Chapitre 22: Une toute petit grotte

Naturellement, nous partons dans la direction opposée à notre objectif avant de plonger brusquement sous le couvert des arbres. Après quelques tours et détours, feintes et autres trucs pour semer une éventuelle filature, nous partons vers la montagne sans faire un bruit, ni laisser la moindre trace de notre passage. Une mission d'espionnage n'est vraiment réussie que si l'ennemi ne sait pas qu'on l'espionne. Notre mode de déplacement furtif ne nous permet évidement pas de bavarder, et nous sommes tous les deux bien trop concentré pour penser à quoique ce soit d'autre qu'à notre mission. Il y a juste que... Sai est là, je peux le voir, et je me sens bien en le voyant. Apaisée.

Nous avons couru toute la journée, plus une partie de la journée suivant, nous relayant pour monter la garde la nuit, le tout dans un silence absolu. Arrivés au pied de la montagne, notre première préoccupation est de nous préparer un camp de base bien camouflé. On se trouve une petite grotte cachée derrière deux arbres, et nous installons un buisson factice pour camoufler plus efficacement l'entrée. Nous installons nos affaires dans notre refuge et nous déployons la carte des environs. Sai me pointe du doigt une zone située à mi-pente: " D'après ce qu'on sait déjà, une des entrées est par-là. mais il vaut mieux en localiser d'autres avant d'entrer, nous pourrons nous préparer des chemins de fuite. La zone peut très bien être encore habitée par des brigands ou des déserteurs."
Il sort de son sac un rouleau de parchemin vierge et dessine dessus une souris, puis il m'explique: " Quand on aura trouvé plusieurs entrées, j'enverrais ce types d'animaux dans le souterrain pour faire un premier plan. "
Sakura: " Avant les souterrains, il vaut mieux évaluer toute la zone à l'extérieur. Il peut y avoir des pièges ou des postes de gardes externes, non?"

Sai fait oui de la tête en me souriant. Alors que je me penches sur la carte pour suivre du doigt un chemin, sa main vient caresser ma joue doucement et me fait relever la tête. Et on oublie complètement la carte pour se regarder intensément, tous les deux. Rien que tous les deux, sans personne pour nous gêner, sans personne pour nous espionner ou nous faire des reproches. Il se penche d'avantage pour m'embrasser doucement une fois, deux fois, trois fois. Juste cinq petites minutes ensemble, on peut bien s'accorder ça, n'est-ce pas? La carte posée au milieu par terre me gène. Je la pousse sur le coté pour me rapprocher de Sai et l'enlacer de mes bras. Je fais glisser mes doigts dans ses cheveux courts, je lui souris, il me sourit. Ses bras me serrent davantage contre lui et on recommence à s'embrasser éperdument.

J'ai l'impression que Sai est plus... demandeur, aujourd'hui. Je suis déjà presque sur ses genoux, et il m'attire encore plus près, jusqu'à être vraiment collé l'un contre l'autre. Ses mains glissent sur mon dos, dans mes cheveux, je me sens...brûlante, affamée. Je veux plus de caresse, plus de chaleur. Je frissonnes quand ses lèvres commencent à descendre sur mon cou. Je suis en train de me laisser entrainer, je vais encore me perdre, je vais encore être blessée. Brusquement, ça m'affoles. D'un geste d'épaules, je forces Sai a se redresser et je murmures presque sans force: " On a du travail, allons-y."

Pourvu qu'il m'écoutes, pourvu qu'il me lache, je me sens tellement faible, tellement prête à céder. Je fermes les yeux pour ne pas croiser les siens, je me referme sur moi-même. Calme-toi, Sakura, reprends-toi.

Sai ne dit rien. Il me lache, se lève et sors de la cachette sans un mot. Je me sens toute faible et tremblante, et je reste assise par terre sans bouger, écoutant le battement frénétique de mon coeur résonner dans mes oreilles. Mais qu'est-ce qui m'arrive? Pourquoi est-ce que je recules comme ça au dernier moment, alors qu'avant hier, j'y pensais déjà? Est-ce que c'est ce que je veux ou pas? Je ne sais plus... j'ai peur... Sai... il... je ... j'ai peur que mes sentiments pour lui soient bien plus puissants que je le pensais... trop puissant. Trop dangereux. La violence de ma passion pour Sai m'effraye moi-même et me laisse sans défense, à la merci d'une nouvelle blessure. Je me sens si vulnérable, si désarmée, le coeur à découvert.

Dehors, je n'entends pas un bruit. Sai, qu'est-ce qu'il a pensé de ma réaction? Est-ce que je l'ai blessé? Il doit vraiment me trouver imprévisible. Et lui, qu'est-ce qu'il pense réellement de moi? La seule chose dont je sois sure, c'est qu'il me trouve intéressante. C'est tout. Pour le reste, c'est le mystère insondable. Est-ce qu'il est attaché à moi vraiment, ou est-ce que ça l'amuse de me fréquenter? Est-ce qu'il joue avec moi? Est-ce qu'il m'amadoue pour pouvoir mieux me trahir après?

Arrêtes, Sakura, si tu commences à t'enfoncer dans ce genre de réflexion, ça ne va pas aller. Il faut se reprendre. On a une mission à accomplir. Et je suis sur mes garde. Tant que je garde le contrôle de moi-même, je ne risque rien. De toute ma volonté, j'essaie de m'armer contre ma propre faiblesse, et je sors rejoindre Sai dehors. Il est perché sur un arbre, et il ne me regarde même pas quand il demande: " Tu as pris la carte?"

Oui, je penses que je l'ai blessé. Mais qu'est-ce que je peux faire?

Nous avons passé au peigne fin toute la base de la montagne jusqu'à mi-pente à peu près, sans jamais rencontrer aucun signe de vie humaine. Par contre, on a trouvé plusieurs entrées vers le réseaux de galeries souterraines, toutes très bien cachées, sauf une. C'est celle-là qui avait été repérée par une autre équipe de passage qui l'a signalé à l'Hokage, laquelle Hokage nous a envoyé ici, Sai et moi. En fait, c'est un glissement de terrain récent qui a permit de la dégager. Sai a envoyé des flopées de rongeurs dessinés dans les galeries pendant que je montais la garde près de lui. Il a pu évaluer que l'endroit avait incontestablement été habité avant, mais qu'il était vide depuis pas mal de tempe. De plus, le réseau de galerie est très vaste et s'enfonce loin dans la montagne, voir même jusqu'à l'autre montagne à coté.

Comme la nuit tombante rend la visibilité mauvaise, nous rebroussons chemin vers notre camp de base. Depuis ce qui s'est passé tout à l'heure, nous n'avons guère parlé d'autre chose que la mission, Sai et moi. Il est plus silencieux et impénétrable que d'habitude. C'est ma faute, je suppose. Je passes mon temps à le coller, et finalement je le rejettes au dernier moment. Mais je ne pensais pas une seconde que ça irait si vite. ça va trop vite pour moi, je ne me reconnais plus. Après mes déboires avec Sasuke, j'ai passé trois ans très loin de l'idée d'une relation quelconque avec un garçon. Je fuyais cette idée autant que possible. Et voilà que, quasiment du jour au lendemain, tout a changé pour moi. Sai. Dans ma tête, il y a Sai. Dès que je me laisse aller, je penses à lui. Dès qu'il est là, je suis entrainée sur des rivages dangereux. J'ai beau résister, je suis complètement emporté par le courant. Pourquoi? Pourquoi est-ce que je ne peux plus rien contrôler? Je suis si faible que ça que je ne peux pas résister à mes propres émotions?

Sai se faufiles dans notre petite grotte et je le suis après un moment d'hésitation. La grotte n'est pas grande, on va être enfermé là-dedans tous les deux toute la nuit, qu'est-ce qui va se passer? Que dois-je faire?

Il est hors de question de faire du feu ou de la lumière, pour ne pas risquer d'être repéré, donc nous sommes assis tous les deux par terre dans la pénombre, à environ un mètre de distance, je dirais. Et c'est le silence complet. Il faut que j'arrives à le rompre, que je dises quelque chose. Je me doutes bien que ce n'est pas Sai qui va initier la conversation... Ma voix me parait faible et tremblante quand je l'appelle: "Sai..."

Pas de réponse, pas même un mouvement.
Sakura: " Sai... pour tout à l'heure... je... je suis désolée...je... "
Un mouvement. Je crois qu'il me regarde. Dans l'obscurité quasi totale, c'est dur à dire. Sa voix n'est qu'un souffle quand il me répond: " Non, c'est moi."
Je retiens ma respiration pour entendre ce qu'il me dit, je ne veux pas risquer de perdre un seul mot.
Sai: " C'est moi qui m'excuse. J'ai encore fait une erreur, n'est-ce pas?"

Je tends la main vers la tache claire de son bras, je la touches du bout des doigts. Il sursaute. Il est peut-être aussi perdu que moi... Sans doute plus, même.
Sakura: " Tu n'as pas vraiment fait d'erreur, c'est un peu de ma faute aussi."
Il ne dit rien.
Sakura: " C'est difficile, les relations humaines, n'est-ce pas?"
Sai: " Oui."
Sakura: " Moi aussi, j'ai du mal, quelque fois..."
Encore un petit silence.
Sai: " Si même ma professeur en relation humaine a du mal, je ne suis pas prêt d'obtenir mon diplôme."
Au son de sa voix, je peux dire qu'il sourit. Il sourit de nouveau. Je ne vois rien, mais je peux imaginer son sourire, et ça me réchauffes. Je rentres dans le jeu.
Sakura: " Je t'accordes la moyenne pour l'instant. Mais je te donnerais des devoirs de rattrapage."
Sai: " Toi aussi, alors, tu auras des devoirs supplémentaire, madame la professeur."
Je viens m'asseoir un peu plus près de lui, et je lui prend la main.
Sakura: " On va les faire ensemble, nos devoirs?"

La faim finissant par se manifester, je tires mon sac vers moi. Tout en fouillant à tâtons dedans, je demandes: " Tu veux manger quoi, Sai?"
Sai: " A part des rations toutes prêtes, tu as quoi à offrir?"
Sakura: " Des fruits secs. Tiens, une ration toute prête et parfaitement insipide."
Sai: " Ce n'est pas si mauvais que ça, une ration. Tu as de l'eau?"
Je lui tend la gourde. Tous les deux, nous grignotons nos rations dans une obscurité totale. Super diner aux chandelles...

Sakura: " On n'a peut-être pas besoin de monter la garde la nuit. Comme on n'est que deux, si on se relaye pour veiller, on ne dormira pas suffisamment, et je t'avoues que je suis plutôt fatiguée. "
Sai: " En installant des pièges aux alentours, ça sera suffisant. Je vais m'en occuper. "
Je l'entends sortir et je m'enroules dans ma couverture pour la nuit. Je décides de rester éveillée jusqu'à ce qu'il revienne. Après une longue attente, j'entend un très léger bruissement à l'entrée de la grotte. C'est Sai? Par prudence, j'attends qu'il me confirme son identité avant de me manifester. Je reconnais sa voix quand il prononce le mot de passe et je peux me détendre.

Sakura: " Sai, fais attention où tu marches, je suis couchée près de l'entrée. "
Une main se pose sur ma couverture, juste sous ma poitrine, et se retire. Il essaye juste de repérer où je suis dans le noir.
Sai: " Tu es trop près, Sakura. Recule vers le fond, je vais me mettre là. "
Sakura: " Ne t'inquiètes pas, ça va comme ça."
Sai: " Sakura, tu es la précieuse spécialiste médicale de l'équipe, ne t'exposes pas directement au attaques. Qui me soigneras si tu es la première à tomber?"
Sakura: " D'accord, d'accord, je recule. ne bouges pas, je te passes ta couverture."

Après quelques hésitations et tatonnements, nous finissons par chacun trouver notre place pour la nuit, allongés côte à côte, enroulés dans nos couvertures, en silence. Je sais qu'il suffirait que je tendes la main pour le toucher. Il est juste là. Mais j'hésites encore. Cette nuit, si je le touches, je crois que je ne pourrais plus m'arrêter. J'en ai envie, mais d'un autre coté, je ne suis pas encore sure. Pas sure de moi, pas sure de lui. Et si tout n'était qu'une gigantesque comédie, une grave erreur. Je veux être sure. Je ne veux pas m'engager plus loin sans certitude. Alors je restes immobile sous ma couverture, résistant à l'envie de tendre la main, résistant même à l'envie de dire son nom, de lui parler. Mes résolutions sont encore trop fragiles. Je n'entends à coté de moi que le bruit de la respiration de Sai. Est-ce qu'il dort déjà? Qu'est-ce qu'il pense en ce moment? J'aimerais tellement savoir, mais je n'aurais sans doute pas de réponse.