VI
Le Pyrrhos n'avait, à première vue, pas l'air d'un bar des plus fréquentables. Il se situait légèrement en périphérie de la Ville, dans une petite rue mal éclairée. Sa façade était décrépite et sale. Lily ne put s'empêcher de mettre Indiana en garde contre d'éventuels dangers.
Vous avez peur ? Lui demanda –t-il.
Non, mais cet endroit ne m'a pas l'air d'être occupé par des enfants de chœur. Indy poussa la porte du bar et fut happé par la pénombre rouge et les volutes des fumées de cigares. Il se dirigea droit vers le barman.
Où est-ce que je peux trouver Roméo ? L'homme, sans un mot, tourna sa tête vers la porte qui se trouvait derrière lui. Indy abaissa légèrement son chapeau et entra, suivit de Lily. Ils descendirent quelques marches et débouchèrent dans une salle de jeux. Des tables rondes étaient occupées ça et là par des hommes absorbés dans leurs cartes, la cigarette à la bouche et le verre de whisky à la main. Le fameux Roméo jouait au billard dans le fond. Il aperçut le couple et se dirigea vers eux.
Mr Jones, Mademoiselle…Vous voulez boire quelque chose ?
Whisky s'il-vous plait. Roméo fit signe au serveur. Et vous ? Demanda-t-il en se retournant vers Lily.
Venez-en tout de suite aux faits, répondit-elle sèchement.
Très bien… Roméo lança un regard vers Indiana, cherchant dans ses yeux la complicité masculine face à la réaction de cette femme insolente, mais celui-ci ne lui envoya qu'un sourire désabusé par l'habitude. Ils prirent place sur les hauts tabourets placés devant le bar.
La nuit où Evans est mort, j'étais encore sur le chantier. Tous les autres étaient partis, mais moi, non. J'avais encore deux trois petites choses à faire, au sujet de cette porte.
Quelle porte ?
J'y reviendrais plus tard. Toujours est-il que Evans était encore là. Il travaillait toujours très tard, absorbé qu'il était dans ses recherches. Plusieurs voitures sont arrivées sur le site. Les deux allemands que vous connaissez sont sortis de la première. Je ne les avais jamais vus auparavant. Je ne pense pas d'ailleurs qu'ils soient vraiment autorisés à reprendre les fouilles, mais ce n'est que mon humble avis. Enfin bref… Ces deux hommes, sans me voir, se sont dirigés vers le Palais. J'ai essayé de les suivre discrètement, mais je n'ai malheureusement pas réussi à surprendre leur conversation. Ce que j'ai entendu, en revanche, c'était le coup de feu. Lily sursauta. Oui, mam'zelle ; Evans n'est pas mort. Il a été assassiné. Lily se tourna vers Indiana.
Je m'en étais toujours douté, fit-il avec un geste pour prier Roméo de continuer.
Les Allemands se sont débarrassés de son corps en le jetant à la mer. Le lendemain, quand je suis revenu sur le chantier, ils avaient déjà fait courir le bruit d'une attaque cardiaque.
Et pourquoi vous n'avez rien dit à la police ? S'insurgea Lily.
Vous rigolez ma p'tite dame ! Je préfères ça que d'avoir deux nazis collés au cul, sauf vot' respect.
Vous êtes un lâche !
Eh ben ouais, mais je tiens à ma peau ! Indy coupa court :
Si vous n'avez rien de plus à nous révéler, nous pouvons mettre fin à cette conversation.
Attendez ! Si, il y a autre chose : avec les gars nous venions juste de découvrir l'entrée d'une salle étrange dans l'aile ouest. Si je dis ça, c'est qu'elle ne ressemblait pas aux autres. Elle était couverte de symboles bizarres. On n'a toujours pas réussi à l'ouvrir. Le soir de la mort d'Evans, c'est ce que j'étais en train de faire. Ça m'intrigue, cette affaire-là. M'est avis qu'il y a un secret derrière tout ça, et que ça a un rapport avec les nazis.
Vraiment ?
Je pense qu'ils recherchent quelque chose de particulier. Car Evans, qui n'était pas très discret, avait tout révélé dans les journaux quelques jours auparavant, au sujet du cercle qu'il a trouvé à Phaistos.
Son indiscrétion lui aura coûté cher.
Mais que recherchent-ils ?
On dit qu'il y aurait un immense trésor. Mais ce ne sont que des rumeurs. En tout cas ce IL, ils LE recherchaient déjà au Guatemala.
Pardon ?
Oui, c'était là qu'ils étaient avant de venir ici. Des rumeurs. Mais je n'en sais pas plus. Roméo se tut quelques instants, reprit ses faux airs de bête traquée, et s'évanouit avec la souplesse d'un chat. . Lily voulu dire à Indy qu'il en faisait peut-être un petit peu trop, mais celui-ci semblait perdu dans ses pensées.
Evans assassiné ? Vous croyez que c'est vrai ? Demanda-t-elle.
Mais sans aucun doute ! Comment pouvez vous ne pas en être sûre ? Le colonel Jelinek est capable de tout.
Mais que faisaient-ils au Guatemala ?
Ça, Brody le saura mieux que nous.
Indy finit son verre de whisky d'un trait, reposa son feutre sur sa tête d'un geste sûr, en lissa le bord et entraîna Lily vers la sortie. Ils passèrent la porte pour retrouver la fraîcheur d'une nuit des plus obscures. Aucune clarté tombée des étoiles n'éclairait les rues étroites, et un silence suspect régnait. Lily avançait, occupée à ressasser leur conversation précédente. Indy, l'oreille à l'affût du moindre bruit, repéra soudain des pas trop réguliers derrière eux. Il força Lily à accélérer la cadence, mais soudain le cercle de métal glacé d'un canon de revolver se posa sur sa nuque. Il stoppa net, et avec un réflexe admirable se retourna sur le champ pour saisir la main de son agresseur. Il abaissa le canon vers le sol et lui décocha un rude coup de genou qui le fit se plier en deux sans comprendre ce qui lui arrivait. Indy lui tordit le bras en arrière pour le forcer à parler.
Qui te paye ? Hurla-t-il à l'homme penché sur le sol, le visage tordu de douleur. L'inconnu ne répondit pas aussi vite qu'il l'avait espéré aussi il renforça sa prise. L'homme hurla :
Un colonel ! Il m'a donné mille drachmes pour vous éliminer !
Un S.S. ?
Oui ! Mais lâchez-moi, vous allez me casser le bras !
J'aurais préféré ! Mais il lâcha le bras tout de même et l'homme s'enfuit sans demander son reste.
Et que je ne te revoie plus !
Indiana et Lily continuèrent leur chemin, après qu'Indy eut ramassé le revolver que l'autre avait lâché.
J'ai l'impression que cette pierre a beaucoup d'importance…en tout cas plus qu'on ne l'aurait pu imaginer, dit Lily.
Tout ce qui appartient au passé a beaucoup d'importance à mes yeux.
Je crois qu'il nous faudrait jeter un coup d'œil à cette porte dont nous a parlé Roméo.
Tout a fait d'accord avec vous. Mais avant, allons demander à Brody ce que ces allemands faisaient au Guatemala.
Ainsi fut fait. Marcus Brody leur répondit sur le champ qu'en réalité, ils recherchaient là-bas la civilisation perdue de L'Atlantide. Ils avaient déterré des cadavres vieux de plus de mille ans, à la morphologie du crâne inconnue jusque là. Ils avaient certes découvert une ancienne civilisation, mais pas celle qu'ils recherchaient.
C'est pourquoi, dit Indy, ils sont venus jusqu'ici alors.
Voilà qui corrobore ma thèse sur le trésor de l'Atlantide, conclut Elise Carpentier. Ça n'était pas si idiot que ça.
