VII

Lily et Indiana se rendirent immédiatement après sur le chantier. Indy alluma deux torches à l'entrée du palais, et en donna une à la jeune fille. Il ajusta sur son épaule la besace qui contenait tous ses instruments, et dont il ne se séparait jamais, pour entrer dans les profondeurs des couloirs. De nuit, le palais de Cnossos n'avait absolument pas le même aspect. L'air était froid et s'engouffrait avec des hurlements entre les épais murs de pierre. Les torches lançaient des lumières tremblotantes sur les peintures naïves. Lily se rapprocha d'Indy.

Vous avez peur ? Lui lança-t-il d'un air cynique.

Pas le moins du monde. Je cherchais simplement à ne pas vous perdre. Je n'aimerais pas qu'un de nos allemands nous retrouve ici.

Vous avez raison. Et il lui posa une main protectrice sur l'épaule.

Enlevez vos sales pattes de là, grimaça-t-elle en retirant la main avec brusquerie.

Mademoiselle est de mauvaise humeur ? Lily secoua la tête, navrée, et ne répondit rien. Ils se retrouvèrent bientôt à la croisée de trois nouveaux couloirs.

Et maintenant, où allons nous, princesse ?

A droite, répondit-elle d'un ton catégorique.

Et comment pouvez vous en être aussi sûre ?

Je ne sais pas, intuition féminine, sans doute.

Alors dans ce cas, j'irais à gauche.

Faites donc ce qu'il vous plait, Monsieur Je-sais-tout.

ls se séparèrent ici, Indy avec un sourire amusé sur les lèvres, et Lily une moue boudeuse. Les deux lumières des torches s'éloignèrent de part et d'autre dans l'obscurité.

Intuition féminine, pensa Indiana, non mais tu parles…

Il continua à avancer entre les couloirs et les salles, faisant confiance à sa légendaire sagesse d'archéologue pour trouver la fameuse porte. Il tourna plusieurs fois à droite, à gauche, prit de nombreux escaliers, pour finalement s'apercevoir qu'il était repassé plusieurs fois devant cette fameuse fresque où un jeune homme sautait au-dessus d'un taureau. Il soupira d'exaspération. Ce n'était pas pour rien que l'on avait pris ce palais pour le labyrinthe du minotaure.

Bon, vous aviez raison, Lily, cria-t-il. Mais où êtes-vous, bon sang ? Seul son écho lui répondit. Ce n'est pas vrai…

Il scruta les alentours et décida de monter les trois marches en face de lui, sachant pertinemment qu'il n'y avait rien là. Pourtant, il aperçut au fond du corridor une grande lumière. Il avança encore, et vit Lily plantée devant un mur que trois lampes à huile entouraient. En y regardant de plus près, il vit que ces torches étaient en réalité trois petites statues de prêtresse au serpent. Les flammes dansaient au bout des têtes de reptiles.

Mais comment diable avez-vous su que ces statues… ?

Il s'interrompit, fixant des yeux ronds sur la jeune fille. Celle-ci semblait absorbée dans la contemplation du mur, et murmurait des mots incompréhensibles. Indy fit plusieurs fois des yeux le chemin entre le mur et la jeune fille. Alors, il compris tout. Sur le mur était dessinée, au milieu d'une série de signes incompréhensibles, une jeune crétoise aux yeux en amande et à la coiffure retenue par des bandelettes. Mais, chose étrange, cette jeune fille n'avait pas les yeux sombres communs aux crétois d'antan, ils étaient d'un bleu limpide. Cette jeune fille tenait dans sa main un disque tout semblable à celui de Lily et du professeur Evans.

Quant à Lily, elle était plongée dans une sorte de transe, et répétait inlassablement les mêmes mots, de plus en plus fort. Indiana l'écouta quelques secondes pour tenter de saisir le sens de ces paroles. Il connaissait presque toutes les langues existantes, pourtant celle-ci lui échappait totalement. Il savait que cela ressemblait un peu à du grec ancien, mais de loin et avec un accent des plus étranges, comme une chanson, telles les psalmodies des druides celtes.

Lily parlait toujours de plus en plus fort. Tout son corps était pris de tremblements, et elle se balançait d'avant en arrière, serrant dans ses deux mains le médaillon. Soudain ses mains se mirent à rougir, elle les ouvrit, et Indy put voir le médaillon, comme incandescent, se mettre à flotter dans l'air. Celui-ci alla de lui-même s'encastrer dans le mur, à l'endroit précis où était dessiné celui de la jeune crétoise ; jeune fille qui ressemblait, Indy s'en rendit compte maintenant, de manière frappante à Elise Carpentier.

Le médaillon perdit alors instantanément sa couleur rouge vif, et se mit à fumer comme si on l'avait plongé dans l'eau. A cet instant précis, Lily arrêta sa litanie et s'effondra sur le sol. On aurait dit que sa transe l'avait épuisée. Les trois lumières disposées en triangle s'éteignirent. Indy posa sa torche en équilibre sur le mur et envoya quelques gifles magistrales dans la figure de la jeune fille. Elle ne se réveilla pas. Alors il la prit dans ses bras, coinça la torche comme il put, et entreprit de sortir du Palais tant bien que mal. Ce n'était pas sans raison qu'on avait assimilé ce palais au labyrinthe de roi Minos, pensa-t-il une nouvelle fois, rageur. Deux heures après, il réussit enfin à en sortir, complètement épuisé, Lily toujours évanouie dans ses bras.

Une silhouette, après que la jeep eut démarrée, sortit à son tour du labyrinthe et regagna son campement. C'était Heidberg, qui les avait suivi, et avait assisté à toute la scène.