Elle se sépare non sans délicatesse de mes lèvres et je reste là, les yeux fermés, espérant comme un idiot qu'elle va revenir par elle-même. Mais hélas, tout ça est bien fini et le moment du retour sur terre est imminent. Je regrette désormais cette pulsion, oui je le regrette. Je n'ai aucunement envie qu'elle croit que… que j'ai fait cela par désir. Non, je ne la désire pas. Pas elle.
Je rouvre les yeux péniblement et je la vois me fixer. Un regard étrangement vide qui me donne envie de vomir, oui c'est bien ça. Elle n'a rien ressentie et je m'en rends compte. Je ne peux rester là, à la laisser me démonter de son regard chocolaté et je lui dis :
- J'ai ma réponse.
Merlin que n'ai-je pas dit. J'en deviens assez crétin pour faire une atteinte à ma vie. Elle me regarde de haut en bas et se retourne, sans un mot. Fichu si je voulais qu'elle me propose de l'embrasser une nouvelle fois. Après tout, elle aurait pu me dire : « tu veux en être sûr ? », Merlin que j'aurais dit oui.
Je me surprends à sourire comme un idiot au souvenir de ce qu'il vient de se passer et je suis déjà parti sur une autre planète lorsqu'elle fait demi-tour. Moi, toujours souriant, trop occupé pour voir sa main prendre de l'élan et atterrir sur ma joue déjà bien rougie. La surprise d'un geste si violent de sa part me faire perdre l'équilibre et le pied de lit de Ginny devient le point d'atterrissage de ma tempe.
Merlin que j'ai mal… elle m'a touchée, réellement. Je passe ma main sur mon visage ou je crois sentir une larme me trahir, et je la remonte avec une pointe de sang. Je saigne… et pas qu'un peu. Mais je m'en fou, je peux bien mourir sur ce tapis qui n'est plus blanc, au moins, elle aura ma mort sur la conscience. Je vois déjà ma pierre tombale gravée à mon nom :
« Ici gît Ronald Bilius Weasley,
Sombre crétin au destin tragique,
Que son âme repose en paix. »
J'ai toujours trouvé ça idiot, mais je dois avouer que ça en jette. J'essaie de me rattraper à la descente de lit mais la tête me tourne et je m'étale lamentablement le visage entre les bras. Cette fois, je capitule… Au moins, je ne vois plus ses yeux, je ne vois plus rien d'ailleurs. Peut-être s'est-elle déjà enfoui ? Un délit de fuite, une marque de plus dans son cahier déjà bien chargé.
Puis je sens une main se poser sur mon épaule, me remuant à la manière dont on réveille quelqu'un et je l'entends renifler.
- Ron… excuse-moi… réveille-toi j't'en pris… parle-moi… Ron…
Pitoyable n'est-ce pas ? J'entends tout et je ne bouge pas. Je ne l'ai jamais entendue être aussi douce avec moi depuis… bien trop longtemps pour que je puisse m'en souvenir. Alors j'en profite un maximum, oubliant un instant que je suis au bord de l'agonie.
- Je… je vais aller chercher quelqu'un Ron… bouges pas…
Futée ai-je dis ? Comment veut-elle que je bouge ? Parfois Hermione peut-être surprenante, si perspicace. Minute, elle vient de dire qu'elle allait chercher…
- 'Mione.
Voix sèche et tremblante, je suis fier de moi, jamais souvenir de Ron je n'ai pu aussi bien jouer le malade. J'ai mal, certes mais elle va me le payer très cher.
Je relève la tête avec maladresse et cherche ce qui me bouffe les yeux. Elle est là, accroupie devant moi, essuyant d'un geste las les larmes qui salissent ses joues.
- Je suis là Ron.
Ca y est, ça marche, elle me croit aveugle et sa culpabilité ne peut qu'en être accrue.
- Je ne te vois pas !
- Je… Oh Ron !
Moi qui n'avais pas eu le droit à un seul Ron depuis bien longtemps, suis comblé. Je sens son corps se rapprocher du mien et ma tête se coller contre sa poitrine. Si elle savait la vue que j'ai à ce moment là, elle m'achèverait de suite. Les yeux grands ouverts j'en profite sans aucun remords, après tout c'est de sa faute si je suis dans cette position plutôt délicate… Et dire que j'ai mis du temps à me rendre compte que c'était une fille.
- Qu'est-ce qu'il se passe ici !
Grr la poisse… Ginny, retourne jouer avec tes poupées tu veux !
- Mais c'est du sang ?
Perspicace la frangine… Je suis son regard jusque son tapis et la voit elle-même me regarder d'un air affolé. Autant dire que je ne dois pas être beau à voir. Du moins, encore moins que d'habitude.
- Y'en a pas tant que ça, lui rétorquais-je. Ce n'est pas le bout du monde.
- Ronald ?
Je rêve ou Hermione m'a appelé Ronald ? Je crispe mes yeux et déforme ma bouche en une mimique de douleur. Espérant de cette manière m'extirper de ce piège à rat qui risque bien de devenir mon sarcophage.
- Ronald arrête ! Je croyais que tu ne voyais plus !
- Je… c'est revenu !
Ce qui n'est pas tout a fait faux. Mis à part un mal de tête insupportable, je ne ressens plus rien. Elle se relève et je la suis du regard. Où plutôt, je suis du regard la trace rouge que j'ai laissé sur son pull, au bon endroit. Mauvais idée, me voici désormais dans le rôle du méchant et je crois maintenant, que c'est foutu pour mon baiser de réconfort. Quoique…
- Attends ! Je te rappelle que c'est de ta faute si je me suis retrouvé par terre et de ta faute s'il y a du sang partout dans la chambre.
- MA FAUTE ! Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire RONALD ?
- Parce que je suis tombé tout seul selon toi ?
- Parce que j'ai eu l'envie subite de te gifler sans aucune raison ?
Un point pour elle… mais bon elle m'a giflé quand même.
- Tu m'as giflé !
Ma voix ressemble à celle des gamins qui n'ont pas eu ce qu'ils voulaient. Mais en y réfléchissant bien, je suis un peu dans ce cas moi aussi. Je relève la tête subitement, espérant lui faire comprendre que je lui en veut, ce qui est le cas, et qu'elle n'a eu que ce qu'elle méritait. Même si je n'en suis pas moi-même réellement sûr. Je remarque alors que Ginny nous a laissé en plan, décrétant sans doute qu'il valait mieux ne pas être le témoin dans ce genre d'affaire.
- Bon ça va, je m'excuse Ron, mais je ne te pardonnerais pas de m'avoir fais tourner en bourrique ! J'ai un cœur au cas ou tu ne le saurais pas et j'ai vraiment eu peur pour toi !
- Peur de quoi ? De me voir paralysé à vie ou de perdre la confiance que les gens ont en toi ?
- Tu es pathétique… ce qui est sûr, c'est que tu as perdu celle que j'avais en toi. C'était vraiment un coup bas.
Elle me tourne le dos et s'en va, me laissant seul entre deux états d'esprit contradictoires. Alors j'essaye comme un coup de poker :
- Ca va, je te pardonne…
Est-ce un sourire que je crois lire sur ces lèvres ? Ou alors une grimace montrant son mécontentement. L'un ou l'autre, j'ai eu son attention.
- Mais je veux un bisou quand même…
