Alors voilà, le grand jour est arrivé… Celui où je vais devoir porter cette robe couleur crapaud et avancer jusque l'hôtel en tenant par le bras une fille dont je ne sais rien, souriant malgré le soleil qui me fera plisser les yeux. En même temps, je ferais bien d'en profiter, car c'est peut-être bien l'unique fois où j'aurais un contact physique de la journée.

En attendant, je regarde les invités débarquer un à un, je leur souris quand j'y pense et parfois même, je leur tends la main. Qu'est-ce que je ne ferais pas pour lire dans leur pensée… je suis certain qu'ils doivent bien s'amuser à me dénigrer, moi et ma robe de seconde main. Et puis, pourquoi est-ce que je dois rester planté là à attendre qu'on pose un regard sur cette cravate qui n'est jamais assez droite au goût de maman et sur cette tête qui n'a rien de très accueillante (ça c'est du made in Fleur). D'ailleurs, que fait-elle là ? A croire qu'elle n'a rien trouvé de mieux que venir faire le tour de sa brigade d'élite. Elle serait pourtant mieux dans une pièce isolée à retirer quelques plumes de son corsage qui la font ressembler à un hippogriffe. Enfin, elle s'éloigne non sans un sourire faux.

Et moi ? Qu'est-ce que je fais là ? Cette question, la première censée de la journée me fait réagir et en moins de temps qu'il ne le faut pour transplaner, je me retrouve au même endroit… Fichu protection, pas moyen d'user de ce sortilège. Pire que Poudlard en période de guerre, ici tout le monde nous surveille, ici tout le monde et suspect. Je me décide donc à reprendre la bonne vielle méthode la marche façon autruche. La tête baissée, j'évite les regards de ces gens qui je le sais, n'attendent qu'une seule chose pour me faire remarquer qu'on se serait très bien passé de ma présence.

Je laisse mes pas me guider là où bon leur semble : loin de cette foule remuante et à mon grand désarroi, près des échos de conversation de la jeune mariée.

- Je t'envie réellement Fleur, je n'ai jamais vu de robe aussi belle que…

Cette voix… Je ne la connais pas mais ce que j'ai pus entendre des autres conversations me fait penser que ça ne peut être que sa demoiselle d'honneur. Celle qui a fait baver Fred et George avant de les remettre à leur place… dignement. Je tourne machinalement la tête vers le couloir qui a le bonheur d'être vide et je me risque à jeter un coup d'œil vers ces deux extraits de vélane qui conversent sur des choses si futiles que ça m'arrange. Et je n'ai juste le temps de distinguer ces cheveux si blonds qu'ils en semblent blancs avant de sentir une main se poser sur mon épaule.

Et voilà, je me sens rougir, bêtement. Pourtant je n'ai rien fait de reprochable… Pourquoi la porte était-elle entrouverte si… Voilà ce que j'allais dire à cet espèce de troll qui a le culot de me couper dans ma contemplation de… la future femme de mon frère. Merlin que je suis pathétique.

- Je…

- Je te cherchais Ron… On m'a dit qu'on t'avait vu passer par ici donc…Enfin, on ferait bien de s'éloigner, je ne suis pas censé voir Fleur avant qu'elle ne devienne officiellement ma femme.

- Je… oh… ok.

Voyons, j'ai réussi à enchaîner trois mots qui n'ont aucuns rapports entre eux mais le visage préoccupé de mon frère me fait bien vite oublier que quelques secondes auparavant, je me battais en duel contre ma conscience.

Son visage… je ne le reconnais plus vraiment. Il n'a plus rien de l'homme séduisant qu'il avait pu être, soyons franc. Si encore un Weasley pouvait prétendre l'être. Et ces pensées me font encore baisser la tête. Il faut que je m'efforce à paraître sûr de moi et que j'essaies au moins une fois de le regarder dans les yeux. C'est mon frère après tout… on a le même sang mais… pas la même chance.

Je le suis sans broncher, souriant aux remarques de ces personnes qui me prennent pour Percy. Pourquoi Merlin croient-ils que ça nous fait plaisir d'entendre un : « Par la fée Morgane qu'est-ce qu'il a grandi, je ne l'aurait pas reconnu ! ». Oui, sauf que ça aurait été plus facile de me reconnaître si au moins on s'était croisé une fois durant ces… 17 dernières années. Je me laisse pincer les joues par cette vieille femme qui dit être ma cousine du côté de mon père, et ce par alliance, oubliant un instant que ce rouge là risque de perdurer un peu plus longtemps. Puis je tente de rejoindre Bill en expliquant rapidement que je ne suis Ni Charlie, Ni Fred, Ni George mais bien Ron. Ronald, le sixième fils, celui qui se perd dans des caractères trop bien dessinés pour me laisser la moindre place.

C'est vrai ça, il y a l'aventurier, l'adulte, le roi des fonds de chaudrons, les jumeaux, celui qui arrive après tout ça et la petite dernière, fondement de grands espoirs au sein de cette famille de dégénérés. Forcément, devinez lequel passe par tous les prénoms avant que l'on ne trouve le sien… Mais je ne vais pas me plaindre, on ne m'a pas encore prit pour l'elfe de maison. Mais ça c'est peut-être parce que c'est de notoriété publique que les Weasley sont trop pauvres pour avoir ce genre de luxe.

Enfin je retrouve Bill et je retrouve mon courage pour le regarder dix secondes d'affiler sans tenter de dévier la tête. A quelques minutes de la cérémonie, j'ai peut-être l'espoir d'enfin savoir qui va m'accompagner jusque l'hôtel… oups autel. A moins que ma joie fut trop rapide et que l'on m'annonce que je suis relégué au rang de serveur. Avec la chance que j'ai, je n'aurais pas le droit d'utiliser la baguette et on m'offrira quelques minutes de répit pour que je puisse danser. Puis comme un bonheur ne vient jamais seul, ce sera Gabrielle qui me suppliera de lui offrir cette danse, oubliant que je déteste danser et que surtout, je n'ai plus l'âge de jouer à la poupée.

- Je sais qu'on avait prévu que tu fasses ton entrée avec…

Plouf, mon esprit s'est fermé à tous bruits extérieurs et je n'entends plus que la voix de mon frère. Comme ça, ils avaient bien prévu quelque chose pour moi. Oui sauf, que moi, personne n'avait pris la peine de me mettre au courant.

- Gabrielle… Ca lui aurait fait très plaisir mais Fleur… enfin, on a décidé que comme elle était demoiselle d'honneur, il fallait qu'elle fasse son entrée avant.

Les mots se font plus lointains, comme à chaque fois qu'on ne va pas droit au but. Alors des milliers d'idées se bousculent, entre l'horreur de voir qu'on avait pu penser faire de Gabrielle et de moi un couple, et celle que finalement, je me retrouvait seul, plantée par une gamine qui au vue des rubans roses qui pendent de ses cheveux, ne devait pas avoir plus de douze ans.

- Alors nous avons d'abord pensé à Ginny mais ça supprimait un couple et nous donnait un nombre impair. Ne me demande pas pourquoi, c'était inconcevable pour Fleur. La superstition paraît-il. Donc ce sera…

Je n'entends plus ce qu'il me dit car la réponse vient de me sauter aux yeux, littéralement. Hermione est en train de faire son apparition, rayonnante dans cette robe aux reflets bleus, j'oublie alors les formules de politesse et je détourne la tête en me disant qu'au moins j'avais échappé à la corvée de vaisselle.