- Ron lèves-toi ! Maman t'attends !

Difficilement, je tente d'ouvrir mes yeux que le soleil vient agresser sans aucuns remords. Je débite une parole que je ne comprends pas moi-même, entre le fourchelangue et Trollisme (langue des Trolls, pour ceux qui auraient comme moi, du mal à se remettre au lendemain d'une fête). Je vois le visage de ma sœur se dessiner à travers le trouble de mon regard et je comprends bien vite que tant que je ne saurais pas utiliser la langue de Shakespeare, elle ne me laissera pas tranquille.

- arrive…

Nom de Merlin, que ce mot fut dure à prononcer. Ma langue est collée à mon palais et la faisant claquer contre ce dernier, j'essaye vainement de la réveiller. Les effets retardés de l'alcool sont la pire punition de celui qui en a abusé. Sauf que… mis à part cette paralysie partielle et des trous de mémoire aussi profonds que le lac de Poudlard, je ne ressens aucuns autres malaises. Je n'ai pas le temps de me pencher plus sur le sujet que…

- RON !

Je sens mon corps se lever dans un sursaut, pris en flagrant délit d'oubli. Oui, j'avoue, j'avais oublié la douce mélodie de la voix de Ginny, se transformant aussi vite que les vélanes en une monstruosité, poison pour les oreilles. Je la regarde fixement, croyant encore comme un idiot, qu'elle me laisserait tranquille. Et encore une fois, je cède devant le froid de son regard si bien hérité de maman. Je prends le temps de m'étirer, histoire de ne pas lui laissait croire qu'elle avait tout à fait gagner et je m'engage dans ce parcours du combattant qu'est la traversée de ma chambre.

Par terre, entre des vêtements froissés, un matelas qui est devenu pour une nuit le lit d'une personne qui est désormais cachée sous un tas de couvertures. Je prends soin de passer par-dessus sans oublier de le frôler, histoire que je ne sois pas le seul à avoir un mauvais réveil. Puis machinalement, j'en fais de même pour toutes ces choses qui traînent ici depuis une éternité.

Merlin que je regrette d'avoir franchi cette porte… ici, l'effervescence règne et je me demande comment font les autres pour dormir, oubliant un instant que Morphée serait encore mon hôte si Ginny n'avait pas mis les pieds dans mon antre. Je la regarde s'éloigner en sautillant, passant outre mon envie de lui dire que sa chemise de nuit et bien trop courte et que ce n'est pas comme ça qu'elle va réattirer Harry jusqu'à elle. Oui je sais, le manque de sommeil me rend hagard.

La voix de maman vient soudain rompre la plaisante monotonie dans laquelle mon cerveau avait pris refuge. Et me plaquant le long du mur, j'essaies de gagner du temps, laissant Ginny prendre de l'avance. Mais c'est ce moment là que choisit Hermione pour faire son entrée dans ma ligne de vue. Elle, le nez plongé dans un livre, un stylo retenant ses cheveux et le visage totalement serein et intéressé. Je me laisse tomber le long de ce même mur, utilisant mes mains pour caches oreilles et je la regarde passer devant moi, m'ignorant comme elle sait si bien le faire. Sauf que… la voilà qui fait demi-tour, dans un geste de désespoir, je baisse la tête et passe mes mains derrière mon cou. J'espère tant que je le peux, qu'elle ne s'arrêtera pas ici. En vain… le sol vierge qui s'offrait à mon regard vient d'être troublé par l'arrivée impromptue de deux pieds. Je lève la tête en soupirant, avec cet air qui traduit un « tu veux quoi ? ».

Merlin ce n'est pas possible… ce n'est pas mon regard qui vient de trahir mes paroles mais bien le contraire. Je m'efforce de ne pas baisser les yeux, espérant me convaincre que c'est bien mon cerveau qui m'a demandé de dire cette phrase, idiote j'en convins. Son regard se teinte de cette nuance de colère, ses sourcils s'abaissent et je vois sa bouche s'ouvrir légèrement, prêt à lancer une de ces remarques cinglantes dont elle seule à le secret. Et pourtant… Elle détourne brusquement la tête et bientôt, son corps la suit. Je n'entends plus qu'un simple :

- Je crois que ta mère te cherchait Ronald.

Une voix posée et presque sympathique. J'ai envie de me lever, de passer en trombe devant elle et de lui faire comprendre que je ne suis pas un enfant de deux ans. Envie de lui montrer que j'existe réellement. Envie de la faire sortir de ses gonds, pour enfin avoir cette sensation qu'elle m'a vu, qu'elle s'intéresse un tant soit peu à moi. Mais je reste là, esclave de ma conscience qui semble, ce matin de juillet, s'être réveillée à mon plus grand damne.

- Idiot, je suis un idiot…

- J'allais te demander comment tu allais mais je viens d'avoir la réponse.

Je lève la tête vers cette silhouette qui vient s'asseoir au près de moi, et encore une fois, je détourne mon regard. Charlie est là, attendant que je me confie à son oreille. Comme lorsqu'on était petit. Cette phrase fait grossir cette boule qui depuis hier, ne cessait de défier mon cœur pour qu'il délivre tous ses secrets.

- Si tu veux…

Il ne finit pas sa phrase, je l'ai compris. Il va rester là, auprès de moi, sans un mot, attendant simplement que je lui dise de partir, ou que je lui raconte ce qui emprisonne mon esprit. Charlie a toujours fait ça, et c'est bien le seul finalement.

Bill a toujours eu cet esprit de grand frère, qui selon lui devait se charger de chacun des problèmes que rencontraient ses cadets. Je sais que lui n'aurait pas lâché le morceau avant de d'être sûr que le problème était résolu. Charlie lui, avait cette faculté de s'effacer… dans ces moments là, il n'était plus qu'une oreille. Une oreille qui parfois était doté de paroles, mais seulement quand je le demandais. Percy… oublions. Fred et George aussi sont là… et à leur manière, se sont les plus fort pour remettre le moral d'aplomb. Et puis Ginny… Je ne lui dis rien à Ginny, elle me fait tout dire. Et puis, ce n'est pas à elle de régler mes problèmes, c'est plutôt le contraire non ? J'aimerais être à ses yeux ce que Charlie est aux miens.

Voilà que le problème existentiel vînt à se poser… lui dire ou ne pas lui dire, là est la question. Je tourne mon regard vers lui sans bouger la tête, et son visage posé vers le néant me pousse à être moins renfermé. Après tout, je n'ai pas besoin de tout lui raconter. Pas besoin de lui dire que j'ai oublié comment j'avais rejoins ma chambre hier ; pas besoin de lui dire que j'ignore pourquoi après tout cet alcool ingurgité, je n'ai aucuns effets secondaires ; pas besoin de lui dire que je n'ai pas su retenir mes paroles, alors que j'avais tout fait pour ; pas besoin de lui dire que je suis un sombre crétin qui vient en quelques minutes d'envoyer boulet deux personnes et réveillé une troisième qui n'avait rien demandé à personne ; pas besoin de lui dire… il le sait déjà. Alors pour éviter de faire de lui, mon quatrième bouc émissaire de l'heure, je décide de céder à sa présence et sans me mouiller, j'opte pour une voix dégagée et je lui dis :

- Je viens de renvoyer Hermione d'une manière des moins… conventionnelles.

Je cherche son regard qui ne vient pas. Il est resté stoïque, comme à chaque fois. Je soupire alors, il a gagné. J'ai envie de me justifier et je commence maladroitement par mon célèbre :

- Mais c'est de sa faute…

Une nouvelle fois j'affronte son regard qui est toujours éteint. Et je reprends :

- J'étais assis là et elle n'a rien trouvé de mieux que de passer devant moi sans même un regard et quand elle a fait demi-tour, s'était pour me faire des reproches comme elle sait si bien les faire.

Regard toujours vide, il a gagné la guerre. Je me sens encore plus misérable et plein de regrets. Je me lève alors et décidé à le laisser là en plan, ce traître qui…

- Es-tu sûr de ça ?

Je m'arrête, coupé dans mon élan et j'affronte une bonne fois pour toute son regard de grand frère culpabilisateur.

- Bien sûr, elle le fait à chaque fois !

- A chaque fois… est-ce que sa veut dire que l'exception est rejetée ?

- Je… sais pas.

- Ne la pousse pas dans ses retranchements pour la forcer à te donner les réponses que tu cherches.

- Hein ! Des réponses à quoi ?

- Aux questions que tu ne t'avoues pas à toi-même.