VIII
Lily se réveilla une heure plus tard, allongée dans le lit d'Indiana Jones. Elle n'osa pas demander qui avait eu l'outrecuidance de remplacer son tailleur habituel par une nuisette blanche, mais elle s'en doutait quelque peu. Indiana la veillait. De toutes façons, elle était encore plongée dans une brume épaisse qui résultait du choc qu'elle avait subi. Tout lui remonta à la mémoire d'un seul coup. Indy, voyant qu'elle avait ouvert les yeux, se tourna vers elle.
Vous allez mieux ? Lily acquiesça.
Je crois que vous avez des choses à me dire, dit-il d'une voix douce. Lily acquiesça. Et à partir de cet instant, elle ne s'arrêta plus de parler.
Je savais dès l'entrée du palais où se trouvait la porte, et je me suis dirigée droit vers elle.
Ce n'était pas une porte, c'était un mur. Elle lui lança un regard courroucé.
Vous allez me laisser continuer ? C'était La porte. Quand je me suis approchée de cette porte, donc, j'ai été prise comme d'un choc électrique. Mon corps était saisi de tremblements.
Ça, je l'ai bien vu.
Vous avez fini ? Indy fit le geste de se pincer la bouche. Lily reprit :
Alors, à ce moment là, tout autour de moi est apparu tel que c'était il y a 3500 ans. Toutes les peintures étaient comme neuves, il faisait grand jour, les toits n'étaient pas effondrés, et les statuettes étaient en parfait état. J'ai su qu'il me fallait les allumer. La jeune fille sur le mur, c'était moi. Car il n'y a que moi pour pouvoir ouvrir cette porte. Je le sentais. Instantanément des paroles me sont revenues en tête, vous savez, comme une vieille comptine qu'on chantait étant enfant, et qui vous revient soudain en mémoire d'un coup, à cause d'une odeur, d'un endroit… Et ces paroles, je vais vous dire ce qu'elle m'ont appris : je suis Euryanassa, réincarnation de la petite fille du roi Minos et dernière prêtresse sacrée du dieu Rhadamanthe. Moi seule ai le pouvoir d'ouvrir la Porte qui conduira au trésor qui s'y cache.
Quel trésor ?
Je ne saurais le dire. Depuis 3500 ans, depuis le grand incendie, cette porte est scellée. Certains disent que ce serait le taureau qu'aurait offert Poséidon à Minos, d'autres que ce serait la Porte d'un nouveau monde. Les gardiens du trésor ne le savaient pas eux-mêmes. Ils l'ont sellée d'un sort quand ils ont su que les Mycéniens allaient les envahir.
Je pense que nos allemands croient à la première hypothèse. Seuls les trésors palpables les intéressent. Or selon le journal d'Evans, que je viens de terminer, ce taureau, qui engendra la minotaure, a été moulé en or pur après sa mort. Et comme c'était, comme le dit la légende, le plus grand jamais rencontré, ça doit faire une petite fortune. Mais, avez-vous pris connaissance d'autre chose lors de votre…transe ?
Oui. Je sais que cette porte ne s'ouvre que lorsque les sept planètes du système solaire se trouvent parfaitement alignées.
Je me rappelle maintenant notre conversation avec Marcus. Vous aviez raison.
Oui. La dernière fois que la Porte a été ouverte, cela a déclenché une catastrophe sans précédent.
Laquelle ?
Mais le raz-de-marée, bien sûr. Il a en plus englouti la partie de l'île où se trouvaient les trois statues.
Pardon ?
Les statues des trois gardiens des enfers : les trois frères Minos, Rhadamanthe et Eaque. Minos était aussi un dieu. En fait, trois offrandes doivent être déposées aux pieds des statues au moment même où trois autres les sont auprès des statues des prêtresses au serpent. La jeune fille légataire de la pierre, autrement dit moi, doit être devant la Porte à ce moment même. Et alors la Porte s'ouvrira. Normalement.
Une offrande aux gardiens des Enfers ? Lily acquiesça. Alors je penche finalement plutôt pour la deuxième solution. Et notre nouveau monde serait en réalité le monde des morts. Mais que veulent dire alors les signes sur votre médaillon ?
Ça je n'en sais rien.
Ce qui est étrange, c'est que Evans a trouvé la Pierre non pas près de la Porte, mais au nord-est, à l'endroit le plus élevé du palais.
Oui, étrange, en effet. Nous n'avons plus qu'à attendre dimanche soir pour savoir.
C'est-à-dire demain.
Déjà ? Le temps passe vite ici…Lily bailla et s'étira sur le lit. Indy fit le geste de la repousser.
Voilà des jours que je dors sur le lit d'appoint…J'ai le dos en compote. Ne pourrions nous pas échanger au moins une fois ?
Ah non, pas question. Il posa un genou sur le lit et s'approcha d'elle. Elle lui fit une moue adorable.
S'il-vous plait…Il s'approcha encore plus près.
A une condition.
Laquelle ? Il s'approcha encore un peu, et l'embrassa. Lily, pour une fois, se laissa faire et ne dit rien.
