Voilà que le ciel se couvre… enfin je suppose car je ne sais pas qui a décidé qu'à partir d'une certaine heure, on ne pouvait plus voir quoi que ce soit. A moins que ce soit à partir d'un certain nombre de bière au beurre… Je me relève avec un semblant de dignité et lève la tête vers ce ciel aussi brumeux que mon esprit. Pas un nuage… même de très belles étoiles ne cessant de bouger pour m'offrir un balai tout bonnement vomitif. Oui c'est bien ça, vomitif. La tête me tourne et je me laisse de nouveau tomber dans cette herbe fraîche, passant outre mon envie d'hurler à ses festifs de se la fermer une bonne fois pour toute.

Comment se concentrer dans tant de bruits ? Je suis incapable de fixer mon esprit sur une seule et même question : Qu'est-ce que je fais là ? Il fait noir, humide, et des gnomes de jardins viennent jouer avec mon nœud de cravate, avec un peu de chance, ils seront assez intelligents pour apprendre à faire le nœud coulant. Et ce ciel qui ne cesse de tourner, m'envoyant dans la tête des éclairs plus aveuglants les uns que les autres. L'idée du siècle m'apparaît enfin, il faut que je ferme les yeux. Voilà, c'est fait… enfin presque. Encore un petit effort et je suis sûr que j'y arriverais.

Finalement, rien ne va. Au-delà du mal-être physique se trouve quelque chose de plus intense. Et me retournant sur le ventre, je fixe mon regard sur la première chose qui passe par ici. Peut-être pas une bonne idée… Ginny est là… j'entend son rire frémir comme une cascade de cristal. Impossible à faire taire… mais qu'a-t-elle donc ? Et quand cette voix s'éleva, je compris enfin. Elle au moins, avait su passer outre ses sentiments. Mais qu'est-ce que je raconte moi ? Je devrais être debout à lâcher des cognards sur ce qui osait encore… c'est mon meilleur ami. Il est mon meilleur ami et Merlin que je souhaite qu'il soit maître de ses mouvements, pas comme moi.

Si seulement… si seulement elle n'avait pas mis cette robe qui la mettait tant en valeur… Si seulement je n'avais pas eu à m'asseoir près d'elle. Si seulement Fred n'avait pas eu cette idée stupide de me faire essayer leurs bonbons… Si seulement je n'avais pas été si crédule pour croire qu'une simple pastille à la fraise pouvait détruire les effets de l'alcool. Alors je ne lui aurais pas dit tout ça en omettant le principal.

Les bruits de ces voix se rapprochent dangereusement et prenant mon estomac à deux mains, je roule sur le côté pour leur éviter ce spectacle d'un homme pitoyable que je suis. Pauvre de moi, m'en voilà à avoir des hallucinations… Je rêve où ma sœur… c'est vrai, elle n'a plus dix ans et elle fait ce qu'elle veut…

Les voix s'éteignent au fur et à mesure que mon esprit me revient. Mais comme à chaque fois, il ne se connecte pas avec le corps et je suis encore allongé là, me faisant des idées au sujet des sons que je perçois. Cette fois, je suis foutu, si je reste ici, je vais m'en rendre malade, si je bouge, je me ferais repérer et la foudre de Ginny s'abattra sur moi. Je l'entends déjà me dire « Tu es pathétique ! Tu avais besoin de me suivre jusque là hein ? », et je l'écouterais en fuyant le regard de Harry. Avec un peu de chance, Hermione refera son apparition, me défiant du moindre mot à son égard. Je soupirais, et elle me tuera.

« A fuir le dragon, on le pousse à nous trouver ». Tante Edna a de ces idées, que je la trouve encore à dire des choses si véridiques… La vision que mes yeux troublés par les vapeurs d'alcool m'offre, me convînt de les fermer de nouveau. Les images s'éteignent, la voix s'amplifie. Par Merlin, que fait-elle là ? Je pensais débilement que la conversation qu'on avait eu l'avait écoeuré à vie de ma présence.

Hermione se tient devant moi, les yeux tournés vers le néant, elle attend sans doute une excuse qui ne viendra pas. Depuis quand doit-on regretter d'avoir était franc ? Bon d'accord, il y a certains mots dont les gens se passeraient bien, certaines choses qui n'ont pas vraiment d'importance. Et puis, elle n'avait rien fait, juste accepté de danser avec… mon frère… je suis pathétique, un sombre idiot, un parfait crétin, descendant unique de la lignée des Trolls. Et puis, elle ne m'appartient pas, c'est juste mon amie et je n'ai aucunes promesses.

- Je m'excuse…

Voilà, je l'ai dit. Et sa réaction ne fut pas la bonne. Est-ce l'esquisse d'un sourire qui anime son visage ? Je ne saurais le dire car à peine eut-elle entendue cette phrase qu'elle me quitte déjà, laissant mon corps aux proies des regrets.

Décidemment, cette fille, je ne pourrais jamais la comprendre. Je ne pourrais jamais comprendre l'une d'entre elle. Voilà une matière qui pourrait être utile à apprendre : la langue des filles. Bien plus intéressant que la morphologie d'un bézoard et encore plus utile que ce dernier.

Mais pour qui me prend-elle ? A vouloir lui faire plaisir, voilà comment elle me traite ! Je suis vraiment trop gentil… Mouai, je n'arrive même pas à m'en convaincre moi-même. Je me lève alors, passant outre ces fourmillements qui m'emprisonnent les jambes et je cours la rejoindre… pendant un mètre… deux peut-être… et je retombe dans un craquement sonore. La douleur emprisonne ma cheville et remonte jusqu'au fond de ma gorge. Je me retiens de hurler malgré ces fichus larmes qui viennent brouiller un peu plus ma vue.

Que m'est-il arrivé ? Aurait-elle osé… Non pas Hermione… Ginny aurait pu mais pas Hermione. Trop à cheval sur la moralité pour mettre au point une vengeance si… Quoique. Mais je n'ai pas vu sa baguette… je n'ai pas vu ses yeux non plus… rien de son visage en fait. Le doute vient semer un peu plus la pagaille dans mon esprit coton. Oui c'est bien ça, coton. Il imbibe tellement de choses qu'il grossit et me rend malade… Il imbibe trop de chose sans laisser sortir quoi que ce soit.

Je me décide enfin à faire quelque chose de censé pour mon état : demander de l'aide. Et ramassant les cailloux qui jusque là perforaient ma peau, j'essaye de viser les masses que devait être le corps de ma sœur et celui de mon… ex-meilleur ami. Mais hélas, un éclair venu de nulle part vient frapper mon abdomen. Et sentant une douce chaleur m'envahir, je ne peux que voir mon corps se déplacer sans pouvoir faire quoi que ce soit.