Chapitre 3 : Nouvelle donne

Kyle avait très mal dormi cette nuit-là. Il n'arrivait toujours pas à croire que Jake voulait les quitter. Et même s'il avait réussi à le persuader, il savait au fond de lui que l'idée trottait désormais dans la tête de son ami. Lui aussi avait douter autrefois, mais jamais il n'aurait oser remettre son badge sans explication, comme l'avait fait Jake, la veille. Kyle remonta le volet de son hublot et admira la ville qui s'éloignait de lui. Qu'est-ce qu'il aimait voir Washington à demi éclairée, au crépuscule. Le soleil commençait à pointer son nez, et les points lumineux formés par les lampadaires s'éteignaient un à un. Kyle regarda son portable, il était à peine 6h. Il décida d'attendre un peu avant de téléphoner à Louise…

Quelques heures plus tard, Jake avait rejoint Louise dans son bureau. Elle avait sortie de ses tiroirs tous les dossiers concernant Jake. Le jeune homme se dit qu'elle avait dû passer toute la nuit à les éplucher…

« Alors, à quelle décision dois-je m'attendre ce matin ? Vous nous quitter ? Vous restez ? A moins que vous ne vouliez travailler à mi-temps ?

Jake ne savait comment interpréter ces propos. Plaisantait-elle ? Son ton inspirait le sérieux pourtant…

- Je ne sais pas exactement ce que je veux Lou…

Il fit pivoter son siège, de droite à gauche, lentement, comme pour marquer son incertitude. Lou s'assit sur le bout de son bureau, de façon à être la plus proche possible de son agent.

- Jake, pourquoi êtes-vous revenu ce matin ?

- C'est l'agent Duarte qui m'a convaincu. Mais après…

Louise sourit. Décidemment, Kyle savait se montrer toujours aussi convaincant !

-… je me suis dis que je ne pouvais pas vous quitter comme ça. Vous, enfin, l'équipe. La NSA, c'est une autre histoire. Mais vous ne pouvez probablement pas comprendre ! »

Jake releva la tête. Les yeux de Beckett plongèrent dans les siens. Ils restèrent comme ça, en silence. Chacun attendant une réaction de l'autre. Et ce fut Lou qui réagit la première. Son esquisse de sourire s'étendit sur tout le reste de son visage et elle se mit à rire. Elle se redressa, comme pour tenter se cacher. Mais très vite, Jake se mit aussi à sourire, ne sachant trop pourquoi. Il était plutôt gêné. Mais une chose était sûre, Louise faisant plaisir à voir. Elle se calma quelques instants et réussit à articuler :

« Qu'est-ce que vous croyez Jake ? Que je ne vis que pour la NSA ?

Jake ne répondit pas.

- Si un jour vous me voyez vêtue de la tête aux pieds de ces trois lettres, un bouquet de fleurs à la main, invitant Warner à dîner, promettez-moi de m'enfermer !

Elle repartir dans son fou rire mais cette fois, Jake la suivit. Il imaginait sa supérieure, invitant Warner.

- Ce jour-là, n'oubliez pas les chocolats ! »

Il ne se rendit même pas compte que Lou le regardait. Elle avait réussit à se maîtriser. Après tout, quoi de plus normal pour un agent bien entraîné ! Mais Jake était bel et bien parti dans un fou rire incontrôlable. Louise n'essaya même pas de l'arrêter. Pour une fois que l'agent Foley paraissait heureux… Il s'excusa à plusieurs reprises mais n'arrivait pas à s'arrêter. Beckett lui sourit, sans parler. Puis, elle retourna à son bureau, décrocha son combiné et se mit à composer un numéro. Elle fit signe à Jake de sortir. Il se leva tant bien que mal. Le fou rire lui coupait les jambes. Lorsque Lou entendit les premières tonalités, elle glissa à Jake :

« Sortez vite, je ne pourrais rien entendre sinon !

Jake la salua d'un geste de main très furtif. Il inspira un grand coup. D'une, pour pouvoir ouvrir correctement la porte. Et de deux, pour se contrôler car une fois dans le couloir, il ne voulait pas faire mauvaise impression auprès des autres agents. Et pour un peu que Warner serait dans les parages. Ah Warner ! Jake décida de respirer plus profondément, au cas où il la rencontrerait…

A peine eut-il ouvert la porte que Lou s'excusa auprès de son interlocuteur et déposa sa main sur le combiné. Elle adressa un ''bonne journée Jake'' et avant de reprendre sa conversation, elle ajouta, le plus sérieusement du monde :

- Au fait, vous êtes dispensé de terrain. Le temps que vous retrouviez tous vos esprits ! »

Le fou rire de Jake se stoppa net. Il se retourna vers Louise. Mais elle lui faisait désormais dos, prêtant toute son attention à son téléphone. Il ouvrit la porte et sortit en la claquant.

De son côté, DuMont attendait patiemment dans la petite salle mal éclairée que Warner daigne se montrer. Les mains sous la table, il se mutilait la paume de la main droite à l'aide d'un petit clou qui avait eu le malheur de rouler jusqu'à ses pieds. Un vieux tic qui se rappelait à lui, en temps d'excitation ou de stress intense. Dans ces moments où l'adrénaline devenait comme une seconde nature. Et là, il sentait qu'il était en passe de vivre l'aventure la plus forte de toute sa vie… enfin, si Valerie n'oubliait pas de venir. Ou si elle n'avait pas changé d'avis.

Au même instant, la lourde porte blindée s'ouvrit et la silhouette de la femme se dessina dans l'obscurité. Elle s'approcha lentement de la table et s'installa. Le garde attendit le petit geste de la main avant de refermer la porte.

« Très heureux de vous revoir madame…

Il lui tendit sa main gauche mais Waner n'y prêta pas attention. Elle avait des choses beaucoup importantes à voir que de lui serrer la main.

- Vous êtes prêt ?

Kevin lui sourit et sortit de sa poche une petite seringue, qu'il dépose délicatement sur la table.

- C'est tout ? demanda-t-elle

- Vous vous attendiez à quoi au juste ? A une citerne ? Je fais dans la discrétion moi…

Valerie examina la seringue, veillant bien à ne pas retirer la protection, puis la déposa dans une pochette plastifiée, qu'elle glissa dans l'une de ses poches. DuMont se pencha vers elle.

- Et de votre côté ?

- N'ayez aucune inquiétude, j'ai fait le nécessaire…

Elle se leva, rejoignit la porte et frappa. Le garde ouvrit mais elle ne le laissa pas entrer.

- Une dernière chose, M. Flin, vous êtes sûr de votre produit ?

- Une seule injection et le sujet vous obéira aux doigts et à l'œil ! lui promit DuMont, l'air très satisfait.

- Alors pourquoi ne pas l'utiliser directement sur la source du problème ?

- Tout simplement parce que le sujet infecté ne pourra en aucun cas produire d'anti-corps assez puissants pour venir à bout de ma solution. Et qu'avec lui, j'ai toutes les raisons de croire que ce ne sont pas ces anti-corps qu'il enverra au combat… »

Il laissa sa phrase en suspend puisqu'il était inutile d'aller plus loin. Warner savait que sa cible était beaucoup trop dangereuse pour prendre un tel risque. Cela la désolait mais elle n'avait pas d'autres choix que d'écouter DuMont. Elle lui assura que la 1ère partie du plan serait mise en exécution dès ce soir. Le garde pu enfin rentrer et Warner quitta la salle. Kevin leva sa main gauche pour la saluer mais elle ne se retourna pas…

La journée s'était écoulée lentement, seconde après seconde. Du moins était-ce l'avis de Jake. Il avait bien essayé de revoir Louise mais elle avait complètement disparu du service depuis son coup de téléphone. Quant à Diane, il était passé à plusieurs reprises la voir mais n'avait trouvé que Fran. A croire que tous ceux qui voulaient le voir revenir le fuyaient.

Jake releva le col de son manteau, le vent jouait à se glisser sur sa nuque. Décidément, pour un jour de reprise, ce n'était pas brillant. Il leva les yeux au ciel : de gros nuages gris avaient fait leur apparition. Il accéléra le pas, l'averse risquait d'arriver d'un moment à l'autre. Les gouttes commencèrent à dévaler le long de son manteau quand il traversa la route qui le séparait de son appartement. Il remarqua qu'un mexicain s'était établit sous un store mal rangé. En voyant sa guitare, il pria pour qu'il ne se mette pas à chanter un blues bien déprimant. Il n'avait vraiment pas besoin de ça !

Il grimpa quatre à quatre les marches, s'empressa d'ouvrir la porte n°7 et la referma derrière lui. A peine eut-il accroché son manteau dans la penderie que le téléphone sonna. Jake se demanda qui pouvait bien vouloir prendre de ses nouvelles à cette heure-ci : il était près de 20h ! Il décrocha le combiné :

« Bonjour, ici le centre hospitalier de Washington Sud. Je voudrais parler à M. Jake Foley.

La voix était neutre, plutôt jeune. En tout cas, c'était une femme, aucun doute là-dessus !

- Lui-même.

Il s'installa dans son sofa.

- Tant mieux, cela fait plus d'une heure que j'essaye de vous avoir…

- Que puis-je faire pour vous mademoiselle ?

La jeune femme lui demanda s'il était assis, Jake répondit que oui. Sans vraiment comprendre pourquoi.

- Voilà M. Foley. Vous êtes un parent de Melle Carter ?

- Sarah ?

- Oui, Sarah Carter ! dit-elle

Jake hésita quelques secondes.

- Il lui est arrivé quelque chose ?

La jeune femme soupira.

- Je suis désolé de vous annoncé ça mais Melle Carter a eu un accident de voiture la nuit dernière…

Jake garda le silence. La jeune femme continua :

- Elle a reçu un violent coup à la tête mais heureusement, trop insuffisant pour provoquer un comas. Elle a été bien assommée mais sans plus. Enfin, je veux dire, si on ne compte pas sa jambe…

- Sa jambe ?

- Oh non, ne vous inquiéter pas, c'est une simple entorse. Votre amie a eu beaucoup de chance !

Jake n'en revenait pas. Il posa une tonne de question à la jeune femme, qui se fit un plaisir de lui répondre. Non, elle était seule à bord. Et oui, apparemment, elle a eu un petit problème de freins. Mais il y avait une question plus importante qui trottait dans la tête de Jake :

- Pourquoi m'avoir appelé ?

- Disons qu'il nous a été impossible de contacter sa famille. Et comme elle a passé la nuit à vous réclamer… »

Cette nouvelle fit l'effet d'un choc sur Jake. Sarah avait pourtant décidé de ne plus le revoir après sa découverte sur les nanites. Il n'avait eu aucune nouvelle d'elle pendant 2 mois. Et là, elle voulait le voir. Jake s'empara d'un bloc-notes et d'un crayon. Il demanda quelques informations sur le service et la chambre de Sarah. Puis, il remercia la jeune fille et raccrocha. Il vit les gouttes d'eau s'écraser sur ses fenêtres. Le vent soufflait fort. Jake resta un moment sans bouger. Tout se bousculait dans sa tête…

Il finit par se lever, décrocha en hâte un vieil imperméable et sortit de chez lui. Sur le trottoir, il fit signe à un taxi. Ce fut un homme d'une cinquantaine d'année qui s'arrêta. Jake grippa à bord, s'excusa de le déranger si tard – l'homme devait probablement rentrer chez lui – mais il ne se sentait pas capable de conduire. L'homme lui sourit et lui demanda où ''M. 20h'' voulait se rendre.

« Le centre hospitalier s'il vous plaît… »

Jake y passa la nuit, au chevet de Sarah. Les infirmières l'avaient autorisé à rester dormir s'il le voulait. Mais Jake préféra s'asseoir dans un fauteuil, près de Sarah. Il avait pris sa main dans les siennes. Durant quelques minutes, elle s'était réveillée. Heureuse de le voir près d'elle. Jake lui avait promis de rester…

A l'autre bout de la ville, dans son appartement, le téléphone sonnait. Encore et toujours. Dans le vide. Cette nuit-là, Diane essaya de l'avoir une bonne vingtaine de fois, sans succès. Et comme Jake avait éteint son portable, pour ne pas déranger Sarah – et puis, tout le monde sait qu'ils sont interdits dans les hôpitaux ! – Diane finit par abandonner.

A suivre…