Disclaimer : le monde sorcier, le génie sans bornes et les persos britanniques à JK Rowling, la ville, le monde nantais et les déviances à caractère humoristique ( du moins je l'espère ) à moa… Voilà, amusez-vous bien et REVIEWS à la pelle please ( quoi, l'espoir fait vivre, pas vrai ? ).

5. Attribution de stage

La lune, fier croissant doré à la poussière de comète, éclairait avec bienveillance les pierres séculaires du Château de Riveclair. Des nuages effilochaient gaiement leur ouate vaporeuse dans le ciel, tandis que de pâles étoiles clignotaient doucement sur le velours nocturne. Quelques grenouilles, tapies dans les douves, s'échauffaient frénétiquement le gosier.

Koa koa koaaaaaa ! commentait une jeune grenouille à la peau tachetée de rouge, séquelle d'un sortilège manqué.

Koooo oo oo aaaaa... désapprouvait son aïeul, un fier mâle à la carrure de crapaud.

Koo ah ah ! protesta une grenouille à peine finie, sa morphologie de têtard encore visible.

Quelques mètres plus haut, derrière les fenêtres à meneaux, Harry se tournait et se retournait dans son lit, incapable de trouver le sommeil. Soupirant comme un taureau furieux, il rejeta ses couvertures et s'approcha du lit voisin. Se penchant vers la forme endormie, il avança sa main pour la secouer.

Ron ! appela-t-il à voix basse. Ron, tu dors ?

Koâââââ ? grommela son ami d'une voix endormie.

Harry serra les mâchoires, sur les nerfs. Non seulement ces maudits batraciens l'empêchaient de dormir avec leur concert névrotique en do majeur, mais en plus Ron s'y mettait ! Ils ne savaient que dire « quoi » ici ? Ces fichus mangeurs de grenouilles ! Remonté contre les grenouilles et le règne animal en général, Harry fit les cent pas dans le dortoir, troublant au passage le sommeil paisible de ses compagnons de courants d'air et de grommellements tenaces.

Tss, bande de sapajous ! marmonna-t-il en chaussant ses lunettes.

Puis, la main à mi-chemin en l'air, il s'arrêta, perplexe.

C'est moi qui ai dit ça ? s'exclama-t-il, recevant des injures bien senties pour qu'il baisse le ton. Sapajous ?

Avec une moue dégoûtée, Harry quitta la chambre et se rendit jusqu'à la salle à manger où une pile d'os de grenouilles ( décidément ) dansait la gavotte avec ferveur. Harry, médusé, se frotta les yeux avec les poings, mais la vision persista. Avec un profond soupir de lassitude, il s'approcha du ballet osseux, qui exécutait désormais un numéro de claquettes sur la longue table cirée.

Veux-tu connaître ton avenir, jeune sorcier ? chuchota une voix miniature.

Surpris, Harry sursauta et regarda tout autour de lui, sans résultat.

Qui me parle ? dit-il prudemment, la main prête à brandir sa baguette.

C'est nous ! C'est nous les canaillous ! Les canaillous du Poitou ! scandait la voix, qui semblait modifiée à l'hélium.

Harry passa une main moite sur son visage. Sa cicatrice tendait à ressortir lorsqu'il avait une émotion forte. Etait-il sous l'emprise d'une entité démoniaque ? Avait-il abusé d'une substance illicite ? Est-ce que le jus de mâche était toxique ? Est-ce que la trop forte exposition à la pluie nantaise était dangereuse pour la santé ? Est-ce que l'ingurgitation de berlingots provoquait une longue agonie du système nerveux ?

Viens t'amuser avec nous, choupinou !

Aaaaaaargh ! hurla Harry en restant sur place, pétrifié.

N'aie pas peur, face de pou ! le taquina la voix mesquine.

Aaaaaaargh ! A l'aide ! Professeur McGonagall ! Professeur... R… Reu… Rogue !

Harry se tut aussi brusquement que s'il avait gobé un moucheron migrateur. Avait-il seulement pu dire ça ! Implorer Rogue de lui venir en aide ? Il y avait vraiment des jours où il se faisait honte…

Tu ne rêves pas, pauvre tas ! Nous sommes là, sous ton bras, flagada !

Cette fois-ci, Harry Potter, celui qui avait vaincu, survécu, failli trépasser maintes fois, celui à qui aucune créature du Mal n'avait intérêt à se mesurer sous peine d'y laisser quelques écailles et une peau évidée de son propriétaire, bref, celui qui semblait invincible…craqua. Tremblant comme une gelée anglaise servie sur un ferry par mer agitée, Harry dut s'asseoir pour ne pas s'étaler sur les dalles. D'un regard de bœuf qui venait de voir pleuvoir des balles de foin, le jeune homme suivit les pas experts des os de grenouilles lui faire une démonstration de tango.

Souris, tête de pissenlit ! pouffa la voix nasillarde.

Sans retenue, Harry se mit à pleurer. D'abord doucement, puis de plus en plus fort. Il enleva ses lunettes et enfouit son visage dans ses bras, à moitié couché sur la table.

Héhéhé ! Sèche tes larmes caillées, sorcier !

Redoublement de larmes de la part du jeune homme. Des petits pas firent pression sur son bras. N'ayant plus rien à perdre, il cessa ses pleurnicheries et fixa les danseurs squelettiques. Les os s'assemblèrent en un visage blanchâtre.

Coucou ! fit la tête grimaçante.

'Lut ? fit Harry, doutant sérieusement de sa capacité à ne pas s'enfuir en hurlant.

Que penses-tu de ce numéro, jeunot ?

Super, maugréa l'adolescent.

Oh, c'est bon, si on ne peux plus rire maintenant ! fit la voix, vexée.

Et, sous le regard myope d'Harry, les os s'effondrèrent tous sur la table dans un cliquetis funeste. Avec rapidité, ils reformèrent de nouveau des ossatures convaincantes de grenouilles. Des peaux translucides apparurent même pour donner une illusion de « consistance ».

Nous sommes les Trublions de Valériane, se présentèrent les grenouilles dans un coassement de concert.

Et qui est cette Valériane ? s'enquit Harry, à la limite de l'indifférence.

Les batraciens clignèrent de leurs yeux globuleux et déglutirent bruyamment.

Valériane n'est pas une personne, c'est une plante. La valériane est utilisée pour les insomnies, cher petit…

Et ? le coupa Harry, ne supportant pas que quiconque le traite ainsi.

Et cette plante provoque aussi des cauchemars, sale cafard, termina une minuscule grenouille, l'air irascible.

Aaaah, dit le jeune sorcier, je vois. Vous êtes donc la représentation physique de mes cauchemars, c'est ça ? Non parce que si c'est le cas, vous savez c'est limite si je m'en moque. Oui, c'est vrai, je suis celui qui a osé affronter Voldemort, même après qu'il ait essayé de me tuer plusieurs fois. Vous savez, vivre avec ça au début c'est très dur, c'est vrai, on se dit « Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? », mais en réalité on fait avec. D'accord je suis bigleux, maigrelet et j'ai des cheveux qui donneraient des dépressions à des coiffeurs, sans compter une cicatrice stylisée, mais est-ce que ça fait de moi quelqu'un de méprisable ? Oui, j'ai eu une vie minable avec les Dursley, oui, mon professeur de Potions me haït comme si je lui avais fait quelque chose à lui précisément, oui, les Serpentard ont envie de me changer en Cognard pour se défouler, oui, j'ai des amis qui ont parfois de mal à me supporter, oui, je suis couvé par mes professeurs, et oui, j'ai tendance à me sentir rejeter lors de mes mauvais jours. Mais non, je ne suis pas un héros, non, je n'ai pas demandé à mener cette vie, non je n'aimais pas être le punching-ball de Dudley, non je n'aime pas qu'on me traite de chouette mal emplumée, non je ne suis pas un assisté qui a besoin de Dumbledore pour faire ses lacets, non je ne suis pas copain avec toutes les créatures bizarroïdes qui échouent à Poudlard, non je ne suis pas le sauveur du monde sorcier… et non, je ne veux pas être Celui-qui-va-y-passer-quand-il-affrontera-Voldemort-parce-que-ça-fait-des-années-qu'il-nous-enquiquine-celui-là-avec-ses-lamentations !

Au bord de l'évanouissement, Harry Potter reprit son souffle. Il sentait que quelque chose avait changé. Son cœur, son âme étaient plus légers. Ouf, il avait évacué tout ça. Il regarda les Trublions de Valériane… qui s'étaient liquéfiés sur la table. Il ne restait plus qu'une petite mare visqueuse où flottaient ici une phalange, ici un crâne.

Quoi, c'est tout ? fit le garçon pour lui-même. Même pas un duel avec ces choses gluantes ? Même pas une incantation pour les faire imploser ? Même pas une migraine ? Pfff, ça devient trop facile.

Déçu, il balaya d'un revers de manche la substance amorphe sur la table et fit la grimace lorsqu'il vit un long filet dégouliner. D'un coup de baguette, il nettoya le tout et regagna son lit en traînant des pieds. Les grenouilles, choquées par la disparition subite de leurs congénères cauchemardesques, s'étaient tues.

Le lendemain matin…

Aaooooow ! rugit bestialement Harry en s'étirant méthodiquement. Bon, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ?

Sa question lancée ne recueillit qu'un unanime « grumbeul grumbeul frobadom laissnoudormirrrrarry ! ». Renforcé par son combat psychologique de la veille, le jeune sorcier ne releva pas cet affront ensommeillé et quitta la chambre. Fringant comme une plante carnivore à la saison des pluies, Harry se rendit à la salle des banquets mâchouiller goulûment quelques cuisses de pintades et se gargariser de jus de mûres. Il remonta se rafraîchir vite fait et se campa dans la cour du château de Riveclair, où une réunion expresse devait se tenir. Des bannières colorées flottaient mollement au vent, et quelques pétales enchantés tourbillonnaient pour la postérité.

Le flot d'élèves de Poudlard ne tarda pas à se déverser dans la cour, dans un joyeux brouhaha que le « aaaw aaaw aaaaaeueuw » enroué d'une troupe de corbeaux s'échinaient à masquer. La Dame de Riveclair apparut bientôt, parée d'une superbe cape de brocart bordé de fils d'argent. Les élèves se turent.

Mes chers jeunes amis, voici venu le moment de votre répartition, annonça-t-elle avec un grand sourire. Comme vous le savez tous, vous n'êtes pas en France pour simplement voir le déroulement de notre vie à l'école, mais aussi pour vous immerger dans la culture moldue, pour savoir vous y mélanger en cas de danger.

Une vague de froid s'abattit sur l'assemblée, et plusieurs élèves crispèrent la mâchoire en pensant aux sombres instants que connaissait le monde sorcier britannique.

Ainsi, il est de mon devoir de vous envoyer faire des stages dans des milieux moldus. Avec l'aide de vos professeurs, nous avons convenu de ce qui serait le mieux pour chacun de vous. Malheureusement, les élèves de cette école ne pourront vous accompagner… Aussi je vous demanderai la plus grande vigilance sur vos lieux d'apprentissage. Nul n'aura le droit d'amener son balai, ni sa baguette.

Des protestations s'élevèrent.

Mes chers enfants, je vous prie de ne pas discuter ces ordres, car ils émanent des plus hautes instances du monde sorcier. De plus, c'est pour votre propre sécurité. Mais procédons dès maintenant aux placements.

Elle s'éclaircit la voix avant de dérouler son rouleau de parchemin et d'énoncer :

Terry Boot, assigné au poste de vendeur dans une boutique de souvenirs. Gregory Goyle, stagiaire chez un marchand d'articles de sport. Angelina Johnson, vous irez dans un salon de manucure.

La jeune fille poussa un cri horrifié et tenta de protester, mais la directrice poursuivit.

Ernie McMillan, vous officierez auprès d'un antiquaire. Ronald Bilius Weasley...

Gloussements approximatifs des non-encore-nommés.

… vous irez dans l'équipe de hockey de la ville.

Verdissements de jalousie des nommés et nommés à venir.

Dean Thomas, convié à la tâche de contrôleur dans un cinéma. Pansy Parkinson, vous irez dans un salon d'épilation.

La Serpentard lança un drôle de regard en biais à la directrice pour ses propos insidieux.

Padma Patil, vous ferez votre stage dans un collège.

Décomposition spontanée de son expression.

Hermione Granger, vous irez à la médiathèque de la ville.

Expression mitigée de sa part. Oui, elle vouait un amour inconditionnel aux livres, mais tout de même, ils auraient pu la nommer ailleurs…

Harry Potter, vous irez couper de la grappe dans une exploitation viticole.

Effondrement du moral du jeune homme. La directrice poursuivit son énumération tandis que les stagiaires se regroupaient en marge de la cour, qui pour grommeler, qui pour jubiler.

Tu parles, « choisi en fonction de nos capacités », et ma mère c'est Boudica ! pesta Angelina Johnson. Moi dans un salon pour bonnes femmes ? Non mais je rêve ! Qu'est-ce que je vais faire ? Limer des vieilles biques toute la journée ? Et moi qui ai horreur des limes à ongle ! Et ne parlons pas de l'odeur atroce du vernis ! Ron, pourquoi tu souris comme un imbécile !

Hein ? Qui, moi ? fit Ron, qui émergeait doucement de sa rêverie. Hein pour rien…

Voyez ! C'est injuste ! Lui il va faire du hockey, tandis que moi je suis coincée à triturer les pieds puants et les mains calleuses de chochottes !

Calme-toi, Angelina, tu découvriras peut-être les bons côtés de la manucure, tenta d'intercéder Hermione.

Quoiiii ! Y a pas de bons côtés dans ce truc ! Et tu peux parler, toi ! T'es nommée dans ton élément, au moins !

Hermione se renfrogna et préféra tourner les talons.

Bon, on ne va pas commencer à se chamailler, c'est une expérience à découvrir…

Mi-grognant, mi-plaisantant, la compagnie partit se préparer pour le début des catastrophes.