Commentaire : Pour les noms chinois, hormis celui de Feilong, j'ai conserve les caractères accentués. Donc Tao devient Táo, par exemple. Il ne s'agit donc pas d'une faute, simplement de la retranscription en pinyin des Kanji utilisés par Ayano.

Chapitre 1 – Lose You Tonight

Táo était le genre de garçon à être toujours joyeux. Il était bien dommage que son nom signifie quelque chose d'aussi rustique qu'une jarre de terre cuite (1) car il ressemblait perpétuellement à une boule de poil, un hamster (2). Il en avait le regard, brillant comme deux billes émerveillées et joyeuses devant un paquet de graines de maïs. Et lorsqu'il était en colère, il gonflait légèrement les joues, comme un rongeur ayant un peu trop rempli ses bajoues des mêmes graines de maïs tant désirées et s'apercevant trop tard qu'il risquait l'indigestion.
Même lorsqu'il était attristé, il tentait de garder le sourire. Certains auraient sans doute jugé Táo comme un idiot avec leur manie des étiquettes mais il aimait faire plaisir à son maître, même s'il n'était pas quelqu'un de recommandable au vu de sa vie professionnelle. Pour lui, faire plaisir signifiait être autant que possible d'humeur allègre, comme un petit hamster dans un paradis fait de maïs soufflés au miel. Et les seuls moments où il affichait une expression autre que joyeuse, c'était lorsque son maître était particulièrement préoccupé.
A vrai dire, ces derniers temps, cela arrivait plus fréquemment que le garçon l'aurait voulu.
Il avait bien remarqué que Feilong était rentré troublé du Japon, il y avait de cela quelques semaines, mais il n'avait guère osé le questionner bien longtemps sur son état d'humeur. Il avait conscience d'avoir de la chance de servir Liu Feilong, beaucoup de chance, et il faisait de son mieux pour satisfaire celui-ci, malgré sa constante maladresse qui l'amenait à casser tout ce qui se trouvait entre ses mains. Il n'aimait pas voir son maître triste, il était si gentil avec lui et ne se mettait jamais en colère lorsque Táo cassait une tasse de thé.
Pourtant, malgré ses bonnes résolutions, Táo avait une humeur pouvant le pousser à entailler des briques avec la main tout en poussant des cris suraiguë. Il ne savait pas pourquoi son maître était aigri mais cela ne lui plaisait pas. Il en était même mal à l'aise.
Si Táo en avait su plus sur la vie passée de Feilong, il aurait deviné que la raison de cette bien mauvaise humeur commençait par un A, finissant par un I.
Malheureusement, Táo n'était qu'un garçon aux yeux de hamster et au nom étrange ayant des désirs bien simples. Les histoires dramatiques de trahisons, de manipulations et d'amours déçus entre mafieux adeptes des tragédies shakespearienne avec du sexe lui passaient totalement par dessus la tête. C'était heureux, vu son jeune âge, qu'il ignore ce que Feilong était capable de faire à une autre raison commençant par A et finissant par O. Il en aurait certainement blêmit avant de reconsidérer son dévouement comme un hamster déçu devant un paquet de graines de maïs moisies.

« - A quoi penses-tu ? »
La voix de Feilong tira Táo de ses songes plein d'inquiétudes. Il chercha un endroit où poser son regard et ne trouva rien de mieux que les longs cheveux noirs de son maître, qu'il tenait entre ses doigts et tentait de peigner.
Il y avait de cela quelques temps, Feilong lui avait prétendu que tout allait bien et que sa blessure était depuis longtemps guérie. Mais Táo doutait des paroles rassurantes de son maître. Il était persuadé que cette cicatrice continuait à le faire souffrir mais qu'il ne le disait pas ouvertement pour éviter de l'inquiéter. Avait-il conscience de provoquer l'effet inverse ?
Táo se força à sourire tout en faisant glisser le peigne le long des cheveux ébènes. Il aimait ces cheveux. Ils étaient doux et brillants. Comme les cheveux d'une femme, en fait.
« - Je suis un peu distrait aujourd'hui, Fei-sama… Excusez-moi… »
Il risqua un regard en direction du reflet de Feilong, dans la glace. Celui-ci restait de marbre, les sourcils simplement froncés, amenant une légère ride sur son front. Sa peau était encore humide mais, comme à son habitude, il ne semblait guère se soucier de prendre froid en ne se séchant pas.
« - Je serai sans doute absent ces prochains jours, » murmura-t-il après un instant de silence pesant.
Táo immobilisa durant une seule et unique seconde le peigne mais reprit bien vite son ouvrage en conservant un sourire qui se voulait radieux. Il mourait d'envie de le questionner. Il ne put s'empêcher de le questionner.
« - Vous allez quelque part en voyage ? » questionna-t-il les yeux brillants d'intérêt.
Il aurait aimé ajouter « emmenez-moi avec vous » mais il savait d'avance que la réponse serait négative.
« - Je ne quitte pas Hong Kong mais je serai tout de même absent. Tu t'inquiètes encore, n'est ce pas ? »
Feilong se tourna à demi vers lui, un étrange sourire sur les lèvres. Ce genre d'expression que Táo n'arrivait pas à interpréter avec exactitude. Ce n'était pas de la joie, ni de la colère, ni de la tristesse. Peut-être cela signifiait-il simplement qu'il n'en dirait pas plus sur ses affaires mais qu'il le remerciait malgré tout de se soucier de lui. En tout cas, Táo espérait ne pas se tromper quant à l'interprétation de ce sourire.
Lentement, le peigne reprit son mouvement pour démêler la chevelure trempée.

Tomoki restait prostré sur sa chaise. Il n'aimait pas lorsqu'on lui faisait la morale ou qu'on lui ordonnait de s'expliquer. Son regard se faisait vide alors qu'il fixait ce garde du corps dont il n'avait jamais retenu le nom. Un homme d'une cinquantaine d'année mais solide comme un roc. Le flot de paroles se déversait mais Tomoki n'y répondait pas.
« - Est-ce que vous pensez un peu à votre père ? » tempêta l'homme avec un geste énervé des mains.
Le jeune homme tressaillit à entendre ce mot et ferma les yeux comme s'il venait de recevoir un coup.
« - Quel 'père' ? » demanda-t-il d'une voix triste.
Ce n'était pas un geste de rébellion de la part de Tomoki que de poser cette question. Elle était hélas sincère. Il ne pouvait considérer « cet homme » comme son père, car lui ne l'avait jamais reconnu comme son fils. Ils ne se voyaient que rarement. C'était lui qui avait insisté pour emmener Tomoki à Hong Kong mais… Il ne l'avait vu qu'une fois, lors de leur arrivée, puis plus rien… Pas un mot, il était parti.
« - Je ne sais pas pourquoi j'ai fait cela, » ajouta-t-il comme s'il jugeait finalement bon de s'expliquer. « Je ne pensais plus à rien et le vide m'attirait. »
Ce n'était certainement pas la chose à dire car les sourcils de l'homme se contractèrent nerveusement. Mais il ne parla pas.
« - Que fait donc monsieur Imaya de si important pour me laisser ici tout seul ? » questionna Tomoki, désireux de changer de sujet.
Il n'eut le droit qu'à un silence gêné. Son regard revint sur le garde du corps et il tenta de décrypter son expression.
« - Pourquoi ne voulez-vous pas me répondre. S'il n'a pas daigné que je l'accompagne, au moins pourrai-je savoir ce qu'il fait ? Encore en train de négocier pour l'entreprise de sa famille peut-être ? » questionna-t-il d'un ton las.
« - Non. » L'homme marqua une seconde d'hésitation, craignant peut-être d'être écouté par des oreilles indiscrètes. « Il n'a rien voulu vous dire par peur de vous inquiéter. Un procès va avoir lieu. Il est le… Témoin principal. Et vu contre qui il doit témoigner, il vaut mieux pour lui ne pas se montrer… Vous comprenez. »
Non, Tomoki ne comprenait pas. Pas du tout. Il était même abasourdi par la nouvelle offerte ainsi, sans vraiment de tact. Cet homme se cachait et… Et lui alors ? Pourquoi ne lui avait-on rien dit ? Pourquoi l'avait-on amené ici ? Il restait dans cet appartement de luxe, en plein centre-ville, avec un seul et unique garde du corps ? Comme s'il ne risquait pas d'être pris pour cible ? Ou bien justement dans l'espoir que sa présence face diversion ? C'était… Il ne comprenait plus rien. Car il ne trouvait pas de logique à cela. Personne ne pensait donc à lui dans ce monde ? Il aurait préfère que cela fusse une blague mais l'air sérieux et grave de l'homme lui faisait comprendre qu'il n'y avait aucun mensonge.
« - Comment voulez-vous que j'appelle cet homme mon père. Il ne songe qu'à son intérêt, » murmura-t-il d'une voix où perçait des larmes de colère.
Et Tomoki se leva de sa chaise avec violence, manquant de la renverser. Il respira un grand coup pour essayer de reprendre le contrôle de ses émotions. Il ne voulait pas se mettre à pleurer. Surtout pas ici, en compagnie d'une autre personne. Mais il était en furieux et surtout blessé.
« - Très bien. Je sors. Je n'ai pas envie d'être accompagné. Mais, rassurez-vous, je ne compte pas sauter sous le premier bus venu. J'ai juste besoin de prendre l'air. De réfléchir.
« - Vous n'avez que 18 ans, vous pensez vraiment que je vais vous laisser partir comme ça pour que vous puissiez vous saouler dans un bar ? » tempêta à nouveau le garde du corps.
« - Dans ce pays, je suis majeur (3). »

En vérité, Tomoki ne comptait pas se saouler. Il aurait pu le faire mais se noyer dans l'alcool… Ce n'était pas son genre. Il avait simplement besoin de se distraire, de se changer les idées. Et de ne plus penser à cet homme dont les actions lui paraissaient souvent incompréhensibles.
Il avait aimé ce père, jusqu'à l'adolescence, où il s'était rendu compte qu'il serait à jamais un enfant illégitime. Chaque tentative pour se rapprocher de lui avait lamentablement échouée. Et finalement, il s'en était éloigné. Ce n'était pas arrivé du jour au lendemain mais le fossé s'était creusé, jusqu'à aujourd'hui où monsieur Imamiya était devenu un inconnu.
Jamais la famille de son père ne le reconnaîtrait. Et jamais son père ne le reconnaîtrait. Il profitait pour le moment de la richesse de celui-ci mais, lorsque cet homme mourrait, il n'aurait plus rien, il finirait à la rue. Car personne dans la famille Imaya se soucierait de son futur. Lorsqu'il croisait leurs regards, tout ce qu'il voyait c'était du dégoût. Tomoki n'aurait jamais du naître, il était le fruit d'une erreur.
A présent, il se sentait comme un enfant perdu. Abandonné par celui qu'il n'arrivait même plus à considérer comme son père. Pourquoi l'avoir emmené à Hong Kong avec lui si c'était pour sa cacher sans même l'avertir du danger ? Son esprit lui murmurait qu'il n'était qu'un appât mais Tomoki refusait d'y croire. Malgré tout, il cherchait à se raccrocher à une autre explication. Peut-être monsieur Imaya ne savait-il pas en venant ici qu'il aurait à se cacher. Peut-être que la police ne pouvait assurer à la fois la protection de monsieur Imaya et la sienne.
Oui, c'était certainement cela.
Certainement…
Il n'y croyait pas.

Lorsque le taxi s'arrêta enfin, ce fut comme si Tomoki sortait d'un songe éveillé. Il battit des paupières avant de jeter un coup d'œil à l'extérieur. Beaucoup de lumières. Multicolores. Des enseignes, encore des enseignes. Et des gens partout.
Il régla le chauffeur d'un air distrait avant de descendre.
C'était la première fois qu'il venait dans ce genre d'endroit. Même à Kyoto, il n'avait jamais fréquenté de bars ou de boites de nuit. Ses amis le faisaient pourtant mais lui, ah lui… A vrai dire, cela ne l'intéressait guère d'aller dans ce genre d'endroit pour être obligé de séduire des filles. Il n'y pouvait rien, malgré ses efforts elles ne l'attiraient pas. Et personne n'était au courant. Personne ne devait l'être. Cela aurait causé une foule de problèmes.
Il en avait déjà assez des problèmes.
Les gens étaient hypocrites avec l'homosexualité. Ils faisaient semblant de comprendre et de respecter mais cela ne les empêchait pas de poser les éternels questions comme « ça te passera un jour, quand comptes tu te marier et avoir des enfants ? » ou l'autre variante « c'est juste une préférence, n'est ce pas ? Rien ne t'empêche de te marier et… » Et lorsqu'on tentait de s'expliquer, les réponses étaient tout simplement « je ne comprend pas » ou « c'est dégoûtant, tu n'es pas normal ».
Les filles, c'était bien le pire dans l'histoire. On pouvait s'attendre de leur part à un minimum de compréhension. Elles s'abreuvaient de manga et de littérature portant sur l'homosexualité jusqu'à l'overdose. Mais… Non. Elles savaient tout au contraire enfoncer le couteau dans la plaie. Car la fiction était la fiction. On ne pouvait pas envisager dans la réalité que son meilleur ami ou son frère soit gay.

Tomoki entra dans la boite de nuit après un rapide examen du videur. Ses tympans faillirent exploser face à la violence de la musique. A l'extérieur, il ne s'était pas rendu compte à quel point elle allait fort.
Il se demanda quel plaisir on pouvait trouver à s'enfermer dans un tel bâtiment. L'odeur de la cigarette lui donna la nausée, la masse de corps gesticulant des vertiges. Et cette musique assourdissante un mal de crâne mémorable.
Et puis, il faisait sombre, si on omettait les quelques trombinoscopes.
Il prit toutefois son courage à deux mains. Il aurait eu honte de rentrer sur le champ sans faire l'effort de s'accommoder à cette ambiance… Schizophrénique. Il avait décidé de sortir pour tenter de mettre un peu d'ordre dans ses pensées et se détendre, alors il sortirait. Aussi déplaisant était cet endroit, il ne pouvait l'être plus que le mépris de cet homme qui l'avait abandonné.
Tomoki se faufila entre les tables, essayant de faire abstraction du désordre environnant et de ce qu'il percevait après s'être accoutumé à l'ambiance. Il y avait deux femmes sur sa droite qui… Qui s'embrassaient… Et il n'avait jamais vu ça. Enfin, seulement à la télé, et non pas en vrai. Et ça le rendait perplexe. Même curieux. Car il n'avait jamais cru que l'on puisse oser s'exposer ainsi, même dans une boite de nuit dont le public était à priori homosexuel. Plus encore en Chine. Mais il se souvenait avoir lu quelque part que Hong Kong était plus « libérée » que le restant du pays.
C'était vraiment fantastique, en fait !
Bien entendu, Tomoki ne connaissait pas grand chose à la vie. Si cela avait été le cas, il aurait peut-être évité de traîner dans ce genre d'endroit qui, pour n'importe quelle personne un peu informée, était très mal fréquenté. Toutes les boites de nuit du monde ont leur pourcentage de drogués et de personnes malsaines. Mais certaines ont l'apanage d'un pourcentage plus important que les autres.
N'importe qui d'un peu censé aurait déjà fait demi-tour sans demander son reste.
Malheureusement, Tomoki souffrait du complexe du papillon attiré par la lumière d'une lampe. Il ne se rendait compte de rien ! Ses ailes pouvaient bien brûler…
Lorsqu'il s'installa au bar et demanda à jus de fruit, il ne remarqua même pas le sourire goguenard du barman.

Ce qu'il y a de bien avec tous les cocktail banane-quelque-chose du monde, c'est qu'ils ont tendance à rendre euphorique même la plus solide des pierres tombales. « Le quelque chose », communément appelé Rhum, qu'on y ajoutait en douce était certainement une des causes à cette détente soudaine du buveur inconscient.
Tomoki venait d'acquérir en quelques minutes et trois verres ingurgités le point de vu du buveur de cocktail banane-quelque-chose. Il était au moins deux fois plus heureux et naïf qu'à son entrée dans la boite de nuit et une partie de lui avait même envie d'aller danser.
Et puis, il ne l'avait pas remarqué avant mais il y avait plein de garçons mignons.
D'ailleurs, un garçon très mignon venait de s'installer à côté de lui pour lui parler. Et Tomoki afficha un sourire idiot de contentement sur ses lèvres.
Il y eut quelques paroles échangées. Paroles d'une futilité sans nom mais qui prenaient soudainement une apparence savante sous l'effet de l'alcool. Des murmures confidents à l'oreille et des sourires plein de confiance, parfois séducteurs. Les sensations données par des lèvres sur la peau. Les lèvres sur ses doigts, son front ou près de son oreille le charmaient. Elles étaient tièdes et si douces. Le garçon tendait le visage pour recevoir des marques d'attention.
Tomoki agissait comme dans un rêve. Tout était possible, il n'y avait plus aucun interdit, jugement, condamnation de la part d'autrui. Il n'avait qu'à tout simplement ouvrir les mains pour recevoir de l'affection. Peut-être un peu plus. Mais il avait l'âme d'un enfant. La douceur qu'il imaginait, dont il avait envie, n'était certainement pas la préoccupation première du charmeur à ses côtés.
Il ne s'en rendait pas compte.
« - J'ai quelque chose à te montrer. »
Tomoki entrouvrit les yeux lorsque les doigts effleurèrent sa joue. « De si beaux yeux noirs », pensa-t-il. Des yeux auxquels on ne pouvait rien refuser. Ils auraient damné un saint. Mais c'étaient les cheveux, blond et légèrement bouclés aux pointes, qui l'attiraient le plus.
Quelque chose à lui montrer ?
La curiosité l'avait envahi au murmure secret. Le jeune homme posa la main sur la sienne pour le tirer à sa suite et il se laissa entraîner sans se poser de questions.
Quelques instants plus tard, il se retrouvait dehors. L'air frais lui fit du bien, il n'avait pas remarqué auparavant à quel point il faisait étouffant dans cette boite de nuit. A moins que cette chaleur ne provienne de lui-même ? Tomoki se mit à rougir du haut de son petit nuage de bonheur. Il se cassa bien vite la figure de celui-ci en se retrouvant plaqué contre le mur, une bouche dévorant la sienne sans retenue.
Ce n'était pas réellement sa conception de l'amour – qui tenait plus de l'amour courtois que du « youpi, faisons un rodéo sauvage dans une ruelle sombre et sale ! » - et la notion de danger émergea enfin dans son esprit toujours sous l'emprise euphorique de l'alcool.
Il ne voulait pas… Pas comme ça !

Tomoki chercha à se libérer et à repousser ce jeune homme qui n'avait soudainement plus rien de mignon à ses yeux. Comment avait-il pu se laisser aveugler ainsi ? Qu'avait-il fait surtout ! Se jeter naïvement dans la gueule du loup ! Il avait peur, il n'arrivait pas à le cacher.
Une pulsion le prit alors, sans doute guidé par son instinct de survie, et son genou se releva pour aller heurter l'entrejambe de son agresseur. Il couina piteusement tout en le relâchant et Tomoki en profita pour fuir. Enfin, tout du moins, essaya de fuir…
Deux autres hommes qu'il n'avait pas remarqué jusqu'à présent lui sautèrent dessus pour le ramener contre le mur tandis que le séducteur échaudé jurait à propos de ses parties.
« - Pourquoi tu te sauves comme ça, on n'a même pas encore commencé à s'amuser, » fit celui qui le retenait par le bras gauche avec un sourire torve.
« - Je vais lui faire payer à ce petit con, » grogna le meurtri en se redressant. « T'aurai mieux fait de continuer à être bien gentil et de te laisser faire. »
Il l'attrapa à la gorge et glissa son autre main plus bas. Tomoki ferma les yeux et serra les dents. Ce contact était si dégradant. Où était donc passé cette douceur qui l'avait charmé ? Tout n'était donc que mensonge… Tromperie… Il avait été berné par cet inconnu qui ne cherchait rien de plus qu'une proie facile. Il se faisait maints et maints reproches. Mais n'était-ce pas trop tard pour se maudire ?
Tomoki ouvrit la bouche pour appeler à l'aide mais fut bâillonné à nouveau par les lèvres de son agresseur.
« - Vous êtes bien nombreux pour maîtriser un garçon aussi fragile d'apparence. Mais n'est ce pas après tout l'habitude des lâches ? » susurra une voix non loin d'eux.
Le garçon rouvrit les yeux et aperçut dans un coin plus sombre de la ruelle une silhouette adossée à un mur avec nonchalance. Le blondinet qui l'avait traîné dans ce piège se retourna, surpris, et afficha ensuite un air qui se voulait menaçant.
« - Casse toi de là, ceux sont pas tes affaires !
« - Qu'en sais-tu ? » rétorqua du tac au tac l'inconnu. Il s'avança enfin et la première chose que remarqua Tomoki fut la longueur de ses cheveux noirs. Vraiment longs… Et brillants… Un peu comme ceux d'une femme. Mais son regard n'avait rien de doux. Ses yeux d'un marron doré exprimait une grande froideur et sévérité, ainsi que du dégoût. Il était grand, comparé aux voyous et au garçon, pourvu d'un corps musclé et félin. « Vous ne devriez pas rester là, quelqu'un pourrait être blessé… » Sa voix sous-entendait que ce ne serait certainement pas lui qui finirait à l'hôpital.
En diplomatie, on avait déjà vu mieux.
Tomoki paniqua un peu plus lorsque le blondinet sorti un couteau à cran d'arrêt de sa poche. L'inconnu ne cilla quasiment pas, seuls ses sourcils se froncèrent pour marquer une légère contrariété. Le voyou s'approcha en agitant son couteau, l'homme aux longs cheveux noir resta de marbre. Et lorsque le couteau fila vers lui, il ne fit rien pour l'éviter. Par contre, son pied fusa et l'arme s'envola pour retomber quelques mètres plus loin en tintant. Second coup de pied, cette fois ci dans le visage de l'inconscient.
Quelque chose craqua, un craquement vraiment affreux. Le blond se tenait à présent le nez et du sang coulait abondamment d'entre ses doigts. Les deux autres paraissaient hésiter à présent, peut-être sentaient-ils qu'ils étaient tombés sur plus fort qu'eux. Cinq secondes plus tard, ils avaient finalement décidé de fuir sans demander leur reste.
Tomoki, comme deux ronds de flan abandonnés dans une assiette après un copieux repas, restait à fixer celui qui lui était venu en aide. Se demandant s'il devait le remercier de tout son cœur ou le supplier de ne pas lui faire de mal.
« - Faut-il être idiot pour venir dans un endroit pareil… ! » le sermonna son sauveur.
« - Qui êtes-vous ? » demanda Tomoki sur la défensive.
« - Je m'appelle Xuě Fēng. »
Le premier mensonge venait d'être prononcé.
Mais Tomoki l'ignorait. Lorsque l'homme le tira par le bras pour le traîner hors de cette ruelle insalubre, il se laissa faire sans protester. Ne pouvant quitter des yeux sa haute stature, ses cheveux si noirs et longs… Son visage.
Le papillon avait trouvé un autre objet de fascination. Son cœur se mit à battre plus rapidement. Non pas de peur mais d'excitation.

1 - Après recherche dans mon dico chinois… Táo () signifie vraiment poterie ou terre cuite…
2 - Oui, il me fait penser à un hamster, il suffit de voir son expression quand il se blesse au doigt, il a les yeux d'Hamtaro…
3 - Je n'ai pas trouvé l'âge exact de la majorité en Chine mais le droit de vote est à 18 ans, donc j'en ai déduit que… Au Japon, on est encore mineur jusqu'à l'âge de 20 ans, âge à partir duquel on peut seulement voter, fumer et boire de l'alcool.