toujours rêver ! La jeune Malefoy se laissa tomber sur le banc, bien loin de Toort, et commença à manger rapidement, étant donné qu'il ne lui restait plus qu'une demi-heure avant son cours de potions. Alors qu'elle avalait une bouchée de petits pois, elle sentit une boule se former dans son ventre, et éclater comme si des milliers de petites abeilles s'étaient réunies dans la ruche qu'était son cœur, et avaient subitement décidé d'aller butiner aux quatre coins de son corps. Des frissons la parcoururent, et une violente nausée la saisit. Puis tout redevint normal, mais elle se rendit compte que quelque chose clochait quand elle entendit des gloussements dans son dos. Non pas que cela fût inhabituel, mais elle avait comme un pressentiment. Aussi ferma-t-elle les yeux, inspirant lentement, prit son assiette, la mit à la verticale et, une fois qu'elle fut vide de toute nourriture, put se contempler dans l'argent dont était fait le plat. Elle crut qu'elle allait éclater de rire en voyant le visage qu'elle avait, avec une teinture rose, du fond de teint, du mascara rose et du crayon rose sur les yeux. Sans parler de ses lèvres, dégoulinantes de gloss. S'attendant au pire, elle avisa sa tenue, et rit en voyant qu'elle n'était vêtue que d'un petit bikini, rose pétant évidemment, qui ne laissait pas beaucoup de place à l'imagination.

A ses côtés, les garçons commençaient à émettre des sifflements, et elle les sacra de regards que les sans-purs n'accordent en général qu'aux elfes de maison.

- Miss Malefoy ! s'exclama la voix de Hermione Granger qui s'était levée de son trône d'or. Qu'est-ce que cette tenue, pour le moins indécente ?

Lucinda haussa les épaules, se leva, constatant qu'on l'avait aussi privée de ses chaussettes, et se dirigea vers la table des Gryffondor. Elle chercha une tignasse noire emmêlée des yeux et, lorsqu'elle la trouva, elle se dirigea vers elle et la pointa du doigt.

- Ce n'est pas à moi qu'il faut demander cela, mais au jeune homme, pour le moins pervers, qui a décidé que le bikini m'allait mieux que les épaisses robes de sorciers… dit-elle avec un sourire ironique.

Malefoy était pour le moins en colère, certes amusée, mais furieuse qu'un insolent Gryffondor eût osé lui faire ça, à elle. Elle était moins embarrassée qu'elle l'aurait dû, assumant parfaitement les regards que jetaient les gens à toutes les parties de son corps plus ou moins dévoilées. Certes, elle se défoulerait sur un punching-ball dans la salle sur demande le soir même. Certes, certes… mais pour le moment, seul le regard d'un Toort qui passait sa langue sur sa grosse lèvre inférieure la dérangeait.

- Oh, et pourquoi donc tant d'accusations contre moi, Malefoy ?

- Hm… gémit Lucinda en passant une main dans sa teinture aux couleurs criardes, je dois t'avouer que je ne sais pas. Peut-être que le fait que je t'aie aplati en duel ne te plaît pas.

Des « oooh » furent poussés de toutes parts, et Lucinda fit une moue qui démontrait clairement son amusement.

- Alors tu n'en avais pas informé ton fan club ? dommage…

Elle se mordit la lèvre inférieure pour ne pas rire, et cracha au visage de Potter.

- Beeurk, ce gloss est à la framboise !

Mme Granger commençait à vociférer, et Lucinda sortit de la Grande Salle après une maigre phrase d'excuse pour la gêne occasionnée. Non pas qu'elle regrettât, après tout rien n'était sa faute, mais vieux valait pour elle de pouvoir sortir se changer au plus tôt. Elle se rendit dans son dortoir en pestant contre Potter, remarquant tout de même que sa blague était très bien mise au point – sûrement devait-il y réfléchir depuis un certain temps.

« L'humiliation de ma vie… » pensa la jeune femme en passant de l'eau sur son visage pour effacer toute trace de maquillage. Elle était surprise de ne pas réagir avec plus de virulence, mais elle ne pouvait faire ce plaisir à Chris Potter. Elle n'avait pas le temps de se laver les cheveux pour faire partir la couleur ou préparer une potion pour la même raison, car elle avait justement un cours dans les cachots qui allait commencer. Elle fut soulagée de voir que Potter ne lui avait pas lancé un sortilège repousse-vêtements et de pouvoir enfiler une robe de sorcier sans problème. Finalement, sa blague n'était pas si bien rodée.

Lorsqu'elle arriva en cours de potions, les regards convergèrent immédiatement vers elle, et elle reçut de plein fouet le sourire goguenard de Potter et Granger. Celle-ci semblait prendre un malin plaisir à papillonner bêtement des cils, et Malefoy alla s'asseoir dans le fond, seule à une table.

- Bonjour tout le monde !

Le professeur Court, un petit bout de femme qui ne devait pas mesurer plus d'un mètre cinquante, les salua avec un entrain bien particulier, qui ne pouvait que lui revenir. Elle inspecta la salle du regard, et, avec un sourire gentil, dit à Lucinda :

- Je suis vraiment désolée, mais je préfère que vous soyez tous regroupés, et pas trop loin, pour que je ne m'époumone pas. Mets-toi donc à côté de Toort.

Malefoy prit son sac, avança de quelques pas, et le jeta violemment sur la table qu'elle devrait partager avec son cousin. Celui-ci lui fit un sourire mielleux et lui désigna la chaise d'un mouvement de tête impérieux auquel Lucinda répondit par une grimace. Elle s'assit et se concentra sur le cours pour ne pas trop regarder l'ignoble garçon avec lequel elle partageait son sang. Elle était en train de recopier un court texte du livre de potion dans un cahier de cours lorsqu'elle sentit que son cousin se rapprochait d'elle.

- Tu sais que t'as un corps, toi ? murmura-t-il.

- Tu permets ? demanda sèchement la jeune femme avec une grimace de dégoût. Je n'ai pas que ça à faire que de t'écouter déblatérer des idioties. Le napel et ses utilisations les moins courantes mais aussi les plus dangereuses m'intéressent bien plus que ta petite personne.

Elle sentit que son cousin se raidissait à côté d'elle, et elle sursauta vivement lorsqu'elle sentit une main se poser sur sa cuisse.

- Tu me plais, tu sais… tu me plais beaucoup.

Lucinda avait du mal à comprendre la situation et, pour tout dire, le fait qu'une main fût en train de lui palper activement la cuisse n'était pas encore arrivé jusqu'à son cerveau.

- Non mais ça va pas ? siffla-t-elle en prenant la main de son cousin Toort et en la lui remettant violemment sur la table.

Elle regarda derrière elle, se trouvant au premier rang, et vit que le claquement de la peau sur le bois avait attiré l'attention des autres élèves, et particulièrement de Potter, qui plissait à présent les yeux en la regardant d'un air suspicieux. Elle lui fit un sourire angélique, qui dut plus le conforter dans ses idées qu'autre chose, et elle retourna à son cours comme si de rien n'était, lançant un regard effarouché à son cousin au passage. Comment avait-il pu faire ça ? Rien que d'y penser, elle sentit le dégoût propager une drôle de sensation dans sa gorge. Son cousin se remit à lui parler, lui susurrant des mots doux à l'oreille. Il remit sa main sous la table, la posa sur son ventre et commença à déboutonner les boutons du pantalon de la jeune femme.

Sans réfléchir, elle lâcha sa plume, leva son coude qui était jusque là resté sagement sur le bureau, et le propulsa avec violence sur le visage de son cousin. Celui-ci poussa un cri en portant les mains à son nez, et Lucinda regarda le professeur Court, qui venait juste de relever la tête. Immédiatement, la jeune Malefoy afficha un air désolé, et couina ces quelques mots :

- Oh, je suis désolée ! je n'ai pas fait exprès !

Court fronça les sourcils, puis finalement retourna aux copies qu'elle corrigeait en disant simplement :

- Granger, emmenez-le à l'infirmerie.

Eve, qui affichait un air complètement perdu, se leva et entraîna le jeune homme souffrant jusqu'à la porte. Elle la referma doucement derrière elle, et le bruit de leurs pas s'atténua au bout d'un moment. Sans s'en soucier, Lucinda était retournée à son devoir de potions, tranquille en apparence, mais l'esprit effervescent. Elle était partagée entre le dégoût, l'indignation et les interrogations qu'elle avait le devoir de se poser après cela. En fait, tout était confus, et la seule chose qui ressortait de son débat intérieur était : « Anthony est vraiment atteint. » Soudain, elle se retourna, comme se rendant compte de quelque chose de crucial, et croisa le regard de Potter. Un regard étrange, indéchiffrable, mais qui ne la trompa pas : il avait tout vu, et, surtout, tout compris. Déstabilisée, elle ne le jaugea même pas ironiquement, comme elle seule savait le faire, mais simplement rougit et détourna les yeux. Elle aurait voulu se donner des baffes : c'était la première fois qu'elle prenait des couleurs devant quelqu'un, et cela la déboussola un peu plus.

Lorsqu'elle sortit enfin du double cours de potion, qui lui avait semblé durer des heures, elle n'était pas capable de réfléchir distinctement. Elle décida de mettre tout cela de côté et de laisser reposer ces derniers événements avant de les examiner et de décider de la marche à suivre.

Elle se rendit compte qu'elle n'avait même pas envie d'aller en métamorphose, pourtant l'une de ses matières préférées, mais elle se força à s'y rendre pour ne pas avoir à justifier son absence en cours, puis sa brusque réapparition pour les sélections au Quidditch. Le cours passa à une lenteur extrême, et Lucinda maudit le professeur dans l'heure plus de fois encore qu'elle n'avait maudit Eve Granger de toute sa vie. Enfin, peut-être pas non plus…

Elle décida d'aller dans le parc lorsque la fin du cours sonna, mais dut d'abord aller chercher son balai dans son dortoir pour pouvoir se rendre directement aux sélections. En fait, elle désirait initialement faire une petite balade dans le parc, mais s'était rendu compte que beaucoup trop d'idiots traînaient dans l'herbe, et qu'elle n'était pas particulièrement discrète avec ses cheveux roses. Aussi monta-t-elle toutes les marches qui menaient aux tribunes les plus en hauteur du terrain de Quidditch. Là-haut, elle laissa son esprit s'évader, et se rendit compte qu'elle était choquée par ce qui s'était passé avec son cousin. Elle, choquée. Evidemment, qui serait resté de marbre après ce qui lui était arrivé ?

Certains élèves avaient cours d'astronomie, mais elle n'avait pas pris cette option, et elle dut attendre une heure avant que les premiers candidats et joueurs de l'équipe n'arrivent. Elle enfourcha son balai et descendit en piqué sur le gazon frais du terrain, manquant de peu de tomber à l'atterrissage. Cela la surprit, car elle réussissait toujours tout en Quidditch, mais mit cela sur le compte de ce qui venait de se produire et estima qu'elle ne devait pas s'inquiéter pour si peu alors qu'elle ne s'était pas fait mal. La voix de Eve Granger, préfète en chef, amplifiée par un Sonorus, retentit dans le stade :

- Bien, alors j'ai… l'honneur de vous annoncer que la personne retenue pour être le capitaine de l'équipe de Quidditch de Serpentard par Mme Court elle-même est Lucinda Malefoy.

Celle-ci eut un sourire triomphant, qu'elle ne manqua pas d'adresser à ses coéquipiers qui ravalaient difficilement leur fierté. Granger se tourna vers son homologue masculin sans prêter plus d'attention à ce qui se passait sur le terrain, et tous deux entamèrent une discussion animée avec le seul adulte présent, la directrice de Serpentard.

- Bien, alors puisque je suis le capitaine, clama Lucinda d'une voix forte, je vais donc prendre en main les sélections. Ceux qui se présentent pour le poste de gardien, à ma gauche, ceux pour celui de batteur, à ma droite.

Deux petits groupes se formèrent, et Lucinda commença envoyer les uns après les autres les postulants au poste de batteur sur le terrain, regardant avec quelle dextérité ils renvoyaient les cognards. Elle en vira quelques-uns d'emblée, sans un mot réconfortant, et au final, ne se retrouva qu'avec quatre batteurs. Elle donna des consignes pour quelques mini matchs qui s'effectueraient pour cette fois sélectionner les gardiens, et départager les batteurs.

- Tu n'as pas intérêt à prendre cette Regina Flowngun, menaça une voix dans le dos de la jeune Malefoy.

Celle-ci se retourna et contempla avec mépris le jeune homme qui se trouvait en face d'elle, et lui dit sur un ton doucereux :

- Et pourquoi, parce que c'est une fille ?

Sans attendre de réponse, elle donna le coup d'envoi des matchs improvisés, et tapa du pied sur le sol pour s'envoler. En tant que poursuiveuse, elle devait lancer des Souaffle dans les buts, et voir si les gardiens qui se présentaient avaient ne serait-ce qu'une once de talent. Elle en envoya plusieurs, qui tombèrent directement dans les buts, et poussa un profond soupir en s'apprêtant à lancer son huitième. Soudain, son balai fut agité d'un violent soubresaut, et Lucinda glissa sur le manche son cœur ne faisant qu'un bond dans sa poitrine. Elle pensait s'être totalement rétablie lorsque son Coup de Vent commença à virevolter dans les airs, comme animé de sentiments humains, connus sous le nom de rage et colère. Les personnes qui assistaient aux sélections s'étaient rendu compte que quelque chose clochait, et des petits cris retentissaient au sol. La jeune femme aurait préféré boire le sang de Potter plutôt que d'appeler au secours, aussi serra-t-elle les dents et essaya-t-elle de contrôler son balai, qui n'en faisait plus qu'à sa tête. De toutes façons, ni les membres de son équipe, ni les préfets en chef, et surtout pas Granger, n'auraient fait un seul geste pour la sauver.

Une secousse encore plus violente que les autres la contraint à lâcher son balai, et elle sentit le vent s'engouffrer dans ses cheveux et sa jupe se soulever alors qu'elle semblait voler, fendant les airs à une vitesse hallucinante. Cette fois-ci, les cris furent plus distincts, sur le terrain, mais personne n'avait réagi à temps, et Lucinda avait déjà rencontré violemment une tribune en hauteur du stade lorsque Eve Granger sortit sa baguette et la dirigea vers la Serpentard.

Il y eut des murmures étonnés lorsque Malefoy ne retomba pas après avoir été projetée au mur. Il se passa quelques interminables secondes pendant lesquelles tous les gens présents murmurèrent, s'inquiétant pour la jeune femme – même si pour la plupart ils la détestaient. Puis elle commença à tomber lentement, et cette fois-ci Granger eut la présence d'esprit de lancer le sort qu'elles avaient appris en cours de défense contre les forces du mal. La chute de Lucinda fut un peu ralentie, mais comme la Gryffondor ne maîtrisait pas très bien le sort, elle s'écrasa au sol dans un bruit sourd. Granger, semblant prendre ses attributs de préfète très à cœur, se jeta sur le corps de la poursuiveuse qui était étendu, l'un de ses bras formant un angle inquiétant. Son homologue, Jourdan, la rejoignit, ainsi qu'une professeur Court choquée et en larmes. Elle n'était pas au bout de ses peines, la pauvre. Elle n'avait pas encore regardé Lucinda, mais plutôt l'endroit où elle s'était mystérieusement arrêtée de tomber. Une goutte d'eau atterrit sur son visage, et elle l'essuya d'un geste fébrile, regardant ensuite sa main par réflexe. Elle poussa un cri aigu lorsqu'elle vit le sang qui tachait ses mains, puis regarda finalement sa jeune élève. Et s'évanouit.

Eve Granger, elle, avait le mérite d'avoir un estomac bien accroché, et était quasiment restée de marbre devant le spectacle qu'offrait sa camarade.

- Merlin, que s'est-il passé ? murmura-t-elle en contemplant le visage de Lucinda, dont la pâleur était mise en avant par ses cheveux roses.

Puis, alors qu'elle sentait des larmes dues au choc couler sur ses joues, Eve enleva rapidement sa robe de sorcière, et l'enroula autour du ventre ensanglanté de Lucinda, prenant bien garde à serrer très fort autour du trou béant qu'elle avait à l'abdomen.

Fin du chapitre 5.

… Vous savez, je m'étonne moi-même, et je suis catastrophée par la longueur de ce chapitre. J'avais des choses à y raconter, et je me suis étalée sans m'en rendre compte sur le sujet. En tous cas, je ne me suis pas ennuyée en l'écrivant, mais ne vous attendez pas à revoir un jour un chapitre aussi long TT-TT Je pense que le fait qu'il est 1h43 du matin est pour quelque chose dans mon écriture qui s'étale

Voilà, j'espère que ça vous a plu et que vous n'avez pas trop bâillé et bayé aux corneilles devant ce ramassis d'idioties.

Pardon, pardon.

Voilà, je poste le chapitre dans quelques jours, lorsque j'aurai pris un peu d'avance sur le sixième.

A la semaine prochaine, laissez une review, même si c'est pour me détruire à coups de « c'est nul ». Mais argumentez, s'il vous plaît.