Cher Ronald,
Bien qu'il me semble que tu ne t'inquiètes pas plus que ça pour tes amis, j'espère tout de même que tu prends plus de nouvelles de Harry que de moi. Tu sais tout comme moi qu'il a besoin de sentir qu'on est derrière lui pour l'encourager. Il n'a personne, ne l'oublions pas.
Tu dois sans doutes être surpris de cette lettre que je t'envois. Mais le sombre crétin que tu peux être ne change rien au fait que je m'inquiète pour toi. Encore plus en sachant que tu es si peu sûr de toi et apte à prendre tes décisions.
Ne crois pas pour autant que j'oublie ce qu'il s'est passé ce jour là, ne prend pas un seul instant cette lettre pour un pardon. J'aimerais que tu comprennes un jour que la portée de tes mots va bien plus loin que le bout de tes lèvres.
J'ai essayé de me persuader d'attendre ton premier pas, bien que je savais que cette perspective était aussi probable que de voir un magyar à pointe domestiqué mais… en ces temps de guerre, je continue à croire que l'union fait la force. Et l'attente ne peut pas être bénéfique à toutes les situations.
Amicalement,
Hermione Granger.
Je relie encore et encore cette écriture lisse et si bien ordonnée qu'est celle d'Hermione. Je suis content de voir qu'elle a fait des efforts d'écriture, cette fois, elle s'est abstenue d'utiliser les mots qu'elle seule sait dénicher dans ses dictionnaires moldus. Cette fois, j'ai tout compris et bizarrement, je me sens un peu bizarre, comme heureux de voir qu'elle avait pensé à moi. Certes, ses mots si bien posés sur le papier n'ont rien d'une belle preuve d'amitié en belles et dues formes, mais quand même.
Maintenant, le pire reste à venir, elle attend sans doute de moi une réponse qui va au-delà du : Salut, moi ça va et toi ? A bientôt. Mais je n'ai rien de spécial à lui dire. Je ne suis pas aussi doué qu'elle pour lui dire avec tact que c'est une idiote… Pas aussi doué qu'elle pour lui dire qu'elle ne s'est pas prendre ses décisions toute seule. Pas aussi doué pour… amicalement… ce mot me fait frémir et mon regard reste bloqué sur la forme arrondie de ses « a ». L'amitié fille/garçon existe-t-elle réellement ?
Je me sens déçu par ce mot, ce simple mot m'a fait perdre toute l'euphorie ressentie jusqu'à ce moment là. C'est vrai, pourquoi amicalement ? Pourquoi pas, tendrement ? Ou même bisous ! Oui, bisous, c'est bien ça ! Ou alors… Amou… je divague là.
« La portée de tes mots va bien plus loin que le bout de tes lèvres… » Pourquoi exactement ces mots ? Pourquoi pas : réfléchi avant de parler espèce de Troll boutonneux ? Pourquoi le bout de mes lèvres ? Machinalement, je passe mes doigts sur ces dernières, sentant les traits formés par leur état sec. Saleté de soleil… Saleté de peau… dix minutes sous un soleil de plombs sans un sort de protection et me voilà transformé en une momie desséchée et franchement pas attirante. Qui aurait envie de les toucher mes lèvres ? Sans doute pas Hermione…
Et voilà, pourquoi ai-je penser ça moi ? Elle parle de mes lèvres et me voilà à faire tout un mélodrame autour de ça… Elle aurait dit tu ne vois pas plus loin que le bout de tes pieds et je serais en train de me dire qu'ils sont bien trop grands, bien trop minces, sans aucunes formes et pas désirables du tout.
Lestement, je prends à mon tour une feuille de parchemin choisi parmi une dizaine parce qu'elle est encore présentable… à mon goût. Puis griffonnant quelques mots à la hâte, j'en arrive à une lettre typique de toutes les autres : vide de matières amicales. J'ai bien envie de lui envoyer celle là, mais finalement, celle de la bluffer une bonne fois pour toute l'emporte. Et me voilà à en recommencer une autre, puis encore une autre… J'ai beau faire quoi que ce soit, je n'arrive pas à mettre mes pensées sur feuille sans les faire ressembler à la bouillabaisse que veut nous faire manger Fleur. Finalement, l'écrit est sans doute réellement le reflet de l'auteur.
J'arrive à me convaincre qu'il vaut mieux que je laisse tomber, que finalement elle ne doit pas réellement s'attendre à une réponse de ma part et que de surcroît, elle pourrait comprendre que vu le ton de sa lettre, je n'ai pas vraiment envie d'y répondre. Mais c'est faux… j'ai envie de lui répondre et puis, je suis habitué à ce genre de mots… c'est vrai, ça a toujours été comme ça… Harry et elle, c'est de l'amitié fraternelle et elle et moi, c'est de l'amitié conflictuelle. N'empéche que des fois, j'aimerais bien que ça change… Qu'est-ce que je raconte moi ! C'est comme si je disais que je ne voulais plus taquiner Ginny sur ce maquillage qu'elle commence à mettre et ses robes de toutes les couleurs qui la font ressembler à ces pauvres moldus.
Merlin, il faut que je lui réponde, et tant pis si je ne lui dit pas ce qu'elle attend de moi. Je respire un bon coup et passant outre la tâche d'encre que je viens de faire sur le parchemin, je m'y mets.
Chère Hermione,
Là je ne me mouille pas, elle a mis exactement la même chose. Mais ensuite, ça se corse… voyons voir, première règle d'une lettre : répondre aux questions et affirmations de manière construite.
Est-ce que tu crois réellement que le manque de parole et une marque d'absence d'intention ? Si c'est vraiment le cas, je ne vois rien d'autre à ajouter. Mais sache que j'ai bien plus de nouvelles de lui que de toi et qu'en plus, il a la gentillesse de ne pas me reprocher mon manque d'attention. Je ne suis pas ton frère et encore moins ton père. Si tu ne veux pas me dire ce que tu fais de tes vacances, et bien c'est ton problème et si tu ne veux pas non plus savoir ce que je peux bien faire des miennes, c'est tant mieux.
Bon, et bien je crois que c'est exactement ce que je lui aurais répondu si elle m'avait dit ça en fasse… Voyons la suite…
Tu as raison sur une chose, je suis sans doute peu sûr de moi, car si ça avait été le cas, toutes ces choses que je t'ai dit ce soir là, je te les aurais dit avant et je n'aurais pas attendu que les vapeurs d'alcool me fassent monter la tête. Par contre, j'aimerais savoir pourquoi je devrais attendre un pardon de toi ? Pour t'avoir dit ce que je pensais ? Ou pour ne pas t'avoir laissé me démonter devant ma famille ?
Et voilà, on en arrive au sujet sensible, j'aurais sans doute préféré oublier ça mais comme je sais qu'elle ne doit pas vraiment vouloir en reparler, ce n'est pas un gros sacrifice.
Tu dis être mon amie, mais si ça avait été le cas, toutes ces remarques sur ce que j'ai pu faire avec Lavande l'année passée, tu les aurais gardé pour toi, et tu ne te serais pas amusée à faire rire mes frères avec ça ! Maintenant, tu peux bien dire ce que tu veux, rien ne serait en mesure de te défendre, et je vais finir par croire que la seule raison qui fait que tu es la seule à continuer à parler de ça, c'est une jalousie excessive.
Et sur ce coup Hermione, il n'y avait pas de premiers pas à faire puisque de mon côté, il ne s'est rien passé de spéciale. Je ne t'en veux pas alors si c'est ton cas, c'est bien à toi de venir.
Voilà, pour une fois, il me semble avoir tout dit… reste le mot de la fin que je garde en réserve et je me concentre pour arrondir mes lettres :
Amicalement,
Ronald Weasley dit le sombre crétin.
