Hey ! Je sais, ça va faire un mois que je n'ai rien posté, je suis vraiment désolée d'avoir un rythme aussi nullissime depuis une bonne dizaine de chapitres. J'aurais préféré poster régulièrement comme au début, mais bon...

Pour ma défense, j'ai aussi pas mal travaillé, donc j'avais peu de temps libre.

En tout cas, je suis ravie d'avoir enfin bouclé ce chapitre. Je vous avoue que même s'il fait partie de ceux que j'avais le plus hâte d'écrire, il m'a un peu (beaucoup) pris la tête, et il ne rend pas vraiment aussi bien que je l'avais imaginé, mais bon. Disons qu'à mon niveau je ne pourrais guère faire mieux.

Et malgré la fin qui approche (et oui, bientôt...) j'espère que ce chapitre vous plaira et je vous dis à la prochaine !

Bonne lecture ! Et préparez-vous à lire pas mal de descriptions !

(Est-ce que quelqu'un saura retrouver la petite référence que j'ai glissé dans le texte ? Défi intéressant).


Harry attrapa son sac posé au sol avant de franchir la porte menant à l'arrière de sa maison. Bretelles sur l'épaule, il leva les yeux pour tomber sur ceux de Sam. Perché sur des branches d'arbres et caché par les feuilles, il parvint à distinguer Jasper.

- Vous pouvez rentrer, déclara le sorcier. Elles ne devraient pas tarder à être là.

Sam se remit sur ses pattes et partit sans lui accorder la moindre importance. Jasper sauta sur ses pieds et fit un léger sourire à Harry.

- Il est toujours de mauvaise humeur, mais il ne rechigne jamais à venir, s'amusa Jasper. Tu ne trouves pas cela un brin paradoxal ?

- À vrai dire, je m'en fiche, répondit Harry en se grattant la tête.

L'arrivée de Rosalie, puis de Leah, sous sa forme animale – qu'elle semblait apprécier davantage que sa forme humaine – les interrompit. Jasper salua Harry d'un signe de la main et pressa l'épaule de sa sœur pour lui souhaiter bon courage, puis il disparut à travers les arbres.

- C'est le grand jour alors ? Fit Rosalie, angoissée.

- Je sais que tu es inquiète, mais tout devrait bien se passer.

- Est-ce que tu peux nous le promettre ?

- Non, admit Harry sans détourner le regard.

À sa réponse, si franche et abrupte, il vit bien que c'était ce à quoi Rosalie s'attendait et qu'elle n'en était pas étonnée le moins du monde. S'approchant d'elle, Harry lui offrit un sourire discret.

- Ça ira, répéta-t-il.

Il savait pertinemment qu'essayer de rassurer la jeune femme n'aurait absolument aucun effet, mais il le fit tout de même. Peut-être pour se rassurer un peu lui-même au passage. Il coula ensuite un regard vers Leah qui avait repris la place de son alpha, allongée prêt du trou, mais en alerte. Un air beaucoup plus sérieux tendit les traits de son visage.

- Je compte sur vous, déclara-t-il, presque comme un avertissement.

Et, d'une certaine façon, s'en était un. Les deux jeunes femmes savaient que si elles échouaient dans leur tâche, Harry le leur ferait payer très cher et qu'elles n'auraient aucun moyen de se défendre face à lui, ni aucune chance de le fuir. Ne montrant, ni l'une, ni l'autre, que ça les déstabilisait, elles préfèrent aborder une attitude fière et digne.

- Il ne lui arrivera rien, affirma Rosalie. Et si quelqu'un s'approche de trop près, je lui arrache la tête.

Harry n'y répondit rien, mais posa à son tour une main sur l'épaule de la vampire avant de transplaner. Il aurait bien voulu passer par la maison Cullen, mais il n'avait pas particulièrement envie de bavasser avec les autres membres de la famille plus que nécessaire. Le rituel prendrait déjà bien assez de temps comme ça. Alors, à la place, Harry fut le premier à arriver sur les lieux du rituel.

Une brise traversait les arbres et il ferma les yeux pour en profiter, le nez relevé vers le ciel à peine éclairé. Malheureusement pour lui, il ne put rester comme ça indéfiniment et il dut se mettre au travail. Il fit donc la seule chose qui lui restait : mettre les pierres en place.

Esmée, Carlisle et Edward arrivèrent simultanément alors qu'il avait réalisé la moitié. En sentant leur présence, Harry se redressa et leur fit face, retirant la terre de ses mains en les frottant l'une contre l'autre.

- Bonjour, Harry, le salua Carlisle.

- Bonjour. Comment vous vous sentez ?

- Ce serait plutôt à nous de te poser cette question, renchérit Esmée de sa voix de mère.

Le sorcier ne répondit pas mais s'avança jusqu'à eux. Son regard se posa sur Edward, qui n'avait toujours rien dit et qui ne semblait même pas être vraiment avec eux.

- Tu es toujours sûr de toi ? Questionna Harry.

- J'ai peur de mourir, révéla Edward, sans retenue.

Harry le comprenait parfaitement. Il avait lui-même peur d'y rester, même si l'idée ne lui déplaisait pas tout à fait. Ou ne déplaisait pas à une partie de lui. Il la chassa et se concentra sur Edward.

- Je ne te laisserai pas mourir.

Edward lui répondit d'un sourire en coin presque provocateur. Il savait qu'Harry n'avait aucun moyen d'empêcher que ça se produise, mais ça n'était pas si grave. Il préférait encore mourir que de rester enfermé dans la peau d'un monstre sanguinaire.

- Vous vous souvenez du déroulement ?

- Oui, dans les grandes lignes, répondit Carlisle.

- Si tu pouvais nous réexpliquer les choses encore une fois, quémanda Esmée à demi-voix.

Elle ne voulait pas s'imposer, ni être un fardeau pour sa famille, mais il était hors de question qu'elle ne soit pas présente. Même si elle ne souhaitait pas non plus mettre les choses en péril. Quand Harry vit que les deux autres vampires exprimaient également, à leur manière, le désir d'entendre ses explications une nouvelle fois, il prit sur lui. Après tout, ça ne lui coûterait rien, si ce n'est un petit peu de temps. Il se lança donc dans une longue explication détaillée, se servant également du décor autour d'eux pour illustrer ses propos. Il en profita également pour finaliser le placement des pierres.

- Est-ce normal qu'il en manque une ? Questionna Carlisle en désignant l'intersection des deux cercles.

- Oui. Pour la première partie du rituel, il faudra qu'il y ait un accès entre vous et Edward. Ensuite, pour enclencher la seconde partie, il faudra que je referme la brèche, répondit Harry en montrant la pierre gravée qu'il tenait en main.

La dernière dont ils auraient besoin. Déglutissant, Harry referma fermement ses doigts sur l'objet. Il espérait qu'il aurait suffisamment de temps et d'énergie, en temps voulu, pour la placer. Personne d'autres que lui ne pourrait le faire.

- Combien de temps ça va prendre ? Redemanda Edward.

- Longtemps. Je ne peux pas te donner de durée exacte, tout dépendra de nous. De la quantité de magie dont nous aurons besoin mais aussi du volume de venin contenu dans ton corps et de la capacité de Carlisle à se le réapproprier.

Edward souffla un vague « je vois » et se racla la gorge. Il n'allait pas fixer indéfiniment ces deux fichus cercles. Alors, s'avançant le premier, il se plaça dans le plus large et s'allongea sur la terre froide et dure. Jetant un coup d'œil à Harry qui opina, Carlisle suivit l'exemple de son fils et se mit au centre du second cercle.

- Vous êtes prêt ? Demanda Harry.

- Pas vraiment, mais je ne vais pas reculer maintenant, répondit d'abord Edward.

- À peu près autant que je puisse l'être, ajouta Carlisle.

Esmée ne fit qu'hocher la tête.

- Dans ce cas, voilà ce que je vais vous demander, les dernières règles.

Puis, tout comme lorsqu'il avait quasiment menacé Rosalie et Leah, le visage d'Harry se fit dur et d'une autorité qu'on accordait que rarement à un garçon de son âge et de son expérience lorsqu'on était un homme tel que Carlisle. Pourtant, il se tut et resta aussi attentif qu'un écolier. Voyant qu'il avait l'attention de tous, Harry se tourna vers Esmée. Elle était debout, près du sac qu'il avait laissé contre l'arbre, et tenait ses bras contre sa poitrine pour essayer de cacher ou de contrôler son angoisse.

- Surtout, tant que Carlisle reste dans le cercle, vous ne devez pas bouger. Si jamais il en sort, ce sera à vous de l'arrêter. Est-ce que c'est clair ?

Effrayée par l'intonation qu'avait employée Harry, Esmée se contenta d'une vague approbation avant d'échanger un regard avec son mari.

- Edward, appela Harry.

Le concerné tourna les yeux vers le sorcier et, en l'observant de l'œil d'un vampire sur le point de redevenir humain ou de mourir, il en vint à penser qu'il préférait passer une vie d'humain auprès de quelqu'un d'aussi intéressant qu'Harry plutôt que de passer l'éternité à errer en essayant de trouver quelque chose qui l'occuperait.

- La douleur que tu vas ressentir, reprit Harry, d'une voix beaucoup plus douce, comme s'il n'avait pas envie de prononcer ces mots, elle n'aura rien à voir avec tout ce que tu as pu connaître jusqu'ici mais surtout, n'oublie pas qu'il faut que tu l'endures jusqu'au bout et que tu luttes contre la mort.

Edward serra les dents, appréhendant encore davantage la suite des événements, si seulement c'était possible. Il regarda Harry se tourner vers Carlisle.

- Que dois-je faire ? Demanda le vampire.

- Vous devez rester calme et détendu. Ne luttez pas contre le venin. Laissez-le vous revenir.

- Je vais souffrir ?

- Oui, confirma Harry avec la même franchise dont il avait fait preuve avec Rosalie, même si ça ne l'enchantait pas.

Carlisle acquiesça. Tout ceci était de plus en plus angoissant. Maintenant qu'il avait distribué ses dernières instructions, Harry aurait dû se mettre en place, mais il était resté immobile, prit d'un il-ne-savait-trop-quoi, qui le clouait sur place. Son regard croisa celui d'Edward. Sans avoir les capacités de Jasper, Harry voyait parfaitement les doutes et la peur sur le visage d'Edward, même s'il s'évertuait à les cacher.

- Vas-y, l'encouragea Edward avec un sourire doux.

Serrant les poings face à l'idée d'échouer, Harry mit quand même un pied devant l'autre pour rejoindre son poste. Expirant doucement par la bouche, il fit tous les efforts possibles pour détendre son corps. Il retroussa ses manches, ancra ses pieds dans le sol et posa les yeux sur les deux vampires, quasiment côte à côte, face à lui.

- J'y vais, annonça-t-il.

Pas aussi serein qu'il l'aurait voulu, Harry inspira à pleins poumons. Il prit quelques secondes pour se concentrer, pour sentir la magie onduler sous sa peau et crépiter au bout de ses doigts. Il leva ensuite les mains devant lui en rouvrant les yeux. Son premier geste fut de claquer des doigts. Instantanément, les runes s'illuminèrent de concert d'une vive lueur. S'élevant à chacune de leurs pulsations, un bouclier s'érigea autour de chacun des vampires et devint translucide une fois refermé. Carlisle ne put s'empêcher d'observer ce phénomène si nouveau et intrigant. Quand le paysage reprit forme et couleur, et bien que son instinct lui criait que c'était inutile, il tendit la main devant lui. Lorsque sa peau effleura le champ de force, il reçut une décharge qui le fit grogner. Ramenant sa main douloureuse près de lui, il comprit qu'il avait vu juste. Il était emprisonné et il ne pourrait pas sortir, s'évertuer à essayer lui ferait plus de mal qu'autre chose. Les choses sérieuses commençaient.

- Vous l'aurez compris, mais le bouclier est fait pour que vous ne puissiez pas vous échapper, déclara Harry, ayant assisté à la tentative de Carlisle.

- Qu'est-ce qu'il risque, en essayant ? S'inquiéta Esmée.

- La mort, répondit son mari.

Il le savait, au plus profond de lui-même et il pouvait également le lire dans les yeux d'Harry. Voilà ce qu'il risquait. Harry ne confirma ni n'infirma l'affirmation de Carlisle et ce fut une réponse suffisante, bien qu'effroyable, pour Esmée.

- Je vais commencer. Il ne faudra surtout pas que je m'arrête en cours de route.

Il disait ça surtout à l'attention d'Esmée. Comme une sorte de nouvelle consigne. Rien ne devait venir déranger la concentration d'Harry. Le sorcier leva les yeux vers le ciel et constata que le soleil avait déjà bien avancé. Ils devaient être là depuis une heure ou deux. Peut-être un peu plus. À partir de maintenant, il n'aurait plus aucune notion du temps.

Esmée, toujours en retrait, regarda Harry se reconcentrer. Elle vit ensuite quelque chose dont elle n'était pas vraiment sûre. Tout ce qu'elle pouvait dire, c'était que la silhouette d'Harry était devenue floue, presque aussi peu distinguable qu'un mirage. Elle supposa que ça venait de la magie qu'il laissait sortir et l'envelopper. Ça ressemblait à de l'air chaud, qui déformait la vision que l'on avait des choses et ça coulait, comme une brume, jusqu'aux pierres qui semblèrent s'en gorger, à voir leur lumière s'intensifier encore.

Quand il sentit quelque chose s'approcher, sans pourtant réussir à mettre des mots sur cette sensation ou ce qu'il appelait « cette chose » Edward fit son maximum pour se détendre. Il ferma les yeux pour s'y aider, mais dès qu'il sentit la première coupure sur son bras, il se crispa si fort qu'il faillit rouvrir les yeux. Au fond de lui, il se répétait qu'il pouvait l'endurer, et savoir que ce serait pire que tout ce qu'il avait connu ne l'empêchait pas d'y croire fermement. La deuxième coupure survint quelques secondes plus tard et Edward serra les dents, l'intégralité de ses muscles se tendant sous la douleur. Puis, il y eut la troisième, et elles se multiplièrent si rapidement, couvrant son corps tout entier, qu'il ne résista bientôt plus à l'envie de crier.

Mais, ce qui sortit de sa gorge, à cet instant, n'était pas un cri de douleur. C'était un hurlement. Si puissant que tous les oiseaux des alentours s'envolèrent en une nuée sombre. Il hurla si fort qu'à quelques kilomètres de là, Rosalie et Leah firent volte-face en l'entendant, se glaçant sur place. Si Edward n'avait jamais connu pareille douleur, tous ceux qui avaient entendu sa plainte n'avaient jamais connu pareil effroi.

Exorciser son mal par la voix ne fut bientôt plus suffisant et Edward commença à se tordre. Il se cambrait si fort qu'il ne fallait pas grand-chose pour qu'il en ait la colonne briser. Il raclait la terre de ses pieds et de ses mains, laissant des trous plus que des sillons. Pourtant, rien de tout ce qu'il subissait ne retint Harry qui se devait de continuer. Alors, minutes après minutes puis heures après heures, c'est ce qu'il fit. Il mobilisa le reste de ses capacités pour éluder ce qui lui parvenait à l'oreille. Pour ne pas voir ni penser au fait que Carlisle avait cédé sous son propre poids et poussait ses propres râles de douleur, le corps complètement paralysé.

Horrifiée par tout ce qui se déroulait sous ses yeux, mais plus impuissante que jamais, Esmée endura. Elle ne détourna pas le regard une seconde et souffrit de concert avec cet homme et ce fils qu'elle aimait. Elle en aurait pleuré toutes les larmes de son corps de les voir dans cet état et pourtant, ils avaient su. Ils avaient toujours su que ce serait dur mais jamais ils n'auraient cru devoir endurer pareille chose.

Sans l'avoir vraiment voulu, le bruit des battements du cœur d'Harry lui parvint aux oreilles. Un rythme rapide, affolé. Le sorcier n'avait jamais eu à fournir des efforts si longtemps et il en ressentait bien les effets. Il transpirait à grosses gouttes, à tel point que ses vêtements changeaient de couleur, il haletait plus qu'il ne respirait, et pire que tout, sa magie s'atténuait. Repoussant ses propres limites, il puisa plus profondément pour intensifier le flux qui parvenait aux vampires.

S'intéressant à Harry, Esmée écouta son cœur continuer d'accélérer. Il battait si fort et si vite dans sa poitrine qu'elle commença à avoir peur pour lui aussi. Comme si, d'une seconde à l'autre, son cœur allait exploser. Et ce constat la bouleversa à tel point qu'elle voulu l'arrêter. Qu'elle voulu tout arrêter. Mais c'était impossible, à moins de les tuer tous les trois.

Malgré ses muscles bandés qui le faisait souffrir, sa tête qui bourdonnait et son corps complètement ankylosé, Harry tient bon. Il n'y avait que sa détermination à ne pas flancher et à ne pas les tuer tous les trois qui le maintenait dans cet état. Dans d'autres circonstances, il se serait déjà écroulé, probablement après avoir tourné de l'œil. Quand il sentit, à travers chaque fibre de son corps qu'il approchait du but, après cette longue agonie, il puisa plus encore dans ses ressources. Il avait besoin de la moindre once de magie pour cette dernière ligne droite.

Edward, au bord de la folie, sentit la dernière goutte de venin quitter son corps et, d'un coup, il ne sentit plus rien du tout et ne se souvint pas de la dernière image qu'il avait vu avant de lourdement retomber sur le sol, inconscient et proche de la mort.

Ce fut ensuite au tour d'Harry, quand les runes cessèrent brusquement de pomper son énergie, de s'écrouler sur lui-même. Il bascula en avant et, au même moment où ses genoux touchèrent le sol, il fut rattrapé par Esmée. Cherchant désespérément à respirer, et s'efforçant de rester conscient – ce qui s'avéra être une tâche plus ardue encore – Harry accorda un regard de remerciement à Esmée, par-dessus ses mèches trempées qui lui collaient au front et gouttaient sur ses lunettes, comme lors d'une averse. Harry ne sentait presque plus ses membres et son travail n'était qu'à moitié fait. Il était aussi épuisé physiquement que magiquement, mais il n'avait pas terminé. Relevant à nouveau la tête, il déglutit avant de peiner à aligner deux mots.

- Mon sac, réclama-t-il d'une voix faible et rocailleuse.

Esmée voulut protester. Lui dire que si elle le lâchait, il ne tiendrait pas seul, mais elle se devait d'obéir. Elle délaissa donc le sorcier qui retomba sur ses avant-bras en grimaçant et récupéra son sac. Dès qu'il l'eut près de lui, Harry en tira la dernière rune et serra les dents pour se remettre sur ses jambes, incapable de refuser l'aide que lui apporta Esmée. Ramper aurait sans doute mieux valut mais il n'avait pas tout ce temps à perdre. Il n'en avait que très peu avant que Carlisle reprenne ses esprits et essaie de briser la barrière. Il devait absolument l'isoler d'Edward. Il serait le premier à qui Carlisle essaierait de s'en prendre et Harry devait l'en empêcher.

Traînant son corps plus lourd qu'il ne l'avait jamais senti, et se revoyant plusieurs mois en arrière, quand il était faible au point de ne pas pouvoir se déplacer seul, Harry posa la dernière pierre à son emplacement, les yeux ancrés dans ceux de Carlisle. Alors que le vampire avait les yeux rouge sang et que la rage était lisible sur son visage, les yeux d'Harry le mettaient au défi de se sortir de son emprise.

En une fraction de seconde, alors qu'il l'avait vu amorcer un mouvement dans sa direction, probablement pour se jeter sur lui, Harry se retrouva à plusieurs mètres. Esmée l'avait tiré en arrière et elle continua jusqu'à le mettre en sécurité.

Assis dos contre un arbre, et haletant toujours, Harry regarda le spectacle qu'offraient les runes lorsqu'elles prirent le relais du rituel. Comme portés par le vent qui s'était remis à souffler, Harry vit des filaments de magie s'échapper de son propre corps et serpenter jusqu'aux pierres. Même s'il ne lui restait plus grand-chose, il allait devoir les alimenter pendant plusieurs heures. Presque autant de temps que ce qui lui avait fallu pour évacuer tout le venin du corps d'Edward. Laissant la tête retombée pour cogner l'écorce, et les yeux à moitié ouverts, Harry regarda le nuage se lever au-dessus d'Edward. Un brouillard noir emplit la bulle dans laquelle il était toujours enfermé, puis, comme un orage menaçant, il y eut des grondements et des éclairs se mirent à crépiter dans l'étrange matière avant de venir frapper le corps d'Edward. Un à un, les éclairs refermaient les minuscules trous dont le venin s'était servi pour quitter le corps de son hôte. À deux doigts de s'évanouir pour de bon, Harry ressembla tout de même ses forces. Tout ce qui lui restait d'énergie. Et cette fois, il allait devoir prendre sur lui, ravaler sa fierté, et accepter qu'Esmée l'assiste.

- Dans mon sac, articula-t-il, attirant aussitôt l'attention de la vampire.

Jusque-là, elle était restée rivée sur la couleur des yeux de son mari et du corps de son fils qui avait complètement disparu derrière la fumée.

- Dans mon sac, répéta Harry. Les poches…

Ouvrant le sac et plongeant le bras à l'intérieur, Esmée tâtonna à la recherche de quelque chose qui pourrait s'apparenter à une poche. Quand elle l'eut en main, elle l'extirpa pour découvrir une poche de sang. Elle tourna les yeux vers Harry qui la fixait. S'il arrivait encore à voir quelque chose.

- Il doit les boire, expliqua Harry en désignant Carlisle comme il put.

Il ravala douloureusement sa salive et voulut fermer les yeux mais s'en empêcha. Pas encore.

- C'est hors de question ! S'exclama Esmée, plus fort et plus brusquement qu'elle ne l'aurait voulu, mais perdue entre incompréhension et peur.

- Ça ira.

C'était trop dur. Harry ferma les yeux et se força à respirer plus doucement. Il déglutit encore une fois et affronta à nouveau Esmée.

- Il n'y a pas de plasma, dit-il, mais ne fut pas surpris de voir que ça ne parlait pas à Esmée.

Il fallait vraiment qu'il éduque ces vampires un peu mieux sur leur propre condition.

- Soit, vous lui donnez les poches, soit il va finir par sortir de là et il tuera tout ce qui se trouvera sur son chemin.

Préférant encore déroger à leurs règles plutôt qu'une tuerie, Esmée serra la poche entre ses doigts et prit sur elle. Elle rejoignit Carlisle avec le sac et lui jeta la première poche à travers le bouclier. Quand elle vit son mari se jeter dessus comme une bête affamée, ce fut comme si un pieu l'avait transpercé de part en part, en plein cœur. Détestant cette vision mais ayant conscience de ne pas avoir le choix, elle fouilla le sac d'Harry à n'en plus finir, donnant une à une les poches de sang au vampire qui semblait ne pas être prêt à se repaître.

Un amoncellement de poches vides devant lui, et le visage ainsi que les vêtements barbouillés, Carlisle but la suivante avec une telle lenteur qu'Esmée sut qu'il était enfin calmé. Et pour ça, il avait fallu près de trente litres. Bien que dégoûtée au plus haut point, Esmée fut soulagée d'enfin entrevoir son mari derrière ce monstre assoiffé.

Lui donnant une autre poche, par sécurité, Esmée se détourna de cette vision. Elle voulut prévenir Harry et connaître la suite du programme, mais elle découvrit qu'il avait complètement sombré et gisait sur le flanc. Au-dessus d'eux, le soleil avait eu le temps de passer d'Est en Ouest. Ce cauchemar avait duré des heures. Des heures qu'Esmée n'avait pas vu passer et qu'elle serait bien incapable de dénombrer ou d'oublier.